samedi 30 avril 2011
L'ombre de la pieuvre terroriste
Le retour de la « bombe humaine » en plein cœur de Marrakech marque celui d'un terrorisme aveugle que le Printemps arabe semblait avoir sinon repoussé, du moins désorienté. L'attentat-suicide, s'il est confirmé, a frappé un haut lieu touristique, carte postale quasi mythique, symbole d'une perméabilité aux idées de l'Occident. L'enquête est encore réduite aux hypothèses. Les soupçons mènent pourtant sur la piste des réseaux djihadistes dans un pays, adepte d'un islam modéré, où ils n'ont jusqu'à présent pas trouvé de relais. Le Maroc est un peu l'exception tranquille des révoltes arabes. Il a certes connu la fièvre des manifestations et les slogans d'un peuple en quête d'émancipation politique. Mais il n'a pas subi l'ébullition révolutionnaire, ni la remise en cause de la légitimité du pouvoir. La tragédie de la place Jamâa El-Fna peut être interprétée comme un acte destiné à entraver les réformes lancées par Mohammed VI. Comme une tentative de déstabilisation du royaume chérifien qui s'oriente - doucement, la transition démocratique est encore loin - vers une monarchie parlementaire. Quand bien même les mesures pour assouplir le régime visaient aussi à apaiser la colère citoyenne, à prévenir un effet de contagion. Cet attentat ressemble à un chantage exercé contre les sociétés arabo-musulmanes qui s'ouvrent et aspirent aux libertés, et contre les pays occidentaux qui les soutiennent. Le message est explicite : que les consciences qui s'éveillent se taisent ! Car là où la « rue arabe » a fait tomber pacifiquement des dictateurs, la main fanatique d'Al-Qaida, elle, a échoué. En ce sens, l'ignominie de Marrakech est l'aveu d'une impuissance mais malheureusement pas le signe d'une résignation.
Buckingham plus fort que Disney
Les gardes portant le bonnet à poil d’ours, à peine rentrés de Waterloo, défilèrent sans encombre jusqu’au palais de Buckingham. Il y avait, là-bas, du beau monde au balcon et le baiser réglementaire fut exécuté à l’heure dite. Un peu mécaniquement, d’accord, mais le protocole n’en réclame pas davantage. Et pour la nuit de noces ? “Ferme les yeux et pense à l’Angleterre” recommandaient jadis les ladies de la haute à leurs filles apeurées. Gageons que Kate, princesse moderne, saura garder les siens ouverts.
Sinon, quel impeccable show historico-people ! Le cérémonial, rôdé depuis des siècles, n’a connu aucune anicroche. Pas un anarchiste à l’horizon, ni le moindre chômeur en colère. “Parenthèse enchantée” oblige, l’organisation a glissé la misère sous les tapis. Le carrosse d’or a fendu, en majesté, une foule béate et conquise.
L’aristocratique équipage n’est pas allé au fossé. Roule Britannia ! La Royal Windsor Company règle ses animations au millimètre, la concurrence en pâlit. Chez Eurodisney, par exemple, où les trains touristiques s’abîment parfois dans des décors de carton-pâte.
Le monde peut bien s’écrouler, la Couronne britannique continue de dérouler ses fastes millénaires. En France, au contraire, la course au trône élyséen réclame une débauche d’humilité.
François Hollande vient de se produire au théâtre Rutebeuf de Clichy-la-Garenne. Sarkozy retourne à l’usine et DSK, demain, ira visiter les cités ouvrières. De quoi danser la Carmagnole…
Quotas
La Fédération française de foot encourage des quotas de blancs dans les équipes de jeunes, accuse le site Mediapart… Odieux, scandaleux, pas de ça chez nous, s’indigne le monde du football. Qui reconnaît cependant un problème avec les jeunes binationaux, formés en France avant d’aller jouer pour leur pays d’origine — entendez, l’histoire de la France étant ce qu’elle est, au Maghreb et en Afrique. La Fédération admet aussi vouloir diversifier le recrutement : moins de grands baraqués, plus de petits techniciens. Ce qui ne voudrait pas dire : moins de Blacks, plus de blancs… Dans le tumulte et la confusion, une certitude : cette querelle des quotas trahit un pays en mal d’égalité. Piégé par la logique de la discrimination positive, pour les blacks et leurs beurs dans les grandes écoles, pour les blancs dans les écoles de foot. Si au moins, ça faisait deux réussites…
La Fédération française de foot encourage des quotas de blancs dans les équipes de jeunes, accuse le site Mediapart… Odieux, scandaleux, pas de ça chez nous, s’indigne le monde du football. Qui reconnaît cependant un problème avec les jeunes binationaux, formés en France avant d’aller jouer pour leur pays d’origine — entendez, l’histoire de la France étant ce qu’elle est, au Maghreb et en Afrique. La Fédération admet aussi vouloir diversifier le recrutement : moins de grands baraqués, plus de petits techniciens. Ce qui ne voudrait pas dire : moins de Blacks, plus de blancs… Dans le tumulte et la confusion, une certitude : cette querelle des quotas trahit un pays en mal d’égalité. Piégé par la logique de la discrimination positive, pour les blacks et leurs beurs dans les grandes écoles, pour les blancs dans les écoles de foot. Si au moins, ça faisait deux réussites…
God save William and Kate !
