TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 24 février 2012

Tic-tac, tic-tac… 

Comme un réactivateur de mémoire, la campagne nous ramène depuis quelques jours à la France de Rungis qui se lève tôt, au président du pouvoir d'achat et même à Rachida Dati, l'icône pourtant déchue de l'ouverture. À croire que rien n'a changé depuis cinq ans, que la scène politique s'est figée. Les Français, il est vrai, ont le souvenir ténu en politique, mais ils vont avoir du mal à imaginer que l'horloge s'est arrêtée. En repartant sur le scénario qui avait marché en 2007, Nicolas Sarkozy ne peut pas espérer réapparaître comme un homme nouveau qui n'aurait jamais gouverné. Son handicap dans cette campagne, c'est justement d'être le président sortant, exposé au sempiternel « Pourquoi ne l'avez-vous pas fait quand vous étiez au pouvoir ? », qui exigerait de lui innovation et imagination. La référence au peuple impose certes de ne plus apparaître comme le président des riches et des bailleurs de fonds rassemblés au Fouquet's. Mais elle impose aussi de ne pas dénoncer dans un même souffle les salaires choquants du CAC 40, les parachutes dorés, le RSA et la prime pour l'emploi. Cette présentation fort complexe, sans doute destinée à resserrer les rangs dans les troupes majoritaires, aura pourtant bien du mal à faire revenir la magie du pouvoir d'achat tant que les comptes ne sont pas assainis. Pas facile de convaincre que le verre est à moitié plein et d'être candidat contre le système que l'on a incarné au long du mandat. Nicolas Sarkozy aura du mal à prendre le costume « d'opposant » comme il avait réussi à le faire sous Jacques Chirac. Il avait alors épuisé ses concurrents en les entraînant sans cesse sur son terrain et il promettait cette fois que, dès son entrée en campagne, il allait « réveiller » François Hollande. Mais le rival ne relève pas le gant et la tactique se cogne aux parois du bocal. Ce manque de réaction oblige la garde rapprochée à taper sur l'adversaire plutôt que de faire le service après-vente des propositions du candidat. Il ne serait pas inutile pourtant d'expliquer pourquoi l'on baptise l'obligation de sept heures promise aux allocataires du RSA du même nom – travail d'intérêt général – que la peine de substitution à la prison régie par des articles du code pénal ?

Sarkozy: adieu bling-bling? 


La Grèce pourrait coûter 5 milliards à la Belgique

Le deuxième plan d'aide à Athènes est sur les rails… dans un scepticisme généralisé. Pour le moment, il ne devrait pas coûter (trop) d'argent supplémentaire à la Belgique. Mais quel est le risque ?

Le ministre belge des Finances, Steven Vanackere (CD&V), croise les doigts. Le nouveau plan d'aide à la Grèce négocié à Bruxelles lors d'une réunion des argentiers des pays de la zone euro, ne devrait pas affecter les finances du Royaume. Pas pour le moment. Enfin, pas trop...
 
Les pays de la zone euro et le FMI vont prêter 130 milliards de plus à la Grèce, moyennant des conditions très dures, dont la baisse de 22 % du salaire minimum, qui atteint actuellement 877 euros. Cette somme s'ajoutera aux 110 milliards d'euros prêtés dans le cadre d'un premier plan signé en 2010, dont 73 milliards ont déjà été versés (1,942 milliard par la Belgique).
 
Les négociations de ce deuxième plan prévoient aussi l'abandon, par les détenteurs d'obligations publiques grecques, de 53,5 % de leur valeur. La dette, qui atteint les 350 milliards d'euros, devrait ainsi fondre de 107 milliards. Cela ne touche pas les pays prêteurs du premier plan d'aide, qui devront toutefois accorder une ristourne rétroactive sur les taux pour ne pas dépasser une marge de 1,5 %. Notons qu'au départ, la Belgique pouvait espérer une marge de 3 %.
 

