TOUT EST DIT

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mercredi 2 mars 2011

Minc condamne les propos de Jacob sur DSK

Alain Minc, proche conseiller de Nicolas Sarkozy, a jugé mercredi "insupportables" les propos du chef de file des députés UMP Christian Jacob reprochant au socialiste Dominique Strauss-Kahn de ne pas représenter "la France des terroirs". "L'idée de penser qu'un Français issu des terroirs est un meilleur Français que Dominique Strauss-Kahn, Nicolas Sarkozy ou moi, qui sommes des enfants de l'immigration, est quelque chose d'insupportable", a déclaré Alain Minc sur France Inter.
"J'avais détesté les propos de François Bayrou sur ce terreau-là à l'égard de Nicolas Sarkozy et je déteste au moins autant ceux de Christian Jacob à l'égard de Dominique Strauss-Kahn", a-t-il ajouté. "Et donc je mets M. Bayrou il y trois ans et M. Jacob aujourd'hui dans le même sac". Le 13 février sur Radio J, Christian Jacob avait dit à propos de DSK: "Ce n'est pas l'image de la France, l'image de la France rurale, l'image de la France des terroirs et des territoires, celle qu'on aime bien, celle à laquelle je suis attaché", provoquant de vives réactions à gauche.
Au printemps 2009, à la sortie du livre de François Bayrou "Abus de pouvoir", un pamphlet anti-Sarkozy, Alain Minc avait qualifié le président du MoDem de "Le Pen light". "Il veut jouer à Péguy, c'est-à-dire le catholicisme de progrès, je trouve que parfois il se rapproche de Barrès, c'est-à-dire le catholicisme réactionnaire, et je me demande s'il n'y a pas un soupçon d'ombre de Charles Maurras, c’est-à-dire un catholicisme hyper xénophobe qui parfois affleure", avait écrit alors l'essayiste.

Que valent les sondages à un an de la présidentielle?

Quelle importance faut-il accorder aux sondages politiques, publiés en nombre à plus d'un an de l'élection présidentielle? "Ce sont des intentions de vote", explique au JDD.fr le directeur du département opinion de l'Ifop, Frédéric Dabi, insistant sur le fait qu'ils ne sont en rien "prédictifs". Reste que, au vu des précédents, la situation de Nicolas Sarkozy reste délicate. 

La phrase est tranchée. Mais en disant cela, François Baroin a sûrement souhaité montrer que les sondages n'étaient pas une science exacte. En effet, ces enquêtes politiques n'ont pas pour but de prédire les résultats d'une élection quelle qu'elle soit. "Ce sont des intentions de vote, c'est-à-dire un rapport de force électoral à un moment donné", explique le directeur du département opinion de l'Ifop, Frédéric Dabi, joint par leJDD.fr. Toutefois, le sondeur relativise, précisant que, pour autant, les sondages "ne veulent pas rien dire", puisqu'ils "donnent une sorte d'information aux Français".
Une information qui n'est effectivement en rien "prédictive". Et ce, pour plusieurs raisons. A quatorze mois de la présidentielle, l'offre électorale n'est pas encore connue dans sa globalité: beaucoup de candidats ne se sont pas encore déclarés et peu de partis ont déjà choisi les personnalités qui les représenteront en 2012. D'autre part, il est encore trop tôt pour mesurer des dynamiques concrètes. "Pour cela, il faut attendre les dernières semaines avant l'élection. Actuellement, les Français s'intéressent à 2012, mais ne sont pas dans un contexte présidentiel", insiste Frédéric Dabi.

Sarkozy devancé par DSK dès le premier tour dans les sondages

Mais si François Baroin a voulu rassurer sur les chances du - probable - candidat Sarkozy à effectuer un second mandat à l'Elysée, reste que la situation est quand même quelque peu inédite. "On n'a jamais vu un président sortant être devancé (dans les sondages) au premier tour" à un an de la présidentielle, affirme le sondeur, en référence aux récentes enquêtes qui donnent Dominique Strauss-Kahn devant Nicolas Sarkozy dès le premier tour du scrutin. Dans un sondage CSA pour BFM TV/RMC/20 minutes, publié le 24 février, 28% des sondés déclarent qu'ils voteraient pour le patron du FMI si le premier tour avait lieu aujourd'hui, contre 23% pour Nicolas Sarkozy et 18% pour Marine Le Pen. Et nombreuses sont les études qui vont dans ce sens. Une première donc dans l'histoire de la Ve République. Pourtant perdant au final en 1981, même Valéry Giscard d'Estaing était largement donné vainqueur au premier tour dans les sondages à un an de la présidentielle. "Il y avait encore, à l'époque, une incertitude sur le candidat socialiste, entre Mitterrand et Rocard", tient à préciser le sondeur.
"Il y a des élections où, un an avant, je ne dirais pas que la messe était dite, mais il y a quand même une tendance nette qui se dessine", assure Frédéric Dabi. En citant l'exemple de la réélection de François Mitterrand en 1988: "Il n'y avait pas un sondage qui donnait Mitterrand perdant." Quelques années plus tard, en 2002, alors que tout le monde se prononçait pour un duel Chirac/Jospin, le Front national est arrivé au deuxième tour. "Il faut être extrêmement prudent, il peut se passer beaucoup de choses" en douze mois, précise donc le directeur du département opinion de l'Ifop.

Une cote de popularité très basse

Tout en restant prudent, plusieurs facteurs montrent quand même la situation délicate dans laquelle se trouve Nicolas Sarkozy. Si l’on reprend la cote des prédécesseurs de l'actuel chef de l'Etat qui ont brigué un second mandat, on s’aperçoit qu'à 500 jours de l'élection présidentielle, Nicolas Sarkozy occupe le bas du classement. En effet, en novembre 2010, seuls 32% des sondés se disaient "satisfaits" de son action, contre 47% pour Valéry Giscard d'Estaing, 56% pour Jacques Chirac et 61% pour François Mitterrand, le président le plus populaire. "La cote de popularité de Nicolas Sarkozy (mesurée dans le baromètre Ifop pour le JDD, ndlr) est très proche de son socle électoral" de 2007, précise Frédéric Dabi. Le sondeur met en avant d'autres différences notables: "Depuis les régionales de 2010, il est minoritaire en satisfaction chez les personnes âgées, qui sont pourtant son cœur de cible électoral; et depuis le remaniement de novembre dernier, il recule régulièrement chez les sympathisants UMP".
Alors, s'il est vrai que les sondages ne veulent pas tout dire, le combat risque d'être rude pour Nicolas Sarkozy d'ici 2012, car "jamais un président n'a été si bas à un an de la présidentielle".

20 ANS...DÉJÀ.


Gorbatchev, mal-aimé des Russes, fête discrètement ses 80 ans à Moscou

Le dernier dirigeant soviétique Mikhaïl Gorbatchev, célébré dans le monde pour avoir mis fin à la guerre froide, fête discrètement, mercredi 2 mars, ses 80 ans en Russie, où il suscite l'indifférence, voire le mépris. M. Gorbatchev, Prix Nobel de la paix en 1990, doit accueillir trois cents amis et proches dans une salle de banquet d'un centre commercial moscovite.

Le principal événement sera organisé à Londres, au Royal Albert Hall le 30 mars avec des acteurs, monarques et personnalités politiques du monde entier. Les recettes du concert, auquel participeront notamment Sharon Stone, Bryan Ferry et le groupe de rock Scorpions, iront au centre de traitement de la leucémie des enfants créé par son épouse Raïssa, morte des suites d'un cancer en 1999.
Les télévisions publiques russes ont diffusé des émissions sur la perestroïka et l'évolution de la carrière politique de Mikhaïl Gorbatchev. Les journaux ont publié des interviews, où il critique le régime russe actuel, et des commentaires sur son rôle pour la Russie, sans lui rendre un hommage particulier.
UN "LOURD HÉRITAGE ÉCONOMIQUE"
Le quotidien de référence Kommersant n'accorde aucune couverture à l'événement, alors que le journal économique Vedomosti analyse dans un éditorial les raisons de la chute de l'URSS, que la majorité des Russes attribuent à Gorbatchev. "Ce ne sont pas les réformes de Gorbatchev qui ont provoqué la chute de l'URSS, mais les problèmes économiques", écrit Vedomosti en soulignant que l'ex-dirigeant avait reçu "un lourd héritage économique".
Le quotidien officiel Rossiiskaïa Gazeta donne la parole à l'académicien Rouslan Grinberg, un ancien collaborateur de M. Gorbatchev, pour qui il reste "celui qui a dirigé le pays, entre espoirs et déceptions". A Ekaterinbourg, fief de l'ex-président russe Boris Eltsine, ennemi juré de M. Gorbatchev, l'avenue Lénine a été rebaptisée mercredi en avenue Gorbatchev, et un panneau où il est écrit "Merci Gorbatchev" y a été affiché, a rapporté l'agence Interfax.
Mais le jugement des Russes reste sans appel : près de la moitié d'entre eux éprouvent de l'indifférence envers Gorbatchev, 20 % éprouvent du "mépris" et seulement 10 % du "respect" pour l'ancien dirigeant. M. Gorbatchev ne désespère pas pour autant. "La lutte n'est pas finie. De plus en plus de Russes comprennent que Gorbatchev avait raison", estime-t-il dans un entretien à Komsomolskaïa Pravda publié mercredi.
"LES RACINES POURRIES" DU POUVOIR RUSSE
Il se souvient, dans cette interview, de son enfance dans "un bled perdu" dans le sud de la Russie "où il n'y avait ni radio ni électricité", où il a travaillé pendant cinq ans sur une moissonneuse-batteuse avec son père tout en rêvant de voyages. Il confie aussi que le moment le plus heureux de sa vie a été sa rencontre avec Raïssa, qu'il épousera à 22 ans et avec qui il vivra 46 ans. "J'ai pris 20 kilos après sa mort. La vie m'est devenue indifférente", témoigne-t-il.

Dans une autre interview au journal Argoumenty i Fakty, M. Gorbatchev critique un pouvoir russe dont "les racines sont pourries" et met en garde contre la répétition des scénarios des révolutions qui secouent les pays arabes. "Il ne faut pas agacer les gens et continuer de les priver" de liberté, prévient-il.