Il y a cent ans, le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire britannique, avant que les orages du XXe siècle ne ramènent la première puissance mondiale à un rang très ordinaire. Hier, pour un jour, la Grande-Bretagne a rayonné de nouveau sur l’ensemble de la planète par la grâce d’un mariage princier qui a tenu toutes ses promesses. Et au-delà.
Même le monde du Web 2.0, très ironique à la veille de la célébration, n’a pas été insensible, finalement, à l’émotion irrationnelle dégagée par l’événement. Il faut bien le reconnaître : la magie a opéré. L’assemblage réussi de l’apparat d’une autre époque et de la fraîcheur du couple star a su créer un de ces instants de communion dont les Britanniques, mieux que n’importe quel autre peuple, ont le secret.
Les acteurs du spectacle hollywoodien qui a transcendé Londres sont parvenus à donner une touche d’humanité et de rêve à ce qui aurait pu n’être qu’une mascarade costumée. La monarchie britannique en sort revigorée.
Elle qui était apparue à bout de souffle lors des funérailles de Lady Di, en 1997, littéralement épuisée par les frasques des enfants Windsor, le vieillissement de la souveraine, et l’inconséquence d’une famille royale déconnectée de la réalité, a peut-être reconquis sa légitimité évanouie.
La voilà redevenue très nettement majoritaire dans le cœur des sujets de sa majesté. Même un quotidien républicain « par principe » comme le Guardian admet volontiers son utilité et le rôle irremplaçable qu’elle joue dans l’unité aux ressorts complexes de cet État des quatre nations (Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais du Nord).
Le symbole de continuité, sécurisant, qu’elle représente — 1 000 ans d’histoire, tout de même — ne peut se passer d’un supplément d’âme qui s’éteignait doucement. C’est précisément lui que William et Kate ont su ressusciter dans une cérémonie ultra-codifiée dont ils ont dépassé, avec autant de simplicité que possible, le protocole de fer et l’inévitable côté compassé.
Malgré le carrosse, les landaus, les Bentley, les toilettes plus ou moins réussies des invitées, les chapeaux extravagants et la présence de Victoria Beckham à Westminster Abbey, ce rendez-vous irréel a évité le pathétique du bling-bling. Ce n’était pas gagné d’avance…
Hormis les dépenses de sécurité, la parenthèse enluminée de ce vendredi qui a offert aux Britanniques une dernière évasion hors du temps avant d’affronter l’austérité programmée par le gouvernement Cameron, n’a presque pas coûté une livre au contribuable. Pas cher, donc, au regard du bénéfice net considérable qu’il rapporte à l’image de la Grande-Bretagne, à ses produits et à son tourisme. God save William and Kate ! L’avenir du mariage-consécration, dans l’air du temps, entre ces deux amants de dix ans — conditionne désormais celui d’une très vieille monarchie. Sauront-ils être ses héros modernes ?
Il y a cent ans, le soleil ne se couchait jamais sur l’Empire britannique, avant que les orages du XXe siècle ne ramènent la première puissance mondiale à un rang très ordinaire. Hier, pour un jour, la Grande-Bretagne a rayonné de nouveau sur l’ensemble de la planète par la grâce d’un mariage princier qui a tenu toutes ses promesses. Et au-delà.
