TOUT EST DIT

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vendredi 25 février 2011

Faites ce que je dis, pas ce que je fais

Menteurs, tricheurs, et bien souvent irresponsables, certains dirigeants européens sont aujourd'hui mal placés pour faire prévaloir les valeurs de l'UE auprès des révoltés du monde arabe, dénonce la Frankfurter Rundschau. 

L’Union européenne appelle à l’arrêt des violences en Libye et à l’ouverture d’un dialogue entre les manifestants et le gouvernement. C’est ce qu’ont déclaré les ministres des Affaires étrangères en début de semaine et ce qu’ont répété les jours suivants la Commission européenne ainsi que Catherine Ashton, chef de la diplomatie européenne, lors de son séjour au Caire. L’arrêt des violences et le dialogue, voilà qui fait l’unanimité. Personne ne peut y trouver à redire. C’est comme le progrès, la lutte contre la pédophilie et l’honnêteté en politique, tout le monde est pour.
L’intelligence consiste à ne pas répéter les mêmes erreurs. L’Union européenne n’est pas intelligente. Elle a trop longtemps soutenu des tyrans corrompus, comme en Tunisie et en Egypte, et ces souvenirs lui colleront longtemps à la peau.

Une imposture digne de la thèse de Guttenberg

L’Union européenne se trompe encore une fois avec la Libye. Elle aurait pu décréter des sanctions contre le clan Khadafi depuis longtemps et exprimer sa solidarité avec les manifestants. Mais l’Italie s’y est opposée. Rome a besoin de la Libye, qui lui sert à la fois de fournisseur d’énergie et de rempart contre l’immigration. De son côté, l’Allemagne ne tourne pourtant pas autour du pot : Khadafi doit partir. Même la France prône désormais une attitude de fermeté. Mais voilà, la politique étrangère européenne reste une farce, une imposture digne de la thèse de doctorat de Karl-Theodor zu Guttenberg : beaucoup d’allure, peu de substance.
L’Europe doit reconnaître qu’elle souffre d’un déficit chronique de crédibilité. L’Union européenne est moralement corrompue et va constamment à l’encontre de ses principes. En témoignent non seulement sa réaction vis-à-vis des mouvements contestataires d’Afrique du Nord, mais aussi sa gestion de scandales internes.
Mettons-nous un moment dans la peau d’un citoyen d’Afrique du Nord suivant les actualités européennes à la radio ou sur Internet. Il y a quelques semaines, il aura d’abord entendu parler d’une certaine Michèle Alliot-Marie, ministre française des Affaires étrangères qui, il y a peu encore, entretenait une relation particulièrement chaleureuse avec l’entourage du président tunisien Ben Ali. En janvier, elle est même allée jusqu’à lui offrir l’aide des forces de sécurité française pour lutter contre les manifestants qui défilaient dans les rues de Tunis. L’intéressée n’a plus la moindre crédibilité, mais Nicolas Sarkozy ne songe pas un instant à la renvoyer. Voilà qui est regrettable : si l’Europe oeuvre pour la stabilisation durable de la Tunisie, la France sera décisive.

Les égoïstes marchandages de la scène européenne

L’Europe connaît également bien d’autres turpitudes qui ne peuvent que semer le doute en Afrique du Nord à l’encontre du vieux continent. Il y a le président du conseil italien, Silvio Berlusconi, qui se voit aujourd’hui accusé de prostitution de mineurs et de divers abus de pouvoir mais refuse de démissionner. Quelle est la réaction de l’Europe ? Nulle. Lors de leur prochain sommet, les Merkel, Sarkozy et Cameron accueilleront à bras ouverts leur ami Berlusconi. Même chose avec Viktor Orbán, le Premier ministre hongrois qui voulait abolir la liberté de la presse dans son pays. Au parlement européen, cette initiative lui a valu…la protection du Parti populaire européen.
Il y a plus d’un an, alors que le traité de Lisbonne entrait enfin en vigueur après d’interminables tractations, beaucoup croyaient à l’avènement d’une ère nouvelle. L’Europe serait plus percutante, plus démocratique et aurait enfin un autre statut sur la scène internationale.
Aujourd’hui, on ne peut que constater combien l’Europe est loin de tout cela. La démocratie est sérieusement menacée dans certains de ses pays membres. D'égoïstes marchandages continuent de dominer la scène européenne. L’Union européenne fait penser à des protections anti-incendie que l'on appliquerait au moment où la maison brûle. C’est ce qui s’est passé avec la crise financière et celle de l’euro, et c’est ce qui en train de se reproduire avec les révolutions en Afrique du Nord. L’Europe se compromet systématiquement. Il est temps qu’elle s’en rende compte.

