TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 1 juin 2011

Eux, c’est eux, nous, c’est nous

Chacun sait que, depuis un demi-siècle, l’avenir de la construction européenne repose sur le binôme franco-allemand et que chacun de ces deux pays a beaucoup à apprendre à l’autre. Pour autant, ces deux grandes nations ont le droit d’avoir des choix politiques et économiques différents dès lors que cela ne menace pas la construction de l’Europe. Le nucléaire fait partie de cette zone d’autonomie : depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne est exclue du nucléaire militaire et elle décide aujourd’hui de se retirer en dix ans du nucléaire civil en renonçant à ses centrales. On peut reprocher à la chancelière Angela Merkel d’avoir fait une volte-face politique, d’avoir fait preuve d’un électoralisme pur et de préparer la voie à un éventuel accord avec ses écologistes. On peut lui reprocher aussi de céder à une forme de démocratie d’émotion après la catastrophe du Japon et de démocratie d’opinion, puisqu’une majorité d’Allemands se déclaraient favorables à l’arrêt du nucléaire. Reste que c’est l’affaire du peuple allemand et que s’applique bien l’adage « eux, c’est eux, nous, c’est nous ». Chez nous, en effet, la poursuite du nucléaire est vitale pour notre production d’électricité et notre sortie de crise économique. Il faut certes renforcer les mesures et les contrôles réguliers de l’Etat sur la sécurité quel qu’en soit le prix, il faut développer les énergies renouvelables et se fixer des objectifs ambitieux en la matière pour réduire en douceur la part du tout nucléaire. Mais il faut continuer dans la voie ouverte par le général de Gaulle. L’élection présidentielle permettra à chacun de se déterminer et l’on verra si la gauche cède au chantage des écologistes.

Grèce : l'Allemagne conditionne son aide à une participation du privé

Evoquant des "attentes fortes" de Berlin dans ce sens, un porte-parole du ministère des finances allemand a affirmé que l'Allemagne conditionnait toujours une éventuelle nouvelle aide à la Grèce à une participation des détenteurs privés de titres de dette grecs.
Cette nouvelle aide ne serait envisageable qu'à trois conditions, a détaillé le porte-parole : "Des mesures supplémentaires de la part de la Grèce", notamment en termes de politique fiscale ; un plan "très concret, très tangible et intelligible" de privatisations ; et troisièmement, "il est important que le secteur privé (...) assume ses responsabilité". "Sous quelle forme, je ne peux pas encore le dire", a-t-il ajouté, mais "si le secteur public donne plus" que ce qu'il a déjà consenti, "il est évident que les créanciers privés doivent participer" eux aussi.
Le Wall Street Journal avait écrit mardi que Berlin serait prêt à renoncer à cette exigence, faisant naître sur les marchés l'espoir d'une solution prochaine au problème grec. Un groupe d'experts de la Banque centrale européenne, du Fonds monétaire international et de la Commission européenne travaille actuellement à l'évaluation de la situation d'Athènes, en pleine crise de ses finances publiques.
Son rapport est attendu "au plus tôt vendredi dans la nuit", a déclaré le porte-parole, précisant que les conclusions pourraient aussi être rendues pendant le week-end, voire "mi-juin".

Le spectre de 1976

Plaines arides. Cultures décimées. Fourrages raréfiés. Nappes phréatiques et rivières au plus bas. Agriculteurs à la peine. Le spectre de la grande sécheresse de 1976 plane sur la France. Déjà cinquante-quatre départements restreignent leur consommation d'eau. Selon les météorologues, le printemps 2011 est le plus chaud et le plus sec depuis plus d'un siècle. Pire qu'en mai 1976. Ce printemps trop estival, sauf déluge en juin, nous prédit un été calamiteux pour les récoltes, pour les Français qui souffrent de la chaleur, et pour l'économie en général.

