"Nous avons rendez-vous avec l'Histoire", a attaqué Nicolas Sarkozy à Caen devant les militants UMP vendredi après-midi. "Le peuple de France ne veut pas qu'on lui vole son destin." Le candidat UMP a indiqué que "nous avons 16 jours pour imposer le débat à un monsieur qui n'en veut pas".
"Il m'avaient oublié. Je suis de retour", a indiqué M. Sarkozy, moquant François Hollande qui était "seul sur le ring". "Il
n'y avait pas d'Europe, pas de crise. C'était déjà fait, déjà gagné.
Cela fait plaisir de les voir se réveiller avec une légère migraine. Ils
se repartissaient déjà les postes. L'aimable Mme Royal à l'Assemblée
nationale. M. Fabius avec sa modestie habituelle au quai d'Orsay.
Pourquoi vous déplacer ? Le peuple de France a répondu non".
"Y a-t-il un seul Français qui envie le sort des Espagnols ou des Grecs ?", a demandé M. Sarkozy.
"Un pays fort peut conserver ce qui lui est cher. Un pays faible laissera tout partir, y compris ce à quoi il tient le plus", a estimé M. Sarkozy, qui veut opposer la compétitivité aux délocalisations. "Compétitivité, un mot intraduisible en socialisme. Compétitivité, un mot qui n'existe nulle part dans le bréviaire socialiste", a-t-il poursuivi.
Ensuite, le candidat UMP a abordé le sujet des frontières. "Si nous avons fait l'Europe, c'est pour qu'elle nous protège, pas pour qu'elle nous fragilise". "Europe, réveille-toi, il est temps",
a dit Sarkozy, qui a de nouveau prétendu que la politique de la chaise
vide de De Gaulle avait fait progresser l'Europe à la fin des années 60.
Il s'en est pris ensuite aux syndicats qui ont refusé de réformer les retraites. "Qu'est-ce que je devais faire ? Rester à la table des négociations et attendre ?". M. Sarkozy a dit que les syndicats n'avaient défilé que parce qu'ils savaient que lui ne changerait pas d'avis. "Si cela leur faisait du bien de défiler, je ne suis pas contre."
M. Sarkozy a indiqué que les pensions de retraite seraient versées le
1er de chaque mois à compter du 1er juillet, ce qui consistait la
principale annonce de sa conférence de presse jeudi à Paris.
M. Sarkozy s'en est pris à la "gauche caviar" et a repris l'affaire
du bonus de Maurice Levy, patron de Publicis, dont le premier
actionnaire est Elisabeth Badinter, épouse de l'ancien garde des Sceaux
de François Mitterrand, Robert Badinter. "Le candidat socialiste n'était pas content parce qu'un grand patron s'est versé des bonus exorbitants". "La
famille Badinter soutient le soir M. Hollande dans les meetings, mais
cela ne la gêne pas d'octroyer des bonus exorbitants le matin", a accusé M. Sarkozy, qui a conseillé à M. Hollande de réfléchir avant de parler.
Faussement, M. Sarkozy a parlé de Dominique Voynet au ministère du temps libre. Mme Voynet n'a jamais occupé ce poste.
Il a ensuite parlé de la faiblesse d'ambition de Bertrand Delanoë
pour la capitale française et a profité de l'affaire pour rendre hommage
à Jacques Chirac devant son épouse Bernadette.
Ensuite, c'est Eva Joly, la candidate des Verts, qui a été attaquée.
M. Sarkozy a annoncé qu'il refusait les éoliennes dans le Mont
Saint-Michel, les forages pétroliers devant les Calanques. Mme
Kosciusko-Morizet explique que l'annonce signifie le non renouvellement
du permis d'exploitation dit Melrose.
Ensuite, on est revenu à François Hollande, accusé de "singer François Mitterrand". "N'est pas François Mitterrand qui veut",
a accusé M. Sarkozy, reprochant la politique nucléaire de la gauche. M.
Sarkozy a faussement prétendu avoir été à Fukushima, alors qu'il a
passé trois heures tout compris à Tokyo, entre ambassade de France et
bureau du premier ministre japonais. Et il a repris ses blagues sans
cesse redites sur les risques de tsunami en Alsace à la centrale de
Fessenheim et à Saint-Laurent-des-Eaux sur les bords de la Loire.
Puis, vers 18h45, les attaques se sont calmées et M. Sarkozy a vanté
son projet pour ne laisser aucun enfant sur le bord du chemin. Ensuite,
il est passé à la formation professionnelle.
Six minutes plus tard, M. Sarkozy a accusé François Hollande d'avoir inventé "l'élection présidentielle pour un an". Il l'a accusé de vouloir revenir sur la réforme des retraites -"pour le candidat socialiste, il n'y a pas d'allongement de la vie"-, embaucher 60 000 fonctionnaires et augmenter l'allocation de rentrée scolaire. "Qui va payer ? Vous !", a dit M. Sarkozy."Vous voulez la gauche ? Vous aurez la Grèce, vous aurez l'Espagne."
Retour sur François Hollande, accusé de faire la guerre au
dictionnaire, en proposant de supprimer le mot race dans la
Constitution.
"J'attends pour la semaine prochaine l'interdiction du
licenciement. Comme il faut une idée par semaine, ce sera ensuite
l'interdiction des délocalisations", a prédit M. Sarkozy, en accusant M. Hollande d'avoir été otage des factions socialistes puis des Verts. "Voilà M. Hollande otage de M. Mélenchon. Quand on n'a pas le courage de dire non, on est l'otage de tous", a estimé M. Sarkozy qui a accusé le socialiste d'avoir sacrifié le nucléaire pour 2% des voix. "On ne demande quel sera le prix pour Mélenchon", a demandé M. Sarkozy, qui avait expliqué plus tôt : "Etre président de la République, c'est porter une lourde charge sur les épaules, celle de dire non".
Ensuite, M. Sarkozy a estimé que le choc de la tuerie Merah était comparable au 11 septembre. "La
France a été bouleversée parce qu'on a tué des enfants juifs dans une
école juive...parce qu'on a tué des jeunes soldats, dont certains
étaient musulmans..."
Il est ensuite passé à la critique de Martine Aubry, sur les horaires différenciés entre hommes et femmes à Lille.
Pour finir, le chef de l'Etat a défendu d'avoir écrit sa lettre. "J'ai voulu parler à ceux qui ont voté Front national. Je comprends vos souffrances", a-t-il dit , ajoutant que le vote FN accroitrait leurs souffrances et "profiterait, aujourd'hui comme hier, à la gauche".
"Je veux parler à tous ces électeurs du centre pour leur dire :
'qu'avez vous de commun avec Jean-Luc Mélenchon ?. Qu'avez vous de
commun avec ceux qui prônent la haine, le déficit, qui nient toutes les
réalité de la vie?'".
