jeudi 3 février 2011
Le Parlement européen commémore le génocide des Roms sous le nazisme
Le Parlement européen a procédé à une commémoration historique du génocide des Roms par les nazis, lors d'une session plénière mercredi à Bruxelles, quelques jours après un geste sans précédent du même type à Berlin par les députés allemands.
"Un tiers des personnes détenues à Auschwitz étaient Roms, mais la plupart des Européens l'ignorent", a remarqué le président du Parlement européen, Jerzy Buzek, soulignant que seuls "quelques Etats européens ont reconnu officiellement le génocide des Roms".
"Le moment est venu" de le faire au niveau européen, a-t-il jugé.
La veille, le film "Liberté", du cinéaste français Tony Gatlif, qui évoque d'après une histoire vraie la déportation des Tsiganes durant la seconde guerre mondiale, a été projeté au Parlement. Très ému, le cinéaste fils d'un père kabyle et d'une mère gitane, s'est réjoui qu'avec son film, à défaut de "changer le monde, nous avons au moins été entendus".
De fait, l'extermination de 220.000 à 500.000 Roms en Europe selon les historiens est longtemps restée dans l'ombre de l'Holocauste des quelque six millions de juifs.
Jeudi dernier, à l'occasion de la Journée internationale de la Shoah --l'anniversaire de la libération en 1945 du camp d'Auschwitz-Birkenau par les troupes soviétiques--, le Parlement allemand avait lui aussi commémoré pour la première fois le génocide tsigane, en invitant un rescapé rom à s'exprimer.
A son tour, le Parlement européen honore la mémoire de personnes "trop longtemps oubliées de la mémoire collective", se réjouit l'eurodéputée écologiste Catherine Grèze.
C'est elle qui, avec les Hongroises Kinga Göncz (socialiste) et Lívia Járóka (conservateurs, elle-même d'origine rom), la roumaine Renate Weber (libéraux-démocrates), et l'Allemande Cornelia Ernst (Gauche radicale) est à l'origine de l'initiative.
Le génocide a été rendu possible par des politiques de discrimination mises en place dans de très nombreux pays européens dès le début du XXe siècle, comme en France avec le "régime des nomades" de 1912, selon Henriette Asséo, historienne à l'Ecole des Hautes études en sciences sociales (EHESS) à Paris.
Mais les discriminations se poursuivent aujourd'hui encore, soulignent les associations de Roms ou de Gens de voyage, comme en France l'Union des associations tsiganes (Ufat).
Selon son président, Eugène Daumas, le régime des nomades "existe toujours aujourd'hui" avec le "Livret spécial de circulation" (LC) auquel sont soumis les Gens du voyage en France.
"Ce fichage nous poursuit même sur nos documents d'identité", les cartes d'identité des titulaires d'un Livret de circulation commençant par les lettres +LC+", a dénoncé M. Daumas. "Nous n'avons aujourd'hui plus aucun autre recours que l'Europe pour mettre fin à ces discriminations", a-t-il affirmé.
"Si nous ne sommes pas capables de nous souvenir du passé, nous sommes condamnés à le répéter", a souligné devant les députés la ministre hongroise déléguée aux Affaires européennes, Enikö Györi, en rappelant que son pays, qui préside l'UE, s'est fixé pour objectif l'adoption d'ici juin d'une stratégie européenne d'intégration des Roms.
L'UE évalue à quelque 10 à 12 millions le nombre de Roms, Tsiganes ou Gitans, ce qui fait d'eux la plus grande minorité ethnique en Europe, victime encore aujourd'hui dans de nombreux pays de discriminations, d'une extrême pauvreté, et d'un accès inégal aux soins ou à l'éducation.
Lors de son intervention en janvier devant le Parlement européen, le Premier ministre hongrois Viktor Orban avait averti qu'en l'absence de stratégie européenne, des communautés jusqu'ici sédentarisées risquent "d'adopter un style de vie nomade et de commencer à errer à travers l'Europe".
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