TOUT EST DIT

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samedi 7 janvier 2012

"Le modèle chinois ébranle les certitudes américaines"

New York, correspondant - Installé depuis 2005 à New York, Ian Buruma est devenu l'un des intellectuels les plus en vue aux Etats-Unis. Il collabore à la New York Review of Books, au New York Times et au New Yorker. Polyglotte (néerlandais, anglais, allemand, chinois, japonais et français, quoi qu'il en dise), il a été l'éditeur des pages culturelles de la Far Eastern Economic Review, à Hongkong, et de The Spectator, à Londres. Aujourd'hui professeur de démocratie, droits de l'homme et journalisme à l'université Bard - "façon de dire que j'enseigne ce que je veux, c'est le charme du système universitaire américain", dit-il en riant -, il est un auteur polyvalent et prolifique. Nous avons interrogé cet intellectuel à focale large, prix Erasmus 2008, sur sa spécialité initiale : la Chine et l'Extrême-Orient.

Votre itinéraire vous place au carrefour de l'Asie, de l'Europe et de l'Amérique. En quoi cela influence-t-il votre regard sur le monde ? Mon père est néerlandais, ma mère anglaise d'origine juive allemande. L'Asie puis l'Amérique se sont ajoutées un peu par hasard. Très jeune, étudiant en langue et littérature chinoises, j'étais un cinéphile. Un jour, j'ai vu à Paris Domicile conjugal (1970), de François Truffaut. Le personnage d'Antoine Doinel y tombe amoureux de la Japonaise... et moi aussi ! A l'époque, aller en Chine était impossible. Je me suis donc tourné vers le Japon, où j'ai étudié le cinéma et participé à la troupe de danse Dairakudakan. L'Amérique est venue à moi tardivement, quand on m'a proposé d'y enseigner. Je me sens toujours plus européen qu'américain. Un Européen marié à une Japonaise et parfaitement chez lui à New York, la ville de la mixité.
Vous êtes progressiste et un produit typique du multiculturalisme. Pourquoi dénoncez-vous la "courte vue" des progressistes sur l'islam ? Je ne suis pas "progressiste". C'est ce pays tellement conservateur que sont les Etats-Unis qui m'a beaucoup poussé à gauche ! Je l'étais moins en Europe et en Asie. Je n'ai jamais admis les complaisances de gens de gauche pour toutes sortes de potentats sous le prétexte d'accepter les différences. Et je suis opposé à l'idéologie du multiculturalisme. Lorsque le terme décrit une réalité, il me convient. Sur le plan factuel, je suis multiculturel. Mais l'idée que les gens doivent impérativement préserver toutes leurs racines est absurde. Dans le cas célèbre d'un crime d'honneur commis en Allemagne, où le juge avait estimé que le criminel avait des circonstances atténuantes en raison de sa culture d'origine, je considère qu'il a tort.
Il y a des choses plus importantes que la culture. Je n'admets pas l'argument culturel pour justifier l'excision. En même temps, je suis plus tolérant que la loi française pour l'affichage des symboles religieux. Qu'une policière ou une enseignante soit interdite de porter le niqab dans ses fonctions, oui. Une personne dans la rue, non. Ce type d'interdiction n'est qu'une façon de dissuader des gens impopulaires d'adhérer à une religion impopulaire.
La peur des Japonais était très forte il y a vingt-cinq ans aux Etats-Unis. Comment expliquez-vous qu'un même phénomène soit aujourd'hui dirigé contre la Chine ? Les deux phénomènes ne sont pas similaires. Ce qui faisait peur aux Américains il y a une génération, c'était la visibilité des Japonais : Mitsubishi rachetait le Rockefeller Center, Toyota déboulait, etc. Leurs marques étaient très visibles. De plus, dans l'histoire américaine, les Japonais sont suspects. Aujourd'hui, les Américains se disent que, si les Chinois parviennent à la puissance qu'avaient les Japonais, ils seront bien plus dangereux. Mais, sur le fond, la menace nipponne avait été grandement exagérée et la menace chinoise l'est tout autant. D'abord, l'absence de liberté intellectuelle en Chine reste un obstacle très important pour son développement. Ensuite, l'intérêt des deux parties à préserver des liens l'emportera sur les forces poussant au conflit.
Quelle est la part de réalité et de fantasme dans cette tension montante ? Par fantasmes, vous entendez peur. Elle est fondée : la montée en puissance de la Chine ne pourra que réduire le pouvoir et l'influence américaine dans le monde. Après 1945, les Etats-Unis sont devenus le gendarme de l'Asie. Ce n'est plus le cas. Des peurs populistes sont également fondées sur des motifs socio-économiques. Mais je ne pense pas qu'elles atteignent le niveau des peurs antinippones de la fin des années 1980. Et les craintes de l'influence économique chinoise sont surtout concentrées dans les Etats de la vieille économie, où l'industrie lourde est en déclin.