Cette année-là, la sécheresse coûta au pays un demi-point de croissance. Raymond Barre, Premier ministre, succédant à Jacques Chirac qui venait de jeter sa démission, dut lever un impôt de solidarité pour sauver des agriculteurs de la faillite, dès le mois de septembre. Aujourd'hui, nous n'en sommes pas encore là, et on ne parle surtout pas de nouvel impôt, alors que les Français remplissent leur déclaration fiscale. Pas de provocation en pré-période électorale. Mais il est vital de rassurer les agriculteurs asphyxiés. Bruno Lemaire, leur ministre, va mobiliser dès le 15 juin le fonds de garantie des calamités agricoles. À la clé, plusieurs centaines de millions d'euros.

De quoi passer la crise ? Peut-être, si la solidarité interprofessionnelle s'en mêle. Mais c'est désormais chaque année, ou presque, que cette calamité sécheresse frappe une région, une profession, sinon le pays entier. Jadis, rappelle l'historien Emmanuel Le Roy Ladurie, pour se venger des étés trop secs et des cultures ravagées, nos ancêtres fouettaient, paraît-il, la statue de Saint-Matthieu. Et l'on sait que les disettes et les famines déclenchaient des révoltes, voire des révolutions. Aujourd'hui, qui fouetter ?

Les mois trop secs se multiplient sur l'Ouest européen. L'anticyclone des Açores donne la main à celui du Groënland et ils bloquent les offensives pluvieuses atlantiques. Les scientifiques y voient les effets croissants du changement climatique. Si l'on en croit les derniers chiffres des rejets de gaz carbonique dans l'atmosphère, cela ne va pas s'arranger. L'année 2010 a battu tous les records. Il faut se rendre à l'évidence. La gestion de l'eau, en France, va devoir changer de registre. Il ne s'agit plus de répondre à des urgences temporaires. L'urgence devient permanente.

Cessons toutefois de se raconter des histoires. La France reste un pays tempéré, arrosé, qui possède des réserves en eau conséquentes. Encore faut-il bien gérer cette eau. Ne pas se contenter, comme dit un agriculteur, de la regarder couler en hiver et de tirer la langue l'été venu. À force de puiser sans mesure dans les nappes phréatiques, elles ne se reconstituent plus. Au banc des accusés, depuis longtemps, les cultures céréalières, grosses consommatrices d'irrigation. Mais elles ne sont pas seules responsables.

La ministre de l'Environnement, Nathalie Kosciusko-Morizet, dit vouloir terrasser ces sécheresses à répétition. En réduisant la consommation d'eau. 20 % en moins d'ici à 2020. Par quel miracle ? D'abord par des petits gestes quotidiens. En rénovant les circuits de distribution. En limitant et en améliorant l'irrigation. Toute une panoplie de décisions qui pourrait faire que l'eau ne devienne l'enjeu de conflits permanents entre usagers. Une sorte de guéguerre des robinets de tous contre tous.

Opération mains propres?

Ça a commencé.

Le scandale DSK a été un détonateur et il faut s’attendre maintenant à des explosions en chaîne au rythme des bombes à retardement que le monde politique a soigneusement enfouies depuis des années. On a le sentiment que chaque jour qui commence apportera une affaire nouvelle. Comme si, d’un coup, l’heure était venue pour les hommes et les femmes de pouvoir de rendre des comptes sur leurs comportements. Comme si tous les sursis étaient épuisés et les indulgences habituelles supprimées. Moment troublant, atmosphère pesante: le climat politique est devenu étouffant. Avant même que ne commence une saison électorale décisive, le milieu politico-médiatique se trouve emporté presque malgré lui dans une grande opération de nettoyage dont personne ne sait où elle s’arrêtera. Sexe, fric, abus en tous genres: c’est le grand déballage.

Les Français, on le sait, n’aiment pas les petites réformettes, mais les révolutions. Une fois encore, ils récidivent dans cette radicalité. Après avoir toléré tant de dérives en coulisses au nom de la sacro-sainte vie privée, les voilà apparemment friands d’une transparence qui n’était pas dans le tempérament national. La diversification exponentielle des sources d’information, l’accélération de la diffusion des nouvelles -désormais presque en temps réel- et la peopolisation de la politique ont changé la nature de la vie publique, ses contraintes et son rythme. La pression sur ses acteurs ne se desserre plus. Malheur à celui, ou celle, qui se retrouve en position d’accusé. Il devra faire face à un rouleau compresseur qui ne lui laissera pas le loisir, ni le temps, de mettre en place de classiques stratégies de diversion aujourd’hui dépassées.

