TOUT EST DIT

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jeudi 7 octobre 2010

FMI : Strauss-Kahn trouve "malheureux" que la dette de la Grèce soit révisée

Le directeur général du Fonds monétaire international Dominique Strauss-Kahn a jugé "malheureux" jeudi que le déficit budgétaire en 2009 et la dette publique soient revus en hausse, mais a soutenu le programme économique du gouvernement.
"C'est très malheureux que les chiffres soient révisés car bien entendu il aurait été mieux d'avoir des informations correctes au préalable", a déclaré M. Strauss-Kahn lors d'une conférence de presse à Washington.
Mais il a qualifié le programme économique du gouvernement actuel, entré en fonctions il y a un an, de "courageux" et allant "dans la bonne direction".
"Aujourd'hui, je ne conseillerais rien de différent au gouvernement grec. Il nous faut savoir à quel point les chiffres vont être révisés. C'est une révision pour 2009, il faut voir comment elle va se reporter sur 2010", a souligné le dirigeant de l'institution multilatérale, qui a accordé en mai un prêt de 30 milliards d'euros à Athènes.
"La Grèce est clairement sur la bonne voie, et je pense que c'est le plus important (...) Sur beaucoup de points, ils sont plus performants que nécessaire. Il reste toujours beaucoup à faire bien entendu", a-t-il rappelé.
La Commission européenne a prévenu mercredi que l'Office européen des statistiques allait revoir en "nette hausse" les chiffres de déficit public et de dette de la Grèce pour les dernières années, en particulier ceux de 2009.

FERA-T-IL LA MÊME CHOSE S'IL A LES COUILLES DE  SE PRÉSENTER À LA PRÉSIDENTIELLE ?
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Le PS s'engage à abroger la loi Hadopi en cas de victoire en 2012

Le député PS Christian Paul a indiqué jeudi à l'AFP que la gauche abrogerait la loi Hadopi si elle revenait au pouvoir en 2012, alors que la Haute Aautorité à commencer l'envoi de courriels d'avertissement aux internautes soupçonnés de téléchargement illégal.

"En cas d'alternance que nous attendons pour 2012, nous nous engageons sur l'abrogation de la loi Hadopi et sur la suppression de la Haute Autorité pour la diffusion des œuvres et la protection des droits sur Internet (Hadopi)", a déclaré M. Paul, l'un des porte-parole du groupe PS contre le projet de loi à l'Assemblée en 2009.
"LES INTERNAUTES ET LES OPÉRATEURS DOIVENT FINANCER LA CRÉATION CULTURELLE"
La loi Hadopi sera abrogée comme celle – à venir – sur les retraites ou la réforme des collectivités locales, a ajouté en substance M. Paul, proche de Martine Aubry et responsable du "laboratoire des idées" du PS.
Le député de la Nièvre dénonce "l'impuissance de cette loi à apporter des réponses au financement de la création culturelle et tous les désordres qu'elle va créer". Il estime que "les internautes et les opérateurs doivent financer la création culturelle" car "aujourd'hui, une partie des œuvres sont disponibles gratuitement par l'échange entre les internautes".
L'ancien secrétaire d'Etat a dénoncé "le flou juridique" sur la question des données personnelles collectées par les différents maillons de la chaîne Hadopi, dont certains sont privés. M. Paul a évoqué l'opérateur Free, qui a refusé de distribuer les courriels d'avertissement pour le compte de l'Hadopi, en revendiquant le respect de la confidentialité des "données personnelles".

LE PS EST A TEL POINT IMPUISSANT, STÉRILE QU'IL EN VIENT A PROMETTRE N'IMPORTE QUOI 
C'EST PATHÉTIQUE , EN FAIT C'EST DU RACOLAGE SUR LA VOIE MÉDIATIQUE.

Accord commercial de plus de 2 milliards d'euros entre la Chine et l'Italie

L'Italie et la Chine ont signé jeudi 7 octobre des accords commerciaux pour 2,25 milliards d'euros et se sont fixé pour objectif un bond de leurs échanges commerciaux lors de la visite du premier ministre chinois à Rome. Aucun mot n'a été prononcé sur les taux de change. Les entreprises des deux pays ont signé dix accords, notamment dans les domaines de l'énergie solaire ou des télécommunications, pour un montant total de 2,25 milliards d'euros, selon le patronat italien.

Devant un parterre d'hommes d'affaires, avec Silvio Berlusconi à ses côtés, Wen Jiabao a déclaré qu'il s'était mis d'accord avec son homologue italien pour faire fortement progresser les échanges bilatéraux d'ici cinq ans afin qu'ils passent de 40 milliards de dollars à 100 milliards (environ 72 milliards d'euros). "C'est un objectif atteignable et surpassable (…) Nous nous fixons 100 pour arriver à 120", a renchéri M. Berlusconi, déclenchant l'hilarité de M.Wen.
Alors que la discorde sur les taux de change a dominé la visite à Bruxelles de Wen Jiabao de lundi à mercredi, la question de la sous-évaluation du yuan n'a pas été évoquée à Rome par les deux chefs de gouvernement. L'Europe, à l'instar des Etats-Unis, soupçonne Pékin de faire de la dévaluation compétitive en maintenant sa monnaie à un niveau artificiellement bas pour doper les exportations et la croissance chinoises. Mais M. Wen est resté ferme et a demandé aux Européens d'arrêter de réclamer une appréciation du yuan.
ASSAUT DE COMPLIMENTS ENTRE LES DIRIGEANTS DES DEUX PAYS
Silvio Berlusconi a au contraire multiplié de son côté les compliments à l'égard de la Chine, pays qui, selon lui, fait toujours preuve de "beaucoup de sagesse" lors des réunions internationales et a la "volonté positive de résoudre toutes les situations" dans le cadre d'une "politique de l'harmonie".
L'accord commercial le plus important, signé entre la China Development Bank et Global Solar Fund, porte sur un projet de centrale photovoltaïque dans le sud de la péninsule de 800 millions d'euros. Vodafone Italie a signé de son côté un accord de 700 millions d'euros avec Huawei pour collaborer dans le domaine des réseaux de nouvelle génération, tandis que Shanghai Electric Group et China Development Bank ont paraphé un accord de 500 millions avec Impregilo dans le domaine de la désalinisation. Des accords ont par ailleurs été signés entre les deux gouvernements en matière de justice, de recherche ou de tourisme.
Estimant qu'elles n'étaient pas assez présentes en Chine, Wen Jiabao a appelé les entreprises italiennes, qu'il a qualifiées de "Marco Polo d'aujourd'hui", à investir davantage dans son pays, leur promettant le respect de la propriété intellectuelle. "J'espère que les entreprises italiennes pourront être au premier rang de [celles] des pays de l'Union européenne, voire du monde", a-t-il lancé. "Nous voyons le marché chinois comme un marché de grand développement" pour les entreprises italiennes, lui a répondu M. Berlusconi, soulignant que la Chine, "deuxième économie mondiale (…) sera bientôt la première !" si elle conserve son rythme de croissance.
Sur le plan culturel, alors que 2010 est l'année de la Chine en Italie, M. Berlusconi a demandé à M. Wen l'ouverture d'une maison de la culture chinoise dans la péninsule "comme en France ou en Allemagne". M. Wen, qui a également rencontré le président de la République italienne, Giorgio Napolitano, doit repartir dans la soirée pour la Turquie, dernière étape de son voyage en Europe.

ET LA COMMUNAUTÉ CONDAMNE LA GRÈCE ? 