Enfin, M. Sarkozy a convié ses partisans à La Concorde, les appelant à se dresser. "C'est nous qui ferons le choix le 22 avril et le 6 mai".
vendredi 6 avril 2012
Sarkozy dit « comprendre les souffrances » des électeurs FN et accuse Mélenchon de prôner « la haine »
Les pièges de l’abstention
Près d’un Français sur trois s’apprêterait à bouder les urnes le 22 avril. Pourquoi ? Avec quelles conséquences ?
« Si l’abstention est forte, tous les sondages seront démentis. Je ne sais pas alors quel sera l’ordre d’arrivée…
» Cette confidence, lâchée par François Hollande à La Réunion, aurait
tout aussi bien pu sortir de la bouche de Nicolas Sarkozy. Mais aussi de
Marine Le Pen, Jean-Luc Mélenchon ou François Bayrou. Après les
épisodes “Marine Le Pen assurée d’être au second tour” (printemps 2011),
“Hollande le déjà élu” (hiver 2011-2012), “Bayrou 2, le remake de 2007”
(janvier 2012), “Sarkozy le ressuscité” (depuis un mois) et “Mélenchon
jusqu’où ? ” (lire notre dossier page 10), voici venir une
nouvelle séquence concernant, cette fois, tous les candidats : la
crainte d’une non-participation record à un premier tour de
présidentielle. À moins de vingt jours du scrutin, près d’un Français
sur trois (32 %) s’apprêterait en effet, selon l’Ifop, à bouder les
urnes : du jamais-vu sous la Ve République ! Et la promesse, redevenue
possible, d’un grand “chamboule-tout” le 22 avril…
Voilà plusieurs semaines que divers indicateurs l’annonçaient. «
Au lieu de progresser dans la dernière ligne droite, comme c’est
toujours le cas, l’intérêt des Français pour cette campagne a au
contraire diminué », relève d’abord Jérôme Fourquet, directeur du
département opinion de l’Ifop. Autre signal : alors que Sarkozy et
Hollande pointent largement en tête des sondages de premier tour, les
électeurs ne sont que 43 %, selon le même institut, à souhaiter ce
face-à-face, contre 53 % – dix points de plus ! – qui préféreraient un
autre cas de figure (et 4 % qui ne se prononcent pas).
Il n’est pas jusqu’aux audiences des émissions politiques télévisées
(17,4 % en moyenne contre 25 % en 2007) qui ne témoignent du désintérêt
(relatif) des Français pour cette campagne. Il en va de même pour la
diffusion des quotidiens nationaux, qui – excepté le Figaro – ont vu leurs ventes régresser en ce début d’année alors qu’elles avaient augmenté il y a cinq ans.
Pourquoi cette désaffection ? Là encore, comme les signaux, les explications sont multiples. «
La présidentielle de 2007 (83,8 % de participation) n’a été qu’une
“parenthèse enchantée” dans un climat général de progression de
l’abstention, témoigne encore Jérôme Fourquet. Dès le mois
suivant, aux législatives, la participation avait déjà baissé de 20
points. Puis tous les autres scrutins du quinquennat (municipales,
européennes, régionales et cantonales) ont été mar qués par une
abstention record sous la Ve République. » Bref, le “sursaut
civique” tant célébré du précédent scrutin – avec une participation
équivalente à celle de… 1974 – n’était qu’un trompe-l’oeil ! Il y a cinq
ans, nous sortions d’un cycle (les douze années de présidence Chirac),
les deux principaux candidats se présentaient pour la première fois et
les Français, optimistes, avaient envie de croire aux promesses des
politiques : c’est tout le contraire aujourd’hui !
Circonstance aggravante : le peu d’enthousiasme suscité par les
candidats eux-mêmes. Aucun n’émerge réellement. Décryptage signé Pascal
Perrineau, le directeur du Cevipof (Centre d’étude de la vie politique
française, le centre de recherche de Sciences Po) : « À gauche, la
procédure des primaires puis la sélection claire de Hollande avaient
créé une grande attente. Elle est un peu déçue et laisse la place au
vote protestataire pour Mélenchon. À droite, Sarkozy est engoncé dans
son bilan de président sortant et Bayrou donne l’impression d’être seul
et un peu usé. » Quant à Marine Le Pen, ajoute Jérôme Fourquet, « elle pâtit notamment de son absence de dynamique dans les sondages, ce qui peut démobiliser une partie de ses électeurs ».
Alors que la plupart des candidats semblaient monter en puissance en
2007, ils apparaissent aujourd’hui essoufflés. Simplement répétitifs. Et
d’autant moins convaincants qu’avec la crise, les Français ne croient
plus guère dans leur capacité à changer les choses : quel que soit le
candidat élu, neuf sur dix s’attendent ainsi à une baisse de leur
pouvoir d’achat au cours des prochaines années !
Une campagne de chiffres, de petites phrases et de pronostics
Outre le calendrier (les deux tours tombent au milieu des
vacances de printemps), la campagne est enfin jugée décevante, très en
dessous de ses devancières, dans son déroulement et ses débats (ou
plutôt ses non-débats). Si encore elle était distrayante, mais ce n’est
même pas le cas ! Trop de forme, pas assez de fond ; successivement
bataille de chiffres, de petites phrases, puis de pronostics : cette
présidentielle, comme l’a crûment dit Daniel Cohn-Bendit « emm… » les Français. « C’est une campagne qui ressemble à une oeuvre de Jackson Pollock [peintre américain réputé incompréhensible, NDLR]. Quand on la regarde, on ne sait pas comment la saisir », commente drôlement Édouard Lecerf, le directeur général de TNS Sofres.
Mélange de colère (“Tous des nuls !”) et de résignation (“À quoi bon ?
”), l’abstention record prévue pour le 22 avril touche, comme
d’habitude, plus fortement les jeunes (41 % des moins de 35 ans) et les
catégories populaires (54 % des ouvriers). Est-ce à dire que le PS et le
Front national seront les premières victimes de ce phénomène ? C’est ce
que l’on espère à l’UMP, ultramajoritaire chez les plus âgés, qui sont
aussi les plus participatifs (25 % seulement d’abstention chez les 50-64
ans). Pas si simple pourtant. Certes, la gauche a été absente des deux
seconds tours des scrutins ayant connu les plus forts taux d’abstention
(1969 et 2002). Reste, comme le remarque Jérôme Fourquet, que «
lorsqu’on regarde notre étude dans le détail, les sympathisants UMP (27
%) sont encore plus nombreux que ceux du PS (23 %) à prévoir de
s’abstenir ». Parmi les grands partis, c’est bien chez les
sympathisants FN que l’on compte le plus d’électeurs tentés de bouder
les urnes (37 %). Pour autant, le précédent record d’abstention sous la
Ve République (28,4 %) est loin de l’avoir desservi : c’était le 21
avril 2002…
Si les instituts de sondage tentent de prendre en compte les
abstentionnistes, tous les états-majors le savent : une
“non-participation” a (presque) toujours des conséquences insoupçonnées.
