TOUT EST DIT

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samedi 26 février 2011

Côte d'Ivoire : les tirs à l'arme lourde reprennent à Abidjan

Les tirs à l'arme lourde ont repris samedi 26 février à Abidjan dans le quartier d'Abobo, fief d'Alassane Ouattara. Selon des témoins, les tirs ont repris en début d'après-midi dans le secteur "PK-18", au coeur des affrontements meurtriers de cette semaine.

Les tirs avaient pratiquement cessé depuis vendredi matin dans ce quartier que les habitants continuaient de fuir samedi, et où le gouvernement Gbagbo accuse d'opérer les "rebelles" alliés à Alassane Ouattara, reconnu président par la communauté internationale. Les Forces de défense et de sécurité (FDS) loyales à M. Gbagbo y combattent un groupe armé. Le camp Ouattara récuse toute implication.
"Le quartier se vide", a raconté une habitante après une nuit sous couvre-feu, mesure instaurée pour le week-end par le régime Gbagbo. Au troisième jour d'exode dans le nord de la capitale économique, "les mini-cars ont pu entrer et sont pris d'assaut" par des mères et leurs enfants, a raconté cette jeune femme, elle-même partie rejoindre de la famille dans le quartier de Yopougon (ouest). "Les gens pensent que le quartier va être bombardé", a expliqué un chauffeur resté à Abobo.
GROUPE MYSTÉRIEUX
Un bilan des combats restait impossible à établir mais de nombreux témoins ont fait état d'affrontements très meurtriers. "Le travail continue" à Abobo, a déclaré à des journalistes le chef d'état-major des FDS, le général Philippe Mangou. Baptisé par la presse locale "commando invisible", "mystérieux" ou "fantôme", le groupe, armé notamment de lance-roquettes, qui a attaqué depuis janvier les FDS à Abobo avant de redoubler d'activité ces derniers jours, continue de susciter les interrogations.
Pour les FDS, il est composé d'éléments de la "rébellion" des Forces nouvelles (FN), qui contrôle le nord du pays depuis son putsch manqué de 2002 et s'est alliée à Alassane Ouattara au commencement de la crise née du scrutin de novembre. Mais dans le camp Ouattara on récuse toute implication, affirmant qu'il s'agit d'habitants ayant pris les armes ou de FDS passés de l'autre côté. Dans la capitale politique Yamoussoukro, théâtre pour la première fois d'affrontements à l'arme lourde dans la nuit de jeudi à vendredi, le calme est revenu.
Dans le "Grand Ouest", région proche du Liberia et instable depuis des années, la situation était incertaine au lendemain de la prise par les FN de deux localités aux confins de la zone sud sous contrôle du camp Gbagbo. Les FDS assuraient samedi en avoir chassé l'ennemi. La semaine écoulée a donné un caractère presque irréel aux efforts de médiation menés par l'Union africaine pour résoudre la crise, qui a déjà fait au moins 315 morts selon l'ONU et poussé des dizaines de milliers d'Ivoiriens à fuir le pays.
Quatre chefs d'Etat - Mohamed Ould Abdel Aziz (Mauritanie), Jacob Zuma (Afrique du Sud), Idriss Deby Itno (Tchad) et Jakaya Kikwete (Tanzanie) - ont rencontré les rivaux ivoiriens en début de semaine à Abidjan. Chargés au départ d'élaborer des solutions "contraignantes" pour les parties d'ici fin février, ils se concerteront de nouveau le 4 mars à Nouakchott. "Nous ne sommes pas au bout de nos peines", avait convenu le président mauritanien.

Washington adopte des sanctions contre Kadhafi

Le guide libyen s'accroche toujours au pouvoir mais semble de plus en plus cerné. L'est du pays est aux mains des opposants et la pression internationale s'accentue au 12e jour de l'insurrection. Le président américain a décidé le gel des avoirs aux Etats-Unis du colonel Kadhafi et de ses quatre fils. 

12h20 : Kadhafi lâché par Berlusconi

"Il apparaît effectivement que Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye", a déclaré samedi Silvio Berlusconi, son plus fidèle soutien en Europe, lors d'un meeting politique à Rome. La Libye est une ancienne colonie italienne et le colonel libyen qualifie d'"ami" le chef du gouvernement italien.
11h00 : L'évacuation des ressortissants étrangers s'accentue
Le flux d'Égyptiens fuyant les violences en Libye par la frontière avec la Tunisie se poursuivait samedi matin. Environ 25.000 personnes auraient quitté la Libye par la Tunisie entre le 20 et le 25 février, selon un décompte de l'AFP. Les britanniques ont envoyé de nouvelles frégates et un navire transportant 2.000 Chinois a par ailleurs accosté samedi à Malte.
09h30: Les combats se rapprochent de Tripoli
Depuis le début de la révolte, , l'est du pays a échappé au contrôle des forces de Kadhafi, et des habitants signalent des combats toujours plus près de Tripoli. Des habitants de Misrata, troisième ville de Libye, et de Zahouiya, dans l'Ouest, ont dit que des combattants de l'opposition en avaient pris le contrôle en repoussant des contre-attaques de l'armée.
04h00 : Washington sévit contre Kadhafi
Décidé à faire plier le colonel Muammar Kadhafi et à mettre fin à sa "cruauté contre son peuple", Barack Obama, a annoncé dans la nuit de vendredi à samedi le gel de ses avoirs aux États-Unis et ceux de sa famille. Certaines voix s'étaient élevées pour souligner la lenteur de Washington à prendre des mesures contre Tripoli. Les autorités américains ont expliqué qu'ils craignaient pour la sécurité de leurs ressortissants.Les sanctions interviennent après qu'un ferry avec plus de 300 personnes à son bord, et un avion, évacuant des Américains et des ressortissants d'autres pays, ont quitté la capitale libyenne.
Les Etats-Unis ont par ailleurs indiqué qu'ils soutenaient fortement la création d'une commission d'enquête indépendante réclamée par le Conseil des droits de l'homme de l'ONU pour enquêter sur les exactions commises par le régime du colonel Mouammar Kadhafi.

