TOUT EST DIT

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vendredi 24 septembre 2010

Retraites: Fillon oppose un "non ferme et tranquille" aux manifestants

En clôture des journées parlementaires UMP à Biarritz, le Premier ministre a maintenu le cap de la réforme, qu'il juge "nécessaire et raisonnable".
"Droit dans mes bottes", avait dit Alain Juppé en 1995, avant de céder. Quinze ans plus tard, au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation massive contre la réforme des retraites,

le Premier ministre François Fillon s'est contenté d'un "non ferme et tranquille".

"Il faut répondre calmement à la rue parce que gouverner c'est écouter chacun, gouverner c'est respecter chacun, mais gouverner la France c'est aussi parfois savoir dire non", a déclaré le Premier ministre dans son discours de clôture des Journées parlementaires UMP, ce vendredi à Biarritz.

"Non, avec le président de la République nous ne retirerons pas ce projet de réforme parce qu'il est nécessaire et raisonnable", a-t-il enchaîné au lendemain d'une nouvelle journée de mobilisation, refusant de revenir sur le report de l'âge légal de 60 à 62 ans.

"Nous ne renoncerons pas à l'augmentation de la durée d'activité, parce que si par malheur nous le faisions, alors nos régimes de retraites s'écrouleraient sous le poids des déficits", a aussi dit le chef du gouvernement sous les applaudissements.

"Non nous ne pouvons pas accorder à la somme de toutes les revendications le crédit d'incarner un projet alternatif"', a insisté François Fillon.

"Dans ce non ferme et tranquille il n'y a aucun orgueil car je refuse de considérer les manifestants comme des adversaires. Il n'y a aucun mépris car aucun Français n'est coupable d'avoir des convictions", a-t-il affirmé.

"Mais je le dis posément, nous conduirons cette réforme jusqu'à son terme car si nous tenons à notre héritage social, si nous tenons à garantir le niveau de nos pensions alors il n'y a qu'une seule façon sérieuse et responsable d'agir: il faut élever l'âge légal de la retraite", a insisté François Fillon.

Manifestations: pas une victoire pour les syndicats



En Vendée, les manifestations se succèdent, la mobilisation ne faiblit pas

La manifestation du 7 septembre contre la réforme des retraites avait surpris par son ampleur en Vendée. Plus de 15 000 manifestants avaient défilé dans les rues du chef-lieu vendéen. De mémoire syndicale, on n'avait pas vu pareille mobilisation depuis des lustres. Les organisations syndicales attendaient donc avec une certaine curiosité la manifestation de jeudi. Elles n'ont pas été déçues. "C'est du costaud", insistait Jean-Marc Jolly, patron de la CGT, deuxième force syndicale du département derrière la CFDT.
Pour les syndicats (CFDT, CGT, FO, UNSA, Solidaires, FSU, CFTC, CGC), près de 15 000 personnes ont piétiné les larges boulevards de la cité napoléonienne. Tout juste 10 000 selon la police. Auxquelles il faut rajouter les 2 000 à 3 000 manifestants qui ont défilé le matin à Fontenay-le-Comte, un secteur terriblement secoué par la crise économique. Derrière la traditionnelle bataille de chiffres, un bulletin de victoire pour les syndicats qui ont su mettre leur mouchoir sur leurs divergences pour lancer un appel unitaire. "Les salariés apprécient qu'on soit capable de se mettre d'accord", pense le "patron" de la CGT vendéenne.

"MARRE D'ÊTRE PAUVRE"

Cette concorde syndicale suffit-elle à expliquer le succès de cette journée en Vendée . La mobilisation semble en effet déborder les limites du champ syndical. Les manifestants aperçus dans les rues apparaissent très loin des appareils syndicaux ou des partis politiques : "Je ne suis encarté nulle part mais je pense que je vais m'inscrire au Parti socialiste, témoigne Tarik Chtibi, sans emploi, mais qui veut "défendre les acquis sociaux" de ses grands-parents. Lamya Bounaas, 35 ans, Alsacienne venue en Vendée "par amour", qui n'avait pas manifesté "depuis le collège", se trouve "en sympathie" avec la CGT, dont elle arborait l'autocollant sur le pantalon. Elle est là pour sa fille de 4 ans, handicapée, qui a besoin d'"une assistante de vie scolaire". Elle l'a écrit en grosses lettres sur un petit panneau bricolé à la hâte. La revendication semble décalée par rapport à la réforme des retraites. Mais qu'importe.