Qu’une fraction de l’électorat, simplement, se déplace, et c’est
l’ensemble des lignes qui peut bouger. En 2002, seules 200 000 voix
séparaient Le Pen de Jospin. Les deux favoris ne l’ignorent pas : il n’y
a jamais loin entre attitude de résignation et vote de protestation –
en faveur du candidat du Front de gauche d’un côté, de la présidente du
FN de l’autre. Un signe qui ne trompe pas de l’inquiétude qui grandit :
le site de campagne de Hollande affiche depuis quelques jours une page
spéciale consacrée au vote par procuration. Celui de Sarkozy fera de
même dans quelques jours. Arnaud Folch
Déni de réalité
Nos partenaires européens qui observent la campagne électorale française sont médusés. L’hebdomadaire britannique The Economist fait
sa couverture sur une France en plein déni de réalité et parle de la
campagne la plus frivole des pays occidentaux. Force est de donner
raison aux critiques qui nous viennent de toutes parts.
Vous avez, nous disent les observateurs étrangers, deux problèmes
majeurs étroitement liés : un État hypertrophié qui gonfle sa dette et
une économie en perte de compétitivité qui creuse son déficit extérieur.
Regardez-les donc en face !
À gauche, on ignore souverainement ces sujets : la dette, Jean-Luc
Mélenchon, dans sa logique révolutionnaire, ne veut pas la payer, tout
simplement. François Hollande, lui, recule d’un an, à 2017, l’échéance
du retour de nos finances à l’équilibre. Son programme déborde de
dépenses nouvelles non financées comme le recrutement de 60 000
enseignants, les contrats d’avenir. Preuve qu’il sait très bien que rien
ne sera fait pour rétablir l’équilibre des finances publiques, le
candidat socialiste annonce déjà qu’il renégociera avec Angela Merkel le
pacte budgétaire qui nous y contraint.
Sur le terrain de la compétitivité, condition de la
croissance, le déni est encore plus patent : le sujet n’est même pas
abordé. Mélenchon promet, alors que toutes les statistiques montrent que
le coût du travail est plus élevé en France qu’en Allemagne,
d’augmenter le smic, prenant ainsi le risque de voir disparaître des
millions d’emplois peu qualifiés. Hollande, lui, menace de taxer à 75 %
les plus gros revenus et de rétablir l’ancien barème de l’ISF,
évidemment sans le bouclier fiscal. Ce sont ainsi les entrepreneurs qui
réussissent, les vrais créateurs d’emplois, qui quitteront le pays.
Deux facteurs contribuent à la compétitivité : le coût et la quantité
de travail. Les coûts seront grevés par des impôts et des charges
sociales nouveaux tandis que la quantité de travail restera contingentée
: retour du droit au départ à la retraite à 60 ans, maintien des 35
heures et suppression des allégements de charges sur les heures
supplémentaires. Du travail en moins et de l’argent en moins, c’est ce
que nous annoncent Jean-Luc Mélenchon et François Hollande. Est-ce comme
cela que la gauche espère créer davantage de richesses à taxer ?
Pendant ce temps, autour de nous, les Britanniques abaissent la
tranche maximale d’imposition à 45 %. Leur premier ministre, David
Cameron, ne cache pas son objectif : attirer les talents que la France
aura découragés. Les Italiens, gouvernés par Mario Monti, réforment leur
économie à grande vitesse tandis que les Espagnols, conduits par
Mariano Rajoy, serrent les dépenses et bouleversent leur législation du
travail pour permettre aux entreprises de licencier plus facilement et
aux jeunes de s’insérer plus vite dans la vie active.
Même les Grecs, au fond du gouffre, comprennent qu’il est temps de
changer et s’en remettent aux experts du FMI et de la Banque centrale
européenne pour superviser leurs transformations.
Faudra-t-il que la France tombe si bas pour que soient enfin
entreprises les réformes mises en chantier par nos voisins allemands il y
a dix ans déjà ? Les agences de notation, qui scrutent les chances du
pays de rembourser un jour sa dette, nous y ont incités : deux d’entre
elles nous ont maintenu le triple A, la meilleure note, attendant que
les vrais sujets soient enfin abordés, comme ils le sont par-delà les
Pyrénées, les Alpes, la Manche et le Rhin.
Autant il est facile d’adresser aux électeurs des promesses
chimériques, de leur désigner comme boucs émissaires la finance et les
riches, de les bercer d’illusions sur la “démondialisation”, autant il
est difficile de parler vrai, d’indiquer les sacrifices à accomplir pour
remonter la pente sur laquelle nous nous sommes laissé glisser. À la
vérité, ce sont la flexibilité du droit du travail, les contrats à
objectif qui permettraient aux chefs d’entreprise d’aller chercher de
nouvelles commandes, de conserver leurs salariés et d’en embaucher
d’autres, l’esprit libre. Et non pas l’interdiction de licencier que
demande Mélenchon. C’est la formation professionnelle ou encore la
création d’une banque de la jeunesse proposée par Nicolas Sarkozy qui
conduiront les jeunes à trouver de vrais emplois et à s’insérer dans la
vie active, non la création d’emplois jeunes et le perpétuel assistanat
promu par les socialistes. Face à ces réalités se dressent la gauche et
les syndicats pour pérenniser le dangereux statu quo sur lequel ils prospèrent cependant que la France dépérit. Olivier Dassault
Refaire 1981 ?
François Hollande rêve d’un autre François : le Mitterrand de 1981.
Cela le rassure : si les sondages aujourd’hui et le scrutin le 22 avril
ne lui donnent que 26 ou 27 % des voix et qu’il soit derrière Nicolas
Sarkozy, ce n’est pas grave ; en 1981, François Mitterrand était arrivé
deuxième au premier tour et il avait quand même battu le président
sortant, Valéry Giscard d’Estaing, au second.
Il est vrai qu’il y a des points de comparaison entre la
présidentielle de 1981 et celle-ci : c’est une bataille pour le
renouvellement ou non du mandat du président en exercice, dix candidats
sont également en compétition et figure en tête ce qu’Olivier Duhamel,
l’historien des présidentielles, appelle le « quadrille bipolaire » :
en 1981, Mitterrand et Marchais à gauche, Giscard et Chirac à droite ;
en 2012, Hollande et Mélenchon à gauche, Sarkozy et Le Pen à droite.
Même division à droite qu’à gauche. En 1981, observe Olivier Duhamel, « Marchais ne cherche pas à aider Mitterrand, Chirac ne cherche pas à aider Giscard ». Peut-on dire, cette année, que Mélenchon cherche à aider Hollande plus que Marine Le Pen, Sarkozy ?
On connaît le vainqueur de 1981, pas celui de 2012. La partie
que l’on prétendait jouée ne l’est plus. Les pronostics ont changé de
sens. Comme si Nicolas Sarkozy avait soigneusement étudié, pour ne pas
la reproduire, cette campagne de 1981, la seule qui ait permis à la
gauche de s’installer à l’Élysée sous la Ve République.