Sarkozy prépare un remaniement

Alors que les heures de Michèle Alliot-Marie au quai d'Orsay sont comptées, le chef de l'État pourrait annoncer un remaniement du gouvernement dimanche. 

Ce n'est encore qu'officieux. Mais la nouvelle ne fait plus aucun mystère. Michèle Alliot-Marie va être débarquée du ministère des Affaires étrangères. Impossible pour Nicolas Sarkozy de composer avec une ministre empêtrée dans des affaires personnelles alors que la voix de la France ne se fait plus entendre et que le monde arabe se révolte. D'autant plus que la France dirige actuellement le G20. MAM aurait refusé de présenter sa démission au chef de l'État jeudi. Son départ devrait alors survenir « dimanche ou lundi » selon deux ministres s'exprimant sous couvert d'anonymat.
Deux hypothèses s'affrontent. Il y a d'une part celle qui voit se dérouler un remaniement a minima. Michèle Alliot-Marie pourrait faire ses valises et quitter le quai d'Orsay comme Alain Juppé prendrait sa place, nouvelle voix de la diplomatie française. L'ancien Premier ministre de Jacques Chirac a déjà occupé ce poste, sous Édouard Balladur, de 1993 à 1995. 

L'hypothèse Hortefeux

Selon la rumeur, le ministère des Affaires étrangères aurait également été proposé à... Dominique de Villepin. Nicolas Sarkozy aurait en effet fait cette proposition à son « meilleur ennemi » jeudi lors de leur entrevue à l'Élysée. 
L'autre hypothèse concernerait un remaniement beaucoup plus large. Gérard Longuet, actuel président du groupe UMP au Sénat, pourrait alors reprendre le ministère de la Défense. Mais si l'on en croit Le Parisien, le chef de l'État penserait également à Brice Hortefeux pour occuper le ministère de la Défense. Dans cette optique, le ministère de l'Intérieur serait alors repris par Claude Guéant, actuel secrétaire général de l'Élysée. 
Réponse dimanche... ou lundi.

Libye: la lutte pour contrôler Tripoli

La détermination des opposants libyens à chasser le colonel Kadhafi du pouvoir ne faiblit pas. Les Nations unies haussent le ton. Suivez la journée de samedi en direct.
 
14h40 Les évacuations de ressortissants internationaux se poursuivent, par les airs, la mer, la terre... Quelques exemples.  
Un avion affrété par Londres est parti pour Tripoli pour rapatrier les derniers ressortissants britanniques de la capitale libyenne, plusieurs centaines d'employés du pétrole restant de leur côté bloqués dans le désert libyen.  
Un navire transportant 2000 Chinois évacués de Benghazi a accosté samedi à La Valette. La Chine a évacué près de 16 000 de ses ressortissants de Libye depuis le début de la crise. Ces travailleurs chinois sont évacués vers la Grèce, la Tunisie, l'Egypte et Malte où ils attendent de rentrer en Chine par avion.  
Deux navires turcs, une frégate et un ferry ayant à leur bord 1200 Turcs et 500 ressortissants de 25 pays, ont quitté le port de Benghazi et font route vers le port turc Marmaris. Parmis les nationalités embarquées, figurent des Vietnamiens, des Bosniens, Macédoniens, Serbes, Bulgares, Ukrainiens, Polonais, Syriens, Tunisiens, Jordaniens et Américains. 
14h "Il n'y a plus que Tripoli et quelques villes" qui restent sur le contrôle du régime de Kadhafi, estime l'ancien ministre de l'Intérieur sur Al Jazeera. 
13h Des "sanctions sévères" à l'encontre du régime libyen doivent être adoptées "le plus rapidement possible" par l'ONU, sont convenus la chancelière allemande Angela Merkel et son homologue britannique David Cameron lors d'un entretien téléphonique. Le Conseil de sécurité de l'ONU doit reprendre ses consultations à 11h (17h heure française) pour tenter d'adopter une résolution portant sur de telles sanctions. Cameron et Merkel se prononcent également pour des sanctions au niveau de l'Union européenne. 
12h30 "Il semble que (Mouammar) Kadhafi ne contrôle plus la situation en Libye", affirme à Rome le chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi. La crise libyenne inquiète l'Italie à plusieurs titres... 
12h00 Une correspondant d'Al Jazeera commente la situation à al-Baida, une ville de l'est du pays. Selon elle, les manifestants ne veulent pas d'une Libye divisée entre une zone contrôlée par le régime et une autre par la contestation. "Ils veulent une Libye unie, ils veulent que Tripoli reste la capitale de ce pays". 
11h50 Une vidéo en provenance de Misrata, selon le collectif Libyan Youth Movement. Il s'agit de la troisième ville du pays, désormais contrôlée par le mouvement de contestation. 

11h30 Ban Ki-moon évoquait "des informations sur l'utilisation de mercenaires étrangers", vendredi soir. Le Tchad dément la présence en Libye de mercenaires tchadiens qui participeraient à la répression aux côtés de l'armée libyenne. D'autres informations à considérer avec précaution évoquaient des Soudanais. Et ce samedi matin, une autre provenance commence à être évoquée: la Serbie, dont des ressortissants auraient notamment participé au bombardement de Tripoli et de Benghazi, selon un blog de Malte. Global Voices consacre un billet à ce sujet.

11h15 Selon Al Jazeera Arabic, certaines zones de Tripoli seraient désormais sous le contrôle des protestataires. La chaîne estime que les affrontements de la nuit auraient fait au moins sept victimes dans la capitale.