Les nouvelles frontières de l’Europe

Il y a trente ans, personne n’imaginait le processus qui aurait amené les pays du Pacte de Varsovie à adhérer à l’UE. A présent que les pays d’Afrique du Nord se soulèvent, l’Union devrait leur offrir la même occasion de renforcer la démocratie, en leur offrant la perspective d’une adhésion, écrit l’ancien directeur de The Economist dans La Stampa (Extraits). 
Nul ne devrait s'étonner que le colonel Kadhafi, retranché à Tripoli et avec plus de la moitié du pays (en termes de population) aux mains de l'opposition, se refuse à accepter la logique morale ou pratique de sa situation. En plus de quarante ans à la tête de la Libye, il n'a jamais fait preuve d'instinct moral ni pratique sauf pour préserver son pouvoir.
Quoiqu'il en soit, […] les évènements d'Egypte, de Tunisie et maintenant de Libye causeront une surprise qui nous envoie loin dans l'avenir. Ce sont les conséquences pour l'Union Européenne de la révolution démocratique qui s'étend dans une grande partie de l'Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Nous devons nous montrer patient avant d'évaluer jusqu'où ira cette révolution, comme nous l'avons été dans les premiers mois qui ont suivi la chute du mur de Berlin en 1989. Mais aujourd'hui comme à l'époque il est utile de réfléchir à ce qui va se passer et de faire des projets pour l'avenir.
L'évolution de l'UE s'est faite à partir d'une série d'idées qui semblaient tirées par les cheveux quand elles ont été proposées mais qui sont apparues par la suite comme inévitables. La prochaine de ces idées sera probablement l'élargissement de l'UE à la côte sud de la Méditerranée. Nul ne s'attend à une telle évolution actuellement : la France, l'Allemagne et plusieurs autres pays de l'UE ne peuvent même pas accepter l'idée d'une adhésion de la Turquie, qui est déjà une démocratie.

Elargir l'UE à la côte sud de la Méditerranée

Mais repensez au début des années 1990 : il est vite devenu évident que l'Europe occidentale avait vivement intérêt à favoriser la stabilité, l'amitié et le développement économique de ses voisins anciens satellites soviétiques. C'est ce qu'elle a fait au cours d'un long et lent processus qui a culminé par l'adhésion pleine et entière à l'EU de dix d'entre eux plus de dix ans plus tard. Tous les anciens satellites de l'Union Soviétique ne sont pas devenus des démocraties et tous n'ont pas rejoint l'UE. On verra probablement le même phénomène pour l'Afrique du Nord et le Moyen-Orient.
Songez toutefois aux parallèles qui existent entre la chute de l'Union Soviétique, à l'Est de l'UE, et la chute des dictatures arabes de la côte méridionale de la Méditerranée. Comme après 1989, le réveil arabe d'aujourd'hui présente pour l'Europe un vif intérêt et une occasion historique qui deviendront de plus en plus évidents au fil des mois et des années à venir, pour le meilleur et pour le pire.
Les Etats-Unis sont confrontés à des problèmes militaires délicats dans la région et seront tenus pour responsable de ce qui se produira ou ne se produira pas en Palestine. L'Europe a, comme après 1989, essentiellement des liens économiques et culturels à offrir, ce qui est plus positifs. Les pays européens sont déjà les plus grands partenaires commerciaux de la plupart des Etats d'Afrique du Nord ; l'Italie a des relations privilégiées en matière de gaz et de pétrole avec la Libye et l'Algérie par exemple. La logique de ces liens ne peut pointer à long terme que dans une direction : l'adhésion à l'UE, sous une forme ou une autre, de certains pays nord-africains.

Vers une Union européenne et Méditerranéenne

Plus qu'une adhésion pleine et entière telle qu'on l'entend aujourd'hui, on aura probablement une nouvelle sorte d'union qui connaîtra plusieurs formes d'adhésion. C'est déjà le cas actuellement avec la zone euro, qui ne regroupe que certains des 27 membres de l'UE, ou l'espace Schengen.
Il faudra donc trouver une nouvelle formule pour permettre l'intégration économique, puis la libre circulation des biens et le marché unique, des pays démocratiques d'Afrique du Nord. On s'arrêtera probablement avant la libre circulation du travail. Avec tout ceci, l'Union Européenne devra encore changer de nom pour devenir par exemple l'Union Européenne et Méditerranéenne.
Sans une telle proposition, sans ce projet à long terme, qu'est-ce que l'Europe aura à offrir aux nouvelles démocraties nord-africaines quand elles feront leur apparition ? Un peu d'aide et quelques places dans les universités, c'est tout. Pourtant, comme après la chute du mur de Berlin, nous avons une chose très précieuse à offrir pour inciter aux réformes démocratiques : la possibilité de nous rejoindre.
Cela paraît difficile, même sans parler de l'islam. N'oublions pas cependant que cette évolution serait logique politiquement et économiquement pour l'Europe. Après tout, la Méditerranée, en latin, c'est le centre de la terre, pas une sorte de frontière méridionale ni une barrière. Ce fut le centre de notre monde pendant des siècles. Elle fait partie du voisinage de l'Europe.

Un horizon néolibéral

Projet d'origine sociale-démocrate, la stratégie de Lisbonne n'a favorisé ni l'innovation ni la cohésion sociale dans l'UE. Au contraire, la Commission européenne l'a transformée en programme néolibéral. Et la stratégie 2020 qui lui succède va accentuer cette tendance, estime un économiste français. 

Il faut reconnaître aux (contre-)réformateurs néolibéraux des qualités qu’on ne trouve pas toujours chez leurs opposants : ils savent ce qu’ils veulent et ce qu’il faut faire pour l’obtenir, ils sont patients et ne se découragent pas. C’est encore une fois du côté de l’Union européenne qu’une partie de l’action se passe.
On se souvient de la "stratégie de Lisbonne" lancée en 2000, qui avait pour objectif de faire de l’Union européenne "l’économie de la connaissance la plus compétitive et la plus dynamique du monde d’ici à 2010". Elle se donnait des objectifs en matière d’innovation, de "cohésion sociale" et d’emploi. A peu près aucun n’a été atteint, bien que les taux d’emploi se soient rapprochés des 70% (de la population âgée de 20 à 64 ans) espérés. Mais les dépenses en recherche et développement ont faiblement augmenté et restent loin de la cible de 3% du PIB. Quant à la cohésion sociale, il suffit de remarquer que le risque de pauvreté (après transferts sociaux) a augmenté.
Ce bilan médiocre n’a pas empêché la Commission d’attribuer à la stratégie de Lisbonne la création de 18 millions d’emplois dans l’Union européenne. Ce chiffre ne mesurait cependant que l’augmentation de l’emploi en Europe entre 2000 et 2008. Créditer la stratégie de Lisbonne de l’ensemble de cette augmentation était donc un peu héroïque. Au passage, la moitié de ces créations correspondait à des emplois à temps partiel.

Un programme de réformes structurelles néothatchériennes

Le plus comique dans cette histoire est que la stratégie de Lisbonne avait été inspirée par des universitaires majoritairement classés "à gauche" et initialement mise en œuvre par des gouvernements supposés "de gauche". Mais l’affaire était tellement mal conçue dès le départ que cela avait été un jeu d’enfant pour la commission Barroso de récupérer le mouvement et de transformer une affaire gentiment social-démocrate tendance technologies de l’information en un programme de réformes structurelles néothatchériennes.
Ceci dit, la stratégie de Lisbonne à elle seule n’a eu qu’un faible impact sur les réformes structurelles menées dans les différents pays, ces dernières résultant de compromis politiques principalement nationaux. Mais elle a quand même joué un rôle de ressource politique et idéologique à disposition des acteurs nationaux.
La suite de l’histoire s’appelle "Europe 2020", "une stratégie pour une croissance intelligente, durable et inclusive". D’ici 10 ans, tout en Europe est supposé être "intelligent" : la croissance et l’économie bien sûr, mais aussi la réglementation, la spécialisation, les maisons, les réseaux, la gestion du trafic… Tout est supposé être durable aussi : l’économie, la croissance…
Pour le reste, peu de surprises : l’objectif de taux d’emploi passe à 75%, une politique industrielle visant à améliorer l’"environnement des entreprises", une réglementation "intelligente", forcément, qui doit diminuer le "fardeau administratif pesant sur les entreprises", l’approfondissement du marché unique notamment grâce à la directive "services" (née directive Bolkestein) et plus généralement la réaffirmation que la concurrence (comprendre : déréglementation, privatisations, démantèlement des services publics) favorise la croissance et l’innovation, ce qui reste douteux.

"Europe 2020" vient d’un document du lobby patronal européen

Bref, que du connu. Comme l’a montré le Corporate Europe Observatory, l’inspiration d’Europe 2020 vient en partie d’un document produit par le lobby patronal européen : "ERT’s Vision for a competitive Europe in 2025".
Ce qui est un peu nouveau concerne la gouvernance de la chose et doit se comprendre en lien avec une innovation récente dans ce domaine, le semestre européen, qui fait passer un examen aux budgets nationaux devant la Commission et le Conseil avant adoption par les parlements nationaux. La "discipline budgétaire" et les réformes structurelles sont ainsi réunies dans une "gouvernance plus forte": "L’assainissement budgétaire et la viabilité financière à long terme devront aller de pair avec d’importantes réformes structurelles, notamment dans les domaines des retraites, des soins de santé et des systèmes de protection sociale et d’éducation" (Europe 2020, page 28).
Sur le plan des réformes structurelles, rien de véritablement contraignant ne peut être mis en œuvre, mais de nouvelles ressources politiques sont mises à disposition des acteurs nationaux souhaitant suivre la voie néolibérale et il vaudra mieux avoir des finances publiques "saines" si on souhaite préserver son système de protection sociale.
 

Présidentielle : Pourquoi Sarkozy y croit toujours

Au plus mal dans les sondages, Sarkozy est-il encore le meilleur candidat en 2012 ? Certains à droite en doutent. Mais l'histoire montre que les jeux sont rarement joués quatorze mois avant le jour J.
 Et si Sarkozy allait dans le mur en 2012 ? Et si le président sortant, englué dans l'impopularité, avait perdu ce contact avec les Français qui lui avait permis de balayer ses rivaux en 2007 ? La question se murmure désormais parmi les députés UMP, qui savent leur sort aux prochaines législatives suspendu à la victoire de leur champion à la présidentielle. Car le chef de l'Etat a beau faire œuvre de pédagogie sur TF1 et sillonner méthodiquement le territoire – il était mardi en Seine-Saint-Denis, il sera jeudi au Puy-en-Velay (Haute-Loire) – rien n'y fait : sa cote de popularité reste désespérément collée au plancher. Pire, il a été contraint ce week-end de procéder à son deuxième remaniement en moins de quatre mois. Pour le président du groupe PS à l'Assemblée, Jean-Marc Ayrault, c'est clair : Sarkozy « est en perdition ».