Un sondage de l'Institut Pew a montré que les Américains croient que la Chine est devenue la première puissance économique mondiale. Or elle reste loin des Etats-Unis. C'est un fantasme typique... C'est une combinaison d'ignorance et de peurs, exploitées par des chroniqueurs de radios dans le but de blâmer Barack Obama. Mais je le répète : le déclin des Etats-Unis est un fait, comme la montée en puissance économique de l'Asie. Ce déclin génère un choc, dont il ne faut pas s'alarmer inconsidérément. Au début du XXe siècle, l'invention du personnage de Fu Manchu (sorte de génie du Mal incarnant le "péril jaune") avait provoqué un arrêt de l'immigration sino-nipponne en Amérique qui avait même eu un impact en Europe. A suivi la menace communiste, qui était, pour les Etats-Unis, loin d'être aussi réelle qu'on l'a présentée. Mais même la CIA y a sincèrement cru.
Les Etats-Unis sont un pays qui vit sous la peur constante de puissances extérieures qui menaceraient de faire disparaître son espace sécurisé. Ce pays a bâti et a été bâti par une société d'immigrés mais, dans le même temps, il pourchasse ces immigrés pour se protéger. Comme la France, du reste. Et, comme les Français, les Américains s'estiment porteurs d'une mission civilisatrice universelle. Or le "modèle chinois" ébranle leurs certitudes.
Est-ce parce que les Américains fondent leur économie sur l'idée que la liberté est le meilleur garant du succès, alors que les Chinois ont une croissance très supérieure avec un régime dictatorial ?
C'est exactement ça. Ce mélange chinois réussi de capitalisme et d'Etat fort est plus qu'une remise en cause, il est perçu comme une menace. Je ne vois pourtant pas monter une atmosphère très hostile à la Chine dans l'opinion. Depuis un siècle, les Américains ont toujours été plus prochinois que pronippons. Les missions chrétiennes ont toujours eu plus de succès en Chine qu'au Japon. Pour la droite fondamentaliste, ça compte. Et, dans les années 1980, des députés ont détruit des Toyota devant le Capitole ! On en reste loin.
Et le regard des Chinois sur les Etats-Unis, comment évolue-t-il ? Tout dépend de quels Chinois on parle, mais, pour résumer, c'est attirance-répulsion. Surtout parmi les classes éduquées qui rêvent d'envoyer leurs enfants dans les universités américaines et en même temps peuvent être emplies de ressentiment à l'égard d'une Amérique qu'elles perçoivent comme hostile, pour beaucoup à cause de la propagande de leur gouvernement. Du communisme comme justificatif du pouvoir il ne reste rien. Le nouveau dogme est un nationalisme fondé sur l'exacerbation d'un sentiment victimaire vis-à-vis du Japon et des Etats-Unis. En Chine, à Singapour, en Corée du Sud, on constate une forte ambivalence typique de certaines élites, par ailleurs fortement occidentalisées, pour qui le XXIe siècle sera asiatique. Dans les années 1960, au Japon, a émergé une nouvelle droite ultranationaliste, dont les représentants les plus virulents étaient professeurs de littérature allemande ou française. Ils voulaient se sentir acceptés, légitimes en termes occidentaux, et se sentaient rejetés. C'est ce que ressentent aujourd'hui les nationalistes chinois.
En 2010, vous avez écrit que la Chine est restée identique sur un aspect essentiel : elle est menée par une conception religieuse de la politique. Serait-elle politiquement soumise à l'influence du confucianisme, comme l'espace musulman le serait par le Coran ? Dans le cas chinois, il ne s'agit pas que de confucianisme ; le maoïsme était identique. Il n'y a aucune raison pour que les musulmans ne puissent accéder à la démocratie tout en préservant leur religion. La Turquie, l'Indonésie l'ont fait. La Chine le pourrait tout autant. Des sociétés de culture sinisante comme Taïwan ou la Corée du Sud ont montré qu'un changement est possible. L'obstacle à surmonter, en Chine, est que le confucianisme rejette la légitimité du conflit. L'harmonie est caractérisée par un ordre social ou règne l'unanimité. Donc la plus petite remise en cause apparaît instantanément menaçante.
Qu'est-ce qui pourrait déclencher un processus démocratique en Chine ? Le plus grand obstacle est l'alliance entre les élites urbaines et le Parti communiste. Les deux ont peur de l'énorme masse paysanne ignorante. Ces élites ont une telle histoire récente de violence et une telle peur d'un retour du chaos qu'elles préfèrent un ordre qui leur assure la croissance, au risque d'avancer vers la démocratie. Pour le pouvoir, la grande faiblesse de ce système est que, le jour où l'économie cesse de croître et que l'enrichissement des élites urbaines s'arrête, l'édifice s'écroule. Dans ce cas, tout pourrait advenir, d'une alliance entre démocrates, ressortissants des nouvelles élites, et une fraction du parti, jusqu'à un coup d'Etat militaire.