Même le monde du Web 2.0, très ironique à la veille de la célébration, n’a pas été insensible, finalement, à l’émotion irrationnelle dégagée par l’événement. Il faut bien le reconnaître : la magie a opéré. L’assemblage réussi de l’apparat d’une autre époque et de la fraîcheur du couple star a su créer un de ces instants de communion dont les Britanniques, mieux que n’importe quel autre peuple, ont le secret.
Les acteurs du spectacle hollywoodien qui a transcendé Londres sont parvenus à donner une touche d’humanité et de rêve à ce qui aurait pu n’être qu’une mascarade costumée. La monarchie britannique en sort revigorée.
Elle qui était apparue à bout de souffle lors des funérailles de Lady Di, en 1997, littéralement épuisée par les frasques des enfants Windsor, le vieillissement de la souveraine, et l’inconséquence d’une famille royale déconnectée de la réalité, a peut-être reconquis sa légitimité évanouie.
La voilà redevenue très nettement majoritaire dans le cœur des sujets de sa majesté. Même un quotidien républicain « par principe » comme le Guardian admet volontiers son utilité et le rôle irremplaçable qu’elle joue dans l’unité aux ressorts complexes de cet État des quatre nations (Anglais, Gallois, Écossais et Irlandais du Nord).
Le symbole de continuité, sécurisant, qu’elle représente — 1 000 ans d’histoire, tout de même — ne peut se passer d’un supplément d’âme qui s’éteignait doucement. C’est précisément lui que William et Kate ont su ressusciter dans une cérémonie ultra-codifiée dont ils ont dépassé, avec autant de simplicité que possible, le protocole de fer et l’inévitable côté compassé.
Malgré le carrosse, les landaus, les Bentley, les toilettes plus ou moins réussies des invitées, les chapeaux extravagants et la présence de Victoria Beckham à Westminster Abbey, ce rendez-vous irréel a évité le pathétique du bling-bling. Ce n’était pas gagné d’avance…
Hormis les dépenses de sécurité, la parenthèse enluminée de ce vendredi qui a offert aux Britanniques une dernière évasion hors du temps avant d’affronter l’austérité programmée par le gouvernement Cameron, n’a presque pas coûté une livre au contribuable. Pas cher, donc, au regard du bénéfice net considérable qu’il rapporte à l’image de la Grande-Bretagne, à ses produits et à son tourisme. God save William and Kate ! L’avenir du mariage-consécration, dans l’air du temps, entre ces deux amants de dix ans — conditionne désormais celui d’une très vieille monarchie. Sauront-ils être ses héros modernes ?
En regardant passer la Reine
Qui donc, en ce jour de réjouissances, voyait dans la Reine passant dans son carrosse la frêle jeune fille qu'elle fut durant la dernière guerre ?
À peu près au même âge que la jeune mariée d'aujourd'hui, elle se dévouait sans relâche au sein des équipes de sauvetage qui volaient au secours des victimes de la ville de Londres cruellement attaquée. Elle était restée dans la capitale avec toute la famille royale et avec les siens qui subissaient stoïquement les pires bombardements.
C'est sur cette force tranquille et sur cette résistance opiniâtre de la famille royale que put s'appuyer l'indomptable Churchill qui, dans la nuit noire de l'Occupation désespérante, faisait briller malgré tout l'espoir. Sans lui, sans eux, la guerre contre le nazisme eût été perdue et l'on sait trop ce qu'il serait advenu alors de nos deux pays et du reste de l'Europe.
C'est dans ce courage tranquille et indomptable que réside la noblesse de cette famille. C'est ce qui enracine et fortifie cette monarchie dont on a vu combien elle a pu aujourd'hui séduire les foules.
Certes, ce faste peut paraître désuet, mais il est apprécié malgré les critiques, et les nouveaux mariés ont séduit par leur jeunesse, leur sourire, leur charme et leur spontanéité. Certes, la monarchie en question a vu diminuer sa puissance et son rayonnement dans le monde, mais ce qu'elle fut durant ce conflit restera dans l'Histoire et doit demeurer dans le souvenir de tous, car notre vie en fut marquée.
Nul ne connaît l'avenir, mais, dans ce présent lui aussi tourmenté, face à l'évolution incertaine d'un monde en plein changement, cette grande Dame apparaît encore aujourd'hui comme le symbole de la liberté que proposent, promeuvent, défendent et donnent en exemple à l'univers les démocraties.
En ce jour heureux, il fallait rendre hommage à la Reine, lui dire, ainsi qu'à tout son peuple, notre reconnaissance.
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