Valéry Giscard d’Estaing fut longtemps considéré comme le vainqueur
de l’élection par les enquêtes d’opinion. À l’automne 1980, les sondages
lui accordaient 59 % des voix face à François Mitterrand. Au mois de
décembre, il recueillait encore 35 % au premier tour et 54 % au second.
La campagne ne l’inquiétait pas ; il la dominait. Il estimait Mitterrand
loin derrière lui et ne redoutait pas la menace Chirac. Mais au mois de
février 1981, la courbe des intentions de vote en sa faveur au second
tour cassa la barre des 50 % ; Giscard descendit jusqu’à 48. Il compta
sur sa déclaration de candidature, le 2 mars, pour surmonter ce
handicap.
Pendant ce temps, Chirac d’un côté et Mitterrand de l’autre cognaient
fort – or, tous les deux progressaient dans les intentions de vote.
Giscard choisit un style de campagne conforme à son tempérament,
distant, dédaignant les attaques (sur l’affaire des diamants, sur ses
relations avec Brejnev) et comptant sur le « bon sens » des
électeurs. Mais la droite était plus profondément marquée par sa rupture
avec Chirac qu’il ne le pensait, et celui que l’on appelait alors une « bête de campagne » faisait
des dégâts. Au soir du premier tour, Giscard arriva en tête, à 28 %,
Mitterrand le suivant à 26 (mais il y avait le radical de gauche Crépeau
et ses 2 % qui le portaient aussi à 28) ; venaient derrière Chirac, à
18, et Marchais, à 15 : arithmétiquement, Giscard pouvait gagner, mais
la droite était durablement blessée et l’élan du côté de Mitterrand.
Nicolas Sarkozy n’est pas Giscard. Il n’hésite pas devant les
transgressions et les coups à porter. Contrairement à Giscard, quand la
campagne commence, il n’est pas le favori mais le challenger –
impopulaire et donné battu par les sondages et les médias. Il doit donc
tout reprendre en main : son électorat et ses élus démoralisés, son
crédit malmené dans l’opinion, son camp éparpillé entre les
candidatures. Paradoxalement, c’est Hollande qui se trouve à la place de
Giscard : victorieux, planant sur ses sondages, s’interdisant le
moindre écart par rapport à son chemin tracé d’avance.
Au début, Sarkozy n’est même pas assuré de figurer au second
tour : il est menacé par Marine Le Pen. Il va donc simultanément faire
décrocher six candidats de dispersion (Borloo, Boutin, Morin, Nihous,
Villepin, Lepage) et se porter à l’assaut de l’électorat populaire, dont
une partie vote Front national. Indifférent à la presse américaine, qui
l’appelle « Nicolas Le Pen », il gagne des points, renforcé par
les événements. Il se crée une dynamique. Du coup, Marine Le Pen se
tasse ; à gauche, faute de se renouveler, Hollande décline. La surprise
vient de Mélenchon. En 1981, Marchais faisait nettement moins que prévu ;
en 2012, Mélenchon fait nettement mieux. Reste François Bayrou, en
cinquième position : il arbitrera certes le second tour, mais en
position de faiblesse. Qu’il vote blanc et il disparaîtrait de la scène.
Le quadrille bipolaire se trouve ainsi placé très différemment de 1981 :
à droite, Sarkozy progresse quand Giscard reculait ; à gauche Hollande
patine là où Mitterrand s’élançait. François d'Orcival, de l'Institut
Tesson : "François Hollande ou la défaite de la raison"
"Les riches paieront" semble être le seul programme économique du
candidat socialiste. Avec lui, la France court au-devant d'une grande
désillusion.
On sait désormais à quoi s'en tenir sur le coût du programme de
chacun des deux candidats. N'en retenons qu'un élément essentiel. Le
projet fiscal de Hollande prévoit une hausse d'impôt de 50 milliards
d'euros, ce qui représente un relèvement du taux de prélèvement
obligatoire de 1,8 point sur cinq ans. Ainsi celui-ci atteindra-t-il
46,9 % en 2017. La logique socialiste est ahurissante. Jugeons-en : "Le
débat n'est pas de savoir s'il y aura plus d'impôts", dit-on au PS,
ce qui est déjà en soi une affirmation irresponsable, "mais de savoir
qui les paiera !" Les riches, bien sûr ! Cette lecture sociale du
problème est très généreuse, on en convient, mais d'un simplisme
désespérant. On connaît le coût économique indirect d'une pareille
politique, qui n'est qu'une variante modérée de l'extravagance
mélenchonienne. Et puisqu'on parle de Mélenchon, a-t-on évalué au PS le
coût des gages que devra lui donner Hollande, une fois au pouvoir, s'il y
parvient, pour s'assurer de son soutien.
Ce n'est, hélas, qu'au
prix de ce laxisme que le candidat socialiste peut espérer être élu.
S'ils le portent au pouvoir, ses électeurs en tireront sans doute, outre
une satisfaction politique, un profit matériel immédiat, mais ils
risquent de payer cher assez rapidement l'affaiblissement financier et
économique du pays qui découlera de cette politique. Ils en seront, pour
la plupart, les premières victimes, puisque, selon Hollande, on est
riche à partir de 4 000 euros par mois. Ironie du sort, les électeurs
socialistes à très gros revenus sont évidemment les seuls à protester
aujourd'hui et, par avance, contre le régime que leur promet Hollande.
On entendait ce matin sur RTL Patrick Bruel,
qui vote socialiste et qui n'est pas à plaindre, s'indigner contre les
propositions de son champion. Douloureux dilemme ! Quelle part de
lui-même votera le 22 avril : le contribuable ou le socialiste ? Et pour
qui ?
Il y a une forme d'inconséquence chez François Hollande.
Faisons-lui ce crédit : elle n'est qu'apparente. Il connaît la situation
de la France, il sait l'obligation de rigueur à laquelle notre pays est
contraint. Mais il est pris au piège des surenchères d'imprévoyance que
lui imposent son état de candidat et son ambition de pouvoir. La
concurrence que lui fait Mélenchon ne lui facilite pas la tâche. Nicolas
Sarkozy peut profiter de cette sorte de fuite en avant qui tient lieu
de stratégie au candidat socialiste, dont les nouvelles propositions
d'hier sont emblématiques. Le président n'a plus d'autre choix que de
tenir bon sur la ligne de rigueur qu'il vient de définir dans sa
conférence de presse : 100 milliards de baisse des dépenses, 75
milliards d'économies. La raison contre l'illusion. La sagesse contre
l'inconséquence. La vérité contre la démagogie.
La crise tue les petits patrons
Depuis le début de la crise, en 2008, au moins 50 artisans et
patrons de PME se sont suicidés en Vénétie, le moteur du miracle
économique des années 1990. Ceux qui n’ont pas su s’adapter à la
nouvelle donne ont vu s’effondrer le modèle sur lequel s’était bâtie une
prospérité qu’ils croyaient inépuisable. Extraits.