« Ridicule ! »

Devant l'état-major de l'UMP réuni lundi à l'Elysée, Sarkozy n'a pas eu un mot sur le remaniement et le départ du gouvernement de Michèle Alliot-Marie et Brice Hortefeux. « C'était assez bizarre. Nous n'avons parlé que de fiscalité et de laïcité », témoigne un participant. Pourtant, il n'y a pas l'ombre d'un doute chez Sarkozy, assure son amie Isabelle Balkany : « Le Président est en pleine forme, serein et combatif. » Les sondages ? « On a connu bien des gens qui brillaient au firmament des sondages, mais dès que la campagne est lancée... »
Toute la majorité n'a pas pour autant la foi sarkozyste chevillée au corps. Certains, du coup, s'interrogent à voix basse. Le président sortant, candidat « naturel » de la droite, étant à la peine, un François Fillon ou un Alain Juppé, plus populaires, devraient-ils reprendre le drapeau ? « Ridicule, s'agace-t-on à l'Elysée. Les députés savent très bien qu'il n'y a qu'un seul candidat qui peut les faire gagner : Sarkozy. » La preuve ? Le sondage CSA pour BFMTV/RMC/20 Minutes publié jeudi dernier montre que, même en piteuse forme, Sarkozy est le seul à devancer Marine Le Pen au premier tour, contrairement à... Fillon. « Fillon meilleur candidat ? Il n'arrive même pas au second tour ! » ironise le député de Belfort Damien Meslot.
Surtout, à plus d'un an de la présidentielle, il est bien trop tôt pour s'inquiéter, insiste-t-on dans le camp sarkozyste. L'histoire l'a montré, le favori dans les sondages quatorze mois avant le scrutin est rarement le vainqueur à l'arrivée. Jacques Chirac en particulier a été systématiquement donné battu, en 1994 comme en 2001, pour finalement l'emporter. « Les Français se décident de plus en plus tard, souligne le député UMP de l'Oise, Edouard Courtial. Des études ont montré que 50 % le font dans la semaine qui précède l'élection, et 25 % le jour même du vote ! » Il en est convaincu : la donne changera dès que l'adversaire socialiste sera connu. « Pour l'instant, Sarkozy prend tous les coups, mais le jour où il y aura un candidat PS, ça dispersera le tir. » Et puis, « dire que c'est plus difficile aujourd'hui avec Sarkozy, c'est avoir la mémoire courte, renchérit Meslot. En 2004, avec Chirac et Raffarin, on se faisait beaucoup plus engueuler ! »

« Petit troupeau des peureux »

Signe qu'il existe pourtant bien une angoisse sourde au sein de la majorité, le Premier ministre François Fillon a appelé ses troupes, mardi, à resserrer les rangs sans « états d'âme » derrière « un président expérimenté, qui n'est pas né de la dernière pluie ». « Que des élus s'inquiètent à un an et demie des législatives, c'est normal, relativise un proche de Sarkozy. Mais ils savent qu'ils ont un socle solide : Copé à l'UMP, Fillon à Matignon, Sarkozy à l'Elysée, il n'y a pas mieux ! » Et un député fidèle de grincer : « Le petit troupeau des peureux sera le premier à brandir l'étendard Sarkozy quand il remontera dans les sondages. »

La mode “Sarkofoutu”

A treize mois du premier tour de l’élection présidentielle de 2012 le microcosme bruisse de rumeurs et de fantasmes.


La mode dominante qui ruisselle de partout c’est « Nicolas Sarkozy est cuit… avec une cote aussi basse il ne pourra pas redresser la barre » ; chez certains de ses amis et députés UMP on va encore plus loin en assurant qu’il a neuf chances sur dix de perdre.


Deuxième affirmation du microcosme, la vague bleu Marine Le Pen emporte tout, elle est autour de 20 % dans certains sondages elle va monter à 25 et arriver première devant Nicolas Sarkozy et le candidat socialiste. D’où la troisième certitude des mêmes, l’UMP va lâcher le Président et se trouver un sauveur à droite ! Et d’énumérer dans le désordre MM. Juppé, Fillon, Copé.


Au risque de contredire ces péremptoires vendeurs de la peau de l’ours il me semble qu’ils oublient plusieurs facteurs :


1. Nicolas Sarkozy est une formidable bête de campagne il l’a démontré en 2007. Quoi qu’il arrive il se représentera et personne à droite n’ira contre lui hormis Villepin. Si Nicolas Sarkozy accepte dans sa tête de reconnaître qu’il est le challenger et pas le favori il peut gagner.


2. Le sort d’une élection dépend des candidats en lice et on ne connaît pas le principal adversaire, le candidat PS ni le candidat écolo.


3. Les idées de la droite ne sont pas forcément minoritaires et les réformes accomplies non négligeables.


4. Le noyau dur du sarkozysme est à 25 %, celui de Chirac était à moins de 20 %. Tout peut donc arriver en 2012.

Pour 81 % des Français, la voix de la France faiblit dans le monde

La grande majorité des Français (81 %) estime que le rôle de la France dans le monde est en train de s'affaiblir, après que Paris a paru incapable de prendre la mesure des soulèvements populaires dans le monde arabe, selon un sondage diffusé mercredi par la chaîne de télévision Canal+. Seules 7 % des personnes interrogées pensent que le rôle de la France se renforce, 7 % considérant qu'il n'y a pas de changement, révèle cette étude réalisée par l'institut TNS Sofres pour Canal+.
Cette appréciation générale de déclin se retrouve quelles que soient les préférences politiques des sondés : sympathisants d'extrême droite (90 %), de gauche (86 %), de la droite présidentielle (65 %). Pour Canal+, "l'impact des récents évènements liés aux conséquences des révoltes dans les pays arabes est donc patent : attitude de la France vis-à-vis des dictatures renversées, voyage controversé de Michèle Alliot-Marie en Tunisie avec ses parents, remise en cause de la politique étrangère de la France par certains diplomates".
Mais la chaîne de télévision lie aussi le sentiment de déclin de la France dans le monde au décrochage du président Nicolas Sarkozy dans l'opinion depuis 2007-2008. En août 2007, peu après l'élection de Nicolas Sarkozy, 50 % des Français estimaient que le rôle de la France dans le monde se renforçait. A l'heure actuelle, la France et notamment sa diplomatie se trouvent sous le feu des critiques, après l'incapacité à prendre la mesure du vent de liberté qui parcourt le monde arabe, et après des semaines de violentes critiques sur la proximité de Paris avec des régimes autoritaires.
Cette crise s'est traduite par un changement à la tête de la diplomatie française, avec la prise de fonctions mardi d'Alain Juppé au ministère des affaires étrangères, en remplacement de Michèle Alliot-Marie, qui a démissionné dimanche sous la pression, trois mois seulement après sa nomination. "Ma volonté sera de continuer de faire entendre la voix de la France parce qu'elle est forte d'ores et déjà", a assuré mardi M. Juppé.

CES 81% DE FRANÇAIS QUI ESTIMENT QUE LA VOIX DE LA FRANCE FAIBLIT DANS LE MONDE NE DOIVENT PAS ACCUSER SEULEMENT LEURS DIRIGENTS, ILS VONT EUX-MÊME EN VACANCES À L'ÉTRANGER, POUR UNE MINORITÉ D'ENTRE EUX (question de langue, les français sont si mauvais en anglais et encore plus en d'autres langues) ET ILS REPRÉSENTENT LA FRANCE, PORTENT AUSSI SA PAROLE, MAL VUE  D'AILLEURS. ALORS UN PEU DE RAISON, MESSIEURS LES SONDEURS.

Le commentaire politique de Christophe Barbier



Il suffit de passer le Rhin

Il n’a pas réveillonné chez les proches d’un tyran oriental. Ni servi des “emplois fictifs” à quelques copains et coquins. Ni flirté avec le moindre “conflit d’intérêts”, étant né riche et baron. Plus de 75 % des citoyens, en outre, approuvent son action et lui prédisent un avenir glorieux. Voici le successeur annoncé d’Angela… Hier, le ministre de la Défense allemand a pourtant démissionné. Karl-Theodor zu Guttenberg ne sera jamais chancelier, en dépit de ses compétences.

À 39 ans, l’emblématique espoir de la CSU quitte la partie pour cause de manquement à l’éthique. Sa faute, considérée d’ici, va paraître vénielle. Il a juste un peu triché, en 2006, à l’obtention de sa thèse de droit public. Nombre de ses pages étaient constituées “d’emprunts” à d’autres travaux, sans que l’auteur ne juge utile de les signaler. S’apercevant enfin de l’indélicatesse, l’université de Bayreuth a rejeté sa “copie” — c’est le mot qui convient.

Pour avoir joué les plagiaires, comme le premier PPDA venu, le populaire “KT” se trouve discrédité. On ne plaisante pas, au pays de Luther, avec le titre de “doktor”. Encore moins avec l’intégrité du ministre. Le président du Bundestag, bien que du même bord, l’accuse “de nuire à la confiance dans la démocratie”.

L’honneur commandait de partir, non de s’accrocher pathétiquement à son poste. Guttenberg est parti. On voit que morale et politique peuvent toujours se concilier. Il suffit de passer le Rhin…

Prophète


Il a présidé à une profonde rupture de son pays. Il en a été haï par son peuple. Depuis, il est devenu riche... C’est qui ? Non, c’est pas lui, vous vous trompez, il n’est pas français, il est russe. Il s’appelle Mikhaïl Gorbatchev et célèbre aujourd’hui ses 80 ans - dont vingt années de détestation populaire, depuis qu’il a liquidé l’URSS. Gorbatchev restera dans l’Histoire comme l’icône d’une vérité politique: nul n’est prophète en son pays. Dans l’opinion des Russes, il est le fossoyeur d’un empire et l’affameur d’un peuple - l’assoiffeur, aussi, qui prétendait interdire la vodka. Dans le reste du monde, surtout en Europe ex-«de l’Est», il est le sauveur, qui a permis la libération en retenant ses soldats. Curieux destin, n’est-ce pas, qui pose une question à tous les dirigeants politiques: vaut-il mieux être populaire sans rien faire, ou détesté pour avoir trop fait, trop vite ?

Nos « amis » russes et chinois


La Tunisie, l'Égypte d'abord. Le régime du colonel Kadhafi qui vacille. Bahreïn secoué. Le pouvoir algérien qui lâche du lest... Nous nous interrogeons sur l'aveuglement des démocraties occidentales qui se sont montrées souvent complaisantes avec des dirigeants qui offraient, entre autres avantages, celui de la « stabilité ». Ils préservaient les équilibres diplomatiques délicats, assuraient les contrats économiques en cours, pétroliers notamment, etc. Des partenaires peu sympathiques, mais prévisibles.


Nous avons découvert que si, en public, on « se bouchait le nez », les fréquentations répétées de ces partenaires avaient fini par tisser des amitiés troubles ou du moins peu lucides.