Pas de nouveaux transferts, mais une garantie

 
Dans le cadre du prochain plan, la Belgique ne sera pas amenée à prêter de l'argent. Le fonds européen de stabilité financière (EFSF) assurera la tâche, en empruntant des capitaux sur les marchés, avec la garantie des Etats de l'euro qui ne sont pas touchés par des plans. La Belgique prendra alors 3,72 % du risque à sa charge, soit plus de 3 milliards d'euros. L'exposition totale de la Belgique s'élèvera ainsi à plus de 5 milliards d'euros.
 
Si tout va bien, ce scénario ne présente pas de risque. Mais les optimistes se font rares. Les avis sont unanimes pour estimer nécessaire cette deuxième aide et d'autre part, nombreux sont ceux qui la jugent insuffisante. «Cela va régler le problème de la liquidité, pas de la solvabilté», résume Etienne de Callataÿ, chief economist à la Banque Degroof.
 
Jusqu'à présent, le remède de cheval imposé à la Grèce pour réduire son endettement n'a conduit qu'à une récession prolongée. Le rebond attendu ne vient pas. D'où ce second plan. «La Grèce a besoin de temps, on ne peut pas remettre le pays sur pied en un an, combattre la fraude, rendre les entreprises publiques efficaces et avoir une armée avec moins de pouvoir, dans un délai aussi court», continue Etienne de Callataÿ, qui aurait préféré un plan à long terme. Le but d'arriver à un endettement de 120,5 % du PIB en 2020 semble bien improbable.
 
Pourquoi valider l'accord, malgré tout ? Le précédent Lehman Brothers a rendu les Etats plus prudents ; mieux vaut gagner du temps. Du reste, l'accord est encore théorique : il doit subir quelques validations, passer devant certains parlements. Et être digéré par la Grèce, qui va bientôt voter.

Paillettes 

Nous formons, nous autres Français, un drôle de peuple. On nous dit égoïstes, et nous plébiscitons la générosité des « Intouchables ». On nous dit racistes, et nous mettons au panthéon de la popularité Noah et Zidane, avant d’offrir ce soir peut-être un César à Omar Sy — tous « Français de sang mêlé », résumerait notre Président. On nous dit vieux, et les réalisateurs vedettes de ces César, les Toledano, Nakache, Hazanavicius et autres Maïwenn ont la quarantaine, voire moins. On nous dit en déclin, et notre cinéma triomphe en France mais aussi à Hollywood, avec dimanche peut-être un Oscar pour Jean Dujardin… Sûr que quelques pellicules et paillettes ne font pas le printemps. Mais pourquoi bouder les bonnes nouvelles, quand la campagne électorale nous assomme de sombres perspectives, qui nous ont cette semaine précipités dans les salles pour voir — devinez quoi ? « La Vérité si je mens ! »

L’air de la guerre

En explosant dans le fracas que l’on sait en 1991, l’URSS a laissé derrière elles quelques pétaudières qui, à intervalles réguliers, viennent mettre en péril les déjà fragiles équilibres régionaux. Plus particulièrement dans le Caucase du Sud où la Russie ne s’est jamais privée de souffler sur les braises sécessionnistes.

Ces « conflits gelés » ont pour nom la Transnistrie, l’Ossétie (du Sud) ou l’Abkhazie, et plus encore le Haut-Karabakh, que se disputent Azerbaïdjanais et Arméniens.

Si cette guerre, qui a fait plus de 30 000 morts entre 1988 et 1994, a depuis longtemps été oubliée en Europe, elle est, là-bas, présente dans toutes les mémoires. Et elle porte en elle les germes d’un nouveau drame. Dix-huit ans après l’arrêt des combats, la plaie que représente la perte de ce territoire symbole et des sept régions adjacentes est toujours extrêmement vive en Azerbaïdjan. 

Un cessez-le-feu avec Erevan a bien été signé le 16 mai 1994, mais la ligne de front, dite de « contact », est actuellement l’une des zones chaudes de la région. Chaque année, des soldats, de l’un ou l’autre camp, y tombent sous les balles de snipers ou lors d’escarmouches plus ou moins violentes. Officiellement 25 ont été tués en 2010, près d’une centaine en 2011. L’an dernier, des tirs d’artillerie ont même été enregistrés et le budget militaire de l’Azerbaïdjan a explosé, passant de 150 millions de dollars en 2004 à à plus de 3 milliards en 2011. 

