mardi 10 décembre 2013
Quand même les géants du Web disent stop... 6 exemples pour mieux comprendre en quoi la surveillance électronique des Etats impacte concrètement nos vies
Plusieurs grands noms du secteur technologique, dont Google, Microsoft, Facebook, Twitter et Yahoo!, réclament une meilleure protection de la vie privée des citoyens et un plus fort contrôle législatif sur des organisations telles que la NSA. Des journalistes américains démontrent, eux, comment le FBI peut allumer une webcam à distance pour surveiller un internaute.
Michel Nesterenko : De très loin la NSA est la plus dangereuse. Les grandes compagnies américaines comme Microsoft ne se sont pas trompées en disant que c'était le gouvernement américain, donc la NSA, qui était une menace "complexe et persistante". En collectant tout, y compris une majorité d'erreurs et de ragots sans vérification, et en les stockant comme des vérités, la NSA met à risque la liberté de tous les citoyens y compris les ados. Même les jeux vidéos sont un lieu de collecte d'identité de terroristes futurs, par association, car sans preuve aucune la NSA affirme que les terroristes transmettent des informations critiques via les jeux vidéo en ligne. Puis dans quelques années, où même dans 10 ou 20 ans, cette information sans véracité aucune resurgira pour détruire l'avenir d'un jeune homme, qui en tant qu'ado a joué sur le web. Et il est quasiment impossible de se défendre contre les mensonges collectés par un organisme d'État, sans parti pris parait-il : calomniez, calomniez, il en restera toujours quelque chose, dit le dicton.
Fabrice Epelboin : La transparence totale du citoyen n'a rien de bien nouveau pour le monde du marketing. Ses champions actuels se nomment Google et Facebook, mais les acteurs d'hier, qui se cachaient derrière la carte de fidélité de votre supermarché, en savaient déjà bien plus sur vous que vous ne l'imaginiez.
La CNIL, créée dès la fin des années 70, avait déjà pour mission de limiter les abus et les dérives, mais cette instance peine à imposer ses règles à des acteurs étrangers, et le lobbying en cours a Bruxelles laisse peu d'espoir de voir apparaître une directive européenne qui viendrait protéger les citoyens européens.
La CNIL a par ailleurs été exclue - tout comme l'autorité judiciaire - du champ d'application de la loi de programmation militaire, dont l'article 13 autorise de nombreuses administrations et services de l’État à accéder à la totalité des données numériques privées des citoyens Français, sans intervention d’une quelconque autorité judiciaire et dans une gamme de cas plus que souple, qui va bien au-delà du terrorisme initialement pourchassé.
Vous allez voir que si vous avez pu vivre sans trop de soucis dans une forme de semi-transparence vis-à-vis de nombreuses entreprises, la perspective d'une transparence totale des citoyens et des entreprises vis à vis de l'Etat est sûre, elle, d'avoir un impact profond sur la façon dont vous allez vivre la décennie à venir.
Michel Nesterenko : Certaines publicités, déjà, attirent l'attention des ados du fait que certaines photos, un peu olé olé, peuvent avoir des effets destructeurs si elles tombent, des mois et des années plus tard, entre les mains de la direction du personnel de l'entreprise. Cet effet destructeur sur l'avenir du jeune adulte est beaucoup plus grave que les harcèlements que ce dernier aura pu subir pendant l'adolescence. Imaginez que l'acheteur devant vous se remémore une vidéo dénudée faite une année auparavant...
Fabrice Epelboin : La liberté d'expression constitue – comme l'a remarqué récemment Manuel Valls – l'un des plus grands gaps culturels entre les États-Unis et la France. Là où elle est constitutionnellement garantie aux USA – "totale", diront certains – elle est très encadrée en France. Il n'y a, qui plus est, aucune protection quand à l'atteinte qui pourrait y être portée dans le droit français. En cas de limitation de votre liberté d’expression, vous aurez le plus grand mal à faire valoir quelque droit que ce soit, contrairement aux Etats-Unis où la simple allusion au premier amendement fait trembler tout profanateur.