Dette grecque: Un conseiller allemand prône une plus forte décote

La décote de 50% prévue par le programme d'échange de titres obligataires grecs ne suffira pas à remettre la dette d'Athènes sur une base stable, estime un conseiller du ministre allemand de l'Economie dans une interview à un journal grec.

Les banques et les fonds d'investissement négocient avec Athènes les termes de l'échange de titres censé ramener le ratio de la dette grecque de 160% du produit intérieur brut, actuellement à 120%, d'ici 2020.

Cette mesure est le principal pilier du deuxième plan de sauvetage arrêté avec Athènes, d'un montant de 130 milliards d'euros.

La "participation du secteur privé" implique que les investisseurs privés détenant de la dette grecque et ayant accepté de participer à ce programme accepteront une décote de 50% sur la valeur de leurs avoirs, en échange d'un mélange de nouveaux titres et de numéraire.

Dans une interview à l'édition dominicale du journal grec Te Vima, l'universitaire Clemens Füst, conseiller du ministre Wolfgang Schäuble, a estimé que le niveau de la décote devait être plus élevé.

"Ce taux partait du principe qu'il serait accompagné d'un programme de consolidation économique de long terme, qui aurait ramené la dette à 120% du PIB annuel d'ici 2020", a-t-il déclaré.

"Mais une telle réduction ne suffira pas. La dette était déjà de 120% au début de la crise. Donc, la décote doit être supérieure à 50%."

Athènes demande le volontariat des investisseurs afin d'éviter le déclenchement d'un 'événement de crédit', qui signifierait que la Grèce n'est plus en mesure de rembourser ses créanciers.

Selon Füst, cette précaution met l'ensemble du processus en péril et il serait préférable que le programme soit obligatoire.

"De mon point de vue, la Grèce a déjà fait défaut. Je pense que le mieux serait d'admettre honnêtement que l'Etat grec ne peut honorer ses dettes. Ainsi, nous pourrions obtenir un meilleur accord."