11h00 "Avant le massacre à Tripoli, des manifestants ont hissé le drapeau de l'indépendance sur un rond-point dans le quartier de Tajoura", raconte le blogueur Iyad El-Baghdadi sur Twitter. Il poste une vidéo qui correspond selon lui à cette scène sur Youtube.
Dans la nuit de vendredi à samedi, en Libye. Des tirs ont de nouveau été entendus dans certains quartiers de Tripoli. Les forces pro-Kadhafi, déployées autour de mosquées de la capitale pour empêcher les protestations, ont tiré sur des manifestants.

Dans l'est de la ville, au moins deux manifestants ont été tués par des pro-Kadhafi dans le quartier populaire de Fachloum, selon un témoin. Dans ce quartier, tout comme dans celui de Ben Achour, des témoins ont signalé des "tirs nourris sur tous ceux qui se (trouvaient) dans la rue".

Dans la nuit de vendredi à samedi, aux Nations unies.Les diplomates poursuivent les négociations pour aboutir à une résolution. Le projet de texte commun évoque des sanctions telles qu'un embargo sur les armes, un autre embargo sur les voyages du colonel Kadhafi et un gel de ses avoirs, selon des diplomates.
Vendredi soir, à Tripoli. Dans certains quartiers de Tripoli, l'électricité est coupée. "Nous étions terrifiés. Nous pensions qu'ils préparaient une attaque. Nous avons pris tout ce qui pouvait servir d'armes et nous avons gardé la porte de la maison", a raconté un habitant le lendemain matin.

Vendredi soir, à New York. Le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon affirme que le Conseil de sécurité doit prendre au plus vite "mesures décisives". Un projet de résolution du Conseil de sécurité prévient Mouammar Kadhafi que les violences pourraient être considérées comme des crimes contre l'humanité.

Vendredi, 18h30, à Tripoli.Kadhafi prend la parole devant une foule de plusieurs centaines de partisans dans le centre de Tripoli: "Nous allons nous battre et nous les vaincrons", lance-t-il. "S'il le faut, nous ouvrirons tous les dépôts d'armes pour armer tout le peuple."

Chronique d’un remaniement : Hortefeux à la défense, Guéant à l’intérieur ?

Ce sera la dixième équipe de Nicolas Sarkozy depuis son élection. Le quatrième remaniement ministériel depuis un an. Nicolas Sarkozy se trouve ce week-end entre l’Elysée et la résidence de la Lanterne, à Versailles. Il consulte, reçoit ses conseillers. Chronique d’un remaniement ou rien n’est fait tant que tout n’est pas fait.

Samedi 14 heures 15. Coup de fil d’un diplomate facétieux. La rumeur a couru la veille qu’Alain Juppé pourrait cumuler les postes de ministre de la défense et des affaires étrangères. Alors, il a puisé dans ses archives: le dernier précédent était celui de Paul Reynaud, qui cumula lors de la débâcle de juin 40 les fonctions de président du conseil, de ministre de la défense nationale et de la guerre et de ministre des affaires étrangères.

Samedi, 14 heures: Brice Hortefeux est toujours en Auvergne. Il assure ne pas avoir rendez-vous avec Nicolas Sarkozy et ne sait pas s’il rentrera ce soir ou dimanche matin. “Je pense que rien n’est tranché”, assure M. Hortefeux. Lors du dernier remaniement, en novembre, il était prévu le samedi qu’il prenne la direction de l’UMP mais était finalement resté le dimanche soir à l’intérieur. Alors, il est serein. “Je n’ai pas besoin d’explication”, poursuit-il. Il veut bien rester à l’intérieur. La défense ne lui déplairait pas non plus. Le job serait moins stressant. Le socialiste Pierre Joxe avait suivi un itinéraire similaire. M. Hortefeux pourrait y faire ce qu’il aime, la politique, et se consacrer à l’UMP pour la présidentielle. Et puis la tâche de ministre de l’intérieur s’avère immense l’an prochain: faire face à la possible immigration d’Afrique du nord, après les révolutions démocratiques, réduire la mortalité routière et surtout les violences aux personnes.

Samedi, midi : Nicolas Sarkozy consulte à la Lanterne, sa résidence près du château de Versailles. Franck Louvrier, conseiller en communication, y est déjà. Le conseiller spécial Henri Guaino ne va pas tarder.

Samedi, 11h30. Qui pour remplacer Guéant ? Le retour du nom de Pierre Mariani.

L’hypothèse du gros remaniement est celle de la matinée. “Cela peut grossir, cela peut maigrir”, commente un conseiller officieux du président. Ce dernier est sur la brêche et garde son téléphone dans sa poche en faisant du tennis… On ne sait jamais. L’on gamberge sur le possible remplaçant de Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, si celui-ci devient ministre de l’intérieur. Deux noms surviennent : celui de Xavier Musca, 51 ans, secrétaire général adjoint de l’Elysée, actuel conseiller du président pour les affaires économiques. Mais l’intéressé ne veut absolument pas du poste et se concentre sur le G20. Reste donc le nom de Pierre Mariani, ancien directeur de cabinet de Nicolas Sarkozy lorsqu’il était ministre du budget entre 1993 et 1995. Cet énarque-HEC de 54 ans, président de Dexia, a un profil économique mais est plus politique que M. Musca. Son nom avait déjà été cité à l’automne, lorsque l’hypothèse d’un départ de M. Guéant avait couru.

Samedi, 10 heures. Hortefeux à la défense, Guéant à l’intérieur ?