France 2 : Aubry remplacée par «FBI Portés disparus»

La première secrétaire du Parti socialiste ne sera pas jeudi soir sur le plateau de l'émission politique «A vous de juger» de France 2. Selon un communiqué du PS, Martine Aubry, «souffrant d’un problème ophtalmique soudain», s'est rendue à l'hôpital ce matin, où a été diagnostiqué une lésion de la cornée «incompatible avec sa participation ce soir à l’émission». 

En janvier 2009, l'élue PS avait annulé des voeux à la presse pour la même raison. En accord avec France télévisions, assure le PS, la participation de la maire de Lille sera reprogrammée au 14 octobre.
Avec la secrétaire d'Etat aux Sports Rama Yade, Martine Aubry était l'invitée de l'émission de débat de France 2, en partenariat avec «Le Parisien» - «Aujourd'hui en France». Réforme des retraites, grogne sociale, primaires au PS... les interventions de la Première secrétaire du PS étaient particulièrement attendues. D'autant qu'elle avait déjà envoyé, officiellement pour des raisons d'agenda, Ségolène Royal au débat politique de France 2, représenter le PS sur l'épineuse question de la réforme des retraites. L'ancienne candidate à la présidentielle avait, ce 10 septembre, engagé le parti socialiste sur la promesse de revenir à la retraite à 60 ans en 2012, si le PS remportait la magistrature suprême.
France 2 diffusera ce soir trois épisodes de la série américaine «FBI Portés disparus», en lieu et place de l'émission.

MON ŒIL ! ELLE N'A RIEN A DIRE LA TRUIE SOCIALISTE !!!!!!

Etes-vous keynésien ou ricardien ?

La reprise est lente en Europe. Elle est hétérogène, on le sait, quand on compare la Grèce ou l'Irlande à l'Allemagne. Elle est concurrentielle, on le voit partout, au sein de l'Europe et plus encore avec la politique américaine. Elle est contradictoire, puisque les ajustements budgétaires requis freinent la demande à court terme, avec la promesse de moindres déséquilibres futurs.
En France, seule cette question alimente les débats -comme si c'était la plus importante. Ici, l'opposition entre court terme et long terme met, face à un soutien « keynésien » à la demande, une logique « ricardienne » de réduction des déficits. Pour les « ricardiens », les engagements d'économie budgétaire par réduction de dépenses tranquillisent les ménages. Au lieu d'augmenter leur épargne pour payer encore plus d'impôts, ils ne surépargneront pas. Ces mêmes « ricardiens » ajoutent que la thèse dite keynésienne n'est pas sûre, puisque le rapport entre revenu et consommation n'est pas stable. Preuve que les ménages sont inquiets et doivent être tranquillisés. Preuve qu'il faut réduire le déficit, au grand dam de nos keynésiens français.
Mais le monde ne voit pas les choses ainsi. Il voit plutôt la concurrence pour le leadership entre Etats-Unis et Chine, chacun cherchant « sa » sortie de crise. La Chine sait qu'elle doit rééquilibrer sa croissance par la demande interne, mais elle joue la montre. Elle veut continuer sa lancée exportatrice, avec un yuan sous-évalué. Les Américains peuvent critiquer son mercantilisme et la menacer de représailles, mais c'est risqué -car de nature à alerter les marchés sur une guerre commerciale entre les deux grands. Le plus sûr moyen pour réussir est plutôt d'inquiéter tout le monde sur un danger déflationniste, dans la lignée de Fischer.
Ben Bernake reparle alors de « quantitative easing » (QE), autrement dit de soutenir le logement et l'économie américaine en achetant des titres, sans dire précisément lesquels, ni combien ni quand. L'astuce est qu'il fait immédiatement baisser le dollar sans en parler, il n'en a d'ailleurs pas le droit. Les marchés financiers comprennent immédiatement que le déficit budgétaire américain va continuer, que le QE va créer plus de titres, titres vendus en interne et en externe, externe qui va faire baisser le dollar, baisse du dollar qui va importer de l'inflation, inflation qui va faire monter les taux longs, montée qui va déprécier la dette passée, le tout au nom de la volonté de tuer l'immonde bête déflationniste ! Imparable.
La morale économique est sauve… sauf que ceci revient à demander aux mercantilistes chinois d'acheter aux keynésiens américains des titres qui vont se déprécier avec la baisse du dollar et la montée des taux longs ! L'euthanasie des rentiers de Keynes devient celle des Chinois. Mais à la différence des rentiers de Keynes, victimes de l'illusion nominale, nos Chinois sont au courant. Ils résistent et vont monnayer l'appréciation du Yuan -en achetant de la technologie US ou des positions stratégiques.
Entre-temps, l'Europe se trouve avec moins de croissance « spontanée » et un euro qui monte, effet de la « solution » au jeu Etats-Unis/Chine. Elle connaît de nouvelles tensions, avec l'Irlande, l'Espagne et le Portugal aux premières loges, et non plus la Grèce. La pression monte sur la Banque centrale européenne, pour qu'elle intervienne. Ceci menace son indépendance, autrement dit le système de coordinations et de hiérarchies qui « tient » la zone euro. Demander une baisse de l'euro n'a aucune chance de marcher, car il nous faut vendre (entre autres) de la dette irlandaise, espagnole ou grecque. Et pourquoi donc l'Allemagne accepterait de vendre à moindre prix ses Porsche !
La question européenne n'est donc pas Keynes -consommation contre Ricardo -rigueur, ni mercantilistes chinois contre un Fischer utilisé par la Fed, mais comment ne pas être la variable d'ajustement des deux leaders mondiaux, Chine et Etats-Unis. Notre solution est double : gouvernance budgétaire plus stricte d'un côté, innovation à la Schumpeter de l'autre, autrement dit réduction du déficit budgétaire structurel et hausse de l'investissement privé. Nous devons aller vers des modes de décision plus lisibles, plus modernes, avec des comités restreints (à la Blinder) pour moins dépenser au niveau public, mieux au niveau privé, et dire cette stratégie. Avant qu'une zone monétaire devienne « optimale » à la Mundell, encore faut-il qu'elle résiste.

Burqa: Les Sages valident la loi

A une "réserve" près - "les lieux de cultes ouverts au public" -, le Conseil constitutionnel a validé, jeudi, la loi contre le port du voile intégral sur le territoire français. Après des mois de polémique, le texte avait été définitivement adopté par le Parlement en septembre. La France devient ainsi le premier pays de l'Union européenne à proscrire la burqa sur son sol.



CE N'EST PAS UN MAL, LA BURQA N'A PAS DE CONNOTATION RELIGIEUSE.

LE CAS KOUCHNER




L'Europe et la Chine s'affrontent sur la monnaie

Chinois et Européens ont affiché leurs divergences monétaires au cours d'une série de rencontres achevée mercredi 6 octobre, Pékin refusant de réévaluer le yuan alors que la zone euro s'inquiète de la montée en flèche du taux de change de sa devise. La discorde a dominé trois jours de visite à Bruxelles du premier ministre chinois, Wen Jiabao, pour un sommet Europe-Asie lundi et mardi, puis un sommet UE-Chine mercredi.
Dès lundi, M. Wen s'est montré ferme, en demandant que les taux de change des principales monnaies restent "relativement stables" entre eux. Une façon de rejeter les appels à une réévaluation du yuan des Européens qui, comme les Etats-Unis, soupçonnent Pékin de faire de la dévaluation compétitive pour doper ses exportations et sa croissance.

PRESSIONS SUR LE YUAN


Mardi, ce sont les Européens qui sont passés à l'offensive. Les trois principaux responsables économiques de la zone euro ont demandé une appréciation "significative" du yuan au chef du gouvernement chinois.