Le spectre de la faillite revient en Grèce

Janvier s'annonce comme décisif à Athènes avec les négociations sur la décote grecque et le second plan d'aide de l'UE et du FMI. Si l'un de ces deux sujets ne donne pas de résultat positif, la Grèce sombrerait dans le défaut de paiement et la sortie de l'euro.

La Grèce, qui s'enfonce pour la cinquième année consécutive dans la récession, entame 2012 en faisant face, comme en 2010 et en 2011, au spectre brandi par ses créanciers et le gouvernement d'un défaut de paiement et d'une éventuelle sortie de la zone euro dès le mois de mars. En attendant la vraie rentrée du 9 janvier, après l'Epiphanie orthodoxe de vendredi, le Premier ministre Lucas Papademos s'est employé cette semaine à poser le décor d'une nouvelle année de souffrances.
Janvier sera le mois de tous les risques, le pays devant à la fois boucler les négociations avec ses créanciers privés appelés à effacer quelque 100 milliards de dette, et avec ses bailleurs de fonds publics, UE et FMI, en vue du versement d'une nouvelle tranche d'aide vitale pour le pays avant fin mars. "L'accord sur la réduction de la dette (...) ne peut pas être conclu et mis en oeuvre sans une conclusion des négociations pour un nouveau programme économique avec les pays européens et les organisations internationales qui nous financent. Aucun accord n'est indépendant, l'un est la condition de l'autre" a martelé M. Papademos jeudi, estimant que les "prochains trois mois" allaient être "particulièrement cruciaux".
En vue de l'arrivée prévue le 16 janvier à Athènes de la troïka représentant les créanciers, le Premier ministre avait aussi mis en garde mercredi contre un "défaut (de paiement) incontrôlé" auquel la Grèce pourrait faire face en mars - quand quelque 14 milliards d'obligations arriveront à expiration selon la presse - si patronat et syndicats ne s'entendent pas pour réduire les coûts du travail en vue de stimuler la compétitivité.
Après deux ans de mesures d'austérité qui ont touché principalement le secteur public, les bailleurs de fonds renforcent de fait leurs pressions pour obtenir la "dévaluation intérieure" jugée nécessaire par les décideurs économiques pour que le pays puisse un jour supporter seul le poids de sa dette. "Soit nous resterons dans la zone euro, abaissant ainsi le niveau de vie de tous nos citoyens, soit nous la quitterons, ce qui nous ferait reculer de plusieurs décennies", a averti en début de semaine le directeur de la Banque nationale de Grèce (BNG), Vassilis Rapanos.
A en croire tous les sondages, les Grecs ne considèrent pas l'alternative : s'ils rechignent à l'austérité, ils n'en soutiennent pas moins, à une majorité de plus des trois quart, le maintien dans l'euro, que le gouvernement qualifie pour sa part de "choix stratégique". "Nous ne pouvons pas escompter que d'autres Etats de l'Union européenne et les organisations internationales continuent à soutenir financièrement un pays qui ne s'adapte pas à la réalité et ne traite pas ses problèmes", a averti le Premier ministre.
En ligne de mire, selon la presse, le salaire minimum, actuellement fixé à 751,39 euros brut par mois, dont la revalorisation de 1,6% en juillet 2011 prévue par la convention nationale collective, a été critiquée dans la dernière revue de l'économie grecque menée par l'UE. Dans son dernier rapport sur la Grèce publié le 30 novembre, le FMI soulignait également que "l'indexation du salaire minimum sur le taux d'inflation dans l'Union européenne" est un "mécanisme en décalage avec l'inflation basse attendue et le besoin de restreinte salariale en Grèce".
La grande centrale syndicale du privé, GSEE, a toutefois rejeté mercredi toute baisse des salaires et insisté sur le respect des conventions salariales. "Nous ne sommes pas disposés à céder le moindre pouce sur le salaire garanti des travailleurs pauvres", a déclaré à la presse son chef, Yiannis Panagopoulos. Mais la pression est loin de porter uniquement sur les salaires. Les auditeurs du pays éplucheront aussi le bilan des économies budgétaires, l'avancée des privatisations, et la mise en oeuvre des réformes structurelles, dont celle, déja votée mais restée en souffrance, libéralisant une liste de professions protégées allant des camionneurs aux pharmacies en passant par les avocats.