La manifestation apparaît comme une sorte de réceptacle anti-sarkoziste. "A la limite, j'en suis à me demander si les gens ont besoin d'un motif pour descendre dans la rue aujourd'hui", s'interroge Véronique Raimbault, qui travaille dans la communication. David, ouvrier-monteur, est venu manifester avec son fils. A 42 ans, c'est son baptême du feu. "Je suis là parce que j'en ai marre d'être pauvre, marre des interdits", s'agace-t-il, fier de pouvoir dire qu'il a une feuille de cannabis tatouée sur l'épaule. Mais il trouve la manif trop tendre. "Il faudrait que ce soit plus radical et qu'on monte tous à l'Assemblée."
Comme en écho à ses propos, une large banderole ("Travaillons tous moins et vivons mieux") a fait son apparition depuis quelques semaines dans les manifestations, celle de la Confédération nationale du travail (CNT). Le mouvement anarcho-syndicaliste n'avait jamais pu prendre racine dans un département longtemps considéré comme un "désert" syndical.

Dans le cortège de ce jeudi, les aînés n'ont pas non plus raté le rendez-vous. "Par solidarité avec les plus jeunes", clame Jacques Marquois, 77 ans, ancien directeur d'école, à la retraite depuis vingt-deux ans, qui brandit son drapeau de la Fédération générale des retraités de la fonction publique. Il touche 1 700 euros par mois, "mais c'est insuffisant si je veux aller en maison de retraite".

CET ARTICLE EST DU "MONDE" GRAND JOURNAL DE GAUCHE À PRÉSENT, PAS ÉTONNANT QU'IL NE PUBLIE QUE DES EXEMPLES GAUCHISTES.

Le commentaire politique de Christophe Barbier



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Femmes fatales ?


La journée d'hier n'a rien tranché. Dérisoire, la bataille des statistiques sur le comptage des manifestants ne livrera pas, de toute façon, la clé qui permettrait de mesurer l'adhésion ou le rejet du projet de réforme des retraites.
La fébrilité avec laquelle le ministère de l'Intérieur a voulu minorer la participation au mouvement et l'insistance des syndicats à démontrer qu'elle avait été plus importante que le 7 septembre ne mettent en évidence que les doutes des uns et des autres. Dans cette inévitable confrontation sociale, un point d'équilibre a sans doute été atteint sans que la principale contradiction du dossier ait été levée. Une majorité équivalente de Français (70 %) estime nécessaire une réforme et la juge injuste. On n'a guère avancé depuis le printemps et les chances d'aboutir à une forme de compromis dont la société française aurait besoin s'amenuisent.
La rue n'empêchera vraisemblablement pas le gouvernement de faire voter son projet par le Parlement, mais elle va le priver de sa substance politique. La contestation n'arrêtera pas la majorité mais elle ouvre la voie à une remise en question du dispositif pendant la prochaine présidentielle. Autrement dit, la France s'expose à un nouveau retard quand elle n'avait plus une seule année à perdre.
Les aménagements susceptibles d'être apportés par le Sénat ne pourront apparaître, désormais, que comme des petits bricolages insuffisants pour susciter un changement de regard sur un mécanisme forcément impopulaire. La question des femmes sera sans doute fatale à une réforme qu'elle aurait pu tirer vers le haut. On s'aperçoit aujourd'hui que le pouvoir avait entre ses mains les moyens de donner une vraie dynamique à ce qu'il présente comme la grande entreprise du quinquennat. S'il avait profité de ce rendez-vous du pays avec son avenir pour corriger les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes, il aurait donné un sens positif à un changement vécu, inévitablement, comme une pénitence. Il a préféré s'en tenir à un argumentaire démographique et comptable désincarné qui n'a pas réussi à convaincre que la réforme touchait en priorité les salariés les plus vulnérables. Cette image-là collera durablement à la peau de cette future loi. Bien plus que les péripéties de l'affaire Woerth qui, au bout du compte, n'aura pas pesé si lourd que ça dans la balance. C'est moins la parole sans surprise du ministre du Travail qui est en cause que son apparente surdité aux appels insistants d'un pays qui attendait plus d'imagination sur un tel dossier.



Au-delà de la guerre des chiffres...