Enfin mercredi Wen Jiabao a contre-attaqué de nouveau. Lors d'un forum économique, il a demandé aux Européens d'arrêter de "faire pression pour une réévaluation du yuan". A ses yeux, une appréciation brusque de la monnaie "conduirait beaucoup d'entreprises chinoises à la faillite" et créerait "des troubles sociaux". Une telle crise "ne serait pas une bonne chose pour le monde dans son ensemble", a-t-il mis en garde.

Peu après, le président de l'Union européenne, Herman Van Rompuy, a déclaré qu'il avait demandé au premier ministre chinois d'agir en faveur de la réévaluation du yuan. Le cours de la monnaie chinoise sera l'un des sujets centraux du prochain sommet du G20 à Séoul, les 23 et 24 octobre, a quant à lui estimé le ministre allemand de l'économie, Rainer Brüderle. "Nous devons parler de ce sujet avec nos partenaires chinois", a-t-il déclaré, tout en appelant à "un apaisement verbal" dans ce débat qui tend à s'envenimer.

APPRÉCIATION DE L'EURO

Ces échanges aigre-doux surviennent alors que l'euro ne cesse de s'apprécier sur le marché des changes, ce qui risque de peser sur les exportations européennes et de brider la fragile reprise économique du Vieux Continent. La monnaie unique est montée mercredi au-dessus du seuil de 1,39 dollar pour la première fois depuis huit mois. Et l'Europe a le sentiment de faire aujourd'hui les frais des efforts des autres grandes zones économiques pour pousser leurs monnaies à la baisse.

L'inquiétude grandit, y compris au sein du FMI, face à l'atmosphère de "guerre des changes" entre grandes puissances pour affaiblir leurs devises respectives afin d'exporter davantage. Si la Chine est réticente à laisser le yuan se réévaluer, le Japon est aussi intervenu pour affaiblir le yen, le Brésil a pris des mesures pour limiter l'entrée de capitaux dans le pays et la hausse du real, tandis que les Etats-Unis ne font rien pour faire remonter le dollar. Ajoutant à l'atmosphère de discorde, le FMI, dont l'assemblée annuelle se tient ce week-end à Washington, a estimé mercredi que la Chine devait réévaluer sa monnaie pour dépendre moins des exportations et plus de la demande intérieure.

Dominique Strauss-Kahn redoute "une guerre des monnaies"

La lente amélioration de la conjoncture mondiale ne rassure pas Dominique Strauss-Kahn, le directeur général du Fonds monétaire international (FMI). Il déplore l'affaiblissement de la solidarité internationale en matière de monnaies et la lenteur des réformes du secteur financier.

Comment se porte l'économie mondiale ?

Dominique Strauss-Kahn : Elle se porte mieux, mais demeure fragile. La croissance est forte en Asie et en Amérique du Sud, assez forte en Afrique, où elle ne connaîtra pas le classique décalage d'un an sur la reprise mondiale – elle y atteindra 5% en 2010 et plus encore en 2011. En revanche, elle est incertaine aux Etats-Unis et molle en Europe. Au FMI, nous n'accordons qu'une faible probabilité au scénario d'une rechute, nous croyons plutôt à une courbe de croissance mondiale modérée, sur laquelle pèsent trois risques sérieux.

Le premier est celui d'une croissance sans emploi. Dans certains pays, elle pourrait ne pas être suffisante pour faire reculer le chômage. Dans d'autres, elle sera significative, mais les gains de productivité bloqueront la création d'emplois. C'est grave parce que, comme le FMI et l'Organisation internationale du travail (OIT) l'ont mis en lumière ensemble, la crise a fait disparaître 30 millions d'emplois alors même que 450 millions de jeunes vont arriver sur le marché mondial du travail dans les dix ans qui viennent.

Et la dette ?

C'est le deuxième risque, celui que fait peser la dette publique. Contrairement à ce que pensent beaucoup, sa croissance n'est pas due aux plans de soutien à l'économie mis en place pour empêcher l'effondrement de la demande. Nous avons calculé que, de 2008 à 2014, la dette publique moyenne rapportée au produit intérieur brut (PIB) passera de 80% à 120% pour les économies avancées. Ces 40 points supplémentaires sont imputables seulement pour un dixième aux plans de relance. L'essentiel de la dégradation a été causé par la récession qui a contracté le PIB, par la chute des recettes fiscales et par le coût des restructurations bancaires. Pour retrouver un équilibre de moyen terme, nous préconisons une baisse du déficit d'environ un point de PIB en moyenne à partir de 2011.

Par ailleurs, dans le domaine financier, il ne faut pas oublier le secteur privé, qui est à l'origine de la catastrophe que nous venons de vivre. Un premier pilier a été érigé pour le réglementer : les accords dits de Bâle III, mais ces règles ne serviront à rien si elles ne sont pas appliquées.

Enfin, le capitalisme connaît des crises récurrentes. Il faut donc prévoir partout des systèmes de résolution des crises comparables au Fonds de stabilité européen créé à l'occasion de la crise grecque.

Réglementation, supervision, résolution des crises, voila les trois domaines où il faut que les choses changent. Pour les deux derniers, beaucoup reste à faire.

Le troisième risque qui pèse sur la croissance, c'est la croyance de plus en plus évidente de chaque gouvernement qu'il peut se débrouiller seul. Or nous avons calculé que la croissance mondiale gagnerait 2,5 points, que 30 millions d'emplois supplémentaires seraient créés et que 33 millions de personnes sortiraient de l'extrême pauvreté si les gouvernements procédaient à des choix mieux concertés. L'une des avancées de la crise était d'avoir contraint les gouvernements à aller dans ce sens. Cette solidarité était forte aux sommets du G20 de Londres et de Pittsburgh (Pennsylvanie), un peu moins à Toronto (Canada).

Je crains qu'avec l'amélioration de la conjoncture, la tentation de solutions nationales se fasse plus forte, notamment en matière de monnaies. On l'a vu avec l'intervention japonaise pour faire baisser le yen, avec les alarmes brésiliennes face à la montée du réal. Je prends très au sérieux la menace d'une guerre des monnaies, même larvée, il faut l'éviter, le FMI fera des propositions en ce sens.

Que vous inspirent les sondages qui vous créditent d'une forte popularité en cas de candidature à l'élection présidentielle française de 2012 ?

Evidemment, cela me fait plaisir ! Cela montre que les Français ne m'oublient pas ; je ne les oublie pas non plus. Mais j'ai trop d'expérience pour ne pas regarder ces sondages avec prudence. Aux journalistes norvégiens, brésiliens, allemands ou français qui ne cessent de me poser la question, je réponds que je suis concentré sur mon mandat.

Dramatisation


De tous les scénarios possibles pour cette réforme des retraites, celui qui se dessine désormais n’est sûrement pas le meilleur. Les principaux syndicats de cheminots ont déposé mercredi un préavis de grève reconductible à partir du 12 octobre en cherchant à amplifier la protestation. Ceux de la RATP, de certains réseaux de transport urbains, du secteur de l’énergie ou de France Télévisions l’avaient déjà fait. D’autres devraient leur emboîter le pas. La grève au port de Marseille et sur les terminaux pétroliers vient ajouter sa touche à ce paysage social français passablement troublé.
Le pire n’étant jamais sûr et la discussion au Sénat devant encore durer théoriquement dix jours, la porte de sortie pourrait alors être des concessions significatives venant du gouvernement. Elles devraient porter sur les points faibles de sa copie, notamment la retraite des femmes. Elles pourraient suffire à obtenir l’apaisement.
Du côté des responsables syndicaux, en tout cas, elles seraient bienvenues. Malgré les apparences, la plupart se gardent bien d’en rajouter dans la montée aux extrêmes. Certes les partenaires sociaux sont aujourd’hui entrés dans un rapport de force, en partie imposé par la détermination de l’Élysée. L’annonce de la grève reconductible est devenue une nouvelle arme qu’ils brandissent pour ne pas perdre la face. Mais ils savent déjà qu’il leur sera difficile de mener à bien une telle bataille. La CGT ou la CFDT, par exemple, ont toujours admis qu’une réforme des retraites était inéluctable. Est-il possible de durcir un mouvement quand la discussion est limitée aux modalités ? Les organisations syndicales attendent donc de pied ferme des aménagements dont elles se satisferont, à moitié convaincues, à moitié résignées. Comme la plupart des Français, d’ailleurs. La même logique faite de combativité et de prudence mêlées devrait prévaloir du côté de l’opposition socialiste au Sénat.
Pour le reste, ce temps de tensions montre une nouvelle fois que la France ne sait toujours pas conduire le changement dans le calme. Faute d’un dialogue social guère souhaité, le pays est condamné à bégayer.