Journal de campagne: TVA sociale, SeaFrance et polémique Hollande



Oser

Notre Président ose tout. C’est même à ça qu’on le reconnaît, depuis tout petit. À chaque fois, les gens raisonnables lui prédisent le désastre, qu’il n’a d’ailleurs pas toujours évité. Mais à chaque fois, il revient, décidé à oser plus pour gagner plus. Et en ce début d’année, notre Président ose à nouveau tout. Par exemple, imposer le vote d’une hausse d’impôt, la TVA sociale, à deux mois de l’élection. Contre sa majorité, contre une majorité de Français. Une mesure de « sale mec », dirait l’autre, à peine entré d’un demi-orteil dans son Rubicon. Pour faire bon poids, notre Président promet aussi de créer sa taxe sur les transactions financières tout seul comme un grand – un coup à gauche. Cela juste après avoir joué les dévots de la Pucelle – un coup à la droite de la droite. En clair, il ose prétendre nous refaire le coup de 2007. Oui, il ose, et c’est même à ça qu’on le reconnaît candidat.

La femme de l’année

On ne va tout de même pas pousser des cris de vierge effarouchée parce que le Président de la République a fait le voyage de Vaucouleurs pour célébrer le 600 ème anniversaire de la naissance de Jeanne d’Arc!

Que le chef de l’État honore la Pucelle, quoi de plus naturel? Elle incarne ce visage mythifié dans lequel chaque Français peut reconnaître une partie, magnifiée, de son identité historique. Elle personnifie - on l’a assez répété en boucle toute la journée d’hier - l’audace, la révolte, l’indépendance... Autant de substantifs qui apportent au pays cette féminité à la fois sauvage et indomptable. Une éternité charnelle en cotte de mailles à laquelle s’abandonne, confiant, voire extatique, le corps de la nation.

Tête nue, cette féministe avant l’heure était d’un modernisme échevelé, bravant - au XV ème siècle - l’autorité incontestée des hommes quand ses contemporaines étaient confinées dans un rôle et un statut parfaitement subalternes, sinon tout à fait inférieurs.

Cauchon a eu des successeurs, hélas. Il a fallu que, même libérée par les flammes de toute manipulation terrestre, elle soit à nouveau captive des manants qui voulaient confisquer son âme. Ils ont tous quelque chose de «Jeanne», disent-ils (ils appellent familièrement la jeune fille par son prénom).

Exhibant l’héroïne comme un trophée, ils s’en disputent les faveurs qu’elle leur aurait réservées, ils vous l’assurent. La voilà gadgétisée à intervalles réguliers, sa statue couverte de feuille d’or adulée au mépris de la modestie de cette bonne chrétienne, condamnée par ses thuriféraires de pacotille à porter haut, pendant des siècles et des siècles, l’étendard d’un monarque couard qui ne la méritait pas. Mais elle n’est jamais aussi émouvante que lorsqu’elle contemple, seule et silencieuse, dans les nuits solitaires et glaciales de Reims, les visages impénétrables des rois de Judée qui veillent, hiératiques sentinelles, sur la cathédrale des sacres, celle des rêves de grandeur et de paix, là même où la réconciliation franco-allemande scellée par De Gaulle et Adenauer voulut effacer les plaies des déchirements millénaires de l’Europe et réparer les blessures de ses nationalismes dévoyés.

«Jeanne» n’aurait demandé, sans doute, qu’à être laissée seule face à l’Histoire, délivrée du sang et des calculs politiciens contemporains, et que l’on emprisonne si volontiers dans des images d’Épinal. Et si dangereusement, parfois, dans des définitions législatives étriquées indignes d’une France vraiment libre.