Cet aveuglement ou cette complaisance font penser, dans un autre ordre, à la crise financière dont nous peinons à nous relever. Il a fallu la folie des subprimes pour qu'on s'avise que le monde de la finance et du capitalisme mondialisé avait perdu contact avec le sens élémentaire des réalités humaines. Toutes les leçons n'ont pas été tirées.


Parmi les grands interlocuteurs des pays occidentaux, il en est deux qui présentent des caractéristiques étrangement semblables à celles de la Libye, de la Tunisie, ou de l'Égypte. Ces pays limitent les libertés politiques, répriment les voix dissidentes, s'en prennent aux journalistes désobéissants, mettent les ONG sous surveillance, musellent les oppositions, y compris par la manière forte. La corruption de l'appareil d'État et des administrations locales y fleurit presque sans limites. Une petite minorité s'accapare la richesse, et la justice y est aux ordres. Ces deux pays s'appellent la Russie et la Chine.


On donne à Poutine et Medvedev du « mon ami », comme on le faisait, hier, avec Moubarak. On déroule le tapis rouge pour Hu Jintao, alors que le Prix Nobel de la paix croupit en prison et que les avocats, qui défendent les victimes du « modèle chinois », sont aujourd'hui la première cible de l'arbitraire... La Chine serait-elle déjà trop puissante ? Le gaz russe n'aurait-il pas d'odeur ? On nous explique parfois que les peuples russes et chinois ne sont pas prêts à la démocratie, on laisse sous-entendre qu'ils n'aspirent pas aux libertés fondamentales, que leurs mentalités sont différentes... Mais on a laissé la Russie installer son « ordre » chaotique dans le Caucase, devenu plus instable que jamais. Et les Jeux Olympiques à Sotchi (sur les bords de la Mer Noire), en 2014, s'annoncent aussi problématiques que le furent ceux de Pékin, sur fond de répression contre les Tibétains et les Ouïgours...


Pourrait-on reconnaître que les peuples de Russie et de Chine ne sont pas différents des autres ? D'ailleurs, sur le web, des invitations à des « rassemblements du jasmin » invitent les Chinois à une nouvelle forme, sinon de désobéissance, du moins de désaveu civique. Pourrait-on convenir que la liberté n'est pas une menace, mais un droit ?


Rude tâche pour notre nouveau ministre des Affaires étrangères, Alain Juppé, que de trouver le ton juste, avec ses collègues européens. Il nous faut pour cela retrouver la confiance en l'homme, de quelque origine ou de quelque confession qu'il soit. Et cela commence... en France !

(*) Éditeur et écrivain.

Un baron trop gênant

Un(e) ministre qui démissionne, ou plutôt poussé(e) dehors… Cette fois-ci, il ne s’agit pas de la France mais de l’Allemagne où une thèse de doctorat plagiée à 70 %, paraît-il, coûte son poste, et peut-être sa carrière, à Karl-Theodor zu Guttenberg, étoile montante de la politique allemande. Certes, rien de transcendant ni de révolutionnaire dans ce travail d’étudiant puisque la thèse en question compile en près de 500 pages des réflexions sur la constitution américaine et les diverses constitutions européennes. Mais, outre-Rhin, un vrai scandale.

Un scandale sociétal, d’abord, puisque chez nos voisins le titre de «Herr» ou «Frau Doktor» enregistré par l’état civil assure un parcours rapide dans le public comme dans le privé, à l’image d’une promotion de grande école française. Il donne rang dans l’«aristocratie» bourgeoise… Un rang dont pourtant l’authentique et très fortuné baron n’avait pas vraiment besoin. Et quelle suspicion portée sur les universités ! Combien de jurys de thèses se donnent-ils vraiment la peine d’étudier le travail de leurs doctorants ? Combien de thèses rédigées par des «nègres» ou des officines spécialisées ?

Mais le vrai scandale dénoncé par l’opposition, évidemment vertueuse, porte sur le déni de confiance. Un ministre, n’est-ce pas, se doit d’être sans reproche. Surtout lorsqu’il est en charge de la Défense et confronté à l’impopulaire déploiement de la Bundeswehr en Afghanistan. Quand le même ministre, et c’est de plus en plus fréquent, doit prononcer l’éloge des soldats tués en mission dans ce pays lointain, rappelant le «devoir accompli» au nom des «valeurs de la démocratie»...

Certes, politique et morale font rarement bon ménage. Les grandes phrases des uns et les tonitruantes indignations des autres cachent peut-être autre chose. La chute de «KT» ne fait pas que des malheureux, y compris dans son propre camp ! Le baron et sa belle épouse (une comtesse Bismarck), adulés par la presse people, commençaient à faire beaucoup d’ombre aux caciques chrétiens-démocrates, sous l’œil sourcilleux de la chancelière Merkel. Le Bavarois de la CSU pouvait un jour prétendre aux plus hautes fonctions…

Plus généralement, l’affaire Guttenberg accentue le malaise auquel est déjà confronté le gouvernement de Berlin, en perte de crédibilité dans les sondages. La coalition CDU/CSU – FDP au pouvoir fonctionne cahin-caha. Les beaux chiffres de l’économie cachent mal une situation sociale dégradée (appel massif à des travailleurs intérimaires sous-payés, services publics déficients dans des communes surendettées, émergence d’une classe d’assistés, les «Hartz IV», fin programmée de l’«État providence»...). Et le gouvernement fédéral, déjà en minorité au Bundesrat (la chambre des Länder dont l’avis est déterminant pour pratiquement toutes les questions budgétaires) doit encore faire face à six élections régionales en 2011. La plus périlleuse pour les chrétiens-démocrates de la chancelière et leurs alliés libéraux sera celle du 27 mars au Bade-Wurtemberg, fief CDU et berceau du FDP. En mai 2005, le gouvernement Schröder avait été contraint à l’abandon après avoir perdu la Rhénanie-Westphalie du Nord, fief social-démocrate…

Le sens de l’État


Deux jours après la démission de Michèle Alliot-Marie en France, le gouvernement allemand a perdu à son tour un poids lourd, hier, en la personne de Karl-Theodor von und zu Guttenberg, le ministre de la Défense, accusé de plagiat dans la rédaction de sa thèse, en 2007. Celle-ci lui a été retirée la semaine dernière, après que la star de l’équipe d’Angela Merkel eut admis de « graves fautes » dans son travail. On ne bafoue pas, en Allemagne, le titre envié de « Herr Doktor ». Le jeune ministre l’a vérifié à ses dépens.


Son attitude consistant à payer sa faute ne manque pas de grandeur, et la comparaison entre l’interminable crise politique engendrée par les vacances de Noël de Michèle Alliot-Marie et le rapide dénouement allemand (quinze jours après les premières révélations) n’est pas à l’avantage des politiques français. Contrairement à sa collègue hexagonale, « KT » n’était pas ministre à l’époque des faits qui lui sont reprochés. Il n’a terni que très indirectement l’aura du gouvernement de son pays, alors que « Mam » a paralysé toute la politique étrangère française, avec son périple tunisien et les explications abracadabrantesques qu’elle a fournies en justification.


Fort d’une popularité intacte (73 % !) le ministre allemand bénéficiait aussi du soutien de sa chancelière. Il aurait pu se battre pour rester au gouvernement. Il a choisi d’assumer et de partir, évitant ainsi de compliquer la tâche d’Angela Merkel, qui vient d’enregistrer une sévère défaite à Hambourg et qui se trouve devant des échéances électorales périlleuses dans plusieurs autres Länder. Tout l’inverse de l’attitude de Michèle Alliot-Marie : bien que surprise les doigts dans le pot de confiture, elle a farouchement nié tout « manquement » et s’est accrochée à son maroquin pendant des semaines et des semaines, n’hésitant pas à plomber l’ensemble du gouvernement. Son compagnon Patrick Ollier, qui faisait partie du voyage tunisien, reste quant à lui bien au chaud dans son fauteuil de ministre des Relations avec le Parlement. Il avait pourtant promis de démissionner si Mam était limogée. Paroles, paroles des responsables français… Triste palinodie.


Les humains restent humains et sujets à des faiblesses coupables des deux côtés du Rhin. Il faut cependant avouer qu’à Berlin, cette semaine, le fauteur a su garder le sens de l’État, alors qu’à Paris le couple Mam-Pom s’est arrêté au sens… de la famille.

Enjeu personnel


À fleurets pas mouchetés, l'escarmouche sur l'emploi du temps du maire de Bordeaux en disait long sur les relations à venir entre François Fillon et Alain Juppé. Pour le moment « avantage Juppé ». En obtenant les départs que Nicolas Sarkozy avait refusés à François Fillon lors de la prolongation de son bail à Matignon, le patron du Quai d'Orsay s'est positionné en recours éventuel de la droite. Et s'est désigné le Premier ministre pour adversaire. Nicolas Sarkozy qui voulait faire de la politique étrangère le levier de sa « représidentialisation » est le grand perdant de sa propre stratégie. En admettant qu'il est en panne de résultats à l'international, comme dans la lutte contre l'insécurité, le président de la République s'est mis entre les mains de son ministre des Affaires étrangères.


Les G8 et G20 français clôtureront l'année politique par une séquence internationale forte. Alain Juppé en profitera pour chercher à imposer sa stature d'homme d'État et à faire oublier les erreurs sur le Moyen-Orient ou sur le Mexique. S'il parvient à rendre une cohérence à notre politique étrangère, il apparaîtra comme un vice-président plus que comme un Premier ministre bis. Mais, même si la louange excessive n'a pas lésiné sur son talent, le nouveau ministre aura du mal à effacer cette période diplomatique désastreuse.


D'autant qu'il cherchera sans doute à ne pas trop s'exposer tant il est évident qu'Alain Juppé n'est pas revenu dans le circuit gouvernemental seulement pour mettre son expérience au service de la France. En se posant en candidat de substitution à droite c'est son image qu'il veut peaufiner. Ce retour calculé est sa dernière carte et il n'en fait pas mystère.


Le véritable handicap pour Alain Juppé c'est qu'il retrouve l'avant-scène à la faveur d'une crise de la diplomatie. Or la France attend aujourd'hui d'un « homme neuf » qu'il soit le promoteur d'une politique sociale et économique neuve. Nous venons d'assister à un changement de têtes plus qu'à l'avènement d'une autre gouvernance. Tant que le discours présidentiel continuera à nous dire que nos problèmes viennent des aspirations à la liberté des peuples arabes, Juppé sera en danger d'être perçu comme un faux homme fort.