Ce n'est pas nouveau, et l'idée que les citoyens français disposent d'une liberté d'expression est plus la résultante d'une omniprésence de la culture américaine, additionnée d'une inculture crasse des populations quand au droit français et entretenue par l'adoption en masse par la population Française de technologies sociales américaines qui lui a offert, de facto, un droit à la liberté d'expression qui n'a jamais existé en France.
Il n'est en effet pas légal, en France, d'exprimer un propos raciste, antisémite, homophobe, ou de remettre en question certains pans de l'histoire - choses qui sont, aux USA, parfaitement autorisées. Ce régime d'exception dans lequel se trouve Internet devrait s'arrêter sous peu. Légaliser une liberté d'expression "absolue" (à l'américaine) est impensable en France étant donné le climat de tension actuel : il est bien plus vraisemblable que le gouvernement choisisse la voie de la censure, par ailleurs en vigueur pour la presse. Une telle censure avait pointé son nez dans un article de la loi sur la prostitution, nul doute qu’elle refera son apparition sous peu et finira par s’imposer comme une évidence, à l’occasion d’un fait divers ou en abordant la chose par un biais qui rencontre plus l’unanimité.
Aucune chance que cette censure ne passe par voie de justice : celle-ci n'est pas en mesure de faire face à un tel flot d'expression enfreignant des lois telles que la loi Gayssot. La voie choisie semble être la responsabilisation des intermédiaires techniques - entendez par là que ce sera bientôt à votre opérateur Internet ou à votre plateforme de blog de faire la police et la justice, ouvrant ainsi la voie à un arbitraire face auquel le citoyen n'aura pas le moindre recours. La distinction entre une blague graveleuse, le second degré et la parole raciste sera ainsi laissée au bon vouloir d'acteurs privés.
La France n'est pas, loin de là, la première gouvernance à censurer les contenus sur Internet en vue de façonner une société mais jusqu'ici, cette démarche était réservée aux régimes autoritaires. Ceux-ci ont cependant montré les limites d'une telle approche du vivre ensemble, et les a conduit à la faillite (Egypte, Tunisie) ou à des dérives répétées en matière de droits de l’homme.
S'il est difficile à ce stade de prédire l'évolution qu'auront la surveillance généralisée et de la censure sur la société française, on peut cependant parier sans risque sur une explosion de la défiance vis-à-vis des élus et des administrations et une rupture définitive de la confiance, déjà largement entamée ces dernières années. Si on considère que la confiance est la base du contrat social d'une société démocratique, alors nous entrons aujourd'hui dans une société nouvelle, dont l’article 13 de la loi de programmation militaire est un symbole parfait, probablement celui que retiendront les livres d’Histoire demain quand il s’agira de dater arbitrairement un avant et un après.
Rappelons – pour clore le chapitre de la liberté d'expression – qu'il n'est techniquement pas possible de censurer quoi que ce soit sur Internet, on ne peut aboutir qu'à une société à deux vitesses, composée d'une part d'une masse de citoyens privés de droit d'accès à l'information et de liberté de parole, et d'une catégorie supérieure, apte à se saisir de ces droits et à reconquérir celui à une vie privée. Si une société fonctionnant à deux vitesses n'a rien de nouveau, en France comme ailleurs, ce n'est cette fois ci pas l'argent ou la naissance qui fera la moindre différence, mais la capacité à comprendre et maîtriser un outil technique bien plus complexe que ne l'imagine la plupart des gens.
Michel Nesterenko : Le web de par son étendue et sa complexité est incontrôlable. Le gouvernement chinois a tenté de le contrôler pour finalement baisser les bras. Toutes les dérives sont possibles, de la vidéo de crimes terroristes à la pédophilie et la torture de très jeunes enfants. C'est pour cela qu'il est essentiel que la police soit dotée des moyens informatiques et des hommes formés pour mener à bien la traque sur Internet dans le stricte respect de la Constitution.