Après les cigares de Christian Blanc, l’aventure tunisienne de Mam, l’exécution en cinq jours de Georges Tron, nous avons eu droit hier aux nuits au palace de Gérard Longuet -cadeau de Ben Ali-, aux interventions présumées de Nadine Morano pour faire licencier une employée de grand magasin soupçonnée d’impolitesse à son égard et aux mauvaises rumeurs de ballets bleus lancées par un ancien membre du gouvernement Raffarin... Simultanément, le machisme du personnel politique français, imprégné d’une beaufitude consternante, est ouvertement dénoncé par des ministres et des parlementaires de toutes étiquettes. La guerre des sexes s’invite à son tour dans une campagne 2012 qui sera peut-être celle de tous les règlements de comptes.

Une certitude: un certain monde politique est en train de s’éteindre. Manifestement à bout de souffle. Est-ce une bonne nouvelle? Est-ce sain? Est-ce prometteur? C’est une autre question. Il ne faudrait pas que le courant d’air véhiculant tout à la fois un nouvel ordre moral, l’antiparlementarisme et la désespérance démocratique s’engouffre dans les fenêtres grandes ouvertes pour accueillir un souffle de renouveau.

La candidature du cousin de province

Sa candidature est quasi-certaine ; ses lieutenants la tiennent pour acquise. Mais Jean-Louis Borloo continue de valser en insistant sur son côté bal musette. Il espère ainsi retenir une attention tout l'été avant d'annoncer aux premiers jours d'automne qu'effectivement, il accepte la pression de son camp. D'ici là, il aura multiplié, lui qui s'en défend, les conversations de salon et les intrigues de palais, particulièrement en raison du rendez-vous des sénatoriales de septembre. Car la Haute assemblée pourrait bien basculer à gauche en 2011 et d'autant plus facilement si les sénateurs du Centre laissaient faire. À moins que, pour éviter ce basculement historique, les sénateurs de l'UMP, loin d'être majoritaires à eux seuls, n'acceptent l'idée d'un président centriste, issu du groupe du même nom, voire du groupe qui rassemble les radicaux de gauche et ceux de droite. Derrière les effets de manche de Borloo, il y a déjà ce type de tractations. Le discours de l'ancien maire de Valenciennes, qui se veut proche, sympathique et concret, est pourtant diablement politique et calculateur. Comment les amis de Jean-Louis Borloo peuvent-ils espérer que les Français croient à l'image d'un type bonhomme, un cousin d'une province du Nord ravi de nous faire visiter ses terrils réhabilités ? Il a passé huit ans de sa vie récente dans les ministères de Chirac et Sarkozy. Ce n'est pas une honte. Mais ce n'est peut-être pas le meilleur atout.

PS : À quoi joue DSK ?

Bien qu'il soit assigné à résidence dans sa maison de New York, Dominique Strauss-Kahn continue de s'entretenir avec les pontes du PS. 
C'est un écrin de luxe, situé en plein cœur de Manhattan, dans le quartier de TriBeCa si cher à Robert de Niro. Mais cette « prison dorée » de 600 m2 dans laquelle l'ancien directeur du Fonds monétaire international est assigné à résidence a un avantage certain : des téléphones qui permettent à DSK, bien qu'enfermé et isolé, de rester en contact avec ses proches.
En l'espace de quelques jours, Dominique Strauss-Kahn a donc été en contact avec plusieurs hauts gradés de la rue de Solférino. Citons, pèle-mêle, Martine Aubry, Laurent Fabius ou encore Jack Lang. Bien évidemment, rue de Solférino, on arguera que ces coups de fils transatlantiques sont à la fois fois personnels et privés. Sous-entendu, DSK a d'autres sujets de préoccupation que l'avenir du Parti socialiste. Le sien lui donne assez de fil à retordre et l'audience, fixée au 6 juin, est un sujet d'attention suffisamment important pour qu'il s'accorde un peu de distance vis-à-vis de la vie politique française. Cité par Europe 1, l'un de ses lieutenants l'a d'ailleurs assuré. « Il (Dominique Strauss-Kahn) considère qu'il est sorti du jeu », a-t-il affirmé. Et les conversations que DSK peut avoir avec Pierre, Paul, Jacques et les autres sont « personnelles et purement amicales ». 
Pourtant, si l'on se rappelle que, il y a encore un peu plus de deux semaines, Dominique Strauss-Kahn semblait être le favori pour remporter l'Élysée en 2012, il semble probable – voire évident – que les discussions, toutes personnelles qu'elle soient, abordent un moment ou l'autre le thème des primaires du Parti socialiste. 