Michèle Alliot-Marie sera reçue par le président dimanche à son retour de Koweit, assure un ministre en général bien informé. Deux hypothèses coexistent. La plus simple, le débarquement de MAM, la nomination d’Alain Juppé au quai d’Orsay et son remplacement à la défense par Gérard Longuet, patron du groupe UMP au Sénat. Mais selon ce ministre, c’est l’hypothèse numéro deux qui tient la corde : Juppé au Quai d’Orsay, Brice Hortefeux à la défense tandis que Claude Guéant, secrétaire général de l’Elysée, récupererait l’intérieur. M. Juppé n’aurait pas à subir la tutelle de M. Guéant au Quai d’Orsay; M. Hortefeux, poursuivi en justice pour injures privées dans l’affaire des “Auvergnats” serait mis à l’abris et aurait le temps de faire de la politique tandis que M. Guéant tiendrait l’intérieur pour la campagne électorale.

M. Sarkozy devait avoir aujourd’hui des réunions avec ses conseillers. Brice Hortefeux arpentait l’Auvergne samedi matin mais prévoyait de rentrer à Paris dans l’après-midi.

Arnaud Leparmentier

Ce n'est pas aux diplomates de concevoir la politique étrangère de la France

Madame, Monsieur, dont je ne connais pas les noms, j'ai lu avec beaucoup d'attention votre tribune (Le Monde du 23 février), qui laissait présager une brillante leçon de diplomatie à l'usage des amateurs parmi lesquels vous me rangez à juste titre. La rumeur vous prétend diplomates expérimentés. Je veux bien la croire et vous dire sans ironie que vous avez raison : on ne s'improvise pas diplomate.

J'ai toujours éprouvé, et j'éprouve encore, pour la diplomatie française une profonde admiration, la même que je porte à tout ce qui a contribué et contribue à la grandeur de la France. C'est mon côté patriote et gaullien, un peu désuet, je l'avoue, mais auquel je tiens beaucoup. C'est pourquoi votre texte m'a beaucoup déçu.

Je me suis laissé aller à parler de "tract politique". A la réflexion, peut-être aurais-je dû parler plutôt de "tract syndical" tellement vous vous êtes situés dans le registre de la revendication corporatiste. Vous confondez la politique étrangère et la diplomatie. Mais la diplomatie est une technique, alors que la politique étrangère, comme son nom l'indique, est de la politique.

Vous voudriez faire concevoir la politique étrangère par les diplomates. C'est une tentation à laquelle il ne faut pas céder. Le diplomate est là pour éclairer la décision et pour la mettre en oeuvre, non pour la prendre. Permettez-moi d'essayer d'élever le débat, mais il y a dans la politique une dimension morale qui lui vient de ce qu'elle est confrontée à ce qu'il y a de tragique dans le monde et dans l'Histoire. Aucun manuel du parfait diplomate ne peut trancher a priori l'inextricable enchevêtrement du bien et du mal, du bon et du mauvais, dans lequel la politique doit trouver son chemin.

A cette responsabilité morale de la politique, il n'y a qu'une seule contrepartie possible : la responsabilité politique. A la bureaucratie, aussi experte soit-elle, de peser indéfiniment le pour et le contre. A la politique d'être ce qu'elle doit être : une force de transgression qui fait des paris raisonnés sur l'avenir et dont on jugera la pertinence à l'aune des conséquences.

Vous observerez comme moi que, sur les deux derniers siècles, les grands ministres des affaires étrangères ont rarement été ceux issus du corps diplomatique. C'est normal, ce n'est pas le même métier. Vous en apportez une nouvelle preuve en vous trompant du tout au tout sur la politique étrangère.

Je vous livre un fil directeur : la France s'est donné pour but depuis trois ans et demi de remettre en Europe et dans toutes les enceintes internationales de la volonté et de la responsabilité politiques, en lieu et place de la bureaucratie qui, peu à peu, avait tout envahi et tout paralysé. Naturellement, c'est plus difficile et plus risqué que de ne rien entreprendre. Oserai-je néanmoins attirer votre attention sur le fait que, dans cette période de troubles, c'était le moment où jamais de prendre ce risque. Vous trouvez que cela provoque du désordre. Mais ce n'est pas la politique de la France qui est désordonnée, c'est le monde qui est en désordre.

Remettre de la volonté et de la responsabilité politiques, c'est ce que la France a fait à la présidence de l'Union européenne et pendant la crise financière. C'est ce qu'elle fait à la présidence du G8 et du G20. La France est dans son rôle : elle veut la régulation, le droit et la justice. Elle est la voix de ceux qui n'en ont pas. Elle se bat pour que tous les continents aient leur part dans la gouvernance du monde. Elle est l'avocat des pauvres et de l'Afrique. Elle milite pour les financements innovants. Elle porte la taxation des transactions financières. Elle veut mettre le droit de l'environnement, du travail, de la santé à égalité avec le droit du commerce.

C'est difficile, c'est perturbant, ce n'est pas diplomatiquement correct. C'est tout à son honneur. Vous dites qu'elle n'est pas audible. Vous n'écoutez pas bien. Elle n'a jamais été aussi entendue et l'on n'a peut-être jamais autant attendu d'elle dans le monde depuis au moins deux décennies. Sans la France, il n'y aurait pas eu le G20. Comment aurait tourné la crise financière ? La Géorgie existerait-elle encore ? Comment aurait évolué la crise de l'euro ? A Copenhague, la France a évité un échec total et, vous le savez bien, le blocage n'était pas diplomatique, mais politique. Suivisme à l'égard des Etats-Unis, dites-vous ? Mais où avez-vous vu la France à la remorque de quiconque ? Lors des deux derniers sommets de l'OTAN où la France s'est opposée aux Etats-Unis ? Au Liban ? Au G20 ? A Bruxelles ? A l'ONU ? Allons donc partout elle prend l'initiative. Impulsivité vis-à-vis du Mexique ? Mais oubliez-vous que le premier devoir d'un gouvernement est de protéger ses ressortissants quoi qu'ils aient pu faire ? Faut-il être indifférent au sort d'une jeune Française condamnée à soixante ans de prison ?