3 - "Espionnage industriel", qu'est-ce que c'est ?
Fabrice Epelboin : Pour faire simple, c’est, pour l’entreprise, ce qu’est la surveillance totale pour l’individu. Derrière ce mot fourre-tout se cache une réalité que la plupart des entreprises découvrent ces derniers temps : certains États sont en mesure d'accéder à tout ou partie des informations que les entreprises pensaient jusqu'ici confidentielles. Parmi ces États-espions se trouvent – dans le peloton de tête – les États-Unis, la Chine, et la France. Ces trois États disposent en effet de capacités de surveillance bien supérieures à tous les autres, et peuvent à loisir surveiller les moindres faits et gestes des entreprises qui auraient l'imprudence d'utiliser une technologie numérique sans prendre un nombre considérable de mesures de protection. Autant dire qu'en dehors de certains acteurs du secteur de la défense, toutes les entreprises sont concernées, petites ou grandes.
L'usage classique consiste à voler des secrets industriels à l'adversaire (économique) afin d'en faire profiter un acteur national, mais ce risque là n'est pas nouveau, et les révélations récentes sur la surveillance ne font que raviver les craintes autour d'un risque déjà bien identifié. Ce que la loi de programmation militaire laisse apparaître en terme de risque pour les entreprises est, là, tout ce qu'il y a de plus inattendu.
Au rang des administrations susceptibles de bénéficier de cette transparence absolue imposée aux citoyens comme aux entreprises françaises, Bercy pourrait voir là une corde supplémentaire qui lui serait donnée dans sa lutte contre l'évasion fiscale. A moins qu'ils ne soient chiffrés, les échanges entre une entreprise et ses systèmes comptables, ainsi que les emails échangés avec ses experts et ses conseillers financiers, sont désormais à la disposition de Bercy. Si d'aventure vous vous mettiez à utiliser le chiffrement du jour au lendemain, sachez que cela ne passera pas inaperçu, et ne manquera pas d'attirer l'attention de cette administration.
Au final, si la perspective que votre entreprise soit totalement transparente aux yeux de l’État et de ses administrations vous donne des sueurs froides, il est temps de paniquer.
Michel Nesterenko : 90% de l'information se trouve sur le Net par des sources publiques et gratuites. Le logiciel Google Earth permet de vérifier la véracité d'un grand nombre d'informations géographiques et immobilières dans le temps d'un clic de souris. Un grand nombre de banques de données, ainsi que les réseaux sociaux, donnent des informations de caractère très privées sur les collaborateurs. Tout cela est accessible à tout un chacun, les consommateurs aussi bien que les concurrents. On ne peut pas parler d'espionnage industriel du fait qu'il s'agit d'informations publiques. Le web avec sa rapidité de transmission de l'information est un outil fabuleux pour augmenter la productivité. Dans ce contexte de vitesse et d'adaptation, les PME sont mieux à même d'exploiter les nouvelles opportunités, en temps réel, car elles ne pâtissent pas de l'inertie naturelle des grands groupes.
4 - Politique
Fabrice Epelboin : Pour le politique, la mise en place d'une surveillance globale ouvre un champ de possibles difficile à imaginer, mais dont les plus technophiles (ils existent) sauront se saisir.
Il est courant de dire à propos de Facebook qu'il sait si un utilisateur est homosexuel et quelle est son orientation politique, et de Google qu'il sait si vous êtes atteint d'un cancer ou si vous souffrez d'une MST, alors que vous pouvez cacher cette information à vos proches. Imaginez ce qu'il est possible de savoir si vous avez accès non pas aux seules informations détenues par Google et Facebook, mais à l'ensemble des informations électroniques que vous produisez à chaque moment de votre vie.