De la polémique stérile au dialogue fécond

« Dans la crise actuelle, quelle serait, selon vous, la formule de gouvernement la plus efficace après la prochaine élection présidentielle ? » À cette question posée par le journal 20 Minutes, un sondage récent de l'Institut CSA donnait 55 % de réponses favorables à un gouvernement d'union nationale qui réunirait les meilleures personnalités de gauche, de droite ou du centre.

L'idée de coresponsabilité face aux grands problèmes existe donc dans notre démocratie. De là à constituer un gouvernement d'union nationale, il y aurait beaucoup de chemin à parcourir et beaucoup d'embûches à éviter si l'on voulait réellement y parvenir...

Il n'en reste pas moins que, sur un certain nombre de problèmes, des solutions faisant consensus devront être trouvées. De toute manière, elles s'imposeront par nécessité à tous. Cependant, il serait plus constructif qu'elles ne soient pas seulement subies mais, au contraire, qu'elles emportent une adhésion active des citoyens.

C'est cela que signifie, en réalité, la réponse au sondage évoqué ci-dessus. C'est cela qu'il ne faudrait pas rendre plus difficile, voire impossible par des polémiques de bas étage qui dévoieraient le débat démocratique dont nous avons besoin.

Malheureusement, la campagne électorale, qui n'est pas encore légalement commencée, semble déjà bien mal lancée : petites phrases quasi insultantes par-ci, calomnies par-là n'augurent rien de bon. De plus, le système qui personnalise à l'extrême la compétition fait que le respect dû à la personne des candidats peut être rapidement mis en cause. On a déjà constaté un certain nombre de dérapages. On risque alors de voir se développer un débat de plus en plus violent et agressif, entraînant soit une polarisation sur les extrêmes, soit une désaffection, sinon un dégoût, qui multiplierait les abstentions.

Se respecter mutuellement

La langue française est riche en expressions concernant les échanges d'idées entre les groupes et les personnes : « polémique », c'est-à-dire discussion agressive, mot venu du grec signifiant « qui a à voir avec la guerre » ; « controverse » qui étymologiquement évoque un choc ; « confrontation » ; « contestation » ; « discussion » ; « débat », mais aussi « dialogue ». Ce dernier mot évoque le terme « logos », la force de la parole partagée, échangée.

La démocratie est une belle et noble invention qu'il s'agit de pratiquer, de sauvegarder, à laquelle il faut donner vie pour qu'elle s'améliore toujours et permette l'épanouissement de ceux qui en font partie d'une manière ou d'une autre. C'est pour cela qu'il faut éviter d'abaisser le débat et savoir passer de la polémique stérile au dialogue fécond. De toute manière, salir l'adversaire, le démolir, l'écraser ne peut que rendre plus difficile l'avenir et, en particulier, la nécessaire cohésion de la société. Au contraire. C'est en respectant chacun que chacun se sent davantage devenir citoyen, membre effectif de la démocratie. C'est cela que favorise le dialogue, la discussion respectueuse de l'autre. C'est là que réside la fécondité démocratique.

« Entrer authentiquement en dialogue, c'est accepter de faire le plus long chemin possible avec l'interlocuteur. Une discussion véritable permet d'identifier le plus précisément possible la question qui se pose, puis de s'éclairer mutuellement sur les possibilités d'y apporter effectivement réponse... avant qu'on puisse trancher en son âme et conscience, selon ce qu'on estime être juste et vrai, juste et bon ». (1)

Ce texte résume bien la manière dont nous devrions avancer pour éclairer les choix à venir. Pour notre part, c'est dans cet esprit d'écoute, de repérage des enjeux essentiels et d'approfondissement que nous entendons couvrir la campagne présidentielle qui s'engage. Nous débutons cet effort aujourd'hui, en fin de journal, par une série sur ce qui a changé dans la vie quotidienne des Français depuis 2007. Ensuite, nous passerons en revue les nombreux chantiers qui attendent le futur président de la République.



(1) Mgr Joseph Doré, « À cause de Jésus ! Pourquoi je suis demeuré chrétien et reste catholique », Éditions Plon.