Permettez-moi de terminer par l'Union pour la Méditerranée qui vous agace tant. Je ne comprends pas très bien votre propos.

Aurait-il fallu faire l'Union pour la Méditerranée sans la Tunisie et sans l'Egypte ? Sans doute aussi sans l'Algérie, la Syrie et Israël ? Avec qui, alors ? Ou bien ne pas la faire du tout ? Je me souviens de ceux qui nous expliquaient il y a trois ans que la Méditerranée n'était pas un enjeu. Ils ont la mémoire courte. Mais avons-nous eu tort de dire aux peuples de la Méditerranée que nous partagions ensemble une destinée commune ? Cette évidence ne vous saute-t-elle pas aux yeux ? Seriez-vous à ce point aveugles ? Oui, l'entreprise est difficile. Mais je persiste et je signe : elle était prémonitoire. A nous de remplir ce cadre. Vos idées sont les bien revenues. Je les attends, si toutefois vous en avez demain davantage que vous n'en avez eues hier.

La France n'a pas anticipé les bouleversements du monde ? Qui les a vus venir ? Je cherche dans vos notes, vos rapports, vos télégrammes d'il y a quelques mois, quelques semaines. Je ne trouve rien. Je ne vous jette pas la pierre. Mais cessez de reconstruire l'Histoire a posteriori et avancez plutôt des propositions pour l'avenir. Quant à ce qui se passe, prenons un peu de distance avant de formuler des jugements définitifs.

Allez, faites donc votre métier le mieux possible, avec un peu de coeur, de loyauté, de sens de l'Etat, de patriotisme. Ne faites pas comme ces banquiers qui, au début 2008, disaient aux responsables politiques : laissez-nous faire notre métier, nous savons ce que nous avons à faire.

Henri Guaino, conseiller spécial du président de la République et chef de la mission interministérielle de l'Union pour la Méditerranée

La forteresse Europe face au drame libyen

Le drame libyen révèle la vision largement paradoxale qu'a l'Europe, union politique cimentée par les droits de l'homme, des migrants d'outre-Méditerranée.

Alors que les travailleurs immigrés subsahariens, nombreux dans la Grande Jamahiriya du colonel Kadhafi, figurent, comme tous les étrangers, parmi les cibles de premier plan de la répression sanglante en cours, l'Europe semble d'abord les considérer comme un fardeau, comme de possibles envahisseurs prêts à déferler en masse sur ses côtes.

Certes, il ne serait pas étonnant que les Africains, qui, par milliers, étaient attirés par l'eldorado libyen, cherchent à fuir un pays en proie à une extrême violence. Un pays où, déjà accueillis avec hostilité en temps ordinaire, ils risquent aujourd'hui d'être assimilés, en raison de la couleur de leur peau, aux mercenaires recrutés par le Guide libyen sur tout le continent et qui sont évidemment haïs par la population en rébellion.

Certes, l'Italie a des raisons de s'alarmer d'un possible afflux de migrants sur l'île de Lampedusa - qui fait face à la Libye et à la Tunisie. Rome a d'autant plus de motifs de s'inquiéter que la solidarité de l'Union européenne est loin de lui être acquise.

Faute d'une réelle politique commune en matière d'immigration et d'asile, la charge de l'accueil des migrants continue de revenir aux pays géographiquement exposés. Les pays du nord et de l'est de l'UE n'ont ainsi nulle envie de modifier la convention de Dublin, qui fait du pays de premier contact le seul compétent pour examiner les demandes d'asile.

Mais les menaces d'"invasion" brandies par l'Italie masquent mal un injustifiable message xénophobe adressé par le gouvernement Berlusconi à ses électeurs. Elles traduisent aussi le désarroi de dirigeants italiens face à la possible chute d'un régime - celui de Mouammar Kadhafi - dont ils avaient fait leur premier allié dans la lutte contre l'immigration. Le Guide n'avait-il pas proposé de protéger l'Europe contre des "invasions barbares" moyennant le versement de 5 milliards d'euros par an ?

Il ne faudrait pas que l'Europe, que son histoire fait la gardienne du droit d'asile, oublie cet héritage, alors que brûle un pays situé à ses portes. Il serait tout aussi paradoxal que les craintes de l'Europe lui fassent regretter la chute de régimes totalitaires comme ceux de Ben Ali ou de Kadhafi, sous prétexte que les gouvernements susceptibles de leur succéder pourraient se montrer moins coopératifs pour refouler les migrants.

Le dernier paradoxe de la situation n'est pas le moindre : alors que la démocratie et le développement dans les pays du Sud sont, à juste titre, souvent présentés comme les meilleurs moyens de prévenir l'émigration, l'expérience montre que cet effet n'est obtenu qu'à long terme.

Dans un premier temps, l'irruption de libertés donne des ailes à des hommes et des femmes longtemps entravés. Pour les peuples en quête de souveraineté, l'émigration est le corollaire de la liberté.

Sur les ailes de la préférence

Il y a un an, Airbus était déjà recalé dans la compétition pour fournir à l’US Air Force 179 avions ravitailleurs, ces « stations-service » volantes, indispensables pour refaire le plein des avions de combat, voraces en kérosène, et donner aux bombardiers stratégiques et aux avions de transport l’autonomie nécessaire aux patrouilles de dissuasion ou à la projection des forces. Pour la première puissance militaire du monde, l’heure a sonné de remplacer les vénérables KC-135 « Stratotanker », issus du légendaire Boeing 707, pionnier du transport intercontinental à réaction. Les deux principaux constructeurs aéronautiques de la planète se disputent un marché dont dépendra, sinon leur existence, du moins leur prospérité.

