TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 15 février 2012

Nicolas Sarkozy peut-il battre François Hollande?

En se déclarant officiellement candidat, le président entre dans la bataille pour tenter de combler son retard. Il est résolu à dégainer l'artillerie lourde. Cette fois, la campagne est lancée, à droite comme à gauche. 
Des marchés financiers apaisés, une conjoncture plus calme et, surtout, une amélioration de l'emploi pour la rentrée: quand Nicolas Sarkozy part en vacances, en août 2011, il mise sur un climat favorable pour sa précampagne présidentielle. Quelques jours plus tard, il rentre à Paris pour une rencontre avec Angela Merkel: la crise frappe de nouveau. 
Et c'est tout son calendrier qu'il doit repenser. Autant il a déjà en tête la stratégie des valeurs qu'il compte dégainer quand sa candidature deviendra une évidence, autant il va lui falloir improviser une politique en réaction à la conjoncture. Parfois, il hésitera - par exemple, sur la TVA sociale. Parfois même, il se trompera: le discours de Toulon, conçu pour mettre en scène le président sauvant la France de la crise, n'aura pas les conséquences espérées. 
Quand 2011 s'achève, une évidence s'impose: avant même d'avoir commencé, sa campagne est contrariée. Seule la gauche est alors susceptible de redonner le moral à des troupes UMP proches de l'abattement. Passé l'euphorie de la primaire, elle y réussit par quelques couacs retentissants. "Si François Hollande voulait nous aider, il ne s'y prendrait pas autrement", s'exclame François Fillon, juste après le cafouillage du PS sur le quotient familial. Voilà les élus, quelque peu requinqués, qui se bousculent pour intégrer la cellule Riposte.  
"Tu n'as qu'à faire deux réunions par semaine !" suggère le chef de l'Etat à Brice Hortefeux. L'annonce d'une TVA sociale, le 31 décembre, doit servir à Nicolas Sarkozy de dernier contre-feu pour éviter la dégradation de la France par les agences de notation et écarter tout risque d'un troisième plan de rigueur, a-t-il expliqué à des élus. Le 1er janvier, il juge que ses soutiens n'assurent pas assez le service après-vente de ses annonces. Un député, sollicité par le conseiller aux affaires parlementaires de l'Elysée, Olivier Biancarelli, rédige un communiqué... dans une station à ski, à une terrasse de restaurant, à 3 000 mètres d'altitude. 
Rester maître de tout, du calendrier et des idées : telle est l'obsession du président candidat. "Il n'y a rien dans le projet, c'est très bien comme ça", dit-il à propos du projet de l'UMP, qu'il conçoit surtout comme un écran de fumée pour ménager l'effet de surprise.  
Les états d'âme ne sont pas le genre de la maison
Mais, le 13 janvier, le train déraille, avec l'annonce par l'agence de notation Standard & Poor's de la perte du triple A. Deux jours plus tard, en visite à Amboise, Nicolas Sarkozy affiche sa mine des mauvais jours. Avant son discours, il retrouve dans la loge les ministres et les locaux de l'étape. Il prend à part Hervé Novelli - le député a le malheur de compter parmi les amis d'Alain Madelin, que le président a vu quelques jours plus tôt. "Alain, il est vraiment insupportable. Il n'a rien compris. La dérégulation, c'est ce qui nous a amenés là", s'emporte-t-il, sans même chercher la conversation. 
A son retour à Paris, toujours énervé, il reçoit Jean-Louis Borloo. A trois jours du sommet social, l'ex-candidat putatif à la présidentielle pense tenir sa revanche de l'automne 2010, quand Matignon lui échappa. "La ligne Borloo contre la ligne Buisson !" confie l'ancien ministre, sûr de son fait. Peine perdue. Nicolas Sarkozy optera pour des solutions différentes de celles préconisées par le président du Parti radical.  
Des bas, des hauts. Le 16 janvier, Nicolas Sarkozy s'envole pour aller recevoir la Toison d'or à Madrid. Dans l'avion, la bonne nouvelle tombe : l'agence Moody's se donne un nouveau délai pour décider de mettre, ou non, le triple A de la France sous perspective négative. "Yes !" s'écrie le chef de l'Etat, joignant le geste à la parole. L'argument servira à contrebalancer la dégradation par Standard & Poor's. 
Mais les doutes sont loin d'être balayés. Il n'a pas échappé au président que, depuis plusieurs semaines, le centriste Pierre Méhaignerie boude les petits déjeuners de la majorité. Les états d'âme ne sont pas le genre de la maison Sarkozy. "Avant une réunion avec lui, dans l'antichambre, on se dit que nous n'avons aucune chance; et on repart rassérénés et on ne réenvisage la défaite que deux jours plus tard, quand l'effet vitamine C s'est dilué !" admet un responsable de l'UMP.  
"Tes voyages en province, ce sont des émissions de télé"