L'Europe invente la doctrine zéro

Dans les situations importantes, toutes les grandes puissances ont une doctrine diplomatique claire, qu'elles appliquent selon leurs intérêts. Face aux révolutions arabes, il serait temps que l'Europe en trouve une, estime l'éditorialiste José Ignacio Torreblanca. 
Alors que les peuples des rives sud de la Méditerranée luttent pour leur dignité, nous jetons la nôtre par les fenêtres. En politique étrangère, une doctrine manifeste la volonté d’appliquer un même principe d’action à une série d’événements représentant des défis semblables. En 1947, la doctrine du président américain Harry Truman annonçait que son gouvernement soutiendrait “les peuples libres qui résistent à des tentatives d’asservissement, qu’elles soient le fait de minorités armées ou de pressions extérieures”.
En 1968, la doctrine Brejnev autorisa l’Union soviétique à intervenir militairement pour restaurer l’ordre socialiste dans les pays d’Europe centrale et orientale. Enfin, le certificat de décès de la guerre froide fut émis en 1989, quand le porte-parole de Gorbatchev, interrogé sur la permanence de la doctrine Brejnev à l’égard des réformes démocratiques en Hongrie et en Pologne, surprit ses interlocuteurs en répondant que c’était désormais la “doctrine Sinatra” qui avait cours, en référence à la chanson “My Way” ["Je l'ai fait à ma manière] – ce qui eut l’effet domino démocratique qu’on sait dans la région.

Condamner sans sanctionner, participer sans payer

Aujourd’hui, au lieu de se chercher une doctrine pour réagir aux révolutions arabes, l’Union européenne marche sur des œufs. Sa doctrine n’a ni nom ni contenu. Si elle n’a pas de nom, c’est que l’autorité brille par son absence à tous les niveaux : dans les capitales, où les dirigeants s’observent du coin de l’œil pour ne pas être le premier à faire l’erreur de miser sur le changement, comme à Bruxelles, où Catherine Ashton n’est pas moins frileuse.
Pour la haute représentante pour les Affaires étrangères, cette crise aurait pourtant pu être l’occasion d’inventer sa fonction. Mais la baronne a accepté dans la plus parfaite soumission de n’être que la porte-parole de ce que les Vingt-Sept décident à l’unanimité – quand ils y parviennent. Il n’y aura donc pas de doctrine Ashton.
De toute façon, cette doctrine n’aurait pas davantage de contenu, car nos dirigeants veulent le beurre et l’argent du beurre : protester sans déranger, influencer sans s’ingérer, condamner sans sanctionner, aider sans prendre de risque, participer sans payer. Et par-dessus le marché, dans le droit fil de cette hypocrisie qui gouverne à leurs actions jusqu’ici, ils ne prennent pas même la peine de dissimuler que ce qui les inquiète vraiment, ce sont les réfugiés et le cours des hydrocarbures. A l’image du miraculeux coca-cola sans sucre ni caféine, l’Europe vient de lancer la doctrine zéro : le changement, sans rien en échange.

"Il ne faut pas laisser les Etats proscrits perdurer impunément"

Qui plancherait sur une doctrine pourrait s’inspirer des principes exposés par Saïf el-Islam, sinistre rejeton de Kadhafi, dans sa thèse de doctorat présentée en 2007 à la London School of Economics sous un titre stupéfiant : "Le rôle de la société civile dans la démocratisation des institutions de gouvernance mondiale". Dans son travail, Saïf reprend la distinction faite par le théoricien de la justice John Rawls entre d’un côté, des sociétés "bien ordonnées" qui, même si elles ne sont pas intégralement démocratiques, sont pacifiques et ont des dirigeants qui jouissent d’une certaine légitimité auprès de leurs citoyens et respectent les droits de l’homme, et de l’autre, les régimes "proscrits" ou sociétés "injustes" qui violent systématiquement les droits de l’homme, doivent de ce fait faire l’objet de pressions et de sanctions, à qui il faut refuser toute aide, notamment militaire, et avec qui il faut geler toute relation économique.
A la page 236 de sa thèse, Saïf el-Islam conclut (pensant à l’islamisme radical) : "Cette thèse est en accord avec l’idée de Rawls selon laquelle il ne faut pas laisser les Etats proscrits perdurer impunément." Et, page 237, il ajoute que "l’isolement et, à terme, la transformation des Etats proscrits est primordial pour la stabilité mondiale".
Appliquons donc les principes de Rawls (déjà repris par les Nations unies dans le concept de "responsabilité de protéger") et distinguons clairement ceux qui, ces jours-ci, recourent à la violence contre le peuple et ceux qui dialoguent avec l’opposition. Les Vingt-Sept ne l’ont visiblement pas compris, mais les événements en Libye sont un pas de plus franchi dans la violence, auquel le Conseil de sécurité de l’ONU doit répondre par un régime de sanctions drastiques, une zone d’exclusion aérienne, l’ouverture immédiate d’une procédure devant la Cour pénale internationale et le gel de tous les actifs de la famille Kadhafi à l’étranger. La Libye est un Etat proscrit : traitons-la comme telle.

Le fils Khadafi refuse qu'une "poignée de terroristes contrôle une partie de la Libye"

Saïf Al-Islam Khadafi, l'un des fils du leader libyen Mouammar Kadhafi, a affirmé vendredi 25 février, dans un entretien accordé à la chaine CNN-Türk, que sa famille resterait coûte que coûte en Libye, et a averti qu'elle ne permettrait pas à une "poignée de terroristes" de contrôler une partie du pays. Interrogé par un journaliste de la chaîne CNN-Türk sur un éventuel "plan B" de fuite envisagé par sa famille en cas de victoire des insurgés, Saïf Al-Islam a répondu: "Notre plan A, c'est de vivre en Libye et y mourir. Le plan B, c'est de vivre en Libye et y mourir", selon la traduction en turc de ses propos.