La petite musique de François Fillon

Entre Nicolas Sarkozy et François Fillon, les relations n'ont jamais été faciles. Le fait est que l'attelage résiste aux caprices du temps et des tempéraments et qu'il avance, cahin-caha, sur la route de 2012. La sobriété du Premier ministre est appréciée à droite ; sa popularité, fût-elle écornée, appréciable. L'hôte de Matignon a su se défaire du rôle de collaborateur dans lequel celui de l'Elysée voulait le confiner. Pourtant, de remaniement en remaniement, il n'a pu pousser son avantage. Il avait été l'homme fort du précédent, au point d'imposer son maintien. Il serait plutôt l'homme oublié et transparent du casting mis en place ce week-end à la Lanterne. Son étoile a pâli ; il a été relégué au rang de spectateur assistant à la redistribution des postes régaliens. Son effacement lors de la fâcheuse séquence MAM n'a pas manqué d'être remarqué. Enfermé dans le silence, il a en outre paru meurtri par les attaques sur ses vacances égyptiennes. Elles l'ont affaibli. La nouvelle ère gouvernementale lui permettra-t-elle de revenir sur le devant de la scène ? En tout cas la promotion d'Alain Juppé, vieux routier du circuit, lui fera de l'ombre. D'autant que celui qu'on qualifie déjà de vice-Premier ministre a posé, et obtenu, les conditions d'une relative autonomie. Il est prêt à se poser en sauveur si le quinquennat tournait vinaigre. Quant au fidèle Claude Guéant, nul doute qu'à l'Intérieur il sera en ligne directe avec l'Elysée, sinon sous tutelle. Le rayon d'influence de François Fillon a réduit au lavage mais il entend continuer à marquer sa différence. Ainsi, hier, il a successsivement défendu MAM (non citée dimanche par Sarkozy), appris la nomination d'Hortefeux à... la présidence (non annoncée par Sarkozy) et prévenu qu'il ne laisserait pas déraper le débat (initié par Sarkozy) sur l'islam.

Saïf Al-Islam Kadhafi soupçonné de plagiat universitaire

Selon les déclarations d'un de ses porte-parole, la prestigieuse London School of Economics (LSE) enquête pour établir si le fils cadet du dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, Saïf Al-Islam, s'est rendu coupable de plagiat dans sa thèse de philosophie sur le thème "Le rôle de la société civile dans la démocratisation des institutions de gouvernance internationale", datée de septembre 2007. 
"L'école prend très au sérieux toutes les affirmations de plagiat et étudie la question conformément aux procédures de la LSE", a indiqué ce porte-parole mardi 1er mars. Les accusations ont été lancées par des universitaires qui ont souhaité garder l'anonymat, selon le journal des étudiants de la LSE, The Beaver.
HOMME D'INFLUENCE
La semaine dernière, l'université avait annoncé couper tous ses liens avec Saïf Al-Islam, en stoppant notamment un programme d'études sur l'Afrique du Nord, mis en place grâce à une dotation d'une fondation du fils de Mouammar Kadhafi, et un programme de formation de fonctionnaires libyens.
Homme d'influence, Saïf Al-Islam n'occupe pas de fonctions officielles en Libye, mais il s'est distingué ces dernières années en tant qu'émissaire du régime de ce pays, en proie depuis le 15 février à une révolte réprimée dans le sang.

PLAGIAIRE, SAÎF-ISLAM KADHAFI ? JE N'Y CROIS PAS, SON VISAGE RESPIRE TELLEMENT L'INTELLIGENCE !!!!!

Un quotidien égyptien relance les spéculations sur l'état de santé de Moubarak

Hosni Moubarak serait hospitalisé en Arabie saoudite, affirme mercredi le quotidien égyptien Al-Akhbar, relançant les spéculations sur l'état de sante de l'ex-président égyptien. Aucun commentaire n'a pu être obtenu dans l'immédiat auprès du Conseil suprême des forces armées, désormais aux commandes du pays. Mais une source militaire avait démenti, mardi, une précédente information de presse selon laquelle l'ex-raïs, qui est âgé de 82 ans, aurait été admis dans un hôpital du Caire après avoir tenté de fuir le pays avec les membres de sa famille.
Le quotidien Al-Akhbar, qui cite des "sources informées", précise que M. Moubarak se trouverait dans un hôpital militaire de la ville saoudienne de Tabouk pour soigner par chimiothérapie un cancer du côlon et du pancréas. L'ancien président, qui a démissionné le 11 février, se soumettrait à une séance de chimiothérapie d'une heure tous les cinq jours, ajoute le journal. Sa famille serait à ses côtés. L'état de santé d'Hosni Moubarak, qui a subi en mars 2010 en Allemagne une intervention à la vésicule biliaire, est au centre de nombreuses interrogations depuis des mois. D'après les autorités égyptiennes, qui lui ont interdit lundi de quitter le territoire, il se trouve à Charm el-Cheikh, sur les bords de la mer Rouge.

Jacob Zuma

Le président sud-africain, auteur d'un rebond politique sur ses terres grâce au Mondial de foot de l'an dernier, démontre qu'il n'en veut pas à la France pour l'attitude désastreuse de son équipe à cette occasion. Sa visite à Paris sera même l'occasion pour le successeur de Nelson Mandela de travailler à se forger une image à la hauteur de son illustre modèle. Il lui reste encore du chemin à parcourir. Certes, cet autodidacte, fils d'une domestique qui gardait les chèvres quand il avait six ans, a suivi dans les rangs de l'ANC l'apprentissage qu'il n'a pu effectuer sur les bancs de l'école. A l'instar du père de la nation sud-africaine, il a connu la rigueur du pénitencier de Robben Island, où il tuait l'ennui en arbitrant des matchs de foot. Mais lui, en revanche, n'a pas dû à son seul engagement politique de fréquenter les tribunaux. Les poursuites pour corruption engagées contre lui à propos d'un contrat d'armement avec Thales ont longtemps entravé son ascension, tout comme les accusations de viol d'une jeune femme dont il connaissait la séropositivité. Il est vrai que Msholozi, son nom tribal, éprouve un faible pour le beau sexe. Ce chrétien, qui cultive la tradition zouloue de polygamie, a eu cinq épouses. La naissance de son 20 e enfant, issu d'une liaison extraconjugale, a fait grincer quelques dents. Le presque septuagénaire papa avait toutefois l'excuse d'être dans l'actualité, puisque la jeune mère du bébé est la fille du président du comité d'organisation de la Coupe du monde.

L'Inde et la gangrène de la corruption

Depuis quelques mois, c'est le sujet presque unique à la une des médias indiens. Il n'y a que l'embarras du choix. Le morceau du roi, c'est l'attribution de licences de téléphonie mobile à prix bradés à des opérateurs amis par Andimuthu Raja, le ministre des Télécommunications. Une affaire qui aurait coûté aux finances publiques entre 14 et 28 milliards d'euros, selon l'équivalent indien de la Cour des comptes. Raja est en prison et les patrons des groupes liés aux télécoms défilent chez les enquêteurs (« Les Echos » du 21 février). Autre affaire qui a beaucoup de succès : celle de l'immeuble situé dans un quartier hors de prix de Bombay, édifié sur un terrain militaire, pour des veuves de guerre. En réalité, les heureux propriétaires des appartements sont issus de l'élite militaire, politique et administrative de la ville. Et puis il y a aussi les scandales de la préparation des Jeux du Commonwealth, qui se sont tenus en octobre dernier à Delhi, et qui auraient fait l'objet de pots-de-vin massifs.
L'opposition s'est emparée de ces affaires et n'a pas hésité à paralyser la session d'hiver du Parlement sur ce thème. Le Parti du Congrès a dû céder à ses exigences et accepter la création d'une commission d'enquête parlementaire. Et le Premier ministre, Manmohan Singh, se trouve sérieusement affaibli. Non pas qu'il passe pour corrompu lui-même, loin de là, mais parce qu'il donne l'impression d'avoir laissé se développer sous son nez une culture de la corruption qui dépasse tout ce que le pays avait connu jusque-là.
Ces affaires ont un retentissement énorme dans la population, et notamment dans les classes moyennes, pour une bonne raison : tout le monde, en Inde, est affecté directement par la corruption. Celle-ci commence en effet tout en bas de l'échelle. Le site Web Ipaidabribe.com permet aux citoyens de raconter leurs expériences : 2.000 roupies (32 euros) pour ne pas être arrêté par la police après un accrochage, 5.000 roupies pour obtenir un passeport après cinq mois d'attente, 250 roupies pour faire enregistrer un mariage, 10.000 roupies pour éviter qu'un douanier ne confisque un ordinateur portable à l'aéroport... Et des populations bien plus pauvres sont frappées : la moindre formalité, la moindre prestation sociale peuvent donner lieu à paiement de commission. « Si vous avez droit à 5 kilos de riz d'aide alimentaire, vous en recevez 3 et les 2 autres sont vendus sur le marché noir », explique Balveer Arora, ancien chef du département des sciences politiques de l'université Nehru, selon qui « les pauvres sont en fait les plus touchés par les demandes de pots-de-vin », n'ayant pas les moyens d'exercer des représailles comme peuvent en avoir des gens bien introduits. C'est « la corruption du désespoir », renchérit Mallika Sarabhai, célèbre danseuse et militante anticorruption, « celle du malheureux qui donne 100 roupies pour obtenir qu'un hôpital accueille sa mère malade ». Et n'oublions pas, poursuit-elle, que si un policier extorque 200 roupies à un automobiliste, « il fait partie des gens les plus mal payés d'Inde ».
Globalement, l'ampleur du phénomène est colossale. L'ancien Premier ministre Rajiv Gandhi estimait que 85 % des prestations sociales (qui se chiffrent actuellement en dizaines de milliards d'euros par an) ne bénéficiaient pas à leurs destinataires... Les causes sont bien connues : omniprésence de l'Etat dans la vie économique, toute-puissance d'une administration appelée à donner son autorisation pour tout ( « Il faut 140 autorisations pour ouvrir un hôtel », affirme un homme d'affaires français). Les besoins des partis politiques pour financer des campagnes électorales dans d'immenses circonscriptions sont gigantesques. Tout cela engendre une collusion entre élus et fonctionnaires pour institutionnaliser la corruption. « Si vous donnez 500 roupies à un employé de base, il ne va probablement en garder que 50, le reste va remonter dans sa hiérarchie », explique le sociologue Dipankar Gupta.
Au total, l'Inde figure au 87 e rang, sur 178, du classement sur la corruption établi par l'ONG Transparency International, derrière le Brésil et la Chine, par exemple.
Les entreprises étrangères ne sont pas épargnées. « J'ai travaillé des années en Chine et dans tout le Sud-Est asiatique, mais je n'ai jamais vu ça », affirme le représentant d'un groupe français de produits de consommation. Pour obtenir un permis de construire, dédouaner des marchandises ou régler un différend fiscal, payer une commission est quasi obligé. Même si la plupart des responsables étrangers font traiter la question par un avocat ou un consultant qui leur facturent une prestation globale, ce qui leur permet de « ne pas savoir »...
La mobilisation actuelle va-t-elle changer les choses ? Le professeur Arora trouve trois raisons d'espérer : le développement des nouvelles technologies, qui permet, par exemple, de verser directement les aides sociales aux bénéficiaires en éliminant les intermédiaires ; la loi sur le droit à l'information qui fait émerger toutes sortes de données sur l'action des autorités ; l'activisme des ONG. Ces dernières sont en pointe dans la guerre contre la corruption, tout comme les médias et la Cour suprême, qui pousse les agences d'investigation dans leurs enquêtes. Mais la population affiche son cynisme, convaincue qu'aucun gouvernement n'ira très loin dans la lutte contre la corruption puisque tous les partis en profitent. « Quelques individus seront punis mais le système restera en place », pronostique Dipankar Gupta. Selon Mallika la pasionaria, « rien ne changera tant qu'un haut responsable n'aura pas été obligé de rendre l'argent qu'il a amassé. Ce qu'on n'a jamais vu en Inde ».