Au-delà d'une guerre des chiffres qui serait drôle si elle n'était désolante, la mobilisation contre la réforme des retraites a, semble-t-il, atteint au moins le même niveau que le 7 septembre. Elle confirme un double mouvement un peu contradictoire, difficile à interpréter pour l'avenir : une contestation qui demeure très importante, en même temps qu'une forme de coup d'arrêt à la progression.

Pari seulement à moitié gagné, donc, pour les syndicats. Et pour cause. Les deux locomotives des grands mouvements sociaux de ces vingt dernières années ont un peu manqué à l'appel pour donner le coup d'accélérateur décisif. Le secteur public, transports en tête, est loin d'avoir donné toute la mesure des aptitudes mobilisatrices qu'on lui connaît. Non concernés directement par la réforme, arc-boutés à une conception très corporatiste du syndicalisme, les cheminots qui avaient tiré les grèves massives de 1995, sont restés largement en deçà de leurs capacités d'action.

Dans le même temps, les jeunes, qui avaient balayé le CPE (contrat première embauche) par leur enthousiasme militant en 2006, n'ont pas traduit leur rejet affiché au projet gouvernemental par un massif passage à l'acte d'opposition. Quant à la troisième locomotive d'appoint possible, celle des retraités, elle n'a pas carburé à plein régime. L'Élysée a réussi habilement à cloisonner les risques, en dissuadant les publics les plus nombreux ou les plus imprévisibles à manifester. En réussissant à les désintéresser, pour bonne part, d'un sujet qui les concerne pourtant au premier chef.Belle réussite de communi-cation.

Pour autant, l'Élysée est loin d'en être quitte. Et a sûrement eu tort de crier prématurément victoire sur le taux de grévistes en baisse. Comme si l'éventuelle résignation de certains salariés valait adhésion à sa réforme ! C'est aller un peu vite en besogne, même si le pouvoir peut tirer de cette journée des indications un peu plus rassurantes pour la suite. Car, après tout, les syndicats semblent désormais avoir du mal à enclencher la marche avant. Ils risquent d'ailleurs d'être débordés parles opposants politiques les plus radicaux, qui rêvent aujourd'hui d'en découdre frontalement.

Mais, même si la réforme des retraites allait jusqu'au bout sans grosse entrave ¯ ce qui reste à démontrer ¯ le gouvernement serait loin d'avoir dissipé tous les nuages sociaux qui pèsent sur le climat. Le débat sur les retraites a enkysté dans l'opinion, notamment dans les classes moyennes, un lourd sentiment d'injustice qui ne va pas s'évanouir comme par enchantement.

Au contraire, ce sentiment pourrait se nourrir et se renforcer au fil des nouvelles mesures de rigueur que le pouvoir commence à distiller, via le rabotage très sélectif des niches fiscales et les efforts un rien discriminatoires annoncés pour sauver l'Assurance-maladie. Avant de s'attaquer sans doute au lourd dossier de la dépendance.

S'il n'y prend garde, Nicolas Sarkozy pourrait être soumis à un réel effet boomerang. Il décrocherait, dans l'immédiat, le certificat de bravoure réformiste qui lui tient tant à coeur pour redorer sa légitimité de général en chef de la droite, mais il récolterait, en 2012, quelques solides déboires dans les urnes.


Comptages

Le saviez-vous ? L'arithmétique, c'est politique. Seuls les écoliers et les naïfs croient encore que un plus un égale deux. En réalité, un plus un égale ce que l'on veut, selon le point de vue, l'air du temps et l'opinion du capitaine. Hier, par exemple, le ministère de l'Intérieur a compté 997 000 manifestants : chiffre d'une précision admirable, qui a la double vertu d'être inférieur au million symbolique, et au chiffre de la précédente manifestation. De leur côté, les syndicats ont totalisé trois millions de manifestants : c'est rond, c'est gros, c'est autant que contre la loi Bayrou sur la laïcité et le CPE, projets naguère noyés dans le flot des manifestations. L'arithmétique permet ainsi aux deux camps de crier victoire. Et demain la bataille continuera sur le terrain des sondages, où le comptage fait que 1% plus 1% égale le pourcentage souhaité par le commanditaire.

La retraite, mais pas seulement

Les Français ont de nouveau manifesté, hier, contre une réforme que 70 % d’entre eux jugent par ailleurs “nécessaire”. Le paradoxe n’est qu’apparent. On admet volontiers que, vivant plus vieux, il faudra travailler plus longtemps. Reste à répartir équitablement les sacrifices exigés.