Le fils Kadhafi a admis la perte de contrôle de l'Est libyen, mais a assuré que les autorités libyennes reprendraient bientôt le contrôle de la région (suivez en direct les évènements en Libye). "Il y a plus deux millions d'habitants dans cette zone, le nombre de terroristes est de 200 ou 300 au maximum. Le peuple nous appelle (...) Nous ne pouvons pas permettre qu'une poignée de terroristes contrôle une partie de la Libye et sa population", a-t-il déclaré. Il a affirmé que les villes d'El Beida et de Derna étaient aux mains de "terroristes" qui ont établi "deux émirats islamiques, des Etats fantoches" tandis que Benghazi était en proie à un "chaos complet".
"VOUS POUVEZ VOUS PROMENER À TRIPOLI"
Saïf Al-Islam a également évoqué les cas de deux villes de l'ouest du pays : Musratha, la 3e ville du pays, située à 150 km à l'est de Tripoli, et Zawiyah, à 60 km à l'ouest de la capitale. Les insurgés, "peu nombreux" dans ces villes "ont volé des chars appartenant à l'armée, ils ont des armes, des mitrailleuses et des munitions", a-t-il déclaré, confirmant qu'ils avaient tenté vendredi de s'emparer de l'aéroport de Musratha. "Mais ils ont été repoussés", a-t-il ajouté. "Le sud et le centre sont sous notre contrôle. Il n'y a pas de problème, tout va bien (...) Tripoli et ses environs sont calmes, vous pouvez vous y promener", a-t-il par ailleurs assuré.
Interrogé sur le recours par Tripoli aux services de mercenaires africains, Saïf Al-Islam a démenti l'information: "Nous avons entendu cela sur une seule chaîne de télévision — Al Jazira. Tous les mensonges proviennnent de ce canal", a-t-il asséné avant d'inviter les médias internationaux à venir en Libye se rendre compte par eux-mêmes de la situation. Le fils du colonel Khadafi a fait état d'un bilan de 242 morts dans les violences, inférieur à un précédent bilan officiel de 300 morts. Il a également assuré que l'aviation n'avait mené aucun raid contre la population, mais avait pilonné trois dépôts d'armes pour éviter qu'ils ne tombent aux mains des rebelles.
Il a enfin soutenu que les manifestations pacifiques et les revendications politiques n'étaient "pas un problème, elles sont acceptables", seule l'action de "groupes armés" étant illégitime. Il a également rejeté tout plan de destruction des infrastructures pétrolières du pays en cas de progression de l'insurrection. "Nous ne détruirons jamais le pétrole. Il appartient au peuple", a-t-il dit.

Comment tromper le sens humain pour rendre tangible le monde virtuel

Les sens humains sont pleins de mystères et peuvent être trompés, des propriétés que les chercheurs du groupe de télécommunications nippon NTT exploitent pour améliorer le dialogue avec les téléphones portables, ordinateurs et autres objets interactifs.
"Regardez ces signes noirs, ce sont des lettres dont certaines parties ont été effacées, les reconnaissez-vous?", interroge un ingénieur de NTT à Tokyo.
Bien malin qui peut lire les caractères ainsi rongés. Cependant, lorsque les lignes droites manquantes sont couvertes par des cercles rouges de tailles diverses, le contour des lettres saute aux yeux.
"En comblant les espaces tronqués par une forme quelconque, le cerveau reconstitue le tout comme si le caractère était intégralement et correctement écrit", explique le chercheur.
Même illusion avec une musique dont on aurait supprimé de brefs passages en y substituant un bruit, quel qu'il soit. "La mélodie est clairement audible une fois les silences comblés, même si en réalité elle est en partie constituée de sonorités étrangères", prouve-t-il.
"Il est souvent difficile de recréer sur un écran ou via un haut-parleur les choses telles qu'elles sont réellement, mais le cerveau s'en accommode à condition de savoir comment le leurrer", précise le scientifique.
NTT explore ainsi les nombreuses anomalies des sens humains afin de les utiliser pour développer des applications qui permettent de faire croire à l'homme qu'il voit, entend, touche ou ressent comme réel ce qui n'est pourtant que virtuel.
La perception du relief (3D) au cinéma avec des lunettes s'appuie d'ailleurs aussi sur un artifice, le cerveau recombinant deux images différentes en deux dimensions qui sont vues successivement par un oeil et l'autre.
Idem pour le sens tactile: NTT travaille par exemple sur le fait que les deux mains jointes puissent, à certaines conditions, ressentir la présence d'un objet alors même qu'il est inexistant, une bizarrerie qui sera assurément mise à profit pour rendre perceptible au toucher une représentation virtuelle.