C'est à cette énorme masse d'information que de nombreuses administrations, mais également le gouvernement, a désormais accès grâce à l’article 13 de la loi sur la programmation militaire. Miracle de la big data, et contrairement à la croyance populaire, il est parfaitement possible de faire sens d’un tel amas de données. Les usages sont quasi infinis.
Sans dériver d'une quelconque pratique démocratique, on peut parfaitement imaginer remplacer les sondages, chers aux politiques, par une analyse en continu et en quasi temps réel des réactions de la population au moindre fait d'actualité, et adapter ainsi son discours à la moindre réaction populaire.
En étant un peu moins rigoureux quant au respect des principes démocratiques, on peut parfaitement envisager de contrer un mouvement de contestation politique – comme les bonnets rouges, par exemple – en détectant de façon précoce quels sont ses relais et en effectuant des actions ciblées destinées à y mettre fin. C'est d'ailleurs l'un des usages courants des technologies de surveillance dans les pays autoritaires.
Bien d'autres usages sont envisageables, et l'avenir ne manquera pas de mettre à jour moult dérives. Il vous est recommandé, pour comprendre les futurs gros scandales à venir touchant le monde politique, de vous mettre à jour en ce qui concerne les technologies de surveillance de masse.
Michel Nesterenko : Aujourd'hui les réseaux sociaux sont devenus une courroie de transmission incontournable de l'information politique et du processus électoral. Les outils d'analyse informatique permettent de mesurer avec une certaine précision, et en temps réel, le degré d'attractivité de certaines déclarations politiques. Tous ces outils du web étant dans le domaine publique, la concurrence politique se fait à armes égales, pourrait-on dire.
Par contre l'espionnage de la NSA signifie, à terme, la mort de la démocratie. Tous les propos, même ceux un peu extrêmes, des opposants pourront être ressortis à bon escient et hors contexte, par le pouvoir en place pour se maintenir au pouvoir. Cela n'a rien à voir avec la "sécurité" nationale.
5 - Le journalisme, pilier de la démocratie ? Pas vraiment.
Fabrice Epelboin : Le secret des sources et la confidentialité d'une investigation en cours constituent la base indispensable au journalisme d'investigation. Ces deux éléments ne sont désormais à la portée que des seuls journalistes maîtrisant de façon avancée la sécurité informatique et le chiffrement. Les autres sont priés de changer de profession au plus vite, au risque de mettre en danger leurs sources. Les sources en question feraient mieux – à l'instar d'Edward Snowden avec Glenn Greenwald, de s'assurer préalablement à toute transmission d'information, d'avoir face à eux une personne en mesure de maîtriser les base de la cryptographie et de la sécurité informatique.
C'est donc la mort d'un certain type de journalisme qu'annonce la légalisation de la surveillance de masse en France. Il est probable que les acteurs de premier plan du journalisme d'investigation se forment, mais les autres devraient rapidement réaliser qu'il est dangereux pour eux de s'aventurer dans des investigations susceptibles de perturber la gouvernance, et vont vraisemblablement rester dociles et éviter de telles folies. Les sources, de leur côté, prendront soin de ne pas approcher de journalistes, sauf à s’assurer au préalable d’avoir à faire à un technophile averti.
6 - La société Panoptique, l'avenir de la République ?
Fabrice Epelboin : Tant que les dirigeants français respecteront scrupuleusement les principes de la démocratie et des droits de l'homme, les seuls effets de l'officialisation de la société de la surveillance sera de l'ordre de ce que Foucault appelle le Panoptisme. On peut en attendre une forme d'autorégulation, proche de ce que la multiplication des radars a apporté à la sécurité routière, mais on doit également s'attendre à l'apparition d'une caste supérieure, qui pourra à loisir s'abstraire de cette dictature de la transparence "top to bottom", s'en échapper et ne pas être contraint, du coup, par quelque loi que ce soit.
Pour continuer sur cette métaphore, imaginons que je puisse – contrairement à vous – conduire à 250 km/h sur une route de campagne, avec pour seul risque de vous écraser, vous et votre famille, mais sans la moindre chance de me blesser ou de faire ne serait-ce qu’une rayure sur ma carrosserie, et en échappant à tout radar ou contrôle de police, et toute possibilité de poursuite.