Ici, le bât élyséen blesse une large part de l’opinion. Le travailleur de base, rarement invité chez les Bettencourt, rechigne à payer l’addition alors que d’autres se passent les plats. C’est le “Bon appétit messieurs !” lancé par Ruy Blas aux ministres pas vraiment intègres.

Au-delà du problème “technique” des retraites, la rue exprime d’abord un vif ressentiment. L’impression que seuls quelques privilégiés éviteront le tsunami de la crise… Un symbole, rien de plus, le fameux “bouclier fiscal” ? Certes, mais du genre à nourrir durablement la psychologie des foules.

Néanmoins, on ne s’achemine pas vers une grève longue. Dans l’actuel contexte, les principales forces syndicales s’y refusent. Nul n’imagine, maintenant, le blocage du pays à la manière de l’hiver 1995.

Selon toute vraisemblance, la réforme de M. Woerth va finir par s’imposer. Mais le pouvoir, pour autant, aurait tort d’ignorer la montée des contestations. Parce que le “ras-le-bol” populaire vient de loin. L’irrationnel aidant, il pourrait même se propager bientôt là où personne ne l’attend…

Premier ministre, sujet secondaire

Avec les journées parlementaires de l'UMP, qui s'ouvrent ce matin à Biarritz et seront clôturées demain par François Fillon, les spéculations vont repartir bon train sur l'identité du deuxième - et sans doute dernier -Premier ministre de ce quinquennat de Nicolas Sarkozy. Le ministre de l'Ecologie, de l'Energie, Jean-Louis Borloo, pour l'ouverture au centre ? Le ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et de la Pêche, Bruno Le Maire, pour jouer la carte de l'efficacité et des résultats, à dix-huit mois de la fin du mandat présidentiel ? Le jeune ministre du Budget et des Comptes publics, François Baroin, pour faire monter une jeune génération ? Le président du groupe UMP à l'Assemblée nationale, Jean-François Copé, pour redonner du pouvoir à Matignon ? Ou - même si l'hypothèse n'est plus la plus probable -l'actuel titulaire du poste, François Fillon ?

A vrai dire, il peut paraître singulier que cette question suscite encore un tel intérêt, tant la fonction politique de Premier ministre sort affaiblie des trois premières années de présidence Sarkozy. Contrairement à ce qui avait été pronostiqué par François Fillon lui-même, la réforme du quinquennat n'est pas, en elle-même, à l'origine de l'effacement du chef du gouvernement, lequel serait victime du surcroît de légitimité que donnerait au chef de l'Etat la concordance des mandats présidentiel et parlementaire. Même s'il aura marqué de sa rigueur la politique économique et financière, les nuances exprimées par François Fillon auront été trop minces, ses audaces trop rares, ses risques trop timides pour qu'il laisse une empreinte institutionnelle différente de celle des autres « premiers » Premiers ministres de la V e République.

Comme Pierre Mauroy ou Alain Juppé, ceux qui l'ont précédé à ce poste et à ce rang se sont inscrits, avec le chef de l'Etat, dans une relation de sujétion. « Le Premier ministre, sous la Ve République n'est pas toujours le chef réel du gouvernement et ce dernier, sauf en cas de cohabitation, et contrairement à l'article 20 de la Constitution, s'il "conduit" la politique de la nation, ne la "détermine" pas », résume Bastien François, professeur de sciences politiques, pour qui le quinquennat « ne change pas la nature du régime » (1). L'affaiblissement de la fonction primo-gouvernementale est plutôt à chercher dans la pratique d'un pouvoir que Nicolas Sarkozy a choisi d'exercer pleinement et François Fillon d'abdiquer largement. Est-il possible, dès lors, de construire une deuxième partie de quinquennat dont la physionomie institutionnelle serait très différente, avec un rééquilibrage des pouvoirs, au détriment de l'Elysée, à l'avantage de Matignon ? Un peu comme l'avait fait François Mitterrand, à l'été 1984, en appelant Laurent Fabius.

