Interrogée sur son impatience à se porter candidate à la présidentielle, Ségolène Royal a répondu, avec une belle candeur, hier matin au micro d’Europe 1, qu’elle était en réalité « très patiente », car elle a attendu « plus de trois ans » pour déclarer sa candidature. Autrement dit, elle ne pense qu’à ça depuis sa défaite de 2007. On le savait, bien sûr. Mais l’aveu n’est pas anodin, car il éclaire les jeux d’ombre et de lumière qui agitent le Parti socialiste. En façade, les militants ont eu droit aux mamours Royal-Aubry à la tribune de la convention socialiste de samedi. Dès que les projecteurs furent éteints, le grand concours de lancer de peaux de bananes sous les escarpins de la sœur ennemie a repris. Aubry défend-elle la tenue des primaires socialistes à l’automne 2011 ? Royal trouve qu’il s’agit là d’une « drôle d’idée » et souhaite « rectifier le tir ». Aubry se félicite-t-elle de l’unité retrouvée au PS autour du projet sur « l’égalité réelle » ? Dès le lendemain, Royal annonce qu’il sera impossible de tenir tous les engagements du texte. La première secrétaire n’a pas fini d’être démentie par sa rivale du congrès de Reims. En toute amitié, bien entendu… avant que les fleurets mouchetés ne fassent place aux tirs à balles (politiques) réelles. Ce qui ne saurait tarder, vu l’accélération du calendrier des ambitions.
Après un semblant de travail sur le fond, les socialistes s’éloignent une nouvelle fois des préoccupations de leurs électeurs pour s’abandonner aux délices des rivalités internes. Ils se disent qu’ils peuvent bien se payer ce luxe, puisque tous les partis, de l’UMP au Front National, font de même. À l’UMP, Jean-François Copé vient de réussir son pronunciamiento contre Xavier Bertrand, au FN Marine Le Pen et Bruno Gollnisch se livrent une bataille sans merci pour la succession de Le Pen père. Partout, les coups bas pleuvent, ce qui ne redore pas l’image du microcosme politique (la réélection très « soviétique » de François Bayrou à la tête du MoDem non plus, d’ailleurs).
La France paie au prix fort le remplacement du septennat par un quinquennat qui rapproche les échéances au détriment du travail à long terme. Mais soyons réalistes : nos hommes et femmes politiques sont-ils capables de voir plus loin que le bout de leur nez ? On en doute : la description de la « patience » par Ségolène Royal ne vaut pas que pour elle.