Chaque semaine, le chef de l'Etat reçoit les ténors de la droite. "Tes voyages en province ne sont pas des voyages en province, ce sont des émissions de télé, lance une fois Jean-Pierre Raffarin. Tu aimes la politique, mais tu ne dis pas aux Français que tu les aimes." Un autre jour, c'est Alain Juppé qui intervient: "Tu sous-estimes Marine Le Pen. Isabelle [NDLR: la femme du ministre des Affaires étrangères] me dit qu'elle fait des dégâts terribles dans le public féminin." 
Le 29 janvier, le président s'invite à la télévision. Au-delà des annonces, l'émission est jugée décisive: l'audience est au rendez-vous - "Ce n'était pas glamour et, pourtant, seulement 300 000 personnes ont décroché", se réjouira le président en privé -, les études qualitatives réalisées par l'Elysée sont jugées encourageantes. A compter de ce jour, les conseillers du chef de l'Etat considèrent qu'une attente est créée autour du candidat.  
Dès lors, tout s'emballe. Nicolas Sarkozy n'attendra pas mars. Il a personnellement veillé à ce que le Sénat, passé à gauche, adopte le droit de vote des étrangers aux élections locales, s'assurant auprès d'élus de l'UMP que rien n'entravera le scrutin. Ce sera une munition pour la suite. Pour parler des valeurs et s'adresser en priorité aux 31 % de Français ayant voté pour lui au premier tour en 2007, un média s'impose, le Figaro Magazine. Avant la déclaration de candidature, rassurer son électorat, pour se consacrer ensuite au face-à-face avec Hollande - "Mon problème n'est pas d'attaquer son programme, c'est de montrer qu'il se trompe de diagnostic." 
Cette séquence-là a été pensée depuis longtemps. Avec une idée majeure, défendue aussi par Patrick Buisson, homme clef de la campagne: dès lors que les Français ont l'impression de perdre de la souveraineté, il faut leur rendre du pouvoir, via le référendum. Peu importe, aux yeux du président, qu'il explique le contraire de ce qu'il disait il y a cinq ans (dans une interview à L'Express en mars 2007): "Croyez-vous que, si je suis élu, je vais aussitôt dire aux Français: "Excusez-moi, j'ai besoin de vous demander votre avis sur un autre sujet?"" 
De toute manière, avec Nicolas Sarkozy, le bruit suscité est toujours supérieur à ses propres mots. Il ne s'engage pas à organiser deux référendums sur le chômage et l'immigration, il se contente d'en agiter l'hypothèse. Des élus modérés, comme l'ancien ministre Dominique Bussereau, sont au bord de la rupture et ne se rassurent qu'en lisant le texte de l'entretien. Le débat s'enflamme. Hollande veut transformer la présidentielle en un référendum sur Sarkozy? "Chiche, nous aussi allons y recourir, mais sur les idées", décrypte un proche du chef de l'Etat. "En balayant l'idée, Hollande a balayé le peuple", espère un autre. 
Jouer le peuple contre le système a toujours constitué une ligne directrice pour le président. "Les candidats de l'élite, Jospin et Balladur, ont tous échoué", relève-t-il, au moment où le Figaro Magazine sort dans les kiosques. "Tu as vu le sondage?": selon TNS-Sofres pour i-Télé, 63% des Français approuvent le référendum sur les chômeurs, et le chiffre n'a pas échappé au président. Si ses propositions sur d'autres sujets sont moins bien perçues, il écarte l'objection. "Je pense que lui se fiche un peu du mariage homo, mais il veut les catholiques", note un fidèle. Les sarkozystes ont aussi relevé que, sur ce point comme sur l'euthanasie, le socialiste se montrait "très permissif": le candidat UMP ne manquera donc pas de le tacler.  
"Je dois être un produit neuf"
"Les idées me protègent", a l'habitude de dire ce président si mal aimé. Jusqu'à quel point doit-il néanmoins parler de lui, pour réparer ses erreurs? Nicolas Sarkozy a cherché à rassurer les députés qu'il reçoit : "Ne croyez pas que personne ne me rappelle les conneries que j'ai faites." En janvier, il a terminé la première version d'un livre, poussant loin, très loin, l'analyse personnelle. C'est à Emmanuelle Mignon, son ancienne directrice de cabinet du début du quinquennat, revenue dans le premier cercle, de retravailler le texte. 
Le sortant a prévenu ses proches: "Je dois être un produit neuf." Pour cela, il prônera le changement du modèle tout entier. Pas une mince affaire: "Un match à deux, en quinze jours, ce n'est pas gagnable, il faut deux mois et demi, indique Sarkozy en petit comité. Hollande n'a pas de puissance personnelle, il ne supportera pas un long face-à-face." Cette fois, le moment d'accélérer est venu, en avance sur le calendrier prévu, et malgré les mauvaises surprises, comme le rejet, le 13 février, de la TVA sociale par la commission des finances de l'Assemblée nationale. "Je ne peux pas vous en dire plus, excusez-moi, mais je suis assez content de la manière dont je vais me déclarer." 