La première étape de la modernisation coûtera entre 30 et 35 milliards de dollars. L’appel d’offres initial avait été lancé en 2003. Depuis, accords annulés, règles révisées et l’un ou l’autre scandale, qui ont valu à Boeing de payer une amende de 615 millions de dollars, ont émaillé la marche vers la sélection. En février 2008, l’avionneur européen a cru toucher au but, quand son offre a eu la préférence du Pentagone.

Mais Airbus a bientôt eu la surprise de s’entendre dire que les performances de son avion, le KC-45, dérivé du biréacteur long-courrier Airbus A330, dépassaient les besoins des militaires. Et que le prix de l’appareil excédait leurs possibilités. Dans le contexte d’un déficit budgétaire vertigineux, imposant à Washington des mesures d’économies, le cahier des charges a été revu. Des voix en Europe affirment qu’il a été retaillé aux mesures du compétiteur américain, le KC-46, adapté du Boeing 767. Difficile pour le profane de faire la part des choses.

Reste le fait brut qu’Airbus, qui fait jeu égal avec son rival sur le marché civil, n’est toujours pas parvenu à ouvrir une brèche dans la forteresse du marché militaire américain. L’excellence technique n’est assurément pas l’unique critère. La notion de préférence nationale, incorrecte sur le Vieux Continent, reste vivace outre-Atlantique quand l’affectation de l’argent du contribuable, l’emploi et la sécurité se fondent en une même priorité.

37, Quai d’Orsay

Le 37, Quai d’Orsay va-t-il enfin avoir un locataire digne de son adresse ? On peut l’espérer si, comme l’indique l’entourage présidentiel lui-même, la ministre des Affaires étrangères était débarquée ce week-end à son retour du Koweït.

Il n’est que temps. L’actuelle occupante est si affaiblie par le scandale de ses petites affaires tunisiennes et autres sauts de puce en jet privé qu’elle en est réduite à déclarer sur France Info qu’elle reste en poste parce qu’elle a «beaucoup de travail» et qu’«il y a des tas de choses qui se passent dans le monde». Cruel verbatim, qui suffit à montrer à quel point Michèle Alliot-Marie, ministre d’État et l’une des plus solides membres du gouvernement, est aujourd’hui affaiblie, au point d’en perdre ses moyens. Et pendant qu’elle se tient soigneusement à l’écart des routes du Maghreb - où elle est devenue indésirable - l’Histoire accélère... sans la France à bord.

Le destin personnel de MAM compte peu. Il ne s’agit plus de simples polémiques forcément dérisoires sur une personnalité, mais du poids devenu famélique de la diplomatie française sur l’échiquier bouleversé du monde arabe. En Tunisie, pilier de la zone d’influence traditionnelle de Paris, c’est le chef de la diplomatie allemande, le pâle Wester-welle, qui l’a devancée! En Égypte, avec laquelle l’Élysée voulait bâtir l’Union pour la Méditerranée, les Britanniques et les Allemands sont déjà passés. Elle n’y a même pas de voyage en projet !

Si la France n’a pas su anticiper l’embrasement de la rive sud de la Méditerranée, ni même le comprendre à chaud, elle n’a pas été la seule et cette apathie pouvait encore être réparée. Mais qu’elle soit à ce point absente de ces sorties de révolutions pour accompagner les anciennes dictatures sur le très long chemin vers la démocratie est, cette fois, catastrophique. Rater ces épisodes-clés, c’est prendre un retard rapidement irrattrapable.

C’est certainement cette réalité qui va pousser le président Sarkozy à lâcher celle qu’il s’était engagé à soutenir malgré ses fautes de discernement. Face à une Tunisie qui se remet à tanguer, à un Maroc fragile, et surtout une Algérie délivrée de l’état d’urgence qui attend avec impatience de pouvoir descendre dans la rue, Paris ne peut plus se payer le luxe de la faiblesse, ni des tourments intérieurs. Prochaine étape sur la carte des libérations, Alger la concernera plus que toutes les autres capitales arrachées par le peuple aux autocrates.

Le retour d’Alain Juppé, qui fait l’unanimité dans les couloirs d’un Quai d’Orsay en plein doute, serait le gage d’une résurrection de la force diplomatique française aujourd’hui en berne. Un enjeu plus crucial encore que d’assurer la présidence du très bavard G20. Un intérêt vital pour notre pays. Une urgence qui ne pouvait plus attendre.

Kadhafi est-il fou ?
L’avis d’un psychologue



Auteur de l’ouvrage “Ces fous qui nous gouvernent” (Arènes), Pascal de Sutter est expert en psychologie politique. F Comment décririez-vous la personnalité de Kadhafi ?- C’est un antisocial psychopatique avec un comportement paranoïde. Il n’a aucune valeur morale, la souffrance d’autrui ne le touche pas. Il a une idée très élevée de lui-même. Il a des formes de délire et a été soigné pour sa schizophrénie. F Que révèlent ses comportements extravagants comme lorsqu’il loge dans sa tente à côté de l’Élysée ?- C’est son plaisir narcissique. Il ridiculise les Occidentaux et se joue d’eux. Il s’est clairement moqué de Nicolas Sarkozy lors de sa visite en 2007. Car c’est également un homme très intelligent. Les fous ne sont pas obligatoirement déconnectés de la réalité. La folie ce n’est pas noir ou blanc, c’est une question de degré. F Il prend donc des décisions cohérentes ?