NTT se penche aussi sur la "réalité augmentée", laquelle consiste à superposer des informations et contenus virtuels sur une scène réelle.
Il a par exemple créé un programme pour faciliter le choix d'un meuble ou autre objet.
Il suffit d'imprimer une petite image présentée sur le site internet, de poser le papier là où le produit en question est censé prendre place dans la maison et de filmer la scène avec son téléphone portable.
Grâce au logiciel spécial, apparaît sur l'écran du mobile non pas le papier plat mais, en lieu et place, l'objet tridimensionnel comme s'il était physiquement présent dans la pièce.
Le groupe NTT imagine même diverses technologies pour rendre plus chaleureuse la communication à distance et transmettre les sentiments humains via les objets et réseaux.
La filiale de services mobiles NTT Docomo, premier opérateur nippon de télécommunications mobiles, a développé une application qui transforme un message saisi au clavier sur un téléphone portable en animation montrant le visage en trois dimensions de l'expéditeur en train de dire ce qu'il a écrit.
Le logiciel sait aussi transcrire le texte saisi en lettre manuscrite reproduisant exactement l'écriture de l'expéditeur.
A un horizon qui semble également proche, NTT Docomo imagine une transmission du toucher.
"Quel mot permet d'exprimer la même chose que le fait de serrer la main de sa copine?", questionne un chercheur de NTT Docomo.
Concrètement, l'opérateur a conçu un objet en forme de coeur, muni de capteurs, que l'on presse plus ou moins fort, et qui transmet cette information tactile à un coeur électronique du même type que tient l'être chéri.

Les banques, le détail et le risque

Vingt et un milliards d'euros ! Il n'aura donc fallu que deux petites années aux banques françaises pour effacer les stigmates de la crise et retrouver leur niveau de bénéfice record de 2007. Bien sûr, les banquiers gardent soigneusement profil bas et évitent de pavoiser face à une opinion qui les tient encore majoritairement pour responsables de leurs malheurs économiques. Mais la performance mérite d'être soulignée.

Ce qui frappe évidemment, c'est la rapidité et l'ampleur de leur redressement par rapport à leurs voisines britanniques, allemandes ou espagnoles. Dans ces pays émergent quelques champions comme Barclays, Deutsche Bank ou Santander, et de nombreux éclopés, notamment les banques régionales en Allemagne ou en Espagne.

Sans enlever le mérite d'une gestion prudente et efficace aux françaises, il faut d'abord rappeler que dans un métier aussi régulé par l'Etat, une banque tient d'abord par l'économie de son pays. La crise immobilière espagnole a rattrapé des établissements pourtant sous étroite surveillance. L'inertie de l'économie française se retrouve dans les performances de celles qui en fournissent le carburant. Assises sur leurs réseaux d'agences, les françaises ont profité de la bonne tenue de la consommation dans l'Hexagone. En dépit de tous les Cantona de la Terre, les Français continuent d'alimenter leur compte en banque et d'emprunter pour leur maison. On comprend donc que tous se renforcent sur ce métier, à croissance modeste mais à risque faible.

Cette stratégie de repli n'est pourtant pas la panacée. D'une part, parce que cette activité n'est pas aussi insubmersible qu'on veut bien le croire, notamment à l'international. Le Crédit Agricole empêtré en Grèce en sait quelque chose.

D'autre part, parce que les nouvelles contraintes des régulateurs devraient rendre plus onéreux les prêts bancaires et donc pousser les grands clients industriels à se tourner toujours plus vers les marchés pour se financer. Ce qui profitera aux banques qui auront su garder une activité puissante de financement.

Si le phénomène se confirme, il pourrait bien accentuer alors l'avantage pris dans la crise par la plus universelle des banques françaises, BNP Paribas, notamment grâce à l'opération Fortis. Car la gestion du risque, qui au final fait la différence, est plus question de culture que de positionnement.

La vertu de l'essence chère

Quelques centimes de plus, depuis peu, sur le litre de super, de gazole ou de fioul domestique, quelques dizaines de centimes demain : c'est tout le prix que les révolutions arabes nous demandent de payer, et celui-ci paraît bien dérisoire au regard de la valeur du sang versé en Libye, en Egypte et en Tunisie. Si le citoyen d'Occident ne peut qu'y souscrire, il est inévitable que le consommateur s'en préoccupe, lui qui, déjà inquiet pour son pouvoir d'achat, entrevoit de devoir longtemps payer plus cher pour rouler ou se chauffer. Il a raison car la nouvelle envolée des prix du brut observée hier sur les marchés, portant à 20 % la hausse des cours de l'or noir depuis une semaine, va sans tarder se répercuter à la pompe et ne retombera pas de sitôt : les conséquences économiques du défaut de la Libye, producteur marginal, montrent une nouvelle fois, s'agissant d'une matière première limitée, la grande sensibilité du marché pétrolier.

Que l'essence redevienne durablement plus chère et le gaz plus onéreux imposera naturellement des sacrifices, notamment aux Français les plus modestes. Mais, à plus long terme, c'est une heureuse nouvelle pour la soutenabilité d'économies portées par la transformation de ressources énergétiques en voie d'extinction. Au sortir d'une crise qui a quelque peu bouleversé l'ordre des priorités, reléguant le développement durable à l'arrière-plan, cela redonne à tous la conscience de la finitude des énergies fossiles, comme de la nécessité de promouvoir les énergies renouvelables. Avec cette hausse des prix des hydrocarbures, nous commençons donc à acquitter, sous une autre forme, cette vertueuse taxe carbone, peu soutenue dans la majorité et mise en pièces par le recours de l'opposition socialiste, qui avait obtenu, voici plus d'un an, qu'elle soit censurée par le Conseil constitutionnel. A la différence du produit de cet impôt français mort-né, qui aurait pu alimenter les investissements publics dans les énergies alternatives, celui de l'« impôt libyen » ira remplir les caisses des Etats producteurs de pétrole, au Moyen-Orient. Au moins s'agit-il, pour certains, désormais, de démocraties naissantes.