Président-candidat, candidat-président 


Un suspense insoutenable pour nous. Quasi surhumain, intellectuellement parlant, pour lui. Hier, Nicolas Sarkozy, au prix d'un ultime effort, n'a pas prononcé le mot, la formule qui aurait officialisé sa candidature. C'est donc ce soir, de la manière la plus classique qui soit, un « 20 Heures », sur la chaîne la plus regardée, que le non-événement deviendra événement. Au sens où sa déclaration le plongera réellement dans l'arène pour un choc, qu'on peut présumer frontal, face à François Hollande. Ce moment de télévision ne changera rien pour les Français. Le président deviendra juste candidat à plein temps, en affrontement direct avec le favori des sondages. Tel est - un duel qu'il aborde paradoxalement en challenger - le but recherché. Car le « teasing » nous a déjà beaucoup appris de ses intentions. Nicolas Sarkozy a préempté le côté droit, et même droitier, de l'échiquier politique. Il veut parler au peuple, labourer le terrain des valeurs, ressusciter le bon vieux clivage droite-gauche. Il y avait urgence à sortir du bois. Son accélération renvoie à une inquiétude, un péril. Il doit maintenant renverser la vapeur, restaurer le lien de confiance, reconquérir un électorat déçu ou tenté par Marine Le Pen. Son talent politique ne sera pas de trop ; sera-t-il suffisant ? Il a été l'homme de la rupture mais n'incarne plus le changement. On ne doute pas qu'il sonne la charge contre Hollande, surprenne, mouille la chemise, au fond qu'il réponde à l'impatience des troupes UMP. Mais la question est autre : comment créer le nécessaire électrochoc ? Elle est de savoir, pour paraphraser la chanson, si les Français ont encore envie d'avoir envie de lui...

Présidentielle 2012 : Sarkozy, l'homme qui ose, souffre et fonce

Président « bling bling » en 2007, Nicolas Sarkozy, à l'épreuve du pouvoir et de la crise, est devenu, en 2012, plus grave, voire plus « sage ». Reste tout de même un tempérament qui le pousse à bousculer, au risque de heurter parfois. Portrait.

« Si on perd, ce sera à cause de ça... », soupire un membre de l'équipe de campagne de Nicolas Sarkozy. « Ça », c'est, à l'initative de Cécilia, la réunion au Fouquet's avec un petit cercle de grands patrons le soir de la victoire de 2007 pendant que le peuple patientait à la Concorde. « Ca », c'est le « bling bling » (Ray-Ban et vacances de milliardaires) du début de son mandat, c'est l'image de « président des riches » qui lui colle à la peau.

« Ça », c'est aussi, tout simplement, la personnalité de Nicolas Sarkozy: son style décomplexé d'homme qui ose tout, sa conviction inébranlable qu'il est capable de renverser des montagnes à lui tout seul, cette énergie boulimique qui lui a permis de mener à bien de nombreuses réformes, mais qui a souvent bousculé et parfois heurté les Français. Cinq ans plus tard, alors que Sarkozy se lance dans la bataille pour un nouveau mandat, cette personnalité-là est son premier handicap... et sa grande force.