Quotas de femmes dans les conseils : pourquoi pas ?

Il est temps de briser, une fois pour toutes, le « plafond de verre ». Permettre aux femmes de donner toute la mesure de leur talent n'est pas seulement une question d'égalité. C'est aussi une nécessité économique. Les faits apportent, hélas, un cruel démenti : au sein des conseils d'administration des entreprises de l'Union européenne, seul un membre sur dix est une femme, et seuls 3 % des PDG sont des femmes. En Europe, les progrès ont été jusqu'alors extrêmement lents : la part des femmes siégeant aux conseils d'administration d'entreprises de l'Union n'a augmenté que d'un demi-point de pourcentage par an au cours de ces sept dernières années. A ce rythme, il faudrait encore attendre cinquante ans avant d'atteindre la parité hommes-femmes dans les conseils d'administration !

L'égalité entre les femmes et les hommes constitue l'un des principes fondateurs de l'Europe. Dès 1957, en effet, le principe de l'égalité des rémunérations pour un même travail a été intégré au traité de Rome. Plusieurs pays européens ont déjà ouvert la voie : la Norvège a été la première, en 2003, à instaurer un quota de 40 % de femmes dans les conseils d'administration, suivie de l'Espagne en 2007 et de l'Islande, qui a adopté des quotas femmes-hommes l'année dernière. Au mois de janvier, la France, berceau de l'égalité, a adopté une loi prévoyant que, d'ici à 2017, les femmes représenteraient 40 % des membres des conseils d'administration des plus grandes entreprises cotées en Bourse. Outre-Rhin, la classe politique allemande débat actuellement de l'opportunité d'imposer un tel changement. L'Autriche envisage également de prendre des mesures.

Les quotas sont certes discutables. Ils reviennent en effet à user de la manière forte pour briser le « plafond de verre », mais les résultats sont là : en Norvège, la part des femmes siégeant aux conseils de surveillance est passée de 25 % en 2004 à 42 % en 2009 ; en Espagne, la participation des femmes aux conseils d'administration est passée de 4 % en 2006 à 10 % en 2010. S'ils peuvent nous permettre de faire bouger les choses, les quotas doivent absolument rester une mesure transitoire, à n'appliquer qu'en dernier ressort.

Nous allons procéder en deux étapes : dans un premier temps, il appartiendra aux entreprises elles-mêmes de proposer des solutions. Au cours des prochains mois, la Commission européenne et plusieurs gouvernements nationaux rencontreront des PDG des plus grandes entreprises européennes cotées en Bourse afin d'entendre leurs propositions. L'autorégulation peut effectivement permettre de renforcer la présence des femmes au plus haut niveau de décision, mais elle doit être suivie de très près. En l'absence de progrès convaincants, la seconde étape serait claire : l'Europe devrait alors imposer des quotas juridiquement contraignants. La balle est à présent dans le camp des entreprises.

Le besoin de renforcer la présence des femmes dans les conseils d'administration des entreprises n'a jamais été aussi criant. Il ressort d'une analyse de McKinsey que le résultat d'exploitation des entreprises qui comptent le plus de femmes au sein de leur conseil d'administration dépasse de 56 % celui des entreprises qui ne comptent que des hommes à ce haut niveau de direction. Les conseils d'administration dans lesquels les femmes sont plus nombreuses sont plus performants en matière d'audit et de surveillance et de contrôle des risques que les conseils d'administration composés exclusivement d'hommes. Or, les femmes prennent 80 % des décisions d'achat des ménages - et nous ne parlons pas uniquement de pain ou de lessive. Demandez donc autour de vous qui a choisi le dernier ordinateur !

Nous souhaiterions que l'Europe donne un coup d'accélérateur pour ce qui concerne la représentation des femmes dans les conseils d'administration. Fixons-nous des objectifs ambitieux ! D'ici à 2015, les conseils d'administration devraient compter au moins 30 % de femmes et, d'ici à 2020, 40 %. Il serait bien sûr préférable que les entreprises y parviennent d'elles-mêmes. Mais si tel n'est pas le cas, nous sommes prêts, au besoin, à adopter des règles contraignantes à partir de 2012.

Il est grand temps d'agir à présent. Alors que nous sommes exposés à un risque de ralentissement de la croissance économique et de l'emploi suite à la crise de la dette souveraine, nous ne pouvons nous permettre de négliger le potentiel que représente une moitié de la population. Certaines entreprises ont déjà compris que la parité est bonne pour les affaires ; d'autres, en revanche, sont plus lentes à réagir. Le vent du changement souffle fort et les décideurs d'entreprise doivent choisir : soit faire en sorte que le « plafond de verre » se brise de lui-même, soit attendre qu'une intervention extérieure ouvre la première brèche.

Le dernier piège de l'ISF


Al'arrivée, la déception guette. Dans la dernière ligne droite de la réforme de l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) se dessine une alternative éloignée des espoirs suscités par un bon départ : la création d'un impôt de substitution ou la rénovation de l'existant. Un demi-renoncement ou une demi-audace : voilà le choix qu'offre l'exécutif au travers des deux options que doit présenter aujourd'hui le ministre du Budget, François Baroin. Lui-même n'a cessé de balancer entre raison et ambition, mais la première semble bien en passe de l'emporter. N'était-ce pas prévisible dès lors que l'on avait confié l'affaire au ministre tenant les cordons de la bourse de la maison France ?

La réforme de l'ISF est menacée de mauvaise fortune, mais entre les deux épilogues proposés, l'un comporte plus d'inconvénients que l'autre. C'est l'option des économistes de Bercy, celle qui consiste à remplacer l'impôt sur la richesse par un impôt sur l'enrichissement. L'Etat ne frapperait plus la valeur des hauts patrimoines, mais l'augmentation de cette valeur. En taxant une assiette fluctuante par nature, le fisc s'exposerait alors à une volatilité des recettes plus grande encore qu'aujourd'hui. Quant au contribuable, toujours contraint à autant de paperasseries, de contrôles et de complexité, il y perdrait la seule grâce de l'ISF : la faiblesse relative de ses taux d'imposition - encore que ceux-ci aient beaucoup progressé, en termes réels, avec la baisse des taux d'intérêt.

A tout prendre, l'autre option, celle des « politiques » de la majorité, présente l'avantage de simplifier nettement l'ISF en le réduisant à un impôt quasi proportionnel, à deux tranches, réservé aux détenteurs de très gros patrimoines. Cependant, l'ambition devrait rester une option car, à maintenir en vie ce creux symbole de la punition de la richesse, le danger est de perdre sur les deux tableaux. De décevoir un électorat de droite qui, à juste titre, attendait mieux. Et de n'en tirer nul bénéfice auprès d'autres électeurs qui ont déjà oublié l'autre volet de la réforme, celui qui devait lui donner sa coloration sociale : la suppression du bouclier fiscal. L'intensité des débats sur l'avenir de l'ISF a déjà eu ce résultat paradoxal qu'elle a fait perdre de vue l'équilibre global d'une réforme plus empreinte de justice sociale qu'elle ne le paraît à présent. Mieux assumé, moins penaud, le retrait du bouclier fiscal autoriserait plus d'audace dans la réforme de l'ISF.

Le retour des LBO, une mauvaise nouvelle pour les entreprises

On dit que les LBO créent de la valeur. Mais pour qui ? La question mérite d'être posée.

Un LBO consiste à racheter une entreprise par une combinaison de capital et de dette. La dette a un but essentiel : maximiser le profit que fera l'acheteur sur son apport en capital au moment de la revente. Plus l'endettement est élevé, plus le profit sur le capital sera élevé. La caractéristique du LBO est que la dette, dite dette d'acquisition, n'est pas garantie par des actifs externes liés à l'acquéreur mais par les actifs mêmes de l'entreprise acquise.

La nature de la dette d'acquisition soulève des questions majeures.

Il convient d'abord de corriger une perception largement répandue : les LBO n'apportent pas de capitaux aux entreprises, ils ne concourent pas au financement de l'économie. Ils ne font qu'acheter et revendre des actions existantes.

Non seulement ils n'apportent pas mais ils prélèvent. Ils ponctionnent les ressources de l'entreprise acquise pour assurer le service de la dette d'acquisition. Les ressources pour financer la croissance sont amputées.

La dette d'acquisition réduit d'autant la capacité d'endettement de l'entreprise acquise, donc ses possibilités d'emprunt pour financer des projets de croissance. Dans un environnement de crise comme aujourd'hui, l'entreprise a un double handicap : obtenir les soutiens bancaires nécessaires à son exploitation et assumer la dette d'acquisition.

Le LBO transforme une entreprise à faible risque en une entreprise à risque élevé. Avant l'acquisition, l'entreprise a par définition un profil de risque faible : elle est bénéficiaire, elle a peu de dettes, un cash-flow positif, elle est déjà en croissance en termes de chiffre d'affaires et d'emploi. Ces caractéristiques sont en effet nécessaires pour appliquer à l'entreprise la dette d'acquisition la plus élevée possible. Après l'opération de LBO, l'entreprise a un profil de risque dégradé : moins de cash-flow, plus de dettes.

L'entreprise acquise assume le risque plein de la dette d'acquisition (jusqu'au risque de défaut, voire sa disparition) sans avoir bénéficié de l'usage de la dette, par exemple pour financer un projet de croissance. Les actionnaires acquéreurs en revanche bénéficient pleinement de l'usage de la dette tout en limitant leur risque au montant de leur apport en capital.