Marilyn Monroe à fleur de peau

Publiés simultanément dans plusieurs pays, les écrits intimes de Marilyn Monroe dévoilent une femme complexe éprise des mots, loin de l’icône sotte et sexy à laquelle elle fut longtemps résumée
  Fragments Poèmes, écrits intimes, lettres de Marilyn Monroe
Traduit de l’anglais (Etats-Unis) par Tiphaine Samoyault, Seuil, 270 p., 29,80 €


Elle était la « fille américaine », « l’Actrice blonde », « la déesse américaine de l’amour sur la grille du métro de New York », « la Fille Sans Nom », « la Fille de Vos Rêves », elle était « Marilyn Monroe », égrène Joyce Carol Oates au long de son extraordinaire roman, Blonde .

Pourtant, l’écrivain n’incarne vraiment son personnage que sous un seul nom : Norma Jean, prénom de baptême de la petite fille éperdue d’amour que Marilyn ne cessa jamais d’être. Elle ne s’appelait pas Marilyn, elle n’était pas idiote, elle n’était même pas blonde. La recherche de sa propre identité fut au centre de toute sa vie heurtée.

Depuis sa mort, le public a fait le même chemin à rebours, comprenant peu à peu que l’image de la pin up peroxydée forgée dans les années cinquante était chimérique.

De Marilyn Monroe, il a connu les films, les photographies, encore placardées aujourd’hui sur tant de murs, de vitrines, de magazines, les innombrables biographies qui lui furent consacrées, tissées d’informations plus ou moins exactes, ses éclats de rire, sa dépression, ses retards sur les tournages racontés par Billy Wilder ou John Huston, la merveilleuse actrice qui n’arrivait pas à retenir ses répliques, la chanteuse à la voix sensuelle, la maîtresse du président Kennedy… mais que savait-il des émotions de cette femme disparue en août 1962, à l’âge de 36 ans ?

Une femme d’esprit à la recherche de connaissance

Marilyn elle-même s’employa à brouiller les pistes, se cachant derrière l’écran protecteur de l’icône sexuelle. « Pour moi, il s’agit d’une beauté entièrement fabriquée par le studio, la publicité, les médias, et de cette image elle est devenue prisonnière », souligne l’historien du cinéma Jean-Pierre Coursodon (1).

C’est cette image, tronquée et réductrice, que s’est employée à équilibrer depuis des années Anna Strasberg, la femme de Lee Strasberg, ami cher de Marilyn et son professeur à l’Actors Studio à New York, détentrice du droit moral de l’actrice. À coups de procès – gagnés – contre l’utilisation marketing de photographies ou de son nom, et par une communication choisie sur la star, Anna Strasberg va faire éclore la femme intelligente et cultivée derrière la ravissante idiote.

La publication, jeudi 7 octobre, simultanément dans plusieurs pays, des écrits personnels de l’actrice, conservés par elle depuis la mort de son mari, participe de ce mouvement, dévoilant une Marilyn non seulement sensible et fragile, désemparée et appelant à l’aide, mais aussi une femme d’esprit à la recherche de connaissance et de reconnaissance intellectuelle.

« Ce qui frappe à la lecture de ces documents, remarque l’éditeur Bernard Comment, qui a coordonné les publications, c’est l’intensité de son rapport poétique au monde. » Issus de plusieurs carnets et de feuillets épars (tous reproduits en fac-similé en regard de la belle traduction de Tiphaine Samoyault), ces écrits intimes sont émouvants. 

Ils projettent le lecteur dans les pensées et les émotions de Marilyn, confirment sa fragilité mais aussi son extraordinaire prescience, sur elle-même, sur le monde. Elle tâtonne, semble emplie d’un grand appétit de vivre contrarié par une mélancolie inhibante. Avec, encore et toujours, son physique comme rempart à des tourments plus profonds.

« Je pense que je suis très seule – mon esprit bat la campagne. Je me vois dans la glace à présent, le sourcil en bataille – si je me mets très près je verrai ce que je ne peux pas y voir – la tension, la tristesse, la déception, mes yeux ternes, les joues rougies par des petits vaisseaux qui paraissent comme des rivières sur une carte – les cheveux qui tombent comme des serpents. C’est la bouche qui me rend le plus triste, près de mes yeux presque morts. Il y a une ligne sombre entre les lèvres comme les contours de nombreuses vagues soulevées par un violent orage – qui dit ne m’embrasse pas, ne me ridiculise pas, je suis une danseuse qui ne sait pas danser. »

Marilyn livre aussi dans ces fragments ses réflexions sur son métier. Son application, sa créativité, son talent de femme d’affaires, ou celui de femme d’intérieur, avec là aussi comme seul ressort l’envie d’être aimée. Surtout s’en dégage un sentiment tenace d’insécurité, et, plus que le désir de plaire, la volonté de ne pas décevoir.

Marilyn a l’intuition que le bonheur passera par cette équation piégée : si je ne déçois pas, on m’aimera. Poignante, cette scène où Marilyn dit son chagrin après avoir compris que son mari, l’adulé, l’admiré Arthur Miller, a honte d’elle et doute de leur amour. L’actrice crie sa solitude, se réfugie tout entière dans son travail, dans l’attente de la perfection qu’elle fait peser sur elle, et dans ce qu’elle sait le mieux faire : jouer. « Je sais que je ne serai jamais heureuse, mais je peux être gaie ! ».

"Les mots étaient pour elle la seule et grande question"

Ce recueil richement illustré n’est pas que le récit d’un mal-être, c’est aussi une confession totale, et une recherche obstinée. « Elle ne se protégeait pas, explique Bernard Comment. Elle donnait, elle donnait tout. On ressent à la lire l’incroyable sincérité de cette femme, son absence totale de cynisme et son extrême fragilité. C’est peut-être pour cela qu’elle reste autant dans l’imaginaire collectif, c’est un phénomène étrange. »

« Je pense que c’est une bonne chose de remettre Marilyn à la place d’une femme qui, sans être une intellectuelle, était éprise du langage dans toutes ses formes, et notamment sa forme poétique », poursuit Michel Schneider, écrivain et psychanalyste, qui a montré un visage complexe de l’actrice dans son roman Marilyn dernières séances (2).

« Les mots étaient pour elle la seule et grande question. Elle avait beaucoup de difficultés à parler, et les photos furent un moyen d’expression plus facile. » Mais insatisfaisant. La poésie, les confessions intimes, l’auto-analyse deviennent un refuge et un langage.