"Jamais tu ne réussiras", lui lance son père

Cette volonté sans faille est sans doute née d'une enfance que Sarkozy n'a pas aimée. Né le 28 janvier 1955 à Paris, il est le fils d'Andrée (qu'il surnomme affectueusement « Dadu ») et de Pal Sarközy de Nagy-Bocsa, un immigré hongrois, père volage et absent. « Avec le nom que tu portes et les résultats que tu obtiens, jamais tu ne réussiras en France », lance Pal à ce fils dont il juge les résultats scolaires médiocres. Moqué pour sa taille, le jeune Nicolas, bien qu'élevé dans la commune hyper-bourgeoise de Neuilly-sur-Seine (Hauts-de-Seine), « se considérait comme un pauvre au milieu des riches », résume Patrick Devedjian. Le « petit Français au sang mêlé », comme il se définira lui même en 2007, se réfugie auprès de son grand-père, et attend sa revanche.

Le jeune militant RPR, avocat de formation, prendra une première revanche dès 1983 en enlevant, à seulement 28 ans et à la surprise générale, la mairie de Neuilly à Charles Pasqua après le décès d'Achille Peretti. Une victoire au culot, déjà. Dès lors, son ascension est aussi rapide qu'irrésistible. Elu député des Hauts-de-Seine en 1988, il reprend les rênes du RPR en 1999, en pleine campagne européenne, après la démission fracassante de Philippe Séguin. Il se jette dans la bataille, persuadé qu'il peut changer à lui tout seul le cours électoral. La défaite sera d'autant plus cinglante.

"Le petit salaud", s'exclame Bernadette

Si le jeune Sarkozy est entré en politique par admiration pour Jacques Chirac, qui fera de lui un de ses intimes, c'est Edouard Balladur qui le fait ministre en 1993: à seulement 38 ans, il hérite du Budget et devient porte-parole du gouvernement. Il rompt alors avec Chirac pour miser sur Balladur à la présidentielle de 1995. En campagne, tous les coups sont permis pour celui qui devient le porte-flingue du Premier ministre. Les Chirac en garderont une rancoeur tenace contre celui que Bernadette, à l'éoque en colère, baptisera « le petit salaud ». Balladur éliminé, Sarkozy entame une traversée du désert qui ne s'achèvera vraiment qu'en 2002.
Après bien des hésitations, Jacques Chirac le nomme alors ministre de l'Intérieur. Sarkozy ne laisse pas passer sa chance: il se démultiplie et adopte un discours sécuritaire musclé. Les Français applaudissent. En quelques années, le « premier flic de France » s'impose comme le candidat naturel de la droite, envers et contre la Chiraquie. Candidat de rupture par rapport à un Chirac vieillissant (traité de « roi fainéant »), « Sarko » défend les valeurs d'une droite décomplexée. En 2004, l'Elysée ne parvient pas à l'empêcher de prendre les rênes de l'UMP. Dès lors, plus rien -pas même son adversaire socialiste à la présidentielle, Ségolène Royal- ne pourra stopper le candidat du « travailler plus pour gagner plus »: il est élu triomphalement le 6 mai 2007 (avec 53% des voix).

"Il a souffert comme j'ai rarement vu souffrir un homme"

Mais la victoire est amère: Sarkozy entre à l'Elysée quand son épouse Cécilia le quitte. Tout au long de cette campagne, « il a souffert comme j'ai rarement vu souffrir un homme » , confiera son amie Isabelle Balkany. C'est d'ailleurs Cécilia, qui refusait obstinément de sortir de chez elle, que le président-élu attendit désespérément au Fouquet's au soir de le victoire.

Président jeune et moderne, Sarkozy introduit d'emblée une rupture radicale de style à l'Elysée. Il s'affiche en short grimpant quatre à quatre les marches du Château après son footing quotidien, s'accorde (sous couvert de rationaliser le budget élyséen) une confortable augmentation de salaire, n'hésite pas à rabrouer un râleur d'un « casse toi pov' con ». En l'espace de seulement quelques mois, il divorce de Cécilia, et tombe amoureux de Carla Bruni, ex-mannequin devenue chanteuse (qu'il épousera en février 2008). Le 19 octobre 2011, il devient aussi le premier président en exercice à avoir un enfant avec la naissance de Giulia.