Les yeux de Laura Tamiozzo sont rivés à l’écran d’un portable et sa
voix, légère mais déterminée, résonne dans la salle paroissiale du
centre San Sebastiano, à Vigonza, un village près de Padoue. Derrière
elle campe une affiche du syndicat Filca-Cisl Veneto, qui a organisé la
réunion publique.
Laura Tiamozzo lit la lettre qu’elle a adressée le 22 janvier à Flavia Schiavon, 35 ans, qui est assise à côté d’elle. La Grand Crise a emporté leurs parents. Tous deux étaient des entrepreneurs du bâtiment et tous deux se sont suicidés.
Giovanni Schiavon s’est tiré une balle dans la tête le 12 décembre dernier dans son bureau. L’affaire a fait du bruit parce que Schiavon était certes endetté, mais l’Etat lui devait 250 000 euros. Antonio Tamiozzo, quant à lui, s’est pendu dans la nuit du premier janvier dans un hangar de son entreprise, qui employait plus de trente personnes.
Daniele Marini, directeur de la Fondation Nordest, explique que, s’il est “difficile d’établir un portrait type de ces chefs d’entreprise”, on peut dégager cependant quelques caractéristiques communes.
La première est la dimension modeste, sinon minime, de leurs entreprises, qui en majorité exercent leur activité dans des secteurs établis tels que la construction, le petit artisanat et autres. Ensuite le fait que, dans un système où une PME du Nord-Est fait appel en moyenne à 274 fournisseurs, lesquels réalisent généralement à 80% le produit fini, toutes les PME sont étroitement liées les unes aux autres.
Se déclarer en faillite est considéré comme une honte
D’après les chiffres du Cgia [le syndicat des PME et des artisans] de Mestre, depuis le début de la crise, au moins 50 petits entrepreneurs ou artisans de Venétie ont mis fin à leurs jours. “Le partage du travail devient le partage de la vie”, explique l’écrivain et journaliste Ferdinando Camon. “Quand l’entreprise est en crise, son patron souffre affreusement de ne plus pouvoir payer ses employés et de les voir se serrer la ceinture. C’est la raison d’une bonne partie de ces suicides : devoir licencier ses collaborateurs, fermer et se déclarer en faillite est considéré dans la culture des laborieuses communautés du Nord-Est comme une honte, un manquement aux responsabilités sociales du chef d’entreprise”.Il n’est pas exclu, affirme Camon, que certains suicides “expriment la volonté plus ou moins consciente de désigner le débiteur, c’est-à-dire l’Etat, comme un assassin, comme le responsable de ces morts”.
La colère monte, et les rapports avec le monde politique semblent s’être irrémédiablement dégradés. Après Tangentopoli [la grande enquête anti-corruption qui balaya la classe politique dans les années 1990], en effet, l’économie et la société de la Vénétie ont pensé qu’elles se développeraient bien mieux sans le frein des “institutions”.
Une défiance envers l’Etat tout à fait réciproque : “le Nord-Est est une jungle mystérieuse. Rome ne voit pas jusque là. Ou si elle voit, elle ne comprend pas”.
Seuls, isolés, incompris
Une des rares certitudes, c’est que ces entrepreneurs de Vénétie se sentent seuls, isolés, abandonnés, incompris. De la rencontre de Vigonza est née la proposition de créer une Association des familles des victimes de la crise. Quant aux diverses associations professionnelles, elles s’efforcent de parer au plus pressé. Fin février, la Confartigianato (l’association des artisans) d’Asolo et Montebelluna a inauguré Life Auxilium, un service d’aide psychologique aux chefs d’entreprise en difficulté doté d’un numéro vert (qui reçoit en moyenne un appel par jour) et d’un centre d’écoute.Ces suicides sont-ils donc la conséquence macabre de l’épuisement d’un “modèle” ? Pas nécessairement. En réalité, la “locomotive d’Italie” – une région pleine d’énergie, théâtre d’une explosion sauvage et spontanée d’entreprises de toutes sortes – avait commencé à ralentir au début des années 2000.
C’est à ce moment que “le développement du Nord- Est, tel qu’on le connaît commençait à ‘finir’ car les facteurs à l’origine de cette formidable dynamique avaient atteint leur limite”, peut-on lire dans Innovatori di confine. I percorsi del nuovo Nord Est [“Innovateurs frontaliers. Les chemins du nouveau Nord-Est”] (éditions Marsilio, 2012), un ouvrage collectif dirigé par Daniele Marini.
“La grande disponibilité de main d’œuvre a fait place à la stagnation démographique, à la carence de travailleurs locaux ; ces entreprises à la gestion longtemps familiale ont connu ensuite des difficultés de transmission aux nouvelles générations, et les campagnes de la région, en voie d’urbanisation mais qui offraient encore des espaces libres, sont peu à peu devenues saturées tant en termes de surface disponible que d’infrastructures. Tous ces facteurs favorables qui avaient propulsé l’économie du Nord Est vers la prospérité avaient atteint leurs limites”.
Stefano Zanatta, présidente de Confartigianato Asolo-Montebelluna, est sur la même longueur d’ondes : ”La crise a fait apparaître les faiblesses du système. Celui-ci est encore aujourd’hui très fragmenté, fait de petites et très petites entreprises. Cela a d’abord été un atout, tant que la machine tournait, la richesse et le plein emploi étaient assurés. Mais aujourd’hui, avec la crise qui dure depuis quatre ans, nous ne sommes plus en mesure de faire face à un système qui est plus fort que nous”.
Le travail est tout
Si on observe les chiffres de Movimpresa pour la période 2006-2010, on remarque que le solde entre les nouvelles inscriptions et les cessations d’activités dans le Nord- Est est négatif : 6 023 PME ont disparu. Pour Daniele Marini, une petite entreprise n’est pas nécessairement destinée à fermer ses portes ou à être marginalisée par le marché.Encore faut-il que celle-ci ait su faire un “saut évolutif” dans l’innovation technologique, dans l’organisation de la production et des services et qu’elle ait su instaurer des “relations de production et commerciales avec des entreprises plus grandes qui se sont internationalisées”.
Malgré les grandes transformations de ces vingt dernières années, la société du Nord-Est continue à être fortement “travailliste”, où tous – chefs d’entreprise et salariés –, quels que soient le milieu social, les générations ou les groupes d’appartenance, s’identifient au travail. Et le travail est aussi la préoccupation principale de la population – particulièrement en cette période.
En 1996 le sociologue Ilvo Diamanti [spécialiste du Nord-Est] lançait cet avertissement : “le travail est devenu la nouvelle religion. […] Je crains que nous allions au devant de grands problèmes, et pas seulement économiques. Parce que si le travail est tout, si c’est le succès économique qui apporte la satisfaction, le jour où le développement ralentira, les répercussions ne seront pas seulement économiques, mais aussi psychologiques”.