Les compétences nécessaires pour appartenir à cette caste n'étant pas totalement hors de portée, on peut s'attendre qu’elle grossisse au fur et à mesure que l'on y poussera certaines populations, et il sera intéressant de voir la façon dont l'Etat construit cette caste au fur et à mesure des censures à venir, ou de l’attention qu’il met à surveiller certains agissements sur internet.
Nous avons échappé de peu à la censure des sites de proxénétisme lors du vote de la loi sur la prostitution, mais on aurait aussi bien pu pousser dans cette caste tous les amateurs de call girls. Si on censurait demain les propos racistes et antisémites, on aurait tôt fait de retrouver cette fange de la population dans cette caste. Censurer les contenus "pirates" y pousserait toute une génération de jeunes sans le sou et habitués depuis déjà longtemps à consommer de la culture de façon frénétique.
Tôt ou tard, cette caste – les Netocrates – finira par disposer sur le reste de la population de capacités quant à la chose technologique qui la poussera à réclamer sa place de dominant. Un phénomène naturel, qui a vu la bourgeoisie succéder à l'aristocratie, sauf que cette fois-ci, c'est la connaissance et non l'argent qui fera toute la différence. On pourrait presque croire à une promesse de progrès, si les premiers à constituer le gros des troupes n'étaient pas, selon toute vraisemblance, les racistes, les homophobes, les sexistes et les antisémites que l'Etat ne veut plus voir sur Twitter et Facebook.
Mais dans l’immédiat, la mise en place de la société de la surveillance, ainsi que la censure à venir de tout propos non conforme à ce que l’Etat souhaite voir dans la société qu’il dirige, devrait permettre à la gouvernance française de s’acheter du temps, et de reculer l’échéance qui consiste à faire face à une réalité sociale qui est, de toute évidence, très éloignée du storytelling en cours sous les ors de la République.
Vive l'élitisme !
Vive l'élitisme !
François Hollande n’aime pas les riches. Il l’a dit et ne cesse, depuis, de multiplier les preuves fiscales de sa détestation. Arnaud Montebourg combat la concurrence internationale. Il étrille les grands patrons « mondialisés » et le libéralisme sournois de Bruxelles. Et Vincent Peillon ? Le ministre de l’Education nationale stigmatise les professeurs des classes préparatoires, priés en quelque sorte de rentrer dans le rang. On peut bien sûr discuter du niveau de leurs rémunérations, de leur charge réelle de travail, du coût par élève de cette formation pour happy few. On peut aussi s’interroger sur ce corporatisme, ce fétichisme du statut bien français. Rien n’est tabou. Mais comment ne pas voir dans les manières du philosophe une attaque en règle contre une forme d’élitisme, tout comme le chef de l’Etat dévalorise la réussite financière ou le ministre du Redressement productif la compétition ? Comment ne pas percevoir un malaise face au succès, au talent, ennemis des modèles égalitaristes ? Nos grandes écoles sont appréciées du monde entier. Pas notre système scolaire qui devient, au fil des ans, une machine à fabriquer des cancres. Un cinquième d’une génération est ainsi sacrifié ! C'est pourquoi la chasse aux privilèges du ministre agrégé, aussi justifiée soit-elle, tient du leurre. Lancée par Jean-Pierre Chevènement, la politique de démocratisation a échoué : maintien d’un système dual qui défavorise les classes populaires, désavantage croissant de l’absence de diplôme dans une société pétrifiée par le déclassement social, persistance d’un chômage de masse faute de qualification adéquate… S’attaquer aux profs de prépas ne sauvera pas les ZEP.