Parallèlement, Sarkozy enchaîne les réformes à un rythme endiablé: paquet fiscal, service minimum, autonomie des universités, RSA, carte judiciaire... Un vrai tourbillon politique. « Hyperprésident » par tempérament, il ne laisse guère d'espace à ses ministres ni même à son Premier ministre François Fillon, relégué au rang de « collaborateur ». Le ministre centriste Maurice Leroy s'avoue bluffé par le « travail colossal » qu'il abat. « Quel que soit le sujet, il est toujours au moins aussi calé que le ministre en charge du sujet ».

Ses colères sont terribles

Mais Sarkozy n'est pas tendre avec son équipe: ses colères sont terribles, et il traite régulièrement ses ministres de « nuls ». Résultat: aucun membre de son entourage n'osera le mettre en garde lorsqu'il s'obstine à vouloir nommer son fils Jean à la tête de l'Epad (Etablissement public d'aménagement de la Défense), une promotion-éclair qui scandalise les Français. Il finira par reculer, mais les dégâts dans l'opinion sont considérables. Et durables.

« C'est avec la crise qu'il a intériorisé la fonction, il est devenu plus grave », se souvient une ministre. Celui qui aime bousculer est à son tour surpris par l'effondrement financier et bancaire mondial provoqué par la faillite de Lehman Brothers fin 2008. Dans la tourmente, ses qualités d'énergie et d'initiative font merveille pour mettre sur pied un plan de sauvetage européen des banques. Mais la crise va le contraindre à renoncer à la plupart de ses objectifs de 2007.

Il modère sa consommation de chouquettes

Plus grave, Sarkozy se cultive aussi, sous l'influence de sa nouvelle épouse. Celui qui se moquait des lecteurs de la « Princesse de Clèves » en 2007 dîne désormais régulièrement avec des intellectuels, étale ses lectures ou ses goûts cinématographiques. Toujours adepte du jogging et du vélo, il surveille sa ligne en modérant sa consommation de chocolat et de chouquettes, ses deux péchés mignons. Il se couche tôt, « une vraie vie d'ascète, pas du tout 'bling bling'», sourit Alain Carignon, un de ses visiteurs réguliers. Il reçoit beaucoup, « écoute tout le monde, mais décide tout seul », comme le résume le président (UMP) de l'Assemblée Bernard Accoyer. A l'Elysée, Sarkozy a désormais appris à se taire, aussi.

Pour autant, a-t-il un temps envisagé de ne pas se présenter pour un second mandat, de quitter la politique pour « faire du fric » comme il en caressait l'idée en 2008? Ministres et proches sont formels: pas une seule seconde. C'est mal le connaître. « La campagne de 2007, il l'a gagnée tout seul, se souvient Chantal Jouanno. Et cette fois encore, il est convaincu qu'il pourra tout renverser ».


La France fait mieux que l'Allemagne fin 2011

L'activité en France a crû de 0,2% au quatrième trimestre, alors qu'en Allemagne, elle a reculé de 0,2%. Mais sur l'année 2011, la croissance française atteint +1,7%, soit moins que les +3% enregistrés outre-Rhin.

Face aux remous provoqués par la crise de la zone euro, l'économie française a résisté. Elle a enregistré une croissance de +0,2% au quatrième trimestre 2011, après +0,3% au troisième, rapporte l'Insee ce mercredi. Sur l'année, l'activité progresse de +1,7%. «Un chiffre conforme à la prévision du gouvernement publiée en août dernier», souligne le ministre de l'Économie François Baroin.
Composant le plus dynamique de la croissance au quatrième trimestre, l'investissement des entreprises non financières a progressé de +1,4%, après un recul les trois mois précédents. «L'investissement des entreprises accélère fortement alors que l'emploi se replie, relève Philippe Waechter, chef économiste chez Natixis AM. Cela est contradictoire à court terme.» L'économie française a détruit 31.900 emplois durant les trois derneirs mois de l'année.

Après Boutin, Morin ? 