“La culture et le bonheur ne comptent pour rien. Les sous – les schei comme on dit ici – sont tout”, explique Ferdinando Camon : “le petit entrepreneur endetté ne vit pas une crise économique : il vit une crise totale. Nerveuse, morale, mentale. C’est pour cela qu’il se suicide. Parce que les schei sont pour lui l’unique valeur et si sa vie est déficitaire de ce point de vue, il pense que ce n’est plus la peine de vivre. Les schei sont une valeur absolue”.
Du référendum à l'élection, où est passé Sarko?
Très au delà de leurs différences politiques, les
français méritent une autre élection présidentielle que le seul
referendum pour ou contre Nicolas Sarkozy. A quelques jours désormais
du premier tour, pour que la campagne décolle vraiment enfin. Pour que
les français, qui attendent une grande conversation sur l'avenir,
l'obtiennent. Pour qu'ils puissent s'y investir très au delà du fauteuil
du téléspectateur des monologues télévisuels ronronnants ou des débats
audiovisuels des candidats avec les seuls journalistes. Pour que nous
échappions au spectre de l'abstention. Il faut le retour de Sarko là où
nous avons pour l'instant un Président sortant qui peine encore à
revêtir la totalité ducostume du candidat.
Une comparaison avec 2007 accusatrice
La comparaison avec 2007, malgré des efforts récents et désordonnés,
est accusatrice. Comme un sentiment diffus d'impréparation. Une
organisation qui apparaît floue. Où sont les seconds rôles ? Et surtout
pas de véritable histoire à nous raconter. Manquent un récit, des
acteurs, une structure et une discipline narrative aussi. Nicolas
Sarkozy n'a pas encore vraiment trouvé la ligne éditoriale de l'histoire
réélection.
Dans ce temps de bataille des histoires que constitue la conversation on
et off line des candidats avec les électeurs, celle du Président est
dominée. Pourtant les narrations des autres candidats n'emballent pas
vraiment les foules. Mais l'histoire qui était la plus attendue pour y
adhérer, pour s'y opposer aussi, celle du tenant du titre, ex magicien
des campagnes, ne parvient pas encore à être captée clairement par
l'opinion.
Un chef de campagne qui doute
L'expérience Sarkozy 2012 demeure brouillée. Le Guide a laissé la
place à un chef d'une campagne qui doute. En 2007, la marque Sarko était
tout à la fois globale et locale, populaire et "people". On l'aimait
ou on la détestait. Elle séduisait ou elle faisait peur. Elle ne fait
plus vraiment rêver ses fans et elle n'inquiète plus trop ses
adversaires. Elle avait ses codes génétiques. Qui peut prétendre
aujourd'hui décrire son ADN? Et surtout, elle choisissait ses cibles,
elle les "impactait", les fidélisait, les développait sans cesse. Elle a
trop lu de sondages, s'est éloignée, a oublié de se relier à ses
publics réels.
En 2007 les scénaristes de Nicolas Sarkozy nous livraient des séquences
que nous dévorions épisodes après épisodes. La « machine de guerre
fictionnelle » écrasait tout sur son passage. En 2012, des séquences
sans contrôle s'entrechoquent. Les seconds rôles quittent l'espace de
l'écran. Même le tempo n'est pas encore le sien. Le pont narratif entre
la Présidence et la campagne, n'a pas été suffisamment préparé. La fin
d'année 2011 aurait dû permettre cette évolution du récit. Le public
attendait de nouvelles intrigues, de nouveaux personnages.
Une campagne définie par son indéfinition
Ce qui définit encore le mieux sa campagne, c'est son indéfinition.
Et c'est inacceptable face à la complexité du Monde et celle de nos vies
citoyennes. Sans tomber dans la simplicité, là où « Yes We Can »
sonnait comme une victoire annoncée partagée et confiante, la « France
Forte » raisonne comme une Ligne Maginot. Une « contre-narration ».
Ses partisans devraient lui dire : « Sarko sors de cette maudite boîte
présidentielle ! Ton mea culpa, épaules basses, on s'en fout ! Tiens toi
droit, parle des français, de ton action, pas de toi. Dis leur que tu
les aimes. Montre que tu t'arraches pour eux ». La normalité du voisin
de palier, du mec qui a souffert, ni n'est rassurante encore moins
séduit. Le « je suis une personne comme vous ! » cette nouvelle
définition de la proximité qui place le candidat non seulement au cœur
de la société mais à la place même du citoyen, comme un clone politique
de chacun ne sied pas au Président candidat. On a même parfois le
sentiment que le langage du corps du candidat annonce une défaite du
Président. Il n'est pas certain du tout que les français et en
particulier, celles et ceux qui avaient choisis Sarko en 2007 avaient
envie que le candidat exprime tant de regrets. En tout cas pas durant
cette séquence. Ils préfèrent la tonalité plus combattante inaugurée
depuis. Et de loin.
Une élection doit être un choix, pas un référendum
On veut s'élever dans le vote. Je veux croire que celui qui est là peut
changer ma vie, celle de mes proches ou au moins la rendre meilleure. Il
faut un souffle. « Nous sommes tout prêt du gouffre. Je suis un
rempart. Le seul. » devrait être le registre. Karl Rove, le stratège de
Bush en 2004 l'exprimait assez bien : « une élection doit être un choix,
pas un referendum ». David Axelrod, le conseiller historique de Barack
Obama s'en inspirant directement décrit la ligne de la prochaine
campagne du Président sortant qui partage avec Nicolas Sarkozy une
situation électorale complexe : « On ne va pas les laisser gagner par
défaut. Et il ne sera pas suffisant de dire qu'ils sont différents
d'Obama. »
Avec des challengers majeurs si peu idéologiquement positionnés,
l'élection ne sera qu'un référendum sur la présidence Sarkozy. Dans
l'état de crise économique et sociale du pays, nous savons ce qui va se
passer ! Ce referendum pour ou contre Sarkozy favorise le seul François
Hollande et à l'exception notable d'un Jean Luc Mélenchon, neutralise
les performances des autres candidats du premier tour et en particulier
de François Bayrou et Marine Le Pen. Avec des compétiteurs incarnant
pleinement des visions différenciées du destin du pays, le débat
s'engagerait vraiment sur toute sa surface de premier tour.
Une autre histoire que celle qui semble aujourd'hui écrite, celle d'une
défaite annoncée pour Sarkozy, et surtout celle d'un pays qui n'aura pas
eu le débat tant attendu.
Le passé en guise d’avenir ? L’imaginaire en campagne électorale
Il
y a peu le Ministre de l’Intérieur accusait le député apparenté PS
Serge Letchimy d’avoir instrumentalisé « la mémoire de la Shoah ». Le
débat portait alors sur le comparatif hasardeux entre diverses «
civilisations ».
Lors de son lancement de campagne le principal candidat de
l’opposition faisait du combat contre « la finance mondiale » son
principal cheval de bataille, semblant prêt à en découdre jusqu’au fin
fond du cosmos s’il le fallait pour débusquer ce qu’il décrivait comme
un adversaire quasiment invisible, fantomatique.