Autant de signes qui montrent que le risque de voir la guerre reprendre n’est pas que théorique. Les autorités azerbaïdjanaises se considèrent en effet comme étant toujours en état de guerre. Au moins aussi longtemps que les sept régions illégalement occupées et considérées comme «zone tampon» par l’Arménie ne seraient pas libérées. Le président Aliyev a quant à lui récemment expliqué qu’il n’excluait aucune voie au règlement de cette question. 

Cette rhétorique martiale est aussi une façon de s’adresser à ses compatriotes. Dans la dialectique nationaliste, il est toujours commode de se mobiliser contre le voisin.

La superstition des marins est-elle une légende ?

Dans le monde des marins, il est des superstitions qui résistent contre vents et marées. Alors que le progrès technique et le développement des moyens de communication ont considérablement amélioré la sécurité en mer, certaines croyances ont toujours le vent en poupe.

Le commun des mortels emploie le mot "lapin" ? Pas les skippers. "On dit la bête aux grandes oreilles", explique Jean Le Cam, qui sera au départ du prochain Vendée Globe, le 10 novembre 2012, avec un monocoque aux couleurs de Synerciel. Le Breton n'emploie jamais le nom du mammifère lagomorphe, aussi bien en mer que sur la terre ferme. "C'est assez mal vu d'utiliser ce mot ou d'avoir une image le représentant au sein des équipages français ", nous apprend Franck Cammas, qui participe actuellement à la Volvo Ocean Race, une course à la voile autour du monde en équipage et par étapes, avec son maxi-trimaran Groupama. "Quand quelqu'un prononce le mot 'lapin' à côté de moi lorsque je suis en mer, ça m'énerve, mais je n'enchaîne pas, parce que après on en parle trop..."
LE MOT "LAPIN" TABOU
Pourquoi un animal à l'apparence aussi inoffensive terrorise-t-il à ce point les peuples de la mer ? Il faut revenir quelques siècles en arrière pour en trouver l'explication. Lorsque les matelots partaient pour de longues traversées, ils embarquaient une quantité impressionnante de vivres. Des salaisons, des légumes secs, mais aussi des animaux vivants qu'ils mangeaient au fur et à mesure du voyage : des volailles, des porcs et les fameux lapins. Le souci avec le petit rongeur, c'est que s'il n'avait pas assez de nourriture dans son clapier, il allait se servir lui-même sur le bateau. Il commençait par grignoter sa cage en osier, puis s'aventurait pour se régaler de tout le chanvre qu'il trouvait à portée de dents. Ce chanvre servait à fabriquer les cordages avec lesquels les interstices entre les planches de la coque étaient colmatés ou les mats arrimés. Cette réserve décimée par les rongeurs aboutissait parfois à des naufrages, puisque cela occasionnait l'ouverture de voies d'eau et des démâtages.
Il est une autre croyance qui résiste à l'évolution des mœurs : la présence d'une femme à bord, qui a longtemps été considérée comme portant malheur. Pour comprendre l'origine de cette superstition, il faut également revenir plusieurs siècles en arrière, lorsque les équipages étaient uniquement composés d'hommes. Une longue traversée étant synonyme de privations et de frustrations sexuelles, une dame aurait pu susciter désir, querelles entre marins, voire tentative de viol pour l'infortunée. Afin d'éviter ces désagréments et pour que l'ordre règne en mer, il a été décrété que les femmes portaient malheur. De nos jours, si elles ne sont plus considérées comme des fléaux, elles ont toujours du mal à se faire une place à bord, car les croyances les concernant ont la vie dure.
MAUVAISE FORTUNE BON CŒUR