Wikileaks, plus terrifiant que Kadhafi


La crise du Monde Arabe entraîne la chute de tyrans installés au pouvoir depuis des années, excavant des dossiers qui auraient du rester enfouis. WikiLeaks servira probablement de relais à ces informations.


Cela fait déjà plusieurs mois que WikiLeaks s’intéresse au Monde Arabe. Révélations du complot entre le roi Abdhallah d’Arabie Saoudite qui demande à Washington de trancher la tête du serpent Ahmadinejad, de la promesse de Moubarak de lancer une grande campagne nucléaire si l’Iran continue de produire de l’uranium, ou encore des activités non déclarées du clan Ben Ali, bien avant qu’elles ne soit prises en compte par les dirigeants français,… Toutes ces créé un séisme sur la scène politique internationale. Un avant-goût de ce qui pourrait bien éclater au grand jour lors les prochaines semaines. Les dictateurs s’écroulent les uns après les autres. WikiLeaks va-t-il publier des rapports fumeux dans lesquels mouillent certains des leaders occidentaux ? Depuis des temps immémoriaux, le Moyen-Orient est un relais important de transactions pétrolières et de ventes d’armes à feu. Premiers intéressés, les grandes sociétés occidentales qui profitent de contrats juteux avec ces pays instables. Alors, que révèleront les prochains rapports, quelles seront les prochaines têtes à couper ? Les dirigeants de BP, Total ? Quels ministres aux mœurs particulières tomberont pour avoir profité d’extras en fermant les yeux sur les massacres perpétrés? Dans un autre registre, des personnalités ont également pactisé avec le Diable. Mariah Carey, l’innocente diva, aurait touché près d’un million de dollars pour un concert privé chez les Kadhafi, qui n’en était pas à son premier contrat avec des dictateurs, de même que le duo Beyonce Usher quelques mois auparavant. A l’approche de la campagne présidentielle de 2012, les présidentiables croisent les doigts pour que WikiLeaks ne se montre pas trop chafouin.

La population japonaise enregistre un fort déclin

Le Japon a enregistré au cours de ces cinq dernières années une hausse de sa population de 0,2 % : c'est le plus faible taux de croissance depuis 1920, date du début de ces statistiques, révèle le dernier recensement publié vendredi 25 février. Une quasi-stagnation.

Au 1er octobre 2010, le Japon comptait 128,06 millions d'habitants, indique l'enquête du gouvernement, qui s'attend à ce que la population se réduise de moitié d'ici à 2100. Les derniers chiffres du recensement reflètent "un changement drastique dans la structure sociale de notre nation : une baisse du nombre de naissances et une hausse du taux de mortalité", a noté un responsable du ministère des affaires intérieures et des communications japonais.

UN ENFANT PERÇU COMME UN FARDEAU

Beaucoup de jeunes Nippons hésitent à fonder une famille, perçue comme un fardeau pour leur carrière et leur vie personnelle. Le ralentissement économique et les difficiles conditions d'emploi constituent autant de facteurs décourageants. Une étude menée en 2009 montrait que 40 % des Japonais ne ressentaient pas le besoin d'avoir des enfants après s'être marié.

Le faible taux de fécondité du pays est resté très bas en 2009, inchangé par rapport à son niveau de l'année précédente. Il stagne à 1,37 enfant par femme, interrompant une légère remontée entamée depuis son plus bas niveau atteint en 2005 (1,26 enfant par femme).

Le gouvernement de centre-gauche arrivé au pouvoir en septembre 2009 a fait de la lutte contre le vieillissement de la population l'un des éléments centraux de son programme. Parmi ses mesures phares figurent l'augmentation du nombre de crèches et surtout une allocation familiale de 13 000 yens (115 euros) par mois et par enfant jusqu'à sa sortie du collège.

Xavier Beauvois

Ce n'est pas un réalisateur facile qui devrait cette année truster les récompenses distribuées par Antoine de Caunes lors de la traditionnelle cérémonie des Césars pour le film phénomène de 2010, « Des hommes et des dieux ». Facile, il ne l'est ni dans le choix de ses sujets ni par son caractère, que l'on peut qualifier d'abrupt chez cet amateur des falaises normandes. Fils d'un préparateur en pharmacie et d'une prof de couture, ce gars du Nord n'a pas fait de vieux os au lycée, quittant sa classe de terminale pour partir à Paris tenter sa chance dans le cinéma. La passion lui avait été transmise par un autre Ch'ti, l'historien du septième art Jean Douchet, grand propagateur de la nouvelle vague, lors d'une conférence sur « M le maudit », de Fritz Lang. Dans la capitale, le jeune autodidacte a la chance de plaire à Dominique Besnehard, l'agent des stars, qui l'encourage aussi à faire l'acteur. Son premier long-métrage, « Nord » comme il se doit, lui vaudra d'entrée deux nominations aux Césars de 1991. Le deuxième, « N'oublie pas que tu vas mourir », qui aborde la question du sida, reçoit le prix du jury à Cannes en 1995. La reconnaissance du grand public ne viendra vraiment qu'avec le quatrième, « Le Petit Lieutenant », cinq fois nominé aux Césars. Athée et homme de gauche, le garçon qui rêvait devant « Les Révoltés du "Bounty" » a toutes les chances de parvenir, à quarante-trois ans, au sommet de sa profession avec un film sur la foi. Même pour un non-croyant, l'important,il est vrai, c'est d'y croire.