« Elle était un poète au coin de la rue essayant de réciter ses vers à une foule qui lui arrache ses vêtements », disait Norman Mailer. C’est à ce poète empêché de marcher par un corps dévorant que rend grâce ce livre. Les vers de Marilyn ne sont pas ceux d’un écrivain mais ceux d’une femme qui donne une forme à sa demande affective. Ils touchent, telle cette phrase d’un fol espoir et d’une incapacité mêlés : « À partir de demain je vais prendre soin de moi. »



(1) coauteur, avec Bertrand Tavernier, de Cinquante ans de cinéma américain, Éd. Omnibus.
(2)
Marilyn dernières séances, Grasset et Folio.




Le commentaire politique de Christophe Barbier





Pensée compétitive


Il est un point commun aux pays qui réussissent : la place accordée par les décideurs à l’information, la connaissance et l’anticipation opérationnelle de l’environnement international, ce que nous appelons en France l’intelligence économique, cruciale pour la compétitivité. L’émergence fulgurante de pays encore considérés il y a dix ans comme « en développement » en est une illustration.

Ce lien compétitif entre la pensée et l’action a été largement souligné pour les Etats-Unis. Think tanks puissants, boîtes à idées pour entreprises comme pour partis politiques, développement et diffusion mondiale de modèles culturels, économiques et juridiques, de normes… Des pays émergents, on ne parle en général que des succès matériels, de production et d’exportation. Pourtant, si leurs gouvernances sont diverses, nous les voyons tous développer des facultés similaires quoique spécifiques, dont les effets ne sont qu’à leurs prémisses.

Selon une étude récente (1), plusieurs think tanks de pays émergents figurent parmi le top 50 du classement mondial des think tanks (5465 au total), dont un indonésien (Centre for Strategic and International Studies) et deux chinois (CASS, Chinese Academy for Social Sciences et SIIS, Shanghai Institute for International Studies).

Prenons l’exemple de la Chine : cette recherche de pensée compétitive se fait sous l’égide d’un parti communiste omniprésent, ce qui tend à prouver que la richesse de la pensée stratégique n’est pas réservée aux démocraties, constat sans doute dérangeant pour nous Occidentaux. Quel que soit leur nom, les think tanks sont nombreux dans ce pays à alimenter les décideurs du Parti pour la mise en œuvre des réformes économiques en cours depuis plusieurs années. Certains sont directement liés au Parti, et parfois même internes à l’administration, d’autres le sont plus indirectement, comme le CASS, le SIIS et bien d’autres.

Les think tanks chinois ne doivent pas être jugés à la seule aune occidentale, la pensée compétitive reflète la culture de chaque pays. Dans un pays dont la tradition culturelle confucéenne est fondamentalement différente voire divergente des règles du marché, et où le maître-mot est « l’harmonie » de la société, il est naturel que ces think tanks ne présentent à l’extérieur que des idées qui ont préalablement été informellement validées par les autorités. En l’occurrence, cela ne relève pas du communisme, mais de la culture. Par ailleurs, la légitimité du Parti repose sur sa capacité à assurer une symbiose entre une ligne politique unique et l’intégration des mécanismes de l’économie de marché. Cela demande d’intenses réflexions et les échanges d’idées sont réels dans une administration moins monolithique qu’il n’y paraît de l’extérieur, pour in fine toujours chercher la meilleure voie.

Cette anticipation permet d’abord des choix économiques, industriels et énergétiques : par exemple, dans le domaine de la recherche d’énergies alternatives, les choix relativement anciens et longtemps méconnus de la Chine en matière de recherche de technologies propres, dans le charbon (en coopération au début avec les États-Unis) puis dans l’énergie solaire.

Ce qui est frappant, et qui nous est confirmé de diverses sources, est la place croissante réservée aux sciences humaines dans la pensée compétitive, notamment à la réflexion sociologique (2). Si les Chinois par exemple ont consacré et consacrent toujours beaucoup d’efforts à la recherche scientifique et technique, ils se sont ensuite dotés d’outils de recherche économique et juridique et aujourd’hui, les décideurs politiques ont pris conscience du caractère capital de l’expertise sociologique pour piloter le développement (3).

L’anticipation opérationnelle porte aussi sur le développement de stratégies de compétition immatérielle, le soft power. A noter à ce sujet qu’un tout nouveau think tank vient de faire son apparition à Beijing, le China Center for International Economic Exchanges (CCIEE), avec probablement comme but le troisième volet de l’intelligence économique, à savoir l’influence internationale des idées. Un aspect de cette puissance immatérielle procède aussi de l’influence normative, par le droit (règles et normes). Dans ce domaine, les Chinois ont patiemment « fait leur marché » depuis quelques années, envoyant des experts dans différents pays pour s’inspirer des meilleurs exemples : en droit civil et des affaires par exemple, s’intéressant beaucoup en ce dernier domaine au droit continental européen et pas seulement à la common law. Nous pensons qu’aujourd’hui les think tanks chinois vont s’intéresser au sens inverse, à savoir la participation de la Chine à la normalisation mondiale. Les Chinois ont compris que les marchés mondiaux seront normalisés à terme, et ils ont déjà commencé à déployer leurs propres normes dans divers produits de consommation comme la téléphonie, avec l’assurance que leur taille leur permettra un jour ou l’autre d’en faire des normes mondiales. Par ailleurs, avec son adhésion à l’OMC, la Chine est devenue membre à part entière de la communauté économique mondiale, sujette à ce titre à être attaquée juridiquement mais aussi apte à y promouvoir ses points de vue. Nous n’avons probablement pas encore vu l’influence normative au sens large que pourra un jour pas si lointain exercer la Chine, non seulement dans l’économie, mais aussi en matière environnementale, éthique, sociale, culturelle.

A nous Français et Européens de nous doter de capacités de pensée compétitive et d’anticipation opérationnelle de même niveau. Il s’agit d’enjeux de sécurité économique globale, en amont. Ils sont fondamentaux pour nous, pour dialoguer et travailler avec ces puissances émergentes –et les autres- sur un mode à la fois concurrentiel et coopératif, en termes de « co-opétition », maître mot de l’intelligence économique internationale.

1 Source : The Global Go-to Think tanks, The Think Tanks and Civil Societies Program, International Relations Program, University of Pennsylvania, 2008.

2 Market Economy and Confucian Tradition, CASS, mai 2003.

3 Cf. « Si au début de la réforme l’heure était aux économistes, et que depuis le 15è congrès ce sont les juristes qui ont été les plus sollicités, le moment des sociologues est maintenant venu » - Michal Meidan, Les Nouvelles de Chine, novembre-décembre 2007, synthèse commentée de Ma Changbo, Une enquête sur les centres de recherche officiels en Chine », Nanfang zhoumo, 11 octobre 2007 et « The era of technocrats is inevitably on the fall, indicated by fewer engineers in the Party’s Standing Committee », Erdong Chen, cit.


Kerviel : les raisons d'un verdict implacable
Pourquoi le tribunal s'est-il senti obligé de condamner aussi lourdement Jérôme Kerviel ? L'ancien trader qui a failli faire sauter la banque en janvier 2008 a écopé mardi de cinq ans de prison, dont trois fermes, et va devoir payer 4,9 milliards d'euros à son ancien employeur, la Société Générale. Une somme surréaliste, à la hauteur des engagements hallucinants pris par l'ex-trader sur les marchés -50 milliards en 2008. Certes, Jérôme Kerviel a bien commis des fraudes massives -il l'a d'ailleurs lui-même avoué. Certes, le jeune homme de trente-trois ans a promené au cours des trois semaines d'audience sa mine sûre de lui et exaspérante. Certes, enfin, les avocats de la Société Générale ont laissé entendre qu'au final la banque ne demanderait pas le recouvrement de cette somme faramineuse. Mais tout de même ! Pourquoi réclamer un tel montant à cet homme seul, ce « mister Nobody », au risque de le faire passer pour une victime du « système » ? Un rôle d'ailleurs que Jérôme Kerviel a immédiatement endossé, affirmant sur Europe 1 être « abattu » et « avoir le sentiment qu'on a voulu [le] faire payer pour tout le monde ». Il le sait et son avocat aussi : le public s'est approprié l'affaire Kerviel. Sur Internet, aux terrasses des cafés, tout le monde commentait hier la décision, pourtant extrêmement complexe, du tribunal correctionnel de Paris, prenant plutôt parti pour l'homme, contre la banque. C'est sans doute là le seul défaut de la décision Kerviel, mais il est fondamental : inattaquable sur le plan du raisonnement juridique, le jugement pèche à l'évidence par manque de pédagogie. La justice rate alors une de ses missions essentielles, celle de l'exemplarité du châtiment.