Sur le maxi-trimaran Banque Populaire V, Loïck Peyron a battu le record du Trophée Jules-Verne avec un équipage uniquement masculin, car la présence d'une femme aurait changé les rapports sur le bateau. "Pouvoir vivre à bord d'un bateau, pendant quinze jours, trois semaines ou un mois dans un petit espace, ça peut être plus compliqué pour un équipage mixte, en raison de la promiscuité", nous éclaire Armel Le Cléac'h (Banque Populaire). A l'instar de tous les concurrents qui participent à la Volvo, Franck Cammas ne fait équipe qu'avec des hommes, "parce que les femmes manquent de force physique. C'est comme si on demandait pourquoi il n'y a pas de femme en équipe de France de rugby ? C'est une évidence. On recherche des gabarits puissants".
Jeanne Grégoire, navigatrice sur le Figaro Banque populaire, a dû faire contre mauvaise fortune bon cœur et renoncer à la course en équipage lorsqu'elle a débuté dans le métier. "A mes débuts, je me suis dit que naviguer en solitaire, c'était le seul moyen pour moi de m'assurer une place à bord... ou alors il fallait faire de l'équipage féminin. Et cela n'a pas changé. Heureusement, j'ai rencontré des équipages masculins plus accueillants, mais il en existe très peu. Les raisons sont toujours les mêmes : le poids, à niveau égal un homme apporte forcément un avantage physique, la vie en promiscuité lors d'une course au large... Mais si vous demandez à tous les skippers connus si ça les embêterait d'embarquer une fille, ils vous diront que non... Mais le feront-ils ?" Ce ne sont pas non plus tous des vieux loups de mer. Jean Le Cam, par exemple, "ne partage pas cette superstition". Et le natif de Quimper de rappeler qu'il a "participé à la Transat AG2R avec Florence Artaud à une époque". C'était en 1996 et ils avaient terminé deuxièmes, derrière Alain Gautier et Jimmy Pahun.
CHAMPAGNE, VENDREDI ET TRISKAÏDÉKAPHOBIE
Quant à la sacro-sainte bouteille de champagne, tout est fait pour qu'elle se brise au bon moment afin d'éloigner le mauvais sort. "On scie un petit peu la bouteille pour qu'elle casse et nous préparons bien le parrain ou la marraine du bateau pour que la bouteille tape au bon endroit et explose du premier coup", reconnait Armel Le Cléac'h. Cette tradition est ancestrale. Dans l'Antiquité, une victime était sacrifiée et son sang était étalé sur la proue afin de s'attirer les bonnes grâces des divinités. Cela permettait d'éviter tempêtes, avaries et monstres marins. Le sang a ensuite été remplacé par du vin puis, plus récemment, par du champagne, boisson associée au bonheur et à la chance.
S'il n'y a plus grand risque de croiser un monstre, les marins continuent de baptiser leur embarcation de cette manière, ils refusent également de la mettre en mer le vendredi. "Même si je mets mon Figaro Banque populaire à l'eau pour la vingt millième fois cette année, je vais quand même me débrouiller pour que ce soit un jeudi et ne pas avoir de retard", avoue Jeanne Grégoire. Franck Cammas "évite aussi de mettre un bateau à l'eau un vendredi. Ça m'est déjà arrivé, mais si je peux choisir, je ne préfère pas". "On ne met jamais le bateau à l'eau un vendredi", affirme Jean Le Cam de façon catégorique, avant de reconnaître qu'il "ne connaît pas la raison exacte".
Cette superstition trouve son origine dans la religion. C'est un jour où de nombreuses calamités se sont produites : la crucifixion de Jésus Christ eut lieu un vendredi, le diable tenta Eve et Adam mangea le fruit défendu un vendredi, et ils furent expulsés du jardin d'Eden le sixième jour de la semaine…
Autre incongruité pour les marins : composer un équipage à treize. "Il y a souvent des courses à quatorze, mais treize nous préférons éviter", avance Armel Le Cléac'h. Ces superstitions semblent farfelues pour les terriens et pourtant… malheur à ceux qui ne les ont pas respectées : la White Star Line, la compagnie propriétaire du Titanic, n'inaugurait jamais ses bateaux, et la bouteille de champagne n'avait pas explosé contre la coque du Concordia le jour de son baptême.
Alexis Danjon