D’inébranlables convictions motivaient sa candidature, malheur à qui oserait l’entraver. En bloquant les indispensables parrainages, par exemple… Elle menaçait alors de disperser l’UMP, façon puzzle, aux quatre coins du cher et vieux pays. L’Élysée tremblait, le camp majoritaire claquait des dents. L’ennemie intime, forte de 0,5 % d’intention de vote, allait faire sauter la baraque. Dieu merci, la paix revient. L’aigle vengeur rentre au bercail sur les ailes d’une colombe. Christine Boutin avait promis “la bombe atomique”, un écran de fumée suffira. Elle se range aux côtés de Nicolas Sarkozy. Après tant d’anathèmes, la voici en solennelle communion avec le président. Par quel miracle ? “En refusant le mariage gay et l’euthanasie, il a rejoint les valeurs que je porte”. C’est le chef de l’État qui se rallie à Christine Boutin, et non l’inverse ! La démocrate-chrétienne peut donc “manger son chapeau” en gardant la tête haute. Saluons l’acrobatie. On attend désormais les nobles raisons qu’invoquera Hervé Morin pour justifier son renoncement. Le centriste s’apprêterait, à son tour, à se désister en faveur du champion de la droite. On l’a pourtant entendu, l’air martial, jurer dix fois plutôt qu’une : “J’irai jusqu’au bout”. Civile ou militaire, la retraite en rase campagne reste un exercice périlleux. L’ex-ministre de la Défense devra trouver les mots pour justifier ses contradictions tactiques. Parce que la troupe, derrière, commence à fatiguer…

Style  

Notre Président est devenu un candidat. Ni tout à fait le même, ni tout à fait un autre. Je n’ai pas changé, j’ai appris, nous dit-il. Pour porter sa parole de candidat, il a choisi une femme jeune et belle, Nathalie Kosciusko-Morizet. Comme l’était (et l’est toujours) Rachida Dati en 2007. Mais la porte-parole d’aujourd’hui est diplômée de Polytechnique, petite-fille d’un Ambassadeur de France issu de la noblesse polonaise. Celle d’hier, fille de maçon marocain, n’avait qu’une maîtrise de sciences économiques… C’est là peut-être la marque de cinq années au pouvoir : le temps n’est plus à bousculer les vieilles élites, à imposer la belle et rebelle Rachida aux magistrats, mais à rassurer avec la diaphane Nathalie. Cela n’interdit certes pas de poursuivre la rupture – mais nous savons depuis hier qu’elle n’aura plus le même visage, ni le même style.

Pourquoi l'Allemagne inspire la France 

 En France comme en Allemagne, le soutien apporté par Angela Merkel à Nicolas Sarkozy a été beaucoup commenté. Si l'on se rapporte à un sondage publié en janvier 2012 par l'Ifop, la stratégie de rapprochement du président de la République avec la chancelière allemande peut être considérée comme un pari calculé. 86 % des Français et 79 % des Françaises ont en effet une bonne image de l'Allemagne. 74 % pensent qu'elle obtient de meilleurs résultats que la France dans la gestion de l'économie. Et 62 % considèrent que notre pays devrait s'inspirer davantage du modèle économique et social de son voisin. 

Ce sondage montrait aussi que les Français qualifient désormais moins la relation avec l'Allemagne avec les mots « amitié » ou « confiance » qu'avec celui de « partenariat ». En quelque sorte, à mesure que les souvenirs de la guerre et de la réconciliation s'éloignent, les Français ont une conception plus utilitariste et fonctionnelle de la relation franco-allemande. Ils savent que tout n'est pas rose outre-Rhin : la société est vieillissante, les politiques familiales sont beaucoup moins incitatives qu'en France, il existe une importante catégorie de travailleurs pauvres, rémunérés moins de cinq euros l'heure. 

 Cependant, l'Allemagne a une force : elle peut annoncer un chômage inférieur de moitié à celui de la France ; ses industriels exportent des produits de haute technologie dans le monde entier ; son système scolaire laisse beaucoup moins de jeunes sur le bord de la route. Et cela, les Français en sont aussi conscients et aimeraient s'en inspirer. Un récent séjour en Pologne (pays qui a une histoire encore plus douloureuse que la France avec l'Allemagne) m'a permis d'observer les mêmes perceptions. L'Allemagne apparaît là-bas (notamment aux plus jeunes qui n'ont pas connu le communisme) comme le « pays sérieux » qui sait trouver les compromis internes pour s'en sortir. Comme l'a bien observé Jacqueline Hénard, correspondante à Paris du Frankfurter Allgemeine Zeitung, il en découle en Europe un « leadership de fait » de l'Allemagne, que celle-ci n'a pas forcément cherché à susciter. 