Pourtant, les juges auraient pu s'y attendre. Depuis le début, cette affaire hors norme est basée sur un énorme malentendu : penser que les mondes du droit et de la finance peuvent se comprendre. Ce n'est, à l'évidence, pas le cas. D'abord parce qu'ils ne parlent pas la même langue, au propre comme au figuré - Jérôme Kerviel en a joué, submergeant les juges de « forward » et autres « turbo warrants ». Ensuite parce qu'ils n'ont absolument pas les mêmes logiques, ils ne vivent pas dans le même monde : celui de la finance est celui de l'immatériel à l'échelle planétaire, celui des clics sur un ordinateur ; celui du droit est celui des faits purs, celui de la règle intransigeante. Faire entrer l'un dans l'autre, faire juger l'un par l'autre ne pouvait que conduire à l'incompréhension. Les juges, alors, se sont figés et ont opposé à l'entêtement de la défense de Jérôme Kerviel, à la logique froide des chiffres et des clics, une autre logique froide : celle du droit.


Jusqu'à la fin, Jérôme Kerviel a eu une ligne de défense et une seule : « J'ai été coupable mais pas responsable », disait-il en substance. Il a fraudé, mais la banque, elle, a commis des fautes, des carences graves dans son système de surveillance lui ont permis de poursuivre sa course folle. Facilement compréhensible par tout un chacun, le raisonnement n'est cependant pas valable sur le plan juridique. D'abord une évidence simple : ce n'est pas parce que le commerçant laisse ouvertes portes et fenêtres que la responsabilité du voleur est amoindrie. Ce n'est donc pas parce que la Société Générale a « contribué » à la faute par ses carences - elle a d'ailleurs été condamnée par la Commission bancaire à 4 millions d'euros d'amende -que la responsabilité de la perte doit être partagée entre elle et Jérôme Kerviel.


Logiquement, le tribunal applique donc cette jurisprudence constante de la Cour de cassation, qui, pour les dommages et intérêts, distingue les délits intentionnels des délits non intentionnels. En cas de délit intentionnel, il ne peut y avoir de partage de responsabilité entre l'auteur et la victime de ce délit. L'obligation de réparation est intégrale et le tribunal ne dispose d'aucune marge de manoeuvre sur le montant. A partir du moment, donc, où les juges ont estimé Jérôme Kerviel coupable du délit de fraude intentionnelle, il était redevable envers la banque de l'ensemble du dommage. Le fait que ces 4,9 milliards de pertes ne soient pas, suivant une logique purement financière, le fait direct de Jérôme Kerviel - c'est la Société Générale et non Jérôme Kerviel qui a débouclé l'opération -ne concerne en rien la justice. Au final, le dommage pour la banque est de 4,9 milliards et le fraudeur doit réparer. Point. Encore aurait-il fallu le dire et l'expliquer. Or on cherche vainement dans les attendus du jugement le moindre développement pédagogique.


Contrairement à ce qui a tenu le public en haleine, ce n'est pas sur le montant hallucinant des dommages-intérêts que les juges, s'ils l'avaient voulu, auraient pu indiquer que la Société Générale, d'une certaine façon, avait contribué à la réalisation de son propre dommage, mais sur le quantum de la peine infligée à Jérôme Kerviel. Bizarrement, alors que tout le monde a été choqué par le montant des dommages et intérêts, personne ne s'est offusqué de le voir partir potentiellement pour trois ans en prison. Ce qui est énorme, en France, pour ce type de délit. Au-delà de deux ans de prison, une peine n'est pas « aménageable ». Si la peine de l'ex-trader est confirmée en appel, c'est donc bien en prison qu'il ira. Il n'aura pas le droit de poursuivre sa vie à l'extérieur avec, par exemple, un bracelet électronique. Mais, au regard du déchaînement médiatique de l'affaire, c'est pourtant bien là et uniquement là que les juges auraient pu faire passer l'idée d'une responsabilité de Jérôme Kerviel atténuée par les carences du contrôle de la banque. Ce faisant, les juges auraient eu une position adaptée en droit et, en fait, parfaitement compréhensible par le grand public. Ils auraient alors parfaitement rempli leur mission.


Jeu dangereux


L'envie d'en découdre aura été plus forte que la peur de perdre. Dans le secteur public des transports et de l'énergie, impérissables bastions des conservatismes syndicaux, la balance a finalement penché en faveur d'appels à poursuivre la grève du 12 octobre contre la réforme des retraites. La forme de la décision trahit l'hésitation de fond. Ce n'est pas un ordre de mobilisation qu'ont lancé hier, après celles de la RATP, les fédérations syndicales de la SNCF, de EDF et de GDF Suez, c'est une invitation faite à la base. Libre à ceux qui le souhaiteront, ou qui le pourront, de prolonger, ici ou là, de jour en jour, les arrêts de travail. Aux assemblées, camarades !

On a connu départs en campagne sociale plus fanfarons. Cheminots et traminots, électriciens et gaziers : le coeur de l'armée rouge du syndicalisme a beau courir à reculons vers la grève reconductible, il vient de faire entrer le conflit des retraites dans une nouvelle dimension. En prenant la responsabilité de laisser l'épreuve de force se radicaliser, dégénérer en un affrontement catégoriel, en dépit des consignes de prudence données par les instances confédérales de la CFDT et de la CGT, ces quelques fédérations syndicales jouent à un jeu dangereux. L'histoire des mouvements sociaux n'est certes jamais écrite. Mais le camp du blocage part avec trois lourds handicaps.

Le premier est lié aux difficultés économiques du moment. Lorsque son emploi n'est pas en jeu, elles incitent à y réfléchir à deux fois avant de perdre des journées de salaire. C'est vrai pour les responsables comme pour les victimes des grèves, empêchées d'aller travailler. Cette réalité sociale n'est guère propice à des arrêts reconductibles qui prennent leur efficacité dans la durée. Le deuxième handicap tient à la révolution du service minimum. Sans supprimer les perturbations dans les transports publics - ce n'était d'ailleurs pas son but -, il les limite et réduit la capacité de nuisance des grèves dures. Pour cette raison au moins, la réédition de l'automne 1995 ne serait plus possible.

La détermination nouvelle des pouvoirs publics face à ce type d'action est un troisième handicap. La CGT-cheminots reste sur deux échecs en matière de grève reconductible : celui, relatif, de l'automne 2007 contre la refonte des régimes spéciaux de retraite, ; celui, total, du printemps 2010 contre la réforme du fret SNCF. Le risque est de transformer en une défaite humiliante la fin d'un conflit dont les deux grandes centrales pouvaient espérer sortir la tête haute, fortes de concessions sans précédent sur la prise en compte de la pénibilité.