Au même moment, la Croix-Rouge restant sur le qui-vive lançait un cri
d’alarme, précédée de peu par les Restos du Cœur. En parallèle de
l’explosion des chiffres du chômage, la précarité plus générale bat tous
les records. Le cri de l’Abbé Pierre se produirait aujourd’hui dans le
plus grand désert qui soit, celui de l’indifférence. Face à une réalité
criante de désespérance, les campagnes se replient dans les éléments de
langage « généralistes » faute d’oser encore un peu de parler vrai.
Des représentants des deux principaux partis de Gouvernement supposés
gérer et améliorer la vie des citoyens s’investissent ainsi dans des
luttes de civilisation et conflits avec des corps astraux bancaires. A
chaque semaine son coup de « com » scénarisé au mieux, alimentant un
débat situé dans la théorie tant l’échec dans la pratique n’est pas à
l’honneur de toute une partie de la classe dirigeante.
Un pur visage de haine |
La première est de nature temporelle. Le scrutin de 2012 se devrait d’être une répétition de 1981 ou de 1988. Retour vers le passé, le présent serait trop impitoyable. Le candidat du PS fût probablement le premier à parier sur le temps singeant allègrement feu Mitterrand comme aucun imitateur ou comique ne l’osa jamais. Tout y est, le coude sur le pupitre et les commentaires instantanés du discours, l’orateur emportant avec lui toute l’assistance dans son mental, dans un effet d’auto dérision complice. Le public devient l’orateur lui-même par une subtile identification. Tout cela ne se pratiquait jadis que dans le milieu sectaire. Mitterrand prétendrait-il post mortem à un troisième mandat ? Les « forces de l’esprit » auxquelles il disait croire, seraient impénétrables.
L’ancien premier Ministre Jospin ayant entraîné avec lui le « retrait de la vie politique » de toute une partie de la Gauche, l’enjeu serait de se resituer dans le temps du seul Président « socialiste » accédant à l’Elysée sous la cinquième République. Toujours le passé.
Le candidat sortant et occupant actuellement la magistrature théoriquement « suprême » n’eut alors que le choix d’opposer un Mitterrand à un autre, celui de la réélection de 1988 dans « la France Unie » escomptée face à celui plus revendicatif et radical de Mai 1981. Un Mitterrand serait sûr d’être réélu en 2012. Le suspens repose seulement sur le fait de savoir lequel. Le Tonton 1 de la rupture ou le Tonton 2 du rassemblement. A ce stade le candidat de l’opposition s’est tellement identifié à son mentor décédé que le titulaire actuel de l’Élysée retrouve toute ou presque la virginité de sa candidature de 2007. La crise aurait gouverné ces dernières années, et pour tous les partis, depuis 30 ans.
Sans l’être probablement jamais en personne, Président, Mr Bayrou serait plus ou moins porteur du discours « transpartisan » appelé à devenir celui du futur vainqueur. En Mai prochain, le ton général sera celui d’un Président se situant de façon Gaullienne, au dessus des partis. Le Général aussi fera son éternel retour. Une sacrée mutation pour l’hyper président sortant, lequel parle depuis peu avec un débit digne d’une dose de Lexomyl ou d’une sortie de sauna. Un président unificateur de la nation se doit de parler lent, faute de vraiment parler vrai.
Finalement, Mr Hollande se retrouverait dans la position de rupture radicale du candidat Sarkozy de 2007, lequel ne fût pas alors sans rappeler Mitterrand prétendant en 1981 à sortir la France du grand sommeil Giscardien supposé. Vous commencez à être un peu perdus ? Tel est le but recherché. 2012 sera dans un monde parallèle où ne sera pas, ou ce sera la révolte citoyenne trouvant son réceptacle d’accueil au FN. Du spectacle au réceptacle, il n’y aurait qu’un pas. S’agissant des « principaux candidats » désignés comme tels sans que l’on sache bien par qui, la rupture serait surtout dans le ton et le niveau de la voix.
Oui, le Temps lui-même pourrait bien y perdre son latin durant cette campagne électoraliste. Un duel inter-Mitterrandien ? Le passé aurait plein d’avenir…
Ainsi, 2012 se passera en 1981. La crise (préalablement initié avec le choc pétrolier) et dégradation des finances publiques commençaient alors à marquer par un niveau tragique. Tout cela n’ayant fait que se confirmer depuis, rejouer 1981 à l’envers devrait donc être facile. Bien sûr, dans l’hypothèse d’une petite amélioration économique ou géopolitique au niveau Européen, ressortir Mitterrand 2 serait alors plus aisé.
Vers l’élection du temps et du contre temps ? Chacun connaît la chanson, ses refrains et ses slogans. Le « changement » sera présenté comme radical ou de continuité. Mr Hollande se devra de consommer beaucoup de caféine, et Mr Sarkozy beaucoup de Tilleul. Le peuple sera conçu comme un tas de plantes vertes bonnes à être arrosées de promesses. Avec le temps, les feuilles mortes de désillusion se ramasseront rapidement à la pelle. On divertira et soulagera le peuple avec des sondages au travers desquels il éprouvera la sensation de s’exprimer. Comme au JT du soir, on lui dira ce qu’il pense, ce qu’il doit penser.
Outre l’immersion dans le temps, nous ne pouvions échapper à une tentative parallèle d’égarer ou manipuler l’électorat au travers d’une subtile immersion autant spatiale que mémorielle. La France deviendrait l’Allemagne, dans la promotion permanente du supposé modèle économique germanique marquant pourtant par un fort taux de pauvreté et d’emplois offerts au quart de temps, parfois même au cinquième du taux horaire permettant théoriquement de vivre, survivre.
Donc, l’élection de 2012 se déroulera en Allemagne, ou ne se déroulera pas, pour le président (encore) français sortant comme pour son futur « principal concurrent ». La démocratie ne tolèrerait que deux partis, deux candidats. Les mauvaises langues parleraient même d’un seul parti théâtralement scindé en deux chapitres, afin que le spectacle soit moins ennuyeux pour le public, le brave peuple, la France d’en bas, celle que l’on prend de haut.
Quoi qu’il en soit, le couple Mitterrand-Kohl se retrouverait dans l’arène face au couple Merkozy. Il y aurait eu un mariage, ou remariage, désormais un seul nom suffirait.
Reste que nos deux pays connurent aussi des heures fratricides par le passé, jusqu’à pousser l’Humanité toute entière dans le désastre effroyable que l’on sait. Le conflit « civilisationnel » opposant le Ministre de l’Intérieur au député apparenté PS Serge Letchimy s’agissant de la Shoah démontre toutes les limites et risques des déplacements spatiaux temporels de la campagne. Immersion ?