Dans le secret des sondages

C'était pourtant un bon signe pour la démocratie : deux sénateurs appartenant à des camps opposés, Jean-Pierre Sueur (PS) et Hugues Portelli (UMP), ont présenté ensemble une proposition de loi destinée à réguler la pratique des sondages. Mais le texte, adopté à l'unanimité par la Haute Assemblée, risque d'être bloqué par l'opposition du gouvernement. Ce serait dommage, car son application serait bénéfique dans la grande fièvre de la campagne présidentielle. On connaît les reproches faits aux sondages. En période préélectorale, ils peuvent influer sur les résultats : lors du scrutin présidentiel de 2002, la sous-estimation de la dispersion des voix à gauche a contribué à l'élimination de Lionel Jospin au premier tour. En période ordinaire, on les accuse de servir de boussoles à l'action du pouvoir (même si on ne peut pas dire que les réformes de l'actuel quinquennat aient été guidées par une recherche éperdue de popularité...). Surtout, on s'interroge sur leur fiabilité quand on constate les différences entre les réponses enregistrées, dans des enquêtes simultanées, à des questions quasiment identiques.

Or la proposition Sueur-Portelli contient une petite bombe. Les réponses recueillies sur le terrain, sont, on le sait, « redressées » pour que les groupes socioprofessionnels, politiques, religieux, au sein de l'échantillon interrogé, aient une importance conforme à leur poids dans la population. Jusqu'ici, les méthodes de ce redressement sont tenues secrètes, au motif qu'il s'agirait pour chaque institut d'une donnée stratégique. Leur divulgation deviendrait obligatoire si le texte sénatorial était adopté : le public et la presse pourraient constater, sur le site de la Commission, la façon dont les différences de méthode influent sur les résultats publiés et l'écart souvent énorme qui sépare ces derniers des résultats bruts. Cela ne remettrait peut-être pas en cause la fiabilité des instituts les plus sérieux, mais jetterait un doute salutaire sur l'image des Français que dessinent les innombrables sondages - plus de 1.000 par an -dont ils sont l'objet.

Le rayonnement croissant de la Turquie
 
Cinq heures. C'est le temps que Nicolas Sarkozy passera, aujourd'hui, sur le sol turc. Cinq heures en tant que président du G20. Une visite de travail et non un voyage officiel. Vu de Turquie, cela paraît bien peu. Très inconvenant pour un pays si conscient d'être redevenu une puissance incontournable, un facteur de stabilité plutôt rare dans une région en pleine ébullition.


Pour mesurer ce nouveau poids, le point de vue et l'objectif, comme en photo, sont essentiels. Le premier est évident si l'on se place sur les rives du Bosphore. Le carrefour sur lequel s'étend l'espace turc, entre l'Europe et l'Asie, frontalier de l'Iran, de l'Irak, de la Syrie, près du Caucase et de la Russie, dit tout.


Quant à l'objectif privilégié désormais par les dirigeants turcs, ce n'est plus la longue vue qui permettait aux élites kémalistes de lorgner, rêveurs, sur l'Occident, mais un grand angle. La Turquie n'est plus un vaste pays pauvre frappant, en vain, à la porte de l'Europe. C'est une économie en pleine croissance, une puissance qui se représente désormais au centre d'un espace d'intérêts, sinon d'influence, et tisse des liens économiques, politiques, diplomatiques et culturels à 360°.


Dès lors, la question de l'adhésion d'Ankara à l'Union européenne n'est plus centrale. Son refus, dont le président français est le principal représentant, non plus. Les sondages turcs montrent un effritement sensible du soutien à l'adhésion. Après tout, l'euroscepticisme des Européens eux-mêmes ne peut que faire tâche d'huile. Officiellement, l'adhésion reste un objectif. Est-ce une priorité ? De moins en moins. « Le monde ne s'arrête pas à l'Union européenne », affirmait récemment le président turc, Abdullah Gül.


Formidable levier de développement économique et de démocratisation, le dialogue avec l'Europe est éclipsé par d'autres urgences. Avec 8 % de croissance, l'an dernier, le business turc s'étend tous azimuts : Asie centrale, Proche-Orient, Afrique du Nord, mais aussi Chine, Japon, Afrique subsaharienne.


Parallèlement, Ankara déploie, depuis plusieurs années, une diplomatie très active, notamment en direction du monde arabe, au détriment de la relation purement stratégique et militaire qui, au sein de l'Otan, en faisait la franche alliée d'Israël. L'affaire de la flottille pour Gaza a eu valeur de symbole de cette évolution et un impact considérable dans l'opinion des pays arabes, ouvrant un boulevard à la diplomatie turque pour exercer un rôle de premier plan dans la région.