Les partisans d'une répartition des rôles plus équilibrée ne manquent pas d'arguments. Ils font valoir que, à son acmé, l'impopularité du chef de l'Etat se nourrit pour l'essentiel du reproche fait à la gouvernance sarkozyenne - l'hyperprésidence et son corollaire, l'hypo Premier ministre. Ce rejet présumé d'un président omniprésent lui imposerait, pour restaurer son image au moment où s'ouvre la dernière phase de son mandat, d'en venir à un schéma où, analyse un ministre prétendant au poste, « c'est Matignon qui gouverne et prend les coups ». Un président qui prendrait de la hauteur pour faire de la politique en vue de sa réélection à la manière d'un Mitterrand avant 1988 ? Un chef du gouvernement « les mains dans le cambouis » qui assure la bonne exécution des dernières réformes présidentielles et s'assure de tirer tous les résultats des précédentes ?

Le raisonnement est convaincant. Mais outre que, par inclinaison personnelle, l'on imagine mal Nicolas Sarkozy se muer en président au-dessus de la mêlée, le risque politique d'un changement aussi brutal qu'artificiel serait sans doute supérieur au bénéfice. « Dans l'oeil des Français, l'image rétinienne est celle d'un hyperprésident et on ne la changera pas », analyse à raison un visiteur très écouté du chef de l'Etat. « Faire resurgir de l'ombre une stature présidentielle qu'il a abaissée serait extrêmement difficile », confirme en d'autres termes le politologue François Miquet-Marty, directeur général adjoint de l'institut Viavoice. Surtout, fait-il observer, cette question de l'équilibre des pouvoirs est accessoire aux yeux des Français, au regard de leurs attentes, comme le sont les moyens en regard des objectifs : « Ils se moquent bien de savoir qui gouverne, du président ou du Premier ministre pourvu qu'ils voient les résultats de l'action politique. » Bien sûr, la désignation du prochain titulaire du poste - fût-il moins capteur de popularité que l'est François Fillon -n'est pas sans intérêt, car non dénuée d'impact sur le caractère de la dernière partie du quinquennat. Mais elle est très secondaire.

Bien plus déterminants pour Nicolas Sarkozy, dans la perspective de 2012, seront la situation de la gauche et celle de l'économie. La compétition interne à la candidature socialiste puis l'émergence de la personnalité qui affrontera le président sortant auront inévitablement pour effet de décentrer de la scène un chef de l'Etat qui, aujourd'hui, faute d'adversaire, déroule toujours un one-man-show politique. Pour corriger les travers de l'hyperprésidence, une vraie concurrence externe sera diablement plus efficace qu'une fausse concurrence interne. Reste aussi à espérer que, comme ce fut le cas au printemps 2005 après l'échec du référendum européen, la séquence économique soit en phase avec la nouvelle séquence politique. Plus rapide et plus forte que prévu, la reprise de la création d'emplois donne du crédit à ce scénario. Les 160.000 nouveaux postes attendus l'an prochain feront plus pour l'avenir de Nicolas Sarkozy que le seul poste de Premier ministre.

(1) « Quinquennat, conséquences politiques », Economica 2000.Jean-Francis Pécresse est éditorialiste aux « Echos ».

Gouvernance : la Commission européenne prône de durcir les sanctions

Les pays de la zone euro qui ne corrigeraient pas leurs principaux déséquilibres encourraient une amende représentant 0,1% de leur PIB.
Mercredi prochain, la Commission européenne doit présenter ses propositions législatives pour renforcer la gouvernance économique des pays de l'Union, et surtout des 16 Etats de la zone euro. Alors que le groupe de travail réuni par le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy poursuit ses travaux, avec une nouvelle réunion de travail prévue lundi, le président de la Commission José Manuel Barroso et le commissaire aux affaires économiques et monétaires Olli Rehn veulent détailler leurs idées sur les sanctions , tout en proposant le cadre d'une nouvelle surveillance des grands déséquilibres macro-économiques.

Actuellement, les Etats ont accepté davantage de discipline budgétaire en promettant de soumettre chaque année les grandes lignes de leurs projets de budget à un examen européen en amont du vote par leurs parlements nationaux. Mais ils hésitent à aller jusqu'à des sanctions fortes contre les « mauvais élèves ». D'autant que 25 des 27 Etats membres présentent des déficits budgétaires supérieurs aux limites imposées par le pacte de stabilité et de croissance (3% du PIB) et des endettements publics également excessifs , au-delà de 60% du PIB. Pour éviter un enlisement du débat, la Commission va mettre sur la table une directive et cinq règlements. Elle prévoit de réserver les sanctions aux pays de la zone euro et de simplement désigner par des avis les fautes des autres. Elle écarte les sanctions politiques de type suppression des droits de vote.