Pour peu que l’on garde un œil suffisamment attentif, une sorte d’anticipation d’une élection conçue pour être intemporelle en 2012 fût initiée dans les médias du Service Public, défini jadis (ou encore) comme celui de l’Etat. Du retour de Patrick Sabatier singeant non pas Mitterrand (bien au contraire !) mais lui-même dans ses émissions passées à succès jusque Drucker, le présentateur éternel, reprenant carrément ses anciens programmes, l’espace médiatique semble déjà approprié pour ce retour vers le passé, en guise de présent, sans avenir. Les compiles de vieux chanteurs des années 80 et 90 marquent un pareil retour. Nous serions dans une phase de restauration, hélas pas sur les plans ou cela serait souhaitable.
Non, cette immersion conjoncturelle ne s’inscrirait que dans la trame d’un spectacle trouvant son point final, ou point de chute, au mois de Mai prochain. Le retour au réel et au présent sera alors brutal. Il ne s’agira plus d’un jeu électoral. La sortie de l’immersion pourrait se faire sous respiration artificielle, entre plans d’austérité, et, plans d’austérité. Le retour provisoire du Front Populaire, voire à la Belle de 1789, assuré par le Front de Gauche, n’y aura rien changé. Le réchauffé du passé ne faisait que passer.
Chacun s’étonnait le 10 Mai 2011 de l’ampleur prise par la commémoration de la mort de Mitterrand (1 et 2). Il n’est pas exclu que l’immersion commença un an avant l’élection de 2012. Les forces d’un esprit très « créatif » seraient à l’œuvre au niveau de la gouvernance de notre pays. Cela remonterait à des temps anciens bien difficiles à situer, seules les pyramides d’Egypte pourraient peut être en témoigner. Certains gagneraient à plonger l’espace et le temps dans l’aveuglement général.
La vérité étant forte de n’avoir rien à cacher, il n’est pas sûr que cela dure aussi longtemps que certains souffleurs de coulisse, avec ou sans oreillettes, le pensent.
2012 : retour vers le passé en guise d’avenir ? Au niveau des conditions de vie pour la majorité des citoyens, la régression est plus que probable. Pareillement au niveau des valeurs morales et de l’éthique. Le peuple n’en pense pas moins, et il recouvre en son sein 10 millions de survivants au seuil de pauvreté. Une masse électorale à même de réserver bien des surprises, pendant comme après les « élections ».
Girouette : Hollande drague à nouveau les grands patrons
François
Hollande est-il une anguille comme le prétend Jean-François Copé ou
tout simplement une girouette ? Après ses accents marxiens au Bourget,
après sa déclaration d’amour aux cols blancs de la City de Londres,
après son super-impôt à 75%, le candidat socialiste donne encore le
tournis en déclarant sa flamme aux grands patrons du CAC 40.
Si en douce, les proches de François Hollande tentent de rassurer les marchés et les décideurs économiques sur le thème « les excès de campagne seront vite oubliés »… toujours est-il que le discours économique de François Hollande est totalement illisible et contradictoire. Des incohérences qui posent de vraies questions démocratiques et ne sont pas de nature à rassurer.
Qui est le vrai François Hollande ? Sans doute ressemble-t-il plus à l’homme urbain qui fait des courbettes à la City et devant les PDG du Cac 40. Mais s’il est élu, le candidat socialiste devra aussi rendre des comptes à ses électeurs qui se sont laissés griser par ses appels à la guerre contre « l’empire de l’argent ». Sans même parler des mélenchonistes qui risquent d’avoir du mal à digérer la tisane hollandaise.
Comment résoudre cette contradiction évidente ? L’anti-sarkozysme sera peut-être suffisant pour gagner une élection, mais il deviendra totalement inopérant à l’heure de gouverner. La politique de l’esquive et du zig-zag cher au disciple de Jacques Chirac ne fera pas illusion bien longtemps.
Jamel Debbouze : l’intellectuel de banlieue avec Hollande
Comme il nous l’a déjà prouvé dans le passé en promettant à la France une révolution d’immigrés « énervés »,
Jamel Debbouze est nettement moins drôle quand il fait de la politique.
A fortiori quand son aura de banlieusard (qui vit tout de même dans le
Ve arrondissement de Paris) est récupérée pour servir la soupe à
François Hollande et au parti socialiste.
Serait-ce sur le plateau (très festif a-t-on dit à l’époque) d’Asterix Mission Cléopatre que l’intellectuel de banlieue a développé une conscience politique ? Est-ce au contact de sa bimbo d’épouse, rédactrice en chef de Zone Interdite par la grâce de son joli minois, que le comique a découvert les subtilités des joutes politiciennes ?
Toujours est-il que Jamel Debbouze, comme l’écrasante majorité des habitants du Quartier Latin, ne se contente pas de voter à gauche, mais qu’il le fait savoir à la France entière… avec un brin de condescendance. Les sachants des beaux quartiers parisiens (fussent-ils estampillés banlieue) aiment à exhiber leurs qualités morales (donc de gauche) pour en faire profiter le « peuple » forcément réactionnaire et crispé (c’est Terra Nova qui le dit).
Et que pense Jamel Debbouze de la principale promesse électorale de François Hollande ? Il affirme sans rire que l’idée de taxer à 75% les personnes gagnant plus d’un million d’euros par an est « ridicule ». Ce n’est pas le souci de cohérence qui étouffe l’acteur millionnaire… ou le candidat socialiste qui aurait déjà fait dire à ses amis people qu’il n’appliquerait pas cette mesure en cas de victoire.
Sarkozy, une lettre comme Mitterrand
"Un programme en effet est l'affaire des partis"
"Simuler une relation intime"
Grèce : "Ce n'est pas un suicide, c'est un meurtre"
La photo de l'arbre au pied duquel Dimitri Christoulas (77 ans, marié, un enfant) s'est suicidé hier est à la Une du quotidien Kathimerini , aujourd'hui.
Le journal raconte que le drame s'est produit juste avant 9 heures sur la place Syntagma, au coeur d'Athènes, à l'heure de pointe où elle est envahie par les gens qui se rendent à leur travail. Selon plusieurs témoins, Christoulas a crié "Je ne veux pas laisser de dettes à mes enfants" avant de se tirer une balle dans la tête.
Le défunt avait des problèmes de santé et n'avait plus les moyens de payer ses médicaments. il a laissé une note manuscrite expliquant qu'il ne pouvait pas se faire à l'idée "fouiller les poubelles pour trouver de la nourriture, et de devenir un fardeau pour sa fille".
Pendant l'après-midi, plusieurs milliers de personnes sont venues se recueillir au pied de l'arbre, en déposant des fleurs, et en fixant des messages sur le tronc.
L'affaire est aussi à la Une de l'édition européenne du quotidien américain Wall Street Journal, avec une photo montrant un prêtre orthodoxe à côté de l'arbre couvert de textes de solidarité avec le défunt.
Le journal souligne que le taux de suicide est en hausse dans le pays depuis deux ans, et que le drame s'est joué face au bâtiment qui abrite le Parlement grec.
"C'est un suicide symbolique. S'il ne s'était pas produit ici, sur la place, devant le Parlement, personne ne s'en serait soucié", affirme un passant cité par le Wall Street Journal.