Culturellement aussi, la Turquie fait tout pour devenir un pôle d'attraction. En tant que pays musulman qui a fait progresser son niveau de vie et son fonctionnement démocratique sans renier son identité. Les séries TV turques font un tabac dans de nombreux pays arabes. Tout cela fait rayonner ce pays et occulte les manquements, pourtant graves, à la démocratie en matière de justice et de liberté de la presse, ou les tentations autocratiques du pouvoir sans partage de l'AKP d'Erdogan.


Pour toutes ces raisons, le dialogue avec l'interlocuteur turc, pays émergent le plus proche de nous, ne peut plus être paralysé par la question de l'adhésion. Négocier ne veut pas dire conclure. L'Europe a encore un pouvoir de conditionnement vertueux pour le cheminement vers plus de démocratie en Turquie. Elle a, en outre, tout à gagner de la stabilité prônée et recherchée par Ankara. Cela mérite plus qu'une visite de travail.

Seul face à son peuple et au monde Kadhafi provoque et menace encore

Le pays lui échappe, les insurgés gagnent du terrain, les ressortissants étrangers fuient en masse la Libye en proie aux violences, la communauté internationale lui met la pression, Kadhafi s’accroche à un pouvoir fantôme

« Je souhaite de tout cœur que Kadhafi vive ses derniers moments de chef d’Etat. Ce qu’il a fait (...) tirer à l’arme lourde sur sa population est naturellement inacceptable. » Alain Juppé, ministre français de la Défense, a dit tout haut ce que pense tout bas une bonne partie de la communauté internationale. Sommé par l'Occident de stopper le bain de sang et confronté à une opposition grandissante de sa population, le dirigeant libyen est de plus en plus isolé. Mais s’accroche avec arrogance et violence au pouvoir après 42 ans passés à la tête de l’Etat.
Hier, dans une nouvelle déclaration publique - la deuxième en 48 heures-, Mouammar Kadhafi a accusé Al-Qaïda de manipuler les insurgés (qui sont devenus maîtres de la région orientale du pays, riche en pétrole) en leur donnant notamment des « pilules hallucinogènes ». « Ces gens n’ont pas de vraies revendications, leurs revendications sont celles de Ben Laden », a-t-il affirmé.
Répondant aux appels des manifestants qui réclament son départ, le colonel Kadhafi a encore indiqué que son pouvoir était « seulement moral » comparant son autorité à celle de... la reine d’Angleterre. Dans ce message, il s’adressait tout particulièrement aux habitants de Zawiyah, à 60 km à l’ouest de Tripoli, la capitale, où des « terroristes » ont égorgé plusieurs soldats, selon l’agence officielle Jana. Le journal libyen Quryna affirme au contraire que dix personnes ont été tuées hier dans l’assaut donné par les forces de sécurité dans cette ville. mardi, le colonel Kadhafi avait juré de réprimer dans le sang l’insurrection, qui a déjà fait plusieurs centaines de morts. Dans la ville d’Al Baïda (1,300 km à l’est de Tripoli), les murs criblés de balles sont autant de stigmates de la violence des combats entre opposants et « mercenaires » pro-régime. Mais la détermination des contestataires semble intacte : « Notre objectif est Tripoli, si Tripoli n’arrive pas à se libérer par lui-même », affirmait hier un officier. C’est dans la capitale que les partisans du « guide » sont concentrés et la milice Khamis y disposerait de 9 000 combattants ainsi que de chars, d’avions et d’armes lourdes. La présence de Kadhafi est en revanche plus incertaine : contrairement à mardi, où il avait prononcé un discours télévisé devant sa maison de Tripoli, Kadhafi est intervenu hier via une liaison téléphonique depuis un endroit non identifié.

Chirac, du terroir au prétoire

Chirac va mieux, il est allé au Salon de l’agriculture à pied. Dire “adieu veau, vache, cochon, couvée”, telle Pierrette cassant son pot au lait, ne le tente guère. Vis-à-vis du monde paysan, le Corrézien d’élection témoigne d’une fidélité intacte. La terre ne ment pas, pardi, ni les sondages ! À 78 ans, dans la plus grande ferme de France, l’animal politique a pu mesurer son indice de popularité. Il établit des records, plus haut que le cours du blé.

Racler les fonds de terroir lui vient naturellement. Et les fonds de prétoire ? On verra ça début mars, devant la première chambre correctionnelle du tribunal de Paris. En ces lieux historiques, il succédera à Marie-Antoinette, Charles Pasqua et Dominique de Villepin. La première y perdit la tête, les deux autres sauvèrent la face. Les enfants du gaullisme, ici, s’en sortent mieux que la femme du Bourbon. Le prévenu républicain garde donc des raisons d’espérer.

