Bien que très faible cette hausse de 0.3% a été pour beaucoup synonyme d’espoir et de fin de crise. Cependant certains experts restent prudents et ne croient pas à une reprise de l’économie européenne. Pascal Salin professeur honoraire d’économie de l’université Paris Dauphine, considère que la gestion de la crise était mal faite et la France a beaucoup trop de défauts internes pour espérer la reprise :
Est-ce que maintenant on peut dire que la crise est dans sa phase finale?
C’est difficile à dire, parce que d’abord ça dépend des pays et nous savons bien qu’un certain nombre de pays sont encore en difficulté. Mais c’est essentiellement du au fait qu’il y a eu plusieurs crises, il y a eu d’abord une crise monétaire, due à mon avis à l’instabilité des politiques monétaires, en particulier aux Etats Unis, mais aussi dans d’autres pays. Ensuite il y a eu la traduction en crise économique, mais également en crise de la dette. Beaucoup de gouvernements ont trop dépensé, sous prétexte de revenir à la prospérité, ce qui a bien sûr été un échec et on a donc maintenant une crise de la dette, qui rend difficile le retour à la normale.
Si on parle plus particulièrement de la France, est-ce que l’on peut dire qu’on est sorti de la crise, est-ce qu’on voit le bout du tunnel ?
Je ne crois pas parce qu’en France, il y a trop d’obstacles qui sont mis à l’activité économique, je pense en particulier aux obstacles fiscaux et aux obstacles réglementaires. Il ne faut pas oublier que la France est l’un des pays du monde où la pression des prélèvements obligatoires est la plus élevée. Il y a une double crise en France. Il y a la crise récente que l’on a constaté dans un grand nombre de pays, mais cette crise récente s’est inscrite dans une crise de plus longue durée, depuis des décennies nous avons une croissance qui est faible et un taux de chômage élevé. Deux raisons essentielles des cette situation, c’est le fait qu’il y a une pression fiscale trop importante, non seulement les impôts à proprement dit, mais également le financement de ce qu’on appelle la protection sociale. Puis il y a également des contraintes réglementaires qui créent des rigidités dans l’économie, qui la rendent peu adaptable.
Est-ce que vous pensez que la France et l’Europe ont tiré certaines conclusions de cette crise? Est-ce que maintenant on est plus avisé sur certains problèmes que l’on a vu apparaitre pendant ces 5 ans?
Malheureusement je ne le crois pas et je vous donnerai deux exemples parmi d’autres possibles. A mon avis la crise a été provoquée par l’instabilité de la politique monétaire, à savoir qu’au début du 21ème siècle on a imposé des taux d’intérêt extrêmement faibles, ce qui a incité les investisseurs à réaliser des projets beaucoup trop risqués ou trop rentables, on a donc faussé les signaux du marché. Or pour répondre à la crise dans beaucoup de régions du monde on a fait de nouveau une politique monétaire très expansionniste avec le risque d’une crise nouvelle. Les mêmes causes ont les mêmes effets. Le deuxième exemple que je donnerai, c’est qu’une autre réponse qui a été donnée à la crise a consisté à augmenter les déficits publics à augmenter les dépenses publiques, parce qu’on a un réflexe habituel d’inspiration Keynesienne qui consiste à dire qu’il faut augmenter la demande et comme ça on peut accroitre la dépense publique. Or nous ne sommes pas dans une situation où il y avait une insuffisance de demande, ce n’est pas ça qui a provoqué la crise. Et en augmentant trop les dépenses publiques on réduit par ailleurs les ressources disponibles pour la consommation privée et pour l’investissement et donc on ne crée pas de nouvelles richesses. Donc il y a eu une erreur de politique économique considérable et malheureusement on n’a pas appris de ce point de vue là de la crise.
Et qu’est-ce qui attend la France et l’Europe dans les prochaines années selon vous?
Tout ce que je peux dire c’est que malheureusement je suis assez pessimiste pour la France, je ne vois pas arriver des changements radicaux de politique qui consisteraient à réduire les contraintes réglementaires et à réduire les prélèvements obligatoires. Et par ailleurs je pense que il n’est pas justifié de parler de l’Europe en général, précisément parce qu’il y a à l’intérieur de l’Europe des situations et des politiques qui sont différentes, on a fait par exemple en Grande Bretagne une politique d’austérité plus rigoureuse qu’en France. Nous aurons je pense des situations diversifiées parce que nous avons des types de réponses différents.