Au train où vont les sénateurs 



D’ordinaire moins médiatiques, ils attirent tous les regards. Les “vieux sages”, soudain, ne font plus l’objet des moqueries habituelles. On loue la modération de ces élus ancrés dans le terroir, la sérénité qui les anime. Leur lenteur légendaire devient une vertu. Eux n’expédieront pas le texte sur les retraites à la hussarde.
On sait comment Bernard Accoyer, sous les huées, accéléra le vote des députés. Les sénateurs, s’érigeant en contre-exemple, ne mangent pas de ce pain-là.
Gérard Larcher, non sans malice, l’a promis hier : “Notre hémicycle ne se transformera pas en arène.” Aucune procédure d’exception, chez lui, ne viendra abréger le débat et déclencher le scandale. Que l’opposition se rassure, personne n’ira rogner son temps de parole.
Avec 1200 amendements déposés, ça risque de durer un peu. Assez pour permettre à la gauche de laver “l’affront” subi à l’Assemblée nationale. Ici, rien ne l’empêchera de s’exprimer des heures durant. Il s’agit de tenir jusqu’au 12 octobre, une nouvelle mobilisation syndicale prenant alors le relais.
Au Palais du Luxembourg, en outre, l’UMP ne dispose pas de la majorité absolue. Elle doit compter sur les centristes qui affichent quelques (timides) velléités d’indépendance.
La réforme élyséenne pourrait donc ne pas sortir intacte de la chambre haute. À moins que le Sénat, une fois encore, renonce in extremis à faire entendre sa différence…

Toujours le même scénario...




Et maintenant, les grèves « illimitées » ou « reconductibles » à partir du 12 octobre, à la SNCF, la RATP, peut-être dans les transports routiers et les raffineries ! Si, comme les journées d'action précédentes, la mobilisation porte sur l'abolition de la réforme des retraites, elle tombe aussi sur un terreau de plus en plus fertile. Celui d'un « ras-le-bol » croissant avec les premiers symptômes aigus à Marseille et environs. Les dockers des terminaux pétroliers ne sont pas les seuls en grève, également le personnel des cantines scolaires, les caissières des supérettes...
Certes, nul ne peut présager de l'importance qu'aura le mouvement du 12 octobre. Mais une fois de plus, la France semble vouloir jouer sa partition préférée, celle qui mène au paroxysme par absence de vrai dialogue social, remplacé par des « ersatz » d'« écoute » ou d'« explications » sans chercher d'emblée le nécessaire compromis. Non, il faut d'abord que cela bouge, que des millions de Français soient pris en otages, que l'économie soit affaiblie, que le gouvernement affiche sa « ferme détermination »...
Ensuite vient l'acte II, celui d'une subtile alchimie où tous assurent qu'ils ne céderont pas en voulant dans leur for intérieur céder... sans ouvertement céder. Et si le blocage persiste, un ministre ou Premier ministre est invité à manger son chapeau pour que le locataire de l'Elysée reste à l'abri : parmi eux Alain Savary en juin 1984 (le débat sur l'école privée), Edouard Balladur (le CIP - contrat d'insertion professionnelle en mars 1994), Alain Juppé (la réforme des régimes spéciaux en décembre 1995) et Dominique de Villepin au printemps 2006 (le CPE - contrat première embauche).
Pourtant, dans leur grande majorité, les Français acceptent une nécessaire réforme des retraites en sachant que le seuil des 60 ans est déjà symbolique en raison de l'entrée de plus en plus tardive dans la vie active. Mais chaque règle doit avoir ses exceptions. Et le seuil « légal » reporté de 65 ans à 67 ans pour celles et ceux qui n'ont pas de cotisations complètes est en définitive marginal par rapport à la masse des pensions, même si cette disposition touche durement les personnes concernées. Pourquoi s'arc-bouter sur les 67 ans ? Pour suivre sur le papier d'autres Etats européens dans la course au libéralisme et au démantèlement social ?
La France ne peut vraiment pas se payer le luxe d'une grève « illimitée », et quelle que soit l'activité concernée. Encore fallait-il négocier avant. Et pas seulement compter en dernier recours sur une trentaine de sénateurs centristes, issus de ce « marais » si décrié à gauche et à droite, pour édulcorer une réforme votée au garde-à-vous et sous les oeillères par les députés UMP...

Blocage 


Nos monarques républicains ont tous rêvé d'une démocratie apaisée. Et ont tous dû, à un moment de leur règne, affronter une guerre de tranchées. Elle fut livrée sur l'école privée, le smic-jeunes, les régimes spéciaux ou le CPE, elle l'est aujourd'hui sur l'âge légal de la retraite. Le scénario est immuable: le pouvoir décide une mesure impopulaire qu'il affirme nécessaire, donc non négociable. Il organise deux-trois séances photos sur le perron de l'Elysée avec l'opposition et les syndicats, puis impose la mesure en leur lançant: défilez, il n'y a plus rien à voir. Notre Président n'a pas fait exception avec ses prédécesseurs, avec pour résultat la même menace d'un pays sur une voie de blocage. C'est dire que l'inapaisement de notre démocratie est reconductible, sinon illimité.



Sur le fil du rasoir



La multiplication des appels à des grèves reconductibles, et parfois illimitées, contre la réforme des retraites, ne doit être ni surestimée ni sous-estimée. Elle témoigne d'un vrai mouvement vers la radicalisation de la mobilisation, notamment dans le secteur public des transports, l'acteur majeur des grands mouvements sociaux de ces vingt dernières années.
Pour autant, ce durcissement, localisé et partiel, n'est pas encore l'illustration d'un choc massif et frontal avec le gouvernement. Si les mots ont un sens - et, à la CGT comme à la CFDT, ils l'ont - grève reconductible ne rime pas toujours avec grève illimitée, conflits localisés ne sont pas affrontement généralisé. Le vrai test de la radicalisation aura lieu à partir du 12 octobre, sans doute pas avant.

Quoi qu'il en soit, le mouvement syndical avance maintenant sur le fil du rasoir, entre volonté manifeste de montrer ses muscles pour peser sur le débat au Sénat et démonstration de force plus ou moins contrôlée d'une base stimulée par les ultras de tous bords.

Il n'est sans doute plus temps de refaire le film d'une concertation bâclée - contrairement à 2003 - et des atermoiements du gouvernement. De ses ratés, surtout, dans le traitement des inégalités du projet de réforme. Il est simplement temps de désamorcer une possible radicalisation dont personne ne peut, a priori, être sûr de sortir gagnant.

Le mouvement syndical court trois risques patents. Le danger de l'échec pur et simple est loin d'être négligeable. À l'heure du chômage massif, du pouvoir d'achat contraint et des emplois précaires, les salariés sont-ils prêts à se lancer dans un mouvement coûteux et au résultat incertain ? Les cheminots CGT eux-mêmes ne sont pas les plus mal placés pour mesurer ce risque. Pour la première fois depuis longtemps, Ils ont goûté, en avril, à la désillusion de l'échec revendicatif au terme d'une grève de quinze jours contre la réforme du fret. Leur habituelle ardeur combative pourrait s'en trouver singulièrement refrénée, face à un projet qui, plus est, ne les concerne pas directement : leur régime « spécial » a déjà été modifié en 2007.

Le risque de l'éclatement syndical entre réformistes pur jus et radicaux assumés, réalistes et jusqu'auboutistes, n'est pas non plus absent. Même si les grandes organisations y réfléchiront à deux fois avant de rompre une unité intersyndicale qui est le vrai ciment du mouvement. Autant l'attelage CFDT-CGT paraît relativement solide au sommet, conscient d'être le garant d'une action efficace dans la durée, autant il pourrait être mis à mal à la base dans les entreprises (chimie, énergie) où se maintient une frange cégétiste radicale encore forte, prête à rallier le front hétéroclite du refus formé par Sud, la FSU, FO et le NPA.