Oui, dans sa logique bien évidemment. Pour lui, il est normal de vouloir garder le pouvoir. Il pense avoir été investi par dieu et donner le maximum de satisfaction à son peuple. Il ne comprend donc pas la révolte. Dans son esprit les gens qui souhaitent le renverser sont des traîtres. F L’Occident avait renoué des liens avec la Libye en annonçant que Kadhafi avait changé. Sa personnalité avait-elle vraiment évolué ?- Il n’y a que les naïfs pour penser qu’on peut changer. Ce qu’il était, il l’est toujours. Alors bien sûr, certains comportements peuvent évoluer. Il a sans doute réellement arrêté de financer des organisations terroristes. Mais sa nature violente et psychopatique n’a pas disparu. F Pourrait-il se suicider ?- Je ne peux pas dire s’il a des tendances suicidaires. Il est assez incohérent et il est difficile de prédire son avenir. Il pourrait très bien demander l’amnistie, se réfugier dans un pays ou mettre fin à ses jours. Mais il est plus facile de tuer les autres que de se suicider.

Kadhafi doit partir, et MAM aussi…


Dans les salons diplomatiques, les paris sont lancés. Kadhafi tombera-t-il avant Alliot-Marie ? Reclus à Tripoli, le Libyen mène un dernier combat désespéré. Il ordonne de nouveaux massacres, ne voyant dans la foule révoltée qu’une “bande de jeunes, drogués par Ben Laden”. Où Al-Qaida ne va pas se nicher… Le délirant colonel, de plus en plus seul, écœure le monde entier par une débauche de violence contre son propre peuple. Ministres, ambassadeurs et militaires, jadis nommés par lui, le lâchent inexorablement. On se dit que cet assassin halluciné, à contre-courant de la morale et de l’Histoire, quittera bientôt la scène. Au quai d’Orsay, voici une autre victime du réveil des peuples arabes. La belle situation de MAM ne tient qu’à un fil. Alors que la France préside le G20, ses récentes prestations orientales font tache. Le voyage aérien en Tunisie, sous l’aile d’un proche de Ben Ali, ne passe pas. À droite aussi, maintenant, on réclame son départ. Bernard Debré, député UMP, dénonce “d’indignes petits arrangements entre amis” et réclame un remaniement rapide. Aux abois, la ministre des Affaires étrangères court les radios et télés. Elle y détaille son agenda chargé, le nombre incroyable de “réunions très importantes” qui l’attendent. Car l’inquiétude, souvent, devient source d’agitation. Pour l’instant, Mouammar et Michèle restent en place. Mais, sur leur avenir proche, personne ne viendra miser sa chemise.

Aider les peuples à prendre leur essor

Monsieur Kadhafi est une vieille connaissance de la France. Il l'avait déjà visitée, en novembre 1973, pour rencontrer le président Georges Pompidou. Alors déjà quelques cris avaient fusé : « Kadhafi nazi ! ».
Monsieur Kadhafi est aussi un vieux et bon client de la France. En 1969, il nous achète quatre-vingt-deux avions Mirage, modifiés pour conduire des attaques au sol. Puis, en 1973, trente-deux Mirage supplémentaires et, par la suite, bien d'autres armes et munitions. Nous préférions une Libye armée par nos soins, plutôt que par l'URSS, même si l'on courait le risque de voir ces avions utilisés contre nous, au Tchad par exemple...

1982 : à peine un mois après l'instauration de l'état de guerre en Pologne, inspiré par Moscou, alors que celle-ci est en pleine lutte pour retrouver son indépendance, la France signe ce que le gouvernement socialiste de Monsieur Mitterrand appelle « un bon contrat gazier avec l'URSS »...

Janvier 2011 : la France décide de fabriquer quatre navires de guerre Mistral pour la marine russe. Ce qui, bien sûr, inquiète en particulier les pays baltes, ex-républiques soviétiques, de même que la Géorgie. Ces peuples ont en mémoire la déclaration du chef d'État-major de la marine russe, l'Amiral Vissotsky : « Ces navires auraient permis à notre flotte de la mer Noire de faire, en quarante minutes, ce que nous avons fait en vingt-six heures en Géorgie »...

Hésitation de la diplomatie française : le président François Mitterrand se rend à Berlin-Est en décembre 1989, où « il choisit d'apporter son soutien à un pays plus vacillant que jamais » (1). Le Mur de Berlin était pourtant tombé un mois plus tôt : « La diplomatie française et le président de la République n'avaient non seulement pas perçu la force du mouvement engagé dans l'Est de l'Europe et exprimaient ainsi leur réticence de voir une Allemagne réunifiée. » (2)

Ces quelques rappels nous montrent combien notre politique étrangère est faite de contradictions et d'incertitudes, surtout quand, tout à coup, l'Histoire accélère sa marche et surprend tout le monde : les acteurs comme les spectateurs.

Que les démocraties respectentleurs propres valeurs

Nous ne sommes pas particulièrement fiers, aujourd'hui, d'avoir armé un Kadhafi, dont on voit ce qu'il fait des armes qu'il détient. Mais pour éviter de tels errements, il existe un remède radical que nous avons rappelé ici à maintes reprises : suspendre nos ventes d'armement. Ainsi, il y aurait quelques tonneaux de poudre en moins autour du monde et nous ne risquerions pas d'être indirectement impliqués dans des répressions populaires que, bien sûr, nous réprouvons.

Cependant, les démocraties ne sont pas toutes exemplaires en ces domaines sensibles. Ainsi, durant la guerre d'Irak, les États-Unis n'ont-ils pas sous-traité prisons secrètes et interrogatoires sous tortures à certains pays alliés plus ou moins dictatoriaux d'Europe ou du Moyen-Orient ? Et qu'en est-il des démocraties qui font systématiquement fi des motions de l'Onu qui ne leur conviennent pas, par exemple en ce qui concerne Israël et la Palestine ?