Aubry l'hésitante

Certes, DSK ne prendra pas part à la course mais son absence, pour le moins remarquable, a fait de l'outsider Hollande le désormais favori des sondages. Tout porte à croire que son avis compte encore pour certains, rue de Solférino. D'autant que ses lieutenants, une fois le coup de l'émotion passé, se retrouvent sans leader et ne savent donc à quel saint se vouer. Martine Aubry ? François Hollande ? Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Paul Huchon penchent pour la première. Pierre Moscovici, pour sa part, préfère une autre voix, la sienne. Ou, plus vraisemblablement, le député du Doubs assure ses arrières tant que le représentant officiel du PS n'a pas été clairement désigné. 
DSK donnerait-il des consignes, testament politique d'un ancien champion désormais condamné à jouer les marionnettistes ? Peut-être pas aussi clairement même si ses intentions paraissent évidentes. Depuis le pacte de Marrakech, on sait que Strauss-Kahn a une préférence pour Aubry. Peut-être l'ancien directeur du FMI a-t-il essayé de convaincre la première secrétaire de se présenter, elle qui semble encore hésiter.

Quand Luc Ferry accuse un ex-ministre de pédomanie

Luc Ferry a annoncé sur le plateau du Grand Journal de Canal + lundi soir qu'un de ses ex-confrères s'était fait « poisser à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons ». Depuis des juristes le pressent de réagir en déposant une plainte afin d'ouvrir une enquête alors que celui-ci s'y opposait.
La classe politique française connaît une pleine période de déliement des langues. Après les affaires Georges Tron et DSK, c'est maintenant l'ancien ministre de la Jeunesse qui accuse un ex-membre du gouvernement français d'actes pédophiles. Le philosophe Luc Ferry a, en effet, affirmé sur le plateau du Grand Journal de Canal+ lundi avoir eu des « témoignages » sur le fait qu'un « ancien ministre s'est fait poisser à Marrakech dans une partouze avec des petits garçons » il y a quelques années. Pressé par les journalistes de la chaîne cryptée d'en raconter plus et de donner un nom, Luc Ferry a alors déclaré : « Si je sors le nom maintenant, c'est moi qui serai mis en examen et à coup sûr condamné, même si je sais que l'histoire est vraie ».
L'ancien ministre revenait sur cette histoire en citant un article paru dans le Figaro Magazine le 28 mai dernier qui relatait cette affaire dans le cadre d'un dossier sur celle de DSK et qui indiquait encore que l’histoire, à l’époque, avait été étouffée. « L'affaire m'a été racontée par les plus hautes autorités de l'Etat, en particulier par le Premier ministre », expliquait Luc Ferry.

Ce mardi, les réactions de juristes ont fusé. Pour beaucoup, le ministre devrait déposer une plainte pour déboucher sur l'ouverture d'une enquête et ne risquerait rien s'il n'est pas impliqué dans cette affaire de pédomanie relatée en haut lieu selon ses dires. Sur son blog, le juriste Vincent Dufief explique par exemple que « pour qu’il y ait dénonciation calomnieuse, il faut que l’auteur soit de mauvaise foi et ait conscience que les faits qu’il dénonce sont faux ». Le juriste cite par ailleurs « l’obligation de dénonciation » des actes de pédophilie prévue par l'article 434-3 concernant la « connaissance de privations, de mauvais traitements ou d'atteintes sexuelles infligés à un mineur de quinze ans ».