Tanguy et Laverdure
Tanguy et Laverdure
Nelson Mandela a failli réaliser, post-mortem, un miracle digne de la canonisation : réconcilier François Hollande et Nicolas Sarkozy. Raté ! Les deux hommes se rendront bien aux obsèques du vieux lutteur, mais dans deux avions séparés. Le président de la République a invité son prédécesseur. La courtoisie républicaine s’arrêtera là. Il faut que les choses soient claires : Hollande et Sarkozy ne seront pas les Tanguy et Laverdure de la cohabitation, même éphémère. La haine est toujours aussi vive entre le « baron rose » et son adversaire du « Grand cirque » médiatico-politique.
Cette affaire aérienne a tout pour se transformer en crash ridicule. Alors que le commandant de bord élyséen adjure ses compatriotes de boucler leur ceinture pour faire des économies, il affrète deux avions, pour ne pas avoir à cohabiter avec son prédécesseur. À 8000 euros l’heure de vol, ça fait cher la bouderie. La grandeur française ne se serait pas relevée de voir les deux présidents descendre l’un derrière l’autre sur le tarmac de Johannesburg.
Les Américains, eux, n’ont pas ce genre de vapeurs. Barack Obama a invité George W. Bush à bord d’Air Force One. Les deux hommes ne sont pourtant pas des proches, mais ils savent où se situe l’intérêt supérieur de leur pays. François Hollande aurait pu faire de même en utilisant l’Airbus présidentiel. Celui que les mauvais esprits avaient baptisé « Air Sarko One ». Le président ne supportait pas l’idée de monter dans cet avion en même temps que celui qui l’avait commandé.
Et pourtant, l’Élysée comptait bien l’utiliser au départ. Ordre a été ordonné à Jean-Marc Ayrault d’écourter son voyage en Chine pour que l’Airbus soit disponible. Tant pis pour l’orgueil des Chinois mis devant le fait accompli. Eux, qui avaient déjà mal vécu la très courte visite de François Hollande en avril dernier, risquent de faire payer très cher ce manque d’égards.
Le protocole sud-africain va devoir marcher sur des œufs pour éviter l’impair. Alors que le monde entier s’apprête à saluer l’homme qui a œuvré à la délicate réconciliation des Blancs et des Noirs dans son pays, le duel franco-français a quelque chose d’affligeant.
Un peu de hauteur, SVP !
Un peu de hauteur, SVP !
Que ce soit à bord d'un ou deux avions, on ne saurait trop recommander à François Hollande et Nicolas Sarkozy de prendre de la hauteur. Les conditions du voyage aérien du chef de l'État et de son prédécesseur, pour les cérémonies officielles d'adieu à Nelson Mandela aujourd'hui à Johannesbourg, ont alimenté un babillage médiatique assez peu en rapport avec la grandeur planétaire de l'événement. Le débat a même volé plutôt bas, nous renvoyant aux petitesses politiciennes dont, décidément, nous parvenons difficilement à nous affranchir. Sans exonérer la presse d'une coupable propension à préférer l'insignifiant à l'essentiel, il convient d'admettre que l'on a du mal à comprendre à quel jeu ont joué François Hollande et Nicolas Sarkozy.
On en vient à se demander si chacun n'a pas fait semblant de se conformer aux convenances républicaines tout en dissimulant un calcul politique. L'invitation de François Hollande à Nicolas Sarkozy avait d'abord suscité des commentaires approbateurs sur cette « union sacrée » au sommet de l'État, jusqu'à ce que l'on annonce que les deux hommes feraient Falcon à part. Bizarre !
Et puis l'on a appris que Nicolas Sarkozy avait préalablement reçu une invitation directe de Pretoria et qu'il aurait son propre aréopage dans un deuxième Falcon de la flotte présidentielle qui lui éviterait la promiscuité socialiste. La communication laconique de l'Élysée, justifiant le recours à deux appareils par des « raisons pratiques, techniques et économiques », ne permet pas d'élucider les dessous de ces deux voyages en classe pas si économique.