Les actionnaires vont bien évidemment chercher à faire croître l'entreprise acquise : mais cette croissance sera contrainte par le poids de la dette d'acquisition. L'entreprise n'atteindra pas son plein potentiel de croissance en termes de chiffre d'affaires et d'emplois. Les actionnaires acquéreurs ne s'en préoccupent guère car ils savent que le déficit de croissance sera compensé par le profit supplémentaire engendré par la dette d'acquisition.

Les intérêts de la dette d'acquisition viennent réduire l'impôt sur les bénéfices payé par l'entreprise acquise, un coût pour l'Etat de près de 1 milliard d'euros par an, une véritable subvention à l'industrie du LBO. Comment justifier cette subvention ?

Les LBO sont des opérations d'ingénierie financière qui maximisent le profit de l'actionnaire au détriment de l'intérêt de l'entreprise. Les investisseurs institutionnels (compagnies d‘assurances, banques, caisses de retraite) qui alimentent les fonds de LBO doivent en prendre conscience : les LBO peuvent générer des profits, mais ils ne servent pas l'économie.

Il faut s'inquiéter du retour massif des LBO, deux ans à peine après la crise, alors que les économies sont encore gravement atteintes. Les investisseurs institutionnels serviraient mieux l'économie, les intérêts à long terme de leurs déposants et souscripteurs s'ils allouaient moins de leurs ressources aux LBO et davantage à l'apport de capitaux aux entreprises pour le financement de projets de croissance.

Aujourd'hui en France 1.700 entreprises sont sous LBO au prix de 27 milliards d'euros de capital et 50 milliards d'euros de dettes d'acquisition. On peut imaginer la croissance économique qui aurait été gagnée si ces ressources avaient été mises au travail.

Le yin et le yang de l'inflation


Il flottait comme un parfum de soulagement hier à Pékin. La dernière brassée de statistiques a confirmé le ralentissement de l'activité économique et des prix de l'immobilier en Chine. Le gouvernement n'a donc pas perdu le contrôle de l'économie. Conformément à ce qu'expliquait dimanche le Premier ministre chinois, Wen Jiabao, pour qui la croissance du pays pourrait revenir à 7 % en 2011 contre 8 % initialement annoncé. Depuis des mois, les autorités avaient augmenté les taux d'intérêt et surtout relevé progressivement le taux des réserves obligatoires, sans exercer d'effet visible sur une activité qui avait encore bondi au dernier trimestre 2010. Les investisseurs redoutaient une intervention beaucoup plus brutale. Car deux indicateurs cruciaux sont passés au rouge. Poussée par la flambée des prix alimentaires et de l'énergie, la hausse des prix à la consommation frôle désormais les 5 %. Elle inquiète les consommateurs, en particulier les plus démunis, qui consacrent une part de leur budget plus importante que les autres à se nourrir. Et puis les prix de l'immobilier galopent. Un peu comme en France, les classes moyennes perdent l'espoir d'accéder à la propriété. Mais, en Chine, l'inflation n'est pas seulement placée sous le signe du yin. Elle est aussi sous le signe du yang. Si la hausse des salaires et donc des prix diminue la compétitivité des exportations, elle calme les récriminations des pays occidentaux. Et, surtout, elle soutient la consommation. Autrement dit, elle favorise le basculement de l'économie sur la demande intérieure, qui constitue un objectif majeur du gouvernement pour les prochaines années.


Tout se passe comme si les autorités tentaient en fait de stabiliser l'inflation à un taux un peu inférieur au rythme actuel. Pas trop fort pour éviter de devoir donner un coup de frein vigoureux qui enverrait dans le décor les collectivités locales qui ne pourraient plus refinancer leurs emprunts colossaux. Pas trop lent pour favoriser le virage. Autrement dit, au voisinage de 4 %... le chiffre que proposait l'an dernier l'économiste en chef du FMI, Olivier Blanchard, aux pays avancés. Jusqu'à présent, aucun pays n'a su piloter son inflation si loin du voisinage de la stabilité des prix. Mais, après tout, la Chine a bien réussi à faire comme prévu 10 % de croissance par an depuis trois décennies...

Qu'est-ce qu'un tyran ?

Ceux-là sont déjà partis, ceux-ci sur le point de tomber, et les autres tremblent. Un à un, les autocrates des pays arabes perdent le pouvoir. Le raz de marée estompe -pour peu de temps sans doute -les différences économiques et politiques, les spécificités de chacun de ces pays aux bilans contrastés. Mais l'heure n'est pas aux nuances et ce qui l'emporte, avec une puissance que nul n'avait prévue, c'est bien la grande bascule de l'autorité, la fin de la peur -le moment où l'on chasse le tyran. Cette antique figure du tyran, comme un dénominateur commun, se révèle au coeur des processus actuels.

Pour s'en convaincre, relire Platon et Aristote. On sera frappé de leur actualité. Le tyran qu'ils décrivent ignore l'existence du bien commun comme des affaires publiques. Il confond le Trésor avec ses propres avoirs, les budgets de l'Etat avec ses comptes personnels. Il tue et dépouille, ne distingue pas son désir et le droit, met les tribunaux à sa botte, embrigade la justice pour satisfaire ses vengeances et se garantir l'impunité. Peu importe qu'il se soit emparé du pouvoir par la violence ou qu'il ait détourné une élection initialement démocratique. Dans tous les cas, il règne par force, intimidation et terreur. Le goût du sang l'a transformé en loup, organisant « la servitude la plus étendue et la plus brutale », souligne Platon dans « La République ».

Le tyran incarne donc une pathologie du politique - sa face de mort, de violence et de meurtre. Parce qu'il instaure le gouvernement de la haine. Ce chaos permanent engendre une peur continuelle et sans limite aucune, car rien n'encadre cette violence, rien ne la borne, hormis les forces concurrentes des tyrans voisins ou des rivaux internes. Parce que le tyran seul est libre, ou se croit tel, et que tous sont esclaves, la démesure s'étend sans frein. Il veut posséder toujours plus, accaparer tout. Le tyran, si l'on ose dire, n'a pas de bord. Ses caprices deviennent des lois, ses lubies des projets nationaux, ses vices privés des chantiers d'intérêt public. Son regard même est sans humanité. De Néron, Racine écrit dans « Britannicus » : « Ses yeux indifférents ont déjà la constance/D'un tyran dans le crime endurci dès l'enfance. »

Serait-ce donc que les temps n'ont pas changé depuis l'Antiquité et l'Age classique ? Rien de nouveau sous le soleil de la tyrannie, vraiment ? Si. Pour l'entrevoir, il faut lire Alfred Jarry. « Ubu roi » (1896) sur ce point constitue un texte clef. Ce qui fait d'Ubu, ce « fort grand voyou », un tyran moderne, qu'est-ce donc ? Sa bêtise affichée, son vocabulaire d'ordures, ses carnages au front bas ? Sa volonté de garder pour lui « la moitié des impôts » ? Insuffisant. « Augmenter (ses) richesses, manger fort souvent de l'andouille et rouler en carrosse par les rues », voilà bien, grosso modo, les buts de toujours. La nouveauté d'Ubu est de relier « pompe à phynances » et « machine à décerveler ».

Les tyrans modernes connaissent en effet mécanismes bancaires et outils de communication. Ils élaborent des montages financiers tout comme ils instrumentalisent les désirs de dignité, de liberté et d'indépendance. Ceux qui vacillent aujourd'hui ont pris le pouvoir en brandissant le drapeau du peuple et de la nation, en jouant de sa fierté. Le siècle des Lumières, les droits de l'homme et les indépendances sont passés par là : à la terreur réelle s'ajoutent les tromperies sur les libertés, le jeu pervers avec les discours universalistes, et le trucage des informations. Telle est la « machine à décerveler ».

Heureusement, cette machine ne réussit qu'un temps. Ces dernières semaines montrent comment les outils de communication aident à la détraquer, la court-circuitent et finissent, en amplifiant la voix de chacun, par la faire exploser. Il reste à espérer qu'on ne remplacera pas, à court ou à moyen terme, un tyran par un autre, et l'ancienne machine à faire sauter les cervelles par une nouvelle. Autrement dit, pourvu que ces démocraties en train d'émerger grandissent sans tomber malades...

L'Etat, c'est qui ?

Les plus proches collaborateurs du président de la République ont vivement dénoncé la teneur d'une tribune anonyme publiée par un groupe de diplomates. Il est vrai que, sur le fond comme dans la forme, cette tribune critiquait la politique étrangère de la France en des termes fort peu... diplomatiques.

L'incident serait sans doute passé inaperçu s'il ne survenait dans le contexte particulier né de la conjonction des bouleversements exceptionnels du monde arabe et de l'accumulation non moins exceptionnelle de maladresses et de pusillanimité françaises. La tribune contestable de nos conjurés du dimanche n'a reçu un tel écho que parce que chaque citoyen constate de lui-même que la patrie des droits de l'homme est jusqu'à présent passée totalement à côté de la vague libératrice la plus magistrale qui ait déferlé depuis la chute du Mur.

L'incident serait également passé inaperçu si le haut-le-coeur des diplomates ne s'ajoutait à une longue liste de professions régaliennes ulcérées par le mépris du pouvoir. On se souvient que, dès le début du quinquennat, cela avait commencé par les chercheurs soupçonnés de parasitisme, puis la foudre s'était abattue sur les juges tendrement qualifiés de « petits pois », puis on était passé aux instituteurs « qui ne pourront jamais transmettre certaines valeurs comme les curés et les pasteurs » et voici enfin le tour des diplomates incapables de prédire la fin des dictateurs.

Dans l'une de ses récentes réflexions, le philosophe Marcel Gauchet avait estimé que « la plus grande faille de Nicolas Sarkozy, c'est qu'il n'a pas le sens de l'institution ». Le côté privé du personnage prend toujours le dessus, avait-il ajouté. De Gaulle fut critiqué jadis pour avoir repris à son compte le majestueux « l'Etat c'est moi ». La critique de Gauchet est encore plus radicale. L'Etat, ce n'est plus l'appareil d'Etat puisque celui-ci est dévalué par son propre chef. Mais ce ne peut être non plus le chef lui-même puisqu'il ne se conçoit pas comme étant à la tête d'une institution. Il nous laisse l'angoissante question : l'Etat, aujourd'hui, c'est qui ?

«On a dit Kadhafi fou alors que c'est surtout un mégalomane»

Eric Rouleau, ancien journaliste, ambassadeur en Tunisie et en Turquie, a très bien connu le colonel Kadhafi.