De son côté, l'avocat pénaliste Thierry Lévy explique au Nouvel Obs que l'ex-ministre de l'Education nationale ne pourrait pas être inquiété pour non-dénonciation de crime. Cependant, il condamne son attitude, qu'il juge « injustifiable », « puisqu'en refusant de révéler un nom, il laisse impuni un crime qu'il juge grave ».
D'autres juristes mettent encore en avant, un jour après cette nouvelle non-révélation de Luc Ferry, l'article 434-1 du code pénal qui incrimine « le fait, pour quiconque ayant connaissance d'un crime dont il est encore possible de prévenir ou de limiter les effets, ou dont les auteurs sont susceptibles de commettre de nouveaux crimes qui pourraient être empêchés, de ne pas en informer les autorités judiciaires ou administratives (…)» d'être soumis à une obligation de dénonciation de ces faits aux autorités.

La conjuration des imbéciles

En se contentant d'imposer l’austérité aux pays endettés, l’Union et ses dirigeants font preuve d’aveuglement, voire de bêtise: ils mettent leurs partenaires en difficulté, sans en tirer aucun avantage, remarque un juriste portugais. 

Il y a quelque temps, au vu des conclusions du Conseil européen de ce printemps, j'en suis venu à me demander si le roi n'était pas nu. Je m'efforçais de comprendre ce qui m'apparaissait comme un écart béant entre ce qui avait été promis et annoncé et les résultats terriblement maigres et modestes. Ici et là, j'ai assisté stupéfait au miracle de la multiplication des déclarations parfois contradictoires et presque toujours incendiaires à l'égard des marchés, de la part de responsables de l'Union européenne.
Avec son sens de l'analyse hors pair et son intelligence et sa culture brillantes, mon ami [l’historien] José Medeiros Ferreira compare la situation actuelle de l'Europe aux dernières années de l'Empire austro-hongrois, lorsque le pouvoir était aux mains d'une bureaucratie déconnectée de la réalité. Je crois qu'il a parfaitement raison: la bureaucratie de l'Union, qui a tant fait pour éloigner les citoyens de l'idée même d'Europe, se contente de soigner ses propres intérêts, sans se soucier de ce qu'est le projet européen.
Quand je vois que les déclarations [du président de la Banque centrale européenne] Jean-Claude Trichet (et je ne peux qu’imaginer que [son successeur désigné] Mario Draghi, aveuglé par sa volonté d'apparaître aux Allemands plus teuton qu'ils ne le sont eux-mêmes, ne s'éloigne guère de ce qui est depuis quelque temps la position officielle et officieuse de la Banque centrale européenne) augurent de mesures clairement insupportables imposées à la Grèce, au moment même où la BCE commence à remonter les taux d'intérêt malgré la croissance anémique de la zone euro et la crise que vivent les pays périphériques, je ne peux que m'interroger: l'indépendance des banques centrales est-elle une aussi bonne idée que nous étions portés à le croire?
Ce que j’ai le plus de mal à comprendre, c'est donc ce qui pousse les principaux dirigeants politiques européens à persister dans un remède dont il a été amplement démontré qu'il ne donnait que des résultats déplorables sur les patients auxquels il est administré, et même, au bout du compte, sur eux-mêmes et sur les intérêts qu'ils sont censés défendre.

Réelle stupidité, ou mise en scène élaborée?