Par ailleurs, faudrait-il, comme certains l'imaginent, que les démocraties se gardent de toute relation avec les pays dont les gouvernements sont de type autoritaire, dictatorial, avec tous ceux qui ne respectent pas les droits de l'homme ? Cela paraît plus qu'hasardeux, car ce serait se couper de plus de la moitié des 180 pays du monde.

Mais pour traiter avec ces pays non démocratiques et ceux qui ne respectent pas les orientations de l'Onu, les démocraties doivent se montrer exigeantes, éviter les hypocrisies et les connivences qui conduisent aux petites ou aux grandes compromissions. Elles doivent affirmer leurs valeurs, en commençant par les respecter elles-mêmes. Et puis, bien évidemment, elles doivent être attentives à ce qui monte des peuples asservis, les soutenir autant qu'elles le peuvent dans leur marche vers la liberté, anticiper si possible les conséquences de ces évolutions pour elles-mêmes et pour la paix du monde ; et bien sûr accueillir ces pays libérés, en les aidant à prendre leur essor dans une coopération constructive et pacifique.

(1) Ouest-France du 21 décembre 1989.

(2) François Mitterrand et 1989 : la compréhension incomplète d'une Europe en bouleversements, de Pauline Joris, mouvement Nouvelle Europe, 2008.

Libye : "Les décisions de Kadhafi sont irrationnelles"

Moncef Djaziri est professeur à l'Université de Lausanne et spécialiste de la Libye. Pour France-soir, il analyse la situation dans le pays et évoque l'avenir de Mouammar Kadhafi.
 F.- S : Comment fonctionne le pouvoir libyen ?
 Moncef Djaziri : « Il y a deux pouvoirs : un pouvoir formel avec des institutions dont le fonctionnement est juridiquement organisé et qui sont incarnées par les Congrès populaires (instances de consultation) avec le Congrès général du peuple (Parlement), et les comités politiques avec au sommet le Comité populaire général (le Gouvernement) : les ministres sont des secrétaires des comités populaires. Parallèlement à ces institutions formelles, il y a un 2e pouvoir informel, appelé « pouvoir révolutionnaire », constitué du « Guide de la Révolution », dont Kadhafi, de quelques conseillers très proches de Kadhafi y compris et selon la conjoncture par tel ou tel fils de Kadhafi, des comités révolutionnaires. Du point de vue du fonctionnement, c’est le pouvoir informel qui impulse et donne les grandes orientations politiques, économiques, etc.

F.-S : Quelle est la situation actuelle du pouvoir après les nombreuses défections dans l'entourage de Kadhafi ?
M.D : Dans la crise actuelle, la situation se présente ainsi : le pouvoir informel ou « révolutionnaire » demeure intact, dans la mesure où Kadhafi n’est pas empêché d’agir et que les comités révolutionnaires demeurent actifs.

F.-S: Comment fonctionne l'appareil sécuritaire libyen ?
M.D: Il y a trois composantes de l’appareil sécuritaire qu’il est difficile de démêler : la police, l’armée et des forces spéciales placées sous le commandement d’un des fils de Kadhafi.

F.-S : Mouammar Kadhafi est-il fou ?
M.D : La question est plutôt la suivante : les actes et les décisions de Kadhafi sont-elles rationnelles ?  Du point de vue de la rationalité subjective, Kadhafi est rationnel dans le sens où ses actions et décisions sont dictées par des normes, des jugements et des valeurs personnels ou en fonction de son idéologie. Ce qu’il fait ou ce qu’il a un sens pour lui et pour ceux qui l’entourent. Cependant, ces mêmes actions et décisions peuvent être, et sont parfois, objectivement irrationnelles dans le sens où il ne prend pas en compte les exigences de l’environnement national et international.

F.-S: Combien de temps peut-il tenir au pouvoir ? Jusqu'où peut-il aller pour garder celui-ci ? Qui pourrait lui succéder ?
M.D : Il peut tenir longtemps au pouvoir, en fonction de l’évolution de la situation interne et externe. Il est clair qu’un embargo économique ou une intervention internationale pourraient avoir pour conséquence de prolonger le pouvoir de Kadhafi car ces actions internationales renforceraient la position en Libye et le ferait apparaître comme une « victime » aux yeux de beaucoup de Libyens et aux yeux d’une partie de la communauté internationale. Pour garder le pouvoir, il résistera jusqu’au bout, et comme il l’a dit, jusqu’à « la dernière goutte de son sang ». A l’image des tribus, il mourra sur sa terre et n’abandonnera pas. Pour résister, il utilisera beaucoup de moyens y compris le sabotage des puits pétroliers et il pourrait favoriser l’immigration africaine en Europe, manière « d’inonder l’Europe ».
La question de la succession est le grand problème. Dans un passé très récent, on esquissait l’hypothèse d’une succession dynastique où l’un des fils de Kadhafi, succéderait à son père. Cette hypothèse doit être abandonnée aujourd'hui. Hors de cette hypothèse, et dans le cas d’une vacance du pouvoir, les choses seraient très compliquées car l’opposition n’est pas unie et aucune personne, du moins pour le moment, ne peut prétendre l’incarner et la représenter légitimement.
F.-S : Faudrait-il une intervention militaire occidentale pour mettre fin aux massacres qui ont cours en Libye ?
M.D : L’hypothèse de l’intervention militaire occidentale doit être étudiée très attentivement car elle pourrait aboutir à des conséquences contraires à celles pour lesquelles elle serait organisée. Cette intervention ne pourrait pas mettre fin au pouvoir de Kadhafi parce que c’est un pouvoir insaisissable. Elle ne pourrait même pas conduire « à la capture » de Kadhafi. Par ailleurs, elle provoquerait une forte résistance du côté des tribus fidèles à Kadhafi, voire au-delà. Donc cette hypothèse me paraît peu pertinente.