· En cas de déficit excessif

Depuis le traité de Maastricht, il existe des sanctions en cas de déficit supérieur à 3% du PIB. Cette « procédure en déficit excessif » prévoit des « amendes » comprises entre 0,2 et 0,5% du PIB du pays fautif. Aucune amende n'a cependant jamais été prononcée, tant l'arme est lourde à manier. Face à leurs dérapages, les Etats, Allemagne et France en tête, ont préféré « se pardonner » mutuellement.

Pour ramener de la discipline au sein des 16 membres de l'eurozone, tous actuellement en déficit excessif, la Commission européenne propose de maintenir le principe d'une sanction financière égale à 0,2% du PIB. Mais il ne s'agirait plus de réclamer cette somme à un Etat fautif en fin de procédure. Il s'agirait à présent de retenir cette somme sur les versements communautaires dus à un Etat membre en la gelant sur un compte de dépôt non rémunéré, et ce en amont, dès que la Commission constate que l'Etat dérape par rapport à ses prévisions de redressement budgétaire. Ce gel s'annulera quand l'Etat se montrera prêt à rectifier le tir. Les sommes seront prélevées sur les aides agricoles, régionales ou pour la recherche… Peu importe l'origine des fonds, la Commission veut être maîtresse du jeu. « C'est un gel, si l'Etat corrige, il récupère ces sommes, le but n'est pas de punir, mais de prévenir et d'empêcher les politiques démagogiques de dernière minute par exemple lors d'élections », explique-t-on à Bruxelles. Au cas où l'Etat refuse toute mesure de rigueur, ce gel peut se transformer en amende. Pour la Commission, l'essentiel se joue moins sur les montants en jeu, que sur le mode de la décision : c'est le débat autour de « l'automaticité » de la sanction. Grâce au traité de Lisbonne, les 27 Etats membres réunis en conseil n'auraient plus comme aujourd'hui à voter pour approuver la sanction. Celle-ci s'appliquerait d'office, sauf si une majorité qualifiée d'Etats s'y oppose. Cela inverse la charge de la preuve : il faut voter contre.
· En cas de dette publique excessive

La Commission prévoit la même peine qu'en cas de déficit excessif, et c'est là une nouveauté, puisque ce critère d'endettement des Etats défini par le pacte de stabilité avait été largement « oublié » au cours des années passés. Là aussi, la sanction serait adoptée à moins qu'une majorité qualifiée des Etats membres ne s'y oppose, sachant que celui qui est directement visé ne prend pas part au vote.
· En cas de déséquilibre macro-économique

Des indicateurs (balance des paiements, productivité, coût du travail…) seront mis en place pour suivre les déséquilibres macro-économiques et notamment les écarts de compétitivité, au niveau de l'Union. Ils devront être suffisamment larges pour couvrir tout risque majeur et suffisamment sensibles pour en assurer une détection précoce. La palette d'indicateurs pourra être actualisée en cas de nouvelle menace ou de progrès notoire des instruments statistiques. Les pays de la zone euro qui ne corrigeraient pas leurs principaux déséquilibres encourraient un nouveau mécanisme de sanction : la Commission pourrait leur infliger une amende représentant 0,1% de leur PIB de l'année précédente à l'intérieur d'une somme plafonnée. Hors zone euro, les pays laxistes seraient simplement montrés du doigt par le biais d'un avis de la Commission.
· Sincérité des budgets

Face à l'hétérogénéité des pratiques budgétaires nationales, la Commission fixe des obligations minimales à respecter, en termes de comptabilité, de statistiques et de méthodes de prévision, pour élaborer les budgets nationaux. Elle insiste sur la nécessité de bâtir les budgets à partir de statistiques indépendantes et d'inclure dans la présentation les différents niveaux de dette, non seulement au niveau de l'Etat, mais aussi des autorités locales (régions, municipalités…) ou des organismes tels que, par exemple, la sécurité sociale.