Je reconnais avoir fait beaucoup d'efforts pour tenter de comprendre la logique de ce comportement, et j'admets avoir pensé un temps, dans un élan de générosité, qu'il s'agissait là d'une posture morale, liée au souci légitime de protéger les investisseurs détenteurs de titres souverains émis par ces pays dits périphériques.
Puis, ayant constaté qu'il s'agit d'investissements qui, sous prétexte d'un risque élevé, produisent une rémunération très largement supérieure à celle de titres plus sûrs, j'en ai conclu qu'aucun argument moral ne pouvait s'opposer à ce que les créanciers sacrifient une partie de leurs gains dès lors que leurs investissements se trouvent garantis.
Serait-ce donc, puisqu'il n'y a pas d'explication morale qui tienne, que tout cela s'explique par des politiques tout acquis aux intérêts financiers? Là aussi, difficile de trouver une logique dans ce comportement, car en insistant sur des programmes d'austérité drastiques, qui ne font qu'aggraver la situation financière des Etats et entraver leur capacité à respecter leurs engagements, les dirigeants politiques européens s'engagent sur une voie qui nuit radicalement à ces intérêts financiers.
C'est alors que m'est revenu en mémoire le brillant essai de Carlo Cipolla, Allegro ma non troppo: les lois fondamentales de la stupidité humaine (Balland éd. 1992), et sa règle d'or de la bêtise: est stupide celui qui fait du tort à une autre personne ou à un groupe de personnes sans en tirer aucun avantage personnel, voire en se trouvant lui-même lésé par son acte. Une question m'est donc venue à l'esprit: transposant l'analyse de Cipolla de l'individu aux institutions, pourrions-nous dire que l'Union européenne est stupide ?
A moins, évidemment, que tout cela ne se résume à une mise en scène élaborée, et qu'il existe un plan B dont l'objectif serait de chasser du club des riches — autrement dit de la zone euro — ces populations basanées qui s'y sont insidieusement infiltrées. Ainsi que les Irlandais qui, malgré leurs yeux et leur peau clairs, ont trompé l'Europe, lui faisant oublier pour un temps qu'elle avait l'habitude de les traiter comme ses nègres. Ne sont-ils pas, d'ailleurs, ces moutons noirs qui ont voté "non" au référendum qui devait renforcer l'intégration européenne? N'est-ce pas là ce qu'a voulu dire la commissaire Maria Damanaki ?*
* La commissaire à la Pêche et aux Affaires maritimes avait mis en garde le 25 mai contre un risque de sortie de son pays de la zone euro s'il n'arrivait pas à faire les efforts nécessaires pour réduire son énorme dette.

Où mène la sortie du nucléaire ?

L'Allemagne sera sortie du nucléaire au plus tard en 2022. La décision d'Angela Merkel réjouit les opposants à l'énergie atomique, mais elle pose beaucoup de questions pour l'avenir, estime la presse allemande.
Le gouvernement l'a décidé dans la nuit de dimanche à lundi: l'Allemagne abandonnera l'énergie nucléaire au plus tard en 2022. Dès à présent, sept centrales sur 17 resteront fermées, le reste sera progressivement arrêté dans les 10 années à venir et remplacé par des énergies alternatives dont le pays doit maintenant encourager le développement.
C'est jour de fête dans la presse anti-nucléaire ou presque. A Berlin, la Tageszeitung ressuscite en Une l'autocollant mythique des débuts du mouvement anti-nucléaire en Allemagne, orné de sa nouvelle héroïne: la chancelière Angela Merkel. Mais la lutte n'est pas terminée, assure le quotidien alternatif:
Il y a seulement six mois, après à un passage en force merkelien, les centrales allemandes devraient rester en service bien au-delà de 2030. Aujourd'hui, la moitié est déconnectée du réseau. […] Contrairement  à la sortie du nucléaire décidée en 2000 par la coalition rouge-verte [sous Gerhard Schröder], il n'y a plus d'opposition qui voudrait annuler cette décision. […] Enfin, le tournant énergétique peut entrer dans une nouvelle phase et être irréversible d'ici à 2020. Maintenant que la fin du nucléaire est réglée, il faut faire disparaître le charbon – et il faut un plan pour réduire la consommation de pétrole et de gaz.
A Munich, la Süddeutsche Zeitung tente de devancer les critiques :
Il est temps de comprendre la fin du nucléaire comme une chance, et non pas uniquement comme une privation, comme un poison pour l'industrie, ou comme un bizarre cavalier seul en plein milieu d'une économie internationale propulsée par le nucléaire. La sortie [du nucléaire] offre d'énormes chances si elle est comprise comme une reconversion, comme une entrée dans l'ère solaire potentiellement gratifiante sur le plan économique. Si on aborde la chose correctement, l'Allemagne sera l'avant-garde d'un tournant que chaque nation de la terre devra effectuer à cause des limites de la planète. Un tournant qui en finit non seulement avec les centrales en Allemagne, mais avec les énergies fossiles tout simplement.
Le plan mérite l'adjectif d'"ambitieux", reconnaît la Frankfurter Allgemeine Zeitung, à qui le mot permet également de ne pas contenir son scepticisme. Le quotidien conservateur remarque que la décision va coûter 2 milliards d'euros par an à l'Etat et qu'il "va falloir répondre à la question de savoir d'où viendra toute cette électricité, et si elle peut être produite de manière sûre et fiable". "Qui ne peut garantir ceci agit pour le moins de manière négligente en arrêtant les centrales", considère la FAZ, qui pointe les nombreuses inconnues des dix prochaines années et les efforts nécessaires pour restructurer le réseau énergétique allemand. Conséquence: c'est principalement le consommateur qui devra régler la facture. "La sortie du nucléaire n'est pas gratuite, tout le monde doit y aller."