Vous connaissez Mouammar Kadhafi depuis longtemps. Quel homme se cache derrière le «Guide» ?
Eric Rouleau - Je connais Mouammar Kadhafi depuis 1971, soit deux ans après qu'il a renversé la monarchie Senoussi. Il n'était pas connu, inculte, curieux de tout et, comme Nasser lui avait dit «méfie-toi des Etats-Unis et de l'URSS, mais tu peux faire confiance aux Français», il s'est vite lié avec moi car j'étais journaliste français et parlais sa langue, l'arabe. Kadhafi est ignare, mais rusé, sous une apparence de naïveté. En 1973, voulant absolument être invité par la France alors que Pompidou refusait de le recevoir, il a profité de ma position au quotidien Le Monde pour organiser un colloque rassemblant, à sa demande, des « sionistes et des rabbins français ». Il était persuadé, ajoutait-il, de pouvoir les gagner à la cause palestinienne. A son arrivée à Paris, Pompidou s'est senti contraint de lui accorder une audience. Il était le meilleur client de la France en achats d'armements, en particulier d'avions de chasse et de bombardiers.

On a beaucoup dit qu'il était fou aussi...
On l'a dit fou alors que c'est surtout un mégalomane. Kadhafi, admirateur passionné de Nasser, croyait, après la mort de celui-ci, qu'il était investi de la mission d'unifier le monde arabe ; d'où ses multiples tentatives d'unir la Libye à divers pays arabes, en vain d'ailleurs. Des années plus tard, il se voyait à la tête d'une Afrique unifiée. Il a financé des organisations palestiniennes vouées exclusivement à la violence, des milices libanaises pendant la guerre civile dans le pays du Cèdre, les nationalistes irlandais dans leur lutte contre le gouvernement britannique. Il a soutenu des mouvements révolutionnaires anti-Américains en Amérique latine et, quand on lui disait qu'il était fou de le faire, il répondait : «Pourquoi ne le ferais-je pas, les Américains financent bien des mouvements anti-Arabes!» Pour lui, la petite Libye valait bien la puissante Amérique.
Mais est-il intelligent ?
Il est surtout calculateur. En 2004, il se livre à un spectaculaire changement de politique et d'orientation. Il offre au « Grand Satan » américain de renoncer au terrorisme, qu'il pratiquait partout dans le monde, et à la fabrication d'armes nucléaires, en échange de quoi il sollicitait la neutralité bienveillante de Washington à son égard. Il craignait alors de connaitre le sort de Saddam Hussein qui, l'année précédente, avait été fait prisonnier en Irak par les forces américaines. Depuis ce compromis, le commerce americano-libyen a plus que décuplé.
Voyez-vous Kadhadi comme un dictateur sanguinaire ?
Je n'emploierais pas le terme de sanguinaire. Je connais sa responsabilité dans l'assassinat de certains opposants, dont un ancien ministre des Affaires étrangères qui voulait introduire une forme de démocratie. La torture, et probablement des mises à mort, étaient courantes dans ses prisons. Ce n'est que récemment qu'il s'est livré à des massacres.
Quelle est sa marque de fabrique ?
J'ai réalisé un documentaire sur lui dans les années 80. Issu d'un milieu petit-bourgeois, il chercha l'ascension sociale en intégrant le corps des officiers. Dès le lycée, il participait à des manifestations et rêvait de suivre l'exemple de Nasser, son idole. Lors du tournage, Kadhafi a montré un visage insolite. Il insista pour me conduire chez son père, âgé de 102 ans, auquel il manifesta une tendresse surprenante. Il lui caressait le crâne avec émotion en me parlant de la lutte menée par son père contre l'occupation italienne. A une autre occasion, il me retint toute une nuit dans son bureau pour me convertir à l'islam, lequel, soutenait-il, rassemblait toutes les vertus du judaïsme et du christianisme. Ayant échoué à me convaincre, il me remit au petit matin un exemplaire du Coran dédicacé. Ces deux anecdotes, inutile sans doute de le dire, ne définissent pas l'homme qui m'a le plus souvent paru orgueilleux, entêté et sans scrupules. On peut tout attendre de lui.
Recherchait-il quelque chose en particulier ?
De la reconnaissance. Kadhafi avait un insatiable besoin de reconnaissance. C'est pour cela qu'il était imprévisible, cherchant à surprendre constamment ses interlocuteurs, l'opinion publique. Avait-il besoin d'arriver à Paris avec sa tente de Bédouin ? Je connais ses palais, ses appartements privés. Le message était clair : Kadhafi n'a que faire de notre civilisation.
Kadhafi est-il un habile politique ?
Oui, si l'on prend en considération le système politique qu'il a mis en place. Il a créé ce qu'il a appelé la Jamahiriya (l'Etat des masses) en prétendant qu'il avait donné le pouvoir à son peuple, organisé en comités populaires dont il n'était que le guide. Or, il a transformé progressivement ces comités en milices qui constituèrent l'une de ses gardes prétoriennes.
Avez-vous conservé des relations avec lui ?
Je ne l'ai pas revu depuis une vingtaine d'années. Il m'a pourtant invité régulièrement pour la fête nationale libyenne mais, ayant eu le sentiment d'avoir fait le tour du personnage, je ne me suis plus rendu en Libye depuis que j'ai quitté le corps diplomatique français.

À Tripoli, dans le théâtre d'ombres du clan Kadhafi

Seïf al-Islam Kadhafi estime que le régime dirigé par son père est «victime d'une campagne de propagande des médias étrangers».

Il a choisi le canapé vert, juste au-dessous d'un portrait géant du colonel Kadhafi. Les bras croisés sur un pull en laine, Seïf al-Islam («le glaive de l'islam») affiche, devant ses visiteurs, une détermination sans faille. «La situation est excellente, jugez-en par vous-même!» insiste, dans un anglais parfait, le fils le plus en vue du Guide libyen, en balayant d'un revers de la main toute idée de déliquescence du régime. «Dans deux jours, tout sera rentré dans l'ordre », promet-il, un sourire nerveux aux lèvres.
Les vitres épaisses de ce bâtiment blanc du centre-ville, où il reçoit ses hôtes à la nuit tombée, ne laissent transparaître aucun signe d'instabilité. Dehors, le silence flotte sur Tripoli, à l'exception de la fameuse place Verte, où une bande de gais lurons, l'haleine gonflée d'alcool, chantonnent inlassablement quelques refrains à la gloire de leur «aimable Guide» en lui souhaitant «longue vie». Dans ce théâtre d'ombres, les nouvelles qui proviennent des villes alentour - Zuwara, Zawiya, Misourata - sont totalement occultées. Là-bas, l'insurrection se poursuit pourtant, en s'inspirant de la rébellion de l'est du pays, désormais sous le contrôle de l'opposition.
«C'est vrai que c'est un peu le bazar dans l'Est», admet celui qu'on surnomme le «Businessman de la diplomatie», tout en prédisant un «rapide retour au calme». Le visage soudainement plus sévère, il reconnaît que «quelques centaines de personnes y sont mortes». «Au début des accrochages, essentiellement cantonnés à Benghazi et El Beida, les policiers ont paniqué et ils ont tué des dizaines de manifestants qui s'attaquaient aux postes de police», concède Seïf al-Islam. Mais pour le reste, il nie tout en bloc: les frappes aériennes sur la population, les exactions considérées par les Nations unies comme des «crimes contre l'humanité». «Nous sommes victimes d'une campagne de propagande des médias étrangers! Pire: c'est la première fois dans l'histoire de la diplomatie contemporaine que le Conseil de sécurité prononce une résolution en s'appuyant sur des reportages mensongers», s'emporte-t-il.

Golden boy

Une des raisons, sans doute, pour lesquelles son bureau a récemment fait délivrer des visas à quelques dizaines de journalistes étrangers. «Soyez les bienvenus en Libye. Ouvrez les yeux, montrez-moi les bombes, montrez-moi les blessés! Promenez-vous librement à travers Tripoli!» insiste-t-il à l'attention des reporters - dont les déplacements restent néanmoins limités et encadrés, «dans l'intérêt de leur propre sécurité».
Quid des opposants qui, toujours dans l'est du pays, disent avoir formé un gouvernement intérimaire? «Ces gens-là ne sont pas crédibles. Ce sont des opportunistes. Hier, ils étaient avec nous. Aujourd'hui, ils retournent leur veste. Les Américains sont naïfs de vouloir entamer un dialogue avec eux», répond Seïf al-Islam. Il appelle de ses vœux un retour à la normale, afin «de lancer au plus vite un vaste plan de réformes», dont l'amorce, dit-il, «était justement prévue pour le 2 mars». Au programme: l'élaboration d'une Constitution, un nouveau Code pénal et une libéralisation de la presse. Mais n'est-il pas déjà trop tard, face à une contestation qui s'amplifie? «Des milliers de personnes m'appellent régulièrement en me suppliant de restaurer l'ordre. Ce sont des gens simples, des fermiers, des hommes modestes qui rêvent de sécurité, qui veulent que leurs enfants puissent aller à l'école sans le moindre danger», dit-il, accusant les manifestants de semer la «terreur». Les «victimes innocentes» du chaos ont ainsi reçu une enveloppe d'environ 400 dollars, pour, dit-il, «compenser l'augmentation du coût de la vie provoquée par les troubles».

Fin communicateur

Architecte de formation, passé par les bancs de la London School of Economics, Seïf al-Islam, 38 ans, s'est souvent distingué comme l'homme du changement. Quand il sort de l'ombre, il y a dix ans, il s'impose rapidement comme un incontournable médiateur auprès d'une communauté internationale refroidie par le soutien de la Libye aux terroristes islamistes. Nommé par son père à la tête de la Fondation Kadhafi, ce golden boy au crâne rasé mène alors, sous couvert de cette organisation, une politique de réconciliation et d'ouverture sur l'extérieur. C'est à son initiative que des indemnités sont ainsi versées aux victimes des attentats de Lockerbie (1988) et de l'avion français de l'UTA (1989), dans lequel des Libyens sont impliqués. Début 2009, il osa même évoquer en public certaines insuffisances «dans le mécanisme d'application du pouvoir du peuple et de la démocratie» en Libye.
C'est donc lui qui, au cœur de la crise la plus profonde des quarante et un ans de règne de son père, se retrouve actuellement à la tête d'une opération de charme à l'attention des Occidentaux. Mais ce fin communicateur peut-il faire oublier les déclarations délirantes de son père, qui continuait d'affirmer mardi, dans une interview aux chaînes américaine ABC et britannique BBC: «Mon peuple m'aime. ( Les Libyens) mourraient pour me protéger.» Lui-même ne promettait-il pas, le 20 février à la télévision libyenne, des «rivières de sang» et une bataille «jusqu'à la dernière balle»?
Son crédit international envolé, Seïf al-Islam n'a qu'un mot à la bouche: «le retour au calme». «Mon père se porte bien, et je n'ai aucune ambition de devenir le président de la Libye», martèle-t-il.