A peine la raclée électorale de dimanche soir administrée, ils ont donné de la voix. Depuis la gauche de la gauche, on les entend asséner qu’ils sont, eux, l’expression des vrais gens, de ce peuple qui exige enfin une véritable politique de gauche et de justice sociale. En cause, l’orientation trop libérale du gouvernement sortant, la succession de cadeaux faits aux entreprises, l’arsenal des baisses de dépenses publiques, bref l’avachissement du politique devant les oukases du marché. C’est au nom de sa légitimité populaire autoproclamée que cette gauche veut qu’on « écoute les Français ».
Le plus incroyable, c’est que ça marche : leur antienne est devenue une des plus belles mystifications politiques qu’on puisse imaginer. Dans un pays où jamais il n’y a eu autant d’Etat, on se demande par quelle supercherie ils ont réussi à faire croire que, pour sortir de l’échec, il fallait justement plus de redistribution. Dans une économie où jamais les marges des entreprises n’ont été aussi ténues et le poids des impôts aussi écrasant, on se demande par quelle acrobatie dialectique la politique du gouvernement finissant a pu être jugée ouvertement favorable aux entreprises, et par quelle arnaque intellectuelle ils sont parvenus à faire croire à cette fable du « président des riches ».
C’est un des défis – et pas le moindre – qui s’impose maintenant à Manuel Valls. Positionné à la droite du PS, sa tentation pourrait être de bidouiller quelques signaux « de gauche ». Au nom de la justice sociale, bien entendu. Mais plutôt que d’essayer de flatter l’aile gauche de sa majorité avec des leurres, le plus efficace serait d’admettre qu’il n’y a pas, qu’il n’y a plus le choix : il faut réduire le poids de l’Etat, autrement dit augmenter celui du privé. Autant le dire, et le faire, même en se pinçant le nez, avant qu’on ne nous y contraigne.