Ce qui est sûr, c'est que l'inimitié que voulaient dissimuler les bonnes manières de François Hollande a ressurgi de plus belle dans les médias. Le « coup de com'» a capoté. Foin d'hypocrisie : entre l'actuel président et son prédécesseur, il y a trop d'hostilité pour qu'ils puissent « covoler » en juste compagnie. À Johannesbourg, ils seront de ceux qui célébreront le message de réconciliation et de pardon de Nelson Mandela une main sur le c'ur et l'autre prête à dégainer, dès leur retour au bercail.
France, reviens !
France, reviens !
Les scènes de liesse qui ont accueilli les soldats français dans l’ancienne Afrique équatoriale font évidemment plaisir à François Hollande le mal-aimé. Opération redorage du blason présidentiel ? Bien sûr « Sangaris » ne se limite pas à cela. Opération humanitaire, réponse à une pathétique demande d’aide d’un pays en proie à l’agressivité islamique et aux confrontations ethniques, c’est tout cela aussi. Mais il faut réfléchir au-delà. Car en descendant dans les rues de Bangui pour saluer leurs libérateurs, aux cris de « Merci, merci, merci ! », « Entrez comme chez vous », les Centrafricains ont exprimé une réalité aujourd’hui taboue. Leur pays a besoin de la France pour sa paix et pour sa prospérité. Et la décolonisation n’a pas apporté les bienfaits escomptés – loin s’en faut.
On appelait cela « le fardeau de l’homme blanc », expression aujourd’hui lourde de relents racistes – s’il faut en croire les protestations de ceux qui y voient une affirmation de supériorité raciale. Il s’agit en réalité de tout autre chose : la mise en regard de cultures différentes, certaines plus aptes à reconnaître la liberté et la responsabilité de chacun que d’autres, certaines moins violentes que d’autres. Nulle question de couleur de peau là-dedans : les pires totalitarismes ont semé leurs champs de ruines en Russie soviétique, en Chine, en Vendée, dans l’Allemagne nazie ou au Cambodge…
Il s’agit en réalité et encore davantage d’une question de civilisation. Par définition celle-ci repose sur une reconnaissance de la transcendance, et qui fleurit d’autant plus bellement qu’elle est plus proche de la vérité. Oui, osons le dire : en apportant – souvent malgré son parti pris laïque, malgré sa rupture déjà consommée avec sa mère l’Eglise – sa langue, ses routes, son travail, ses infrastructures, ses religieux, ses dispensaires et ses écoles dans ses colonies, la France a installé ce qui vient « par surcroît » : la possibilité de la paix, une promesse de prospérité, les conditions d’une réelle émancipation.
On sait la suite. Le rejet du colonisateur présenté comme un prédateur, alors qu’il a pu l’être mais ne l’était pas toujours. Puis l’instabilité, l’exploitation des fabuleuses richesses de ces pays africains au service de puissances qui n’avaient pas la préoccupation de venir en aide aux populations en vérité et en justice. D’ailleurs, prétendre leur venir en aide, n’était-ce pas déjà paternaliste ? Colonial, et donc suspect ?
La Chine l’a bien compris qui, dans l’indifférence générale, s’installe en Afrique sub-saharienne et s’assure une mainmise croissante sur les ressources cruciales. Voilà une colonisation qui n’est guère dénoncée. Comme c’est curieux !
Mais voici qu’une nouvelle fois, des Africains se tournent suppliants vers ceux qui les ont « opprimés », pour mettre fin à leurs querelles internes, pour prévenir de nouveaux massacres, pour protéger des chrétiens.
C’est une mission paradoxale qui s’impose à la France républicaine et laïciste ; une mission dont elle ne peut s’acquitter pleinement et dont elle refuse aussi bien les racines que les objectifs, mais qu’elle ne sait pas non plus oublier tout à fait.
Telle qu’elle est, imparfaite, tardive, doutant d’elle-même, exportant le pire en même temps que le meilleur, la réponse de la France est aussi un rappel à la réalité occultée.
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