La prochaine étape des retraites

Le gros de l'orage est passé. C'est la leçon des grèves et manifestations d'hier : au-delà des effets d'affichage, la mobilisation contre la réforme des retraites ne progresse plus. Sauf événement exceptionnel, elle va donc s'essouffler, « prendre d'autres formes » comme diront les syndicats. La loi déjà votée à l'Assemblée va être prochainement adoptée au Sénat. Et c'est tant mieux. Aussi imparfaite que soit cette loi, aussi injuste qu'elle puisse paraître à certains qu'on aurait aimé entendre protester contre les injustices du système actuel, elle va dans la bonne direction. Dans une France où l'on commence à travailler de plus en plus tard et où l'on vit de plus en plus vieux, il faut allonger l'horizon des retraites au-delà de l'âge de 60 ans. C'est une priorité absolue. Les deux autres voies pour sauver les régimes de retraite sont fermées, ou devraient l'être. La hausse des recettes serait une solution périlleuse dans un pays déjà champion mondial des prélèvements sociaux. Les cotisations sociales n'y ont jamais été aussi pesantes. Elles ont absorbé 18,3 % des richesses produites en 2009 contre 17,1 % pour le suivant, l'Allemagne, et 14 % en moyenne dans l'Europe. Les entreprises ne veulent pas entendre parler d'un alourdissement, et elles ont d'excellentes raisons. De l'autre côté, la baisse des pensions de retraite n'est souhaitée par personne. Les salariés et les retraités ne veulent pas en entendre parler, et ils ont d'excellentes raisons. Au passage, ceux qui rêvent de promouvoir la retraite par capitalisation devraient admettre qu'elle ne protège pas les pensions dans les tempêtes financières, comme on le voit aujourd'hui par exemple aux Pays-Bas.

Dans ces conditions, le prolongement de la vie active est la meilleure solution -ou la moins mauvaise. Il faudra prendre des mesures pour le rendre plus équitable, plus souple aussi. Il faudra surtout remettre à plat un système de retraite devenu au fil des ans à la fois un corset trop serré… et un échafaudage branlant. Mais la norme sociale des 60 ans va enfin sauter. Pour continuer d'avancer, pour réussir les inévitables réformes suivantes, la balle est désormais dans le camp des entreprises. Elles ont deux défis à relever. D'abord, garder les seniors. En déployant toute une boite à outils bien connue mais laissée au placard : formation, aménagement des carrières, tutorat… Ensuite, leur donner envie de travailler. Car si beaucoup de salariés veulent quitter la vie active le plus tôt possible, c'est aussi parce que le climat social en entreprise, comme dans la fonction publique, est trop souvent médiocre. Le plus dur reste à faire.

Lendemains

Moins de grévistes, autant de manifestants que le 7 septembre. Tel était, semble-t-il, l’« élément de langage » (c’est-à-dire l’argumentation commune à développer et à répéter au fil des déclarations et interviews) qui courait les états-majors syndicaux dès la mi-temps de la journée de mobilisation contre la réforme des retraites. Un succès, donc, expliqueront-ils, car le coût d’une grève pèse lourd sur la feuille de paie d’un salarié, et faire aussi bien que la dernière fois était déjà un beau pari, même si certains avaient avancé des pronostics plus ambitieux. De toute façon, la vérité des chiffres, une fois de plus, sera impossible à établir. Les observateurs et l’opinion devront arbitrer entre les estimations faites par la police et celles des organisateurs, couperont la « poire en deux » et commenteront plutôt les variations que les chiffres absolus. Ce succès revendiqué n’est pas une fin en soi ; les syndicats devront en tirer des leçons. Déjà, certains envisageaient des manifestations un dimanche pour rejoindre davantage de salariés. Tout en misant sur d’autres modes de contestation et des actions de lobbying auprès des parlementaires, pour amender le projet – adopté par les députés et qui doit être désormais examiné par les sénateurs à partir du 5 octobre. Mais ils ont à s’interroger sur la possible lassitude d’une partie de leurs troupes, sur l’effet négatif d’un déclin de la mobilisation. Il leur faut aussi évaluer l’adhésion réelle de l’ensemble des Français : la nécessité de la réforme est-elle admise par une majorité d’entre eux, convaincus du risque qu’il y aurait à ne pas réformer, même s’ils comptent sur l’action syndicale et politique pour modifier le texte dans un sens plus protecteur pour les salariés ? Ou bien y sont-ils largement hostiles, protestant « par procuration » au travers du ou des millions de manifestants ? En fonction de cette analyse – et au-delà des postures affichées en ces circonstances –, certaines organisations préféreront l’efficacité pragmatique : les changements obtenus prouvent que leur action n’aura pas été vaine. Mais d’autres, parce que leur but ne se limite pas au dossier des retraites, pousseront à radicaliser l’action. Et l’unité syndicale, si difficilement acquise, aura vite fait de se craqueler.