La tablette tactile d'Apple sort vendredi en France. Après un carton aux Etats-Unis, geeks, éditeurs de presse ou même publicitaires l'attendent comme le Messie. A Raison ?
L'iPad va sauver la presse. L'iPad va relancer l'édition, des livres comme de la BD. L'iPad va booster le marché de la télévision sur Internet. L'iPad va enfin permettre de valoriser la cyberpublicité. L'iPad va aider les médecins hospitaliers dans leur diagnostic, sortir les petits vieux des maisons de retraite de leur solitude, et sera même un eldorado de l'industrie du X. La presse, les grands patrons, et même votre voisin du dessous qui se l'est déjà fait expédier des Etats-Unis sont tous d'accord : il y aura un avant et un après iPad, la tablette tactile qu'Apple vend comme des petits pains aux Etats-Unis et lance ce vendredi en France. On en vient même à s'étonner que personne n'ait pensé à l'iPad pour ressusciter les dodos ou régler le problème du financement des retraites ou de la dette grecque.
La tablette d'Apple avait été bloquée aux frontières, les autorités estimant que le signal internet wifi de l'iPad version américaine était trop puissant.
Le miracle iPad sera-t-il aux rendez-vous de ces attentes célesto-cosmiques? Pour Apple, probablement. En vente aux Etats-Unis depuis le 3 avril dans sa version wifi, depuis le 30 avril dans sa version connectable via les réseaux téléphoniques, l'iPad a dépassé toutes les attentes: il a suffi d'un mois pour en écouler un million d'exemplaires, soit un lancement deux fois plus rapide que celui de l'iPhone il y a trois ans. Un succès qui a d'ailleurs conduit à reporter d'un mois le lancement à l'international. En France, en Grande-Bretagne, au Canada, en Suisse, en Allemagne, en Italie, en Espagne, au Japon et en Australie - tous les pays qui le découvrent ce vendredi avant neuf "destinations" supplémentaires en juillet - tous les voyants semblent aux verts pour accueillir avec un enthousiasme geek la sensation high-tech de l'année. A Sydney et Tokyo notamment, des centaines de fan d'Apple faisaient la queue devant les Apple Store vendredi pour obtenir leur précieuse tablette.
A croire que la crise, les plans de rigueur tous azimuts, et la sinistrose mondiale n'auront pas dissuadé les consommateurs de la planète de détricoter leur bas de la laine pour s'offrir le dernier joujou d'Apple. Il sera disponible à des tarifs allant de 499 à 699 euros pour les modèles wifi et de 599 à 799 euros pour les modèles 3G, un investissement qui doit leur permettre de surfer sur le Net, de consulter leurs mails, regarder des photos ou encore d'accéder aux applications de la boutique en ligne d'Apple, l'App store, avec des jeux, des vidéos, des gadgets aussi inutiles qu'indispensables...
Près de 500.000 iPad français
La France, qui a réservé à l'iPhone un accueil magistral, devrait tenir son rang de pays très technophile. Entre 400.000 et 450.000 tablettes internet, dont une très large majorité d'iPad, devraient s'arracher chez nous d'ici à fin 2010, a estimé mardi l'institut d'études GfK. "La France, en général, représente, pour un nouveau produit de ce type, entre 10 et 12% du marché mondial", a expliqué le directeur général adjoint de GfK, François Klipfel qui prévoit des ventes de 4 millions de tablettes dans le monde cette année. En France, "les 100.000 premières pièces vont se vendre très vite", d'autant qu'"Apple va peut-être jouer la pénurie pour augmenter le bouche-à-oreille", pronostique-t-il. As de la com', la firme à la pomme a cherché à faire de cette sortie, pourtant décalée, un événement. Les deux Apple Store français, à Paris et Montpellier, ouvriront pour l'occasion leurs portes dès 8 heures. Si tout se passe bien, essaim de journalistes et files d'attentes interminables de fanboys d'Apple seront au rendez-vous. A Paris, environ 150 accrocs ont fait la queue tôt ce matin devant l'Apple Store du Louvre.
Comme aux Etats-Unis, ou 5.000 applications ont été conçues spécifiquement pour l'iPad, des pans entiers de l'économie française attendent beaucoup du joujou d'Apple. Les médias français lorgnent sur l'exemple du New York Times qui a annoncé mardi que son application pour iPad avait déjà été téléchargée à plus de 300.000 reprises. De nombreux patrons de presse y voient une touche pour vendre enfin aux lecteurs leurs contenus sur Internet. Quotidiens nationaux et régionaux mais aussi magazines se sont préparés à son arrivée, chacun mettant en avant fonctions inédites, navigation aisée ou contenu enrichi avec texte, photos et vidéos pour séduire le lecteur. Pour les éditeurs de presse, "l'iPad est un modèle économique intéressant car il est assez proche de celui de la presse elle-même, à savoir des contenus payants plus des revenus publicitaires", relève Delphine Grison, directrice du marketing stratégique et du développement de Lagardère Active (Paris Match, Elle, Le Journal du Dimanche, etc.).