Qu'une telle décision ait été prise dans la précipitation, poussée par l'émotion de la catastrophe de Fukushima et contre les promesses faites aux électeurs rend Die Welt furieuse. Le quotidien de Berlin appelle à la résistance contre ce "solo anti-démocratique", en Allemagne, mais en Europe. "Si un Etat fondateur aussi puissant que l'Allemagne veut engager l'Europe et le monde sur une nouvelle voie énergétique, il aurait été indispensable d'aborder ce projet au niveau européen, une démarche de longue haleine. Nous avons besoin de temps, et nous avons ce temps." Le journal conservateur regrette qu'Angela Merkel ait pris sa décision "sans respect pour les positions des autres Etats de l'UE, et surtout sans sensibilité pour le clivage entre l'Est et l'Ouest de l'Europe sur la question nucléaire".
Pour Die Welt,
l'Allemagne a fait cavalier seul – un rôle d'avant-garde qui tient de la posture morale et ne rencontrera pas que de l'enthousiasme au-delà des frontières allemandes. La notion de développement durable comprend aussi de ne pas se laisser pousser par des agitations momentanées ; qu'on prend son temps; qu'on sache qu'il n'y a pas encore dans le non à l'atome la réponse aux questions complexes sur les sources énergétiques de demain. On assiste à la naissance d'une alliance profane entre ceux qui veulent enfin gouverner d'une main ferme et ceux qui rêvent d'une pression outrageusement écolo-moralisatrice qui fasse perdre le pouvoir au parlement et à l'opinion publique. Notre pays ne peut pas accepter cela.

Réaction

Merkel enterre l'Europe de l'énergie

"Qui se souvient que l'Europe a été bâtie autour de l'énergie? Qu'elle fut à l'origine Communauté européenne du charbon et de l'acier? Que ce symbole fut le premier cœur d'une puissance en devenir, réunissant dans une même promesse deux des plus grands belligérants des siècles passés?", demande l’éditorialiste Yves Harté dans le quotidien de Bordeaux Sud-Ouest, après l’annonce que l'Allemagne allait fermer ses centrales nucléaires d’ici 2022.
C'était, il est vrai, le temps d'une autre utopie. […] L'énergie en commun ? Là était l'avenir ! Il y a donc une certaine ironie à voir aujourd'hui l'Allemagne rompre brutalement avec le nucléaire sans aucune concertation. […] 
En matière d'énergie nucléaire, le leader mondial est français. L'Allemagne est à la traîne. Angela Merkel en a conclu qu'il valait mieux s'engager sur un autre terrain et explorer d'autres marchés, dont celui des énergies renouvelables. Là, l'avenir lui appartient. On oubliera qu'en attendant, l'Allemagne consommera encore plus de charbon, dégagera encore plus de ce CO2 qui, l'an dernier, a atteint des records. On oubliera de dire que son pays importera davantage de gaz russe et… d'électricité nucléaire française. Mais qui relèvera que cette décision, radicale et énergique, rompra le socle fondateur sur lequel avait été construite l'Europe originelle, celle qui mettait en commun les énergies d'alors, charbon et acier ?