L'ultime péril, le plus incontrôlable, réside naturellement dans les possibles débordements inhérents à toute radicalisation. Personne ne sait qui serait le gagnant du scénario du pire,par définition celui de l'irrationnel.

On n'en est pas là. On est à la case Sénat. Et c'est peu dire que le travail de déminage des sages du Palais de Luxembourg n'est pas simplement utile. Il est urgent et nécessaire.

La France, pays immergent !

La pudibonderie gouvernementale autour du mot "rigueur" et la gloriole autour de la croissance du deuxième trimestre nous rappellent à quel point se voiler la face est une spécialité française. Mais pire que d'ignorer la réalité est de la travestir. Rares sont les médias à avoir souligné que le 0,6 % de croissance du second semestre, qualifié d'"embellie", est 3,5 fois moindre que la croissance allemande, ou encore inférieur à 40 % de la moyenne des pays européens !

Au-delà de la polémique sur notre croissance, cet exemple souligne à quel point les Français ont du mal à se comparer et donc à saisir les évolutions de leur environnement. Car si ce chiffre en tant que tel n'est pas mauvais, c'est au regard de la croissance du reste du monde qu'il faut s'interroger. Et la vérité est inquiétante : l'optimisme béat de la classe dirigeante française ne doit plus tromper personne.
Quatre ans après l'annonce d'une "rupture" porteuse d'espoirs mais restée bornée en grande partie à l'exercice du pouvoir, les Français n'ont toujours pas le moral, c'est le moins que l'on puisse dire ; ils ont peur de l'avenir comme aucun autre peuple. Ils ne font pas confiance à leurs dirigeants (toutes tendances politiques confondues) comme aucun autre peuple ; ils veulent être "protégés" par l'Etat comme aucun autre peuple. Ils ont peur des autres, perçus comme des menaces intérieures (les Roms ?) et extérieures (les économies émergentes notamment). Lentement, mais comme si ce mouvement était inéluctable, le moral de la France sombre dans la grisaille aussi sûrement que ses indicateurs s'enfoncent dans le rouge.
Les déficits de l'Etat et de l'assurance-maladie sont structurels, les caisses de retraite sont en faillite virtuelle, le taux de chômage reste élevé et, plus encore pour les juniors et les seniors, l'essentiel de la création de richesses est absorbé par une protection sociale irresponsable. Le pouvoir d'achat reste statique par-delà les statistiques, la paupérisation s'étend, le climat social se tend. On sait raisonnablement que notre sacro-saint modèle social ne pourra se maintenir en l'état. Pourtant, la France se partage entre ceux qui y croient encore et ceux qui font semblant d'y croire.
Ces exemples sont l'un des innombrables symptômes d'une réalité consternante que nous préférons ne pas nommer : la France est un pays "immergent".
Les chiffres éloquents sont abondants, n'en prenons que trois très importants.
- L'indice des prix des logements rapportés aux revenus disponibles des ménages a progressé, entre 1980 et 2009, de près de 150 %, là où le pouvoir d'achat des Français a évolué de moins de 80 %. Le revenu disponible des Français après les impôts, les taxes et le logement baisse considérablement.
- Le nombre de Français vivant en dessous du seuil de pauvreté, selon l'Insee (c'est-à-dire avec 950 euros par mois), est de 8 millions de personnes, soit 13,4 % de la population. Dans la plupart des pays émergés, les taux de pauvreté se sont littéralement effondrés au cours des deux dernières décennies. Il est à moins de 6 % en Malaisie et il est d'à peine 1 % à Taïwan !
- Un Français sur deux a un revenu inférieur à 1 580 euros par mois.
Face à ce constat d'une France qui décline, nous préférons ne pas voir ou ne pas croire que le monde change, qu'il avance, indépendamment de nous. Les élites ne nous disent rien ou presque sur les solutions pour enrayer le déclin. Les Français, réfugiés dans une multitude de "citadelles assiégées", de statuts dont les murailles protègent autant qu'elles excluent, ne veulent et ne savent pas s'adapter aux changements parce qu'ils refusent d'admettre que d'autres pays, d'autres modèles sont en passe de les dépasser, voire de les dominer.
"Fatiguée psychiquement" - pour reprendre l'analyse du médiateur de la République, Jean-Paul Delevoye -, la société française pratique le déni à grande échelle. Névrosée, elle est obsédée par la défense des privilèges, alors même que son pacte social s'est fondé sur leur abolition. Les Français ne comprennent pas ce qu'il se passe dans le monde, toujours persuadés de la supériorité de leur modèle et de leur histoire. Toujours persuadés que les bras très nombreux des pays en voie de développement sont faits pour produire au service d'un Occident éduqué, cultivé, civilisé et donc dominateur.
Malheureusement ou heureusement, ce temps-là est révolu depuis plusieurs années. Les pays émergés sont des concurrents pour la production industrielle, pour les services, la recherche, l'innovation. Ils produiront pour eux-mêmes et consommeront par eux-mêmes. Quand ils ne détiennent pas les sources d'énergie, ils ont une main-d'oeuvre industrieuse, volontaire et de mieux en mieux formée.
Ce sont les populations des pays émergés qui font et feront la croissance future : en 2010, le gouvernement brésilien a imposé la rigueur budgétaire pour ne pas dépasser les 7 % de croissance. L'Afrique fera plus de 5 %. L'Inde et la Chine poursuivent leur dynamique. Singapour, dont le revenu par habitant est égal à celui de la France, a connu une croissance de 18 % au deuxième trimestre !
La croissance des pays émergents, les records qu'ils battent et que l'on nous annonce chaque jour, parfois fascinent, souvent effraient, mais jamais nous n'en évaluons les conséquences pour la France. La crise de 2008 a fait découvrir aux Français que les plaques tectoniques de l'économie mondiale avaient sérieusement bougé et que de nombreux pays émergents avaient... émergé. Sur la scène internationale, la compétition entre les nations n'est pas un examen, mais un concours. Autant dire que les meilleurs gagnent. Et, dans ce concours permanent, nous perdons du terrain chaque jour.
Il ne s'agit pas de faire des 63 millions de français des Cassandre, nous n'en avons pas besoin ! Mais encore faudrait-il analyser la nouvelle donne internationale, être lucides sur nos faiblesses mais aussi sur nos forces pour faire un constat clairvoyant. C'est cela que nous attendons de nos dirigeants politiques pour qu'ils puissent expliquer sereinement et sérieusement aux Français la situation et proposer les chemins escarpés qu'il faudra tous prendre pour faire face aux défis du XXIe siècle.
La crise, qui aurait dû être l'occasion de faire la nécessaire pédagogie de la réforme, voire de la rupture, pour générer la croissance future du pays, renforcer nos atouts dans le concert économique des nations, préserver notre modèle social (quitte à en abolir les excès), remettre les Français au travail, développer notre créativité, a suscité tout l'inverse : la démagogie de tous, l'aveuglement de beaucoup et le retour en force de l'Etat. Cet Etat si malade qu'il ne peut malheureusement déjà plus protéger qui que ce soit.
La France ankylosée qui immerge tout doucement n'est pas une fatalité. Il existe un faisceau de présomptions de l'existence du génie français : notre productivité, notre formation, la puissance de nos entreprises internationales (que l'on passe un temps infini à morigéner), qui se classent, pour beaucoup d'entre elles, dans les trois premiers mondiaux de leurs secteurs respectifs, notre terroir, nos infrastructures, la qualité de notre fonction publique, etc. (la liste est longue). Espérons que les dirigeants politiques se réveillent avant que le peuple, dans un sursaut, ne fasse tomber les citadelles du statu quo pour remettre la France la tête hors d'eau.

Arnaud Dupui-Castérès, président de société, ancien conseiller de Jean-Pierre Raffarin