Son fauteuil est avancé, le procès se jouera à guichets fermés. L’ex-président doit répondre d’une affaire qui remonte aux années 80 : les “emplois fictifs” à la mairie de Paris. Au bout d’une interminable immunité, il retrouve ses anciennes casseroles. Personne ne semble s’en réjouir. Tant d’eau a passé, depuis, sous les ponts de la Seine que l’incrimination devient presque dérisoire. Ne pourrait-on lui foutre la paix ? Mais la justice, pas plus que Chirac, ne souffre de la maladie d’Alzheimer. Sa mémoire dure longtemps, longtemps…

Le plan V comme Villepin

Personne n’est dupe au gouvernement et dans la majorité. Le soutien affiché à Michèle Alliot-Marie par le président de la République est une position tactique destinée à gagner du temps. Faute d’avoir pu débarquer à chaud son ministre des Affaires étrangères au début de la crise – Mme Alliot-Marie fut sauvée par les vacances en Egypte du Premier ministre –, Nicolas Sarkozy a décidé de surseoir. Ce faisant, il ne donne pas l’impression, toujours fâcheuse pour un président, de répondre aux injonctions des socialistes et des médias. La ministre des Affaires étrangères continuera donc sa mission, solidement encadrée par le secrétaire général et la cellule diplomatique de l’Elysée et le ministre de la Défense, Alain Juppé. Pendant ce temps, Nicolas Sarkozy réfléchit à divers scénarios pour le printemps. Il lui faut d’abord franchir deux obstacles : les élections cantonales de mars et le procès en appel de l’affaire Clearstream avec pour vedette Dominique de Villepin.

Si ces deux événements se passent à peu près bien pour lui, M. Sarkozy pourrait procéder à un remaniement gouvernemental partiel. Soutenue loyalement jusqu’au dernier jour, Mme Alliot-Marie pourrait alors quitter le gouvernement.
C’est la jurisprudence Eric Woerth après l’affaire Bettencourt. Et qui serait le meilleur remplaçant au Quai d’Orsay sinon le brillant ministre qui sut dire non à la guerre américaine en Irak ! Villepin ministre de Sarkozy plutôt que candidat contre lui, ce serait un coup de maître. On y réfléchit au Château.

La France et le boucher de Tripoli

Les fastes de la République déployés pour recevoir Kadhafi à Paris en décembre 2007 étaient outranciers et ridicules, ils furent à juste titre dénoncés par Rama Yade et beaucoup d'observateurs. Pour autant on ne peut mettre sur le dos de Nicolas Sarkozy vingt-cinq années de complaisance et d'indulgence coupable à l'égard de celui qui n'a jamais cessé d'être au fond de lui-même un terroriste et un assassin anti-Occidental. Quelques piqûres de rappel : en 1986, quand le président Reagan bombarde Tripoli, qui interdit le survol de la France aux avions américains, sinon Jacques Chirac et François Mitterrand en cohabitation ! Qui va rencontrer Kadhafi en Crète à propos du Tchad ? Mitterrand et Roland Dumas. Qui envoie le ministre américain Condolezza Rice à Tripoli, sinon George Bush ! Les relations incestueuses fondées sur la realpolitik, le pétrole et les ventes d'armes n'ont jamais cessé entre les démocraties et le tyran.

Cela étant dit, après la mort politique ou la mort tout court de Ben Ali, Moubarak et Kadhafi, il faudra bien avancer et corriger les erreurs : erreur de casting comme Mme Alliot-Marie et l'ambassadeur Boillon, erreur de fond comme la conduite de notre politique étrangère. De Gaulle avait de grands desseins mais il utilisait pour les mettre en œuvre Maurice Couve de Murville et de grands ambassadeurs. Il n'y a eu que trois grands ministres au Quai d'Orsay en vingt ans : Juppé, Védrine et Villepin. Il est urgent d'en choisir un pour restaurer la politique arabe et redonner de la voix à la France.

« Le Mai 68 des pays du Sud »

Les instigateurs férus d'Internet des révolutions démocratiques arabes s'inspirent tous d'un manuel révolutionnaire, De la dictature à la démocratie (1993), écrit par un mystérieux et influent expert américain, Gene Sharp. Ce best-seller mondial traduit en 30 langues, téléchargeable sur Internet, explique comment renverser pacifiquement les dictatures. Il a été financé par l'Institut Albert-Einstein et la Fondation Georges-Soros. Des opposants tunisiens, libyens, yéménites, bahreïniens ou algériens l'ont étudié. La vague révolutionnaire propulsée grâce à Internet par ce type d'ouvrages n'est pas près de s'arrêter. Ce « Mai 68 du Sud » est en train de gagner l'Asie, comme on le voit l'appel d'hier à manifester en Chine ou les 100.000 syndicalistes défilant dans New Dehli, et bientôt l'Afrique. Les rebelles pacifiques de Libye, du Zimbabwe, d'Iran, de Biélorussie ou même du Turkménistan lisent le manuel de Sharp, interdit par tous les régimes totalitaires. Avant eux, le mouvement Otpor, qui renversa plus efficacement que les bombes américaines le président serbe Slobodan Milosevic en 2000, s'en est inspiré. Mais les techniques de révolution pacifique fonctionnent là où existe un minimum d'ouverture sur l'étranger, d'éducation et de circulation de l'information, ce qui est le cas de la Tunisie, du Maroc, de la Jordanie, de Bahreïn, de l'Inde, mais pas de l'Iran, de l'Arabie saoudite, de la Corée du Nord ou de la Libye. C'est pourquoi Mouammar Kadhafi, au pouvoir depuis quarante-deux ans, n'hésitera pas à provoquer un bain de sang, comme il l'a dit, ainsi que son fils Saïf, plutôt que de se démettre. Sauf si l'armée l'y oblige, car la force des révolutions pacifiques est de discréditer le dictateur auprès de ses propres troupes...