L'édition de livre n'est pas en reste. La tablette devrait débarquer avec des centaines de milliers de titres d'ouvrages en anglais mais aussi une grande partie de l'offre déjà développée par les éditeurs français pour l'iPhone. L'offre disponible en français sur l'iBookstore (la librairie virtuelle d'Apple) reste en revanche en suspens. Pour l'instant, les éditeurs hexagonaux, comme Apple, demeurent muets sur d'éventuels accords. "Aucun commentaire", répondent Hachette ou Albin Michel. Mais nombreux sont ceux qui seront présents sur l'iPad dès son lancement.
Des cartes à jouer
Ils ne devront pas oublier qu'Apple est très dur en affaires. Les opérateurs français l'ont déjà appris à leurs dépens. Pas gâtés par les contrats signés pour l'iPhone, ils ont carrément été écartés du lancement de la bête en France, contrairement aux distributeurs Boulanger, Surcouf, Darty et Fnac. L'iPad ne sera pas vendu dans leurs boutiques, mais les opérateurs mobiles, entendent bien profiter quand même de ce nouveau marché. SFR et Orange (France Télécom) - dont la boutique des Champs-Elysées accueillera des démonstrateurs Apple - ont d'ores et déjà annoncé des forfaits spécifiques, tandis que Bouygues Telecom est "toujours en discussions" avec l'entreprise de Steve Jobs.
Si Apple a dégainé le premier, vite et fort, le match des tablettes n'est pas perdu pour ses concurrents qui pourront toujours proposer aux opérateurs et éditeurs de contenus des contrats plus avantageux. Ils devraient aussi s'engouffrer dans les failles techniques du joujou d'Apple. Même dans sa version 3G, l'iPad n'est pas un téléphone mobile : on ne peut ni appeler, ni recevoir d'appels. Il ne dispose pas non plus d'appareil photo ou de webcam. Autre défaut : il n'est pas "multitâches", c'est-à-dire qu'on ne peut pas ouvrir plusieurs applications en même temps. Il faut à chaque fois fermer une application pour en ouvrir une autre, contrairement à un ordinateur. L'iPad ne donne pas accès aux programmes internet intégrant la technologie Flash (Adobe), utilisée pourtant par une grande partie des sites internet pour ajouter des animations, des publicités ou des jeux vidéo à une page web.
Le prix de la pomme
Enfin, comme l'iPhone, l'iPad est un système très fermé. Apple n'a jamais hésité à refuser un logiciel qui ne lui convient pas et refuse de revoir à la baisse ses exigences financières C'est d'ailleurs en étant beaucoup plus ouvert avec les éditeurs et développeur que Google commence à contester, avec son système Androïd proposé à tous les fabricants de portables, la suprématie de l'iPhone sur le marché des téléphones mobiles.
D'ici à 2011, la folie des tablettes ne va pas retomber. Dell a déjà annoncé mardi la sortie de son "Streak" en Grande-Bretagne en juin, et beaucoup estiment que Hewlett-Packard s'est emparé de la société Palm pour mettre dans des tablettes le système d'exploitation WebOS, conçu pour le téléphone multifonction Pre. Le français Archos est également présent sur ce créneau depuis 2008. Il vient de lancer en mai une nouvelle tablette vendue à partir de 149 euros en version 2 gigaoctets et 179 euros en version 8 Go. Trois fois moins cher qu'une tablette frappée d'une pomme.
Par Olivier Levard :Diplômé de Sciences Po Paris et du Centre de Formation des Journalistes (CFJ), Olivier Levard collabore au Jérusalem Post et au magazine du Club du XXIème siècle. Il poursuit sa formation en Afrique du Sud puis tourne des sujets en Argentine et au Proche-Orient. Il rejoint LCI à l'été 2006 puis TF1 NEWS comme chef de rubrique high-tech en 2007. En 2008, il prend en charge la rubrique économie de TF1 News. Après avoir couvert pendant deux ans l'actualité du Web, il publie début 2010 aux éditions Michalon un ouvrage sur les réseaux sociaux (Facebook, MySpace, LinkedIn...). Passionné par les jeux vidéo, il anime le LCI Game Club, un talk-show sur l'actualité vidéoludique pour LCI Radio.