Grèce : dans un pays au moral en berne, tout peut arriver

Les Grecs ont organisé, mercredi 25 mai, leur première manifestation Facebook, sur le modèle des "indignés" espagnols, et ont réitéré les jours suivants.Le mouvement a rassemblé des dizaines de milliers de personnes dans les rues d'Athènes, Patras ou Salonique, venues pour exprimer leur ras-le-bol des mesures d'austérité et leur rejet des organisations politiques et syndicales.
Après l'annonce d'un nouveau durcissement du plan de rigueur, lundi 23 mai, les syndicats avaient bien appelé à manifester le 4 juin.
Mais ils ont été pris de vitesse par l'organisation spontanée du mouvement des "indignés", qui prend clairement ses distances avec les syndicats, dont la dizaine de journées de grève générale, depuis un an, n'a pas fait dévier le gouvernement. Le mouvement social prendrait-il un nouveau souffle ?
La crise économique et le plan d'austérité en vigueur depuis un an se sont traduits par une très forte récession, une hausse du chômage et des impôts. Le produit intérieur brut (PIB) a reculé de 4,5 % en 2010, avec une forte aggravation au dernier trimestre (- 6,6 %). L'année 2011 devrait connaître un recul de 3 % à 3,2 %, malgré une hausse surprise de 0,8 % au premier trimestre. Cette amélioration est toutefois assombrie par la forte hausse du chômage, qui a atteint près de 16 % de la population active et plus de 40 % des jeunes de moins de 25 ans.
Poul Thomsen, le représentant du Fonds monétaire international (FMI) au sein de la "troïka" - surnom de la délégation du FMI, de l'Union européenne (UE) et de la Banque centrale européenne (BCE), qui vient régulièrement contrôler le degré d'avancement du plan mis en oeuvre en échange d'un prêt de 110 milliards d'euros -, explique que ce processus est "normal" : "C'est impossible de réduire le déficit budgétaire sans récession."
Le déficit avait atteint 15,6 % du PIB en 2009, après la découverte qu'une partie de ce déficit avait été dissimulée par les précédents gouvernements. Il a été ramené à 10,5 %.
EMBRASEMENT
La Fondation pour la recherche économique et industrielle (IOBE) recense, dans son dernier rapport sur l'économie grecque, parmi les difficultés liées au plan de rigueur, outre les résistances au sein du Parti socialiste au pouvoir, "la persistance de la récession pour la troisième année consécutive et l'augmentation du chômage à son plus haut niveau depuis quarante ans".
Ce think tank libéral constate que les Grecs ont été les Européens les plus pessimistes de l'Union en 2010. Récession et chômage font que le moral du pays est en berne : sept foyers sur dix considèrent que leur situation économique va s'affaiblir en 2011 ; quatre foyers sur cinq ne voient aucune possibilité d'épargner ; plus de la moitié de la population assure qu'elle arrive tout juste à joindre les deux bouts.
La lassitude s'exprime de différentes façons. Au début de l'année, de nombreux citoyens se sont rassemblés autour du mouvement "Je ne paierai pas" pour contester les hausses des péages d'autoroute.
La protestation peut prendre un cours plus violent, comme avec les groupes anarchistes qui ont organisé une série d'attentats, dont le plus spectaculaire a été l'envoi de colis piégés à différentes ambassades à l'automne 2010.
Mais l'embrasement annoncé par certains au moment des premières manifestations n'a pas eu lieu. Personne ne se risque cependant à d'autres prédictions tant la situation est tendue.
Le mouvement de décembre 2008 reste dans les mémoires, quand des rassemblements pacifiques s'étaient transformés en émeutes après la mort d'un adolescent tué par un policier. La vidéo de forces de l'ordre frappant brutalement un manifestant, en marge du défilé, le 11 mai, a fait le tour d'Internet. Il est hospitalisé. Un autre mort pourrait provoquer une nouvelle déflagration.