 Alors essayons, nous aussi, Français, de nous montrer attractifs. Soyons conscients que la crédibilité de notre pays ne saurait se limiter au champagne et aux parfums. Elle nécessite un renouveau complet de l'économie qui implique un assainissement des dépenses publiques, une réorientation de nos industries vers le haut de gamme, et une réforme de notre marché du travail et de notre fiscalité. En gros, ce que les Allemands ont fait au cours des dix dernières années. Mais sommes-nous capables d'assumer de tels choix qui requièrent une croyance dans le compromis et une inscription dans la durée ? C'est toute la question. Le sociologue Raymond Aron regrettait souvent que la politique soit considérée, par beaucoup en France, comme un enchantement. Il y opposait la tradition wébérienne allemande selon laquelle la politique serait, au contraire, l'art collectif de trouver les meilleurs compromis pour résoudre des problèmes. En 2012, cette conception de la politique permet aux Allemands d'être plus sereins. Cela explique d'ailleurs l'attirance des Français pour leurs voisins : une majorité d'entre nous est bien consciente de la nécessité des réformes et, surtout, croit de moins en moins à l'idée que la politique devrait procurer du rêve.


Grèce: Le travail pour survivre

Le sixième plan de rigueur en deux ans vient d'être adopté par le parlement grec. Cette fois, le tour de vis place la majorité des Grecs dans des difficultés non plus pour vivre, mais pour survivre...

De notre envoyée spéciale à Athènes

Des mégaphones, ça, oui, il en vend. C’est même l’une des choses qu’il vend le plus, Nicolaou Thanos, depuis deux ans, avec toutes ces manifestations. Pour le reste des produits de sa boutique, «les gens continuent d’acheter mais seulement les prix d’entrée. Les accessoires comme les clés USB se vendent bien, mais plus les autoradios et autres produits désormais considérés comme luxueux.» Un régime sans fantaisie que s’applique à lui-même ce père de cinq enfants. «Tout mon argent va dans la nourriture. Pour ce qui est des vêtements, on fait le minimum.» Plus question de loisirs.
Theodora faisait de la danse l’année dernière encore mais a dû interrompre ses cours faute de moyens. En guise de sorties, cette étudiante timide de 19 ans regarde des films téléchargés avec des amis. Son père est chauffeur de taxi, sa récente licence achetée en bonne et due forme et de nouvelles taxes ont plombé son activité. Pour ne pas l’aider, «les gens prennent le bus, ils n’ont plus assez d’argent pour le taxi», ajoute la jeune femme. C’est désormais sa mère, productrice d’huile d’olives, qui assume les charges. La solidarité familiale, en Grèce, est une institution, et remise au goût du jour par les temps qui courent.

Le drapeau noir en signe de deuil

Thomais Vekiou, petite brune aux yeux vifs, en sait quelque chose. Sa mère ne touche pas de pension de retraite alors la travailleuse sociale de 41 ans lui verse une partie de ses 700 euros de salaire tous les mois. Un salaire en baisse de 40% depuis l’année dernière, jure-t-elle. Elle participe aux  manifestations dès qu’elle le peut. Celle de mardi la concernait tout particulièrement : son employeur, une organisation d’aide aux ouvriers, va être fermé par l’Etat. D’ici six mois elle devrait être au chômage. Un chant partisan retentit dans la foule. L’un de ses collègues dresse un drapeau noir en signe de deuil.

Bien loin de se douter de ce qui se passe au même moment devant le ministère du Travail, Giota Tsatsaki fume une cigarette avant de reprendre son service à l’hôtel. Elle a sorti sa calculette depuis l’annonce du nouveau plan d’austérité : le mois prochain, peut-être le suivant, elle va perdre 200 euros par mois, sur un salaire de base de 690 euros. Elle fait partie de ces salariés du privé, ceux du bas de l’échelle, accablés par le dernier plan d’austérité. Elle est désemparée, écrase son mégot et retourne travailler.