jeudi 22 mai 2014
Les exploits de Messieurs les ronds-de-cuir
Les exploits de Messieurs les ronds-de-cuir
Courteline, l’auteur du Train de 8 heures 47, aurait rêvé d’une telle anecdote : vingt petits centimètres de largeur en trop pour quelques dizaines de millions d’euros d’argent jetés par les fenêtres. Avec sa plume acide de pourfendeur de « Messieurs les ronds-de-cuir », il aurait ridiculisé cette affaire d’empattement des trains et porté le fer là où son humour cruel fait mal : la bureaucratie, la concurrence bas de gamme entre services, les mesquineries de la vie de bureau qui font se monter les uns contre les autres des personnages de théâtre censés collaborer. Car c’est bien de cela qu’il s’agit : de guéguerres picrocholines entre deux structures, la SNCF et Réseau ferré de France qui, du jour où elles ont été séparées, se sont déchirées. Sautant d’un conflit à l’autre, ces deux réserves de cerveaux bardés de diplômes, tous ces polytechniciens, ces ingénieurs des Mines, des Ponts, des Travaux publics et autres représentants de l’énarchie ont fini par donner une belle leçon d’absurdité.
Bien entendu, personne ne songerait à reprocher à la SNCF ou à RFF de vouloir moderniser nos trains. Mais que les travaux se fassent à l’insu de leur plein gré est indéfendable.
Heureusement, le gouvernement n’a pas tardé à réagir. Et à brandir … une loi ! Oui, une loi, qui rassemblera bientôt ce que la loi avait séparé il y a une quinzaine d’années. Comme si alourdir les structures de la SNCF était une solution. Une fois de plus, le dogme du service public est passé par là : impossible d’envisager autre chose. Et surtout pas la privatisation des quais, des gares ou des structures commerciales de ce réseau tentaculaire. C’eût été trop d’audace de rendre simple et compétitif ce qui est compliqué et administratif. Courteline aurait certainement adoré en faire un chapitre supplémentaire de L’Ami des lois.Nicolas Beytout
Sur fond de discrédit de la parole politique et de crise économique, les élections européennes de dimanche devraient réserver peu de surprises. Les partis eurosceptiques ont, selon les derniers sondages, toutes les chances d'arriver en tête du scrutin dans de nombreux pays, y compris en France et en Grèce, avec des scores oscillant très souvent entre 25% et 30%.
C'est d'ailleurs à Athènes que tous les regards devront se tourner dimanche soir. A en juger par le résultat des récentes élections locales dans le pays, le grand vainqueur des européennes devrait être le parti de gauche radical Syriza. Ce n'est en rien inattendu dans un pays où le PIB s'est contracté de 25% depuis 2009, avec les conséquences sociales qu'on peut aisément imager.
Cette situation fait le lit des extrêmes. On le sait, un bon score des eurosceptiques ne pourra pas vraiment entraver le système bruxellois tant les divergences idéologiques sont profondes entre le FN, le Jobbik hongrois et l'UKIP britannique.
En revanche, en Grèce, c'est un véritable choc politique et financier qui pourrait survenir. Le Premier ministre Samaras a, en effet, annoncé la convocation d'élections législatives anticipées si son parti était battu dans quatre jours. Une nouvelle zone d'incertitude pour les investisseurs et de turbulences pour la zone euro pourrait alors s'ouvrir.
En période de faible volatilité sur les marchés financiers et de survalorisation des principaux indices boursiers sous l'effet des politiques monétaires très accommodantes de part et d'autre de l'Atlantique, la matérialisation d'un risque grec aurait des effets dévastateurs sur les valorisations boursières et la capacité d'endettement de nombreux pays membres de l'Union monétaire qui ne commencent qu'à se rétablir.
Dans l'hypothèse d'un nouveau scrutin législatif, Syriza pourrait s'imposer et jouer de son assise électorale au sein du gouvernement de coalition qui pourrait se former dans la foulée. Le scénario le plus probable serait alors une renégociation des conditions des plans d'aide en cours, qui représentent actuellement le montant énorme de 300 milliards d'euros, créant au passage un nouveau regain de tensions sur la dette des pays périphériques et sur l'euro.
Au mieux, le nouveau gouvernement grec pourrait demander un allongement des maturités sur les obligations grecques et / ou une réduction des taux d'intérêt appliqués. Au pire, il sera question d'une deuxième restructuration de la dette de la Grèce.
Ce risque latent devrait inciter les créanciers du pays, Allemagne et France en tête, a trouvé une solution durable à la question grecque au lieu de privilégier, depuis 2010, la stratégie de la fuite en avant. Il faut avouer aux électeurs européens que la trajectoire ascendante de la dette grecque n'est pas soutenable et que les pays européens vont devoir, tôt ou tard, accepter leurs pertes. Ce serait un geste de vérité politique et de solidarité européenne nécessaire en cette période de pessimisme et de méfiance généralisés.
Les messages (à peine) cachés de Sarkozy à Hollande, au PS et à l'UMP
L'ancien chef de l'Etat signe une longue tribune dans Le Point à trois jours des européennes. Il y détaille ses idées de réforme et en profite pour régler quelques comptes, majoritairement avec François Hollande.
Six pages dans un des grands hebdomadaires de France à trois jours des européennes... la tribune de Nicolas Sarkozy publiée dans Le Point est un signe de plus du retour de l'ex, une "carte postale" comme disent ses proches. Mieux, "un recommandé avec accusé de réception" pour reprendre les mots de Brice Hortefeux, qui confiait à la fin de l'année dernière, que 2014 verrait une accélération des prises de parole de Nicolas Sarkozy.
Que trouve-t-on sur cette carte postale? Au recto, une belle photo de l'Union européenne; au verso, un début de programme pour 2017. Et pour quelques heureux destinataires, un message personnel, un "bons baisers" de Nicolas Sarkozy.
La première cible des critiques de l'ancien président est sans surprise François Hollande. A aucun moment, son nom n'est cité. Pas plus que celui du parti socialiste. Cette tribune sur l'Europe ne doit pas donner l'impression d'être un commentaire de politique intérieure, ce que n'a pas manqué de faire remarquer Brice Hortefeux au micro de France Info ce jeudi matin: "La démarche de Sarkozy n'est pas partisane. Il s'adresse bien au-delà des frontières politiques. Il s'adresse aux Français et aux Européens."
Merkel prend un coup au passage
Entre les lignes -avec tout de même un gros stylo un peu baveux- l'ancien chef d'Etat s'en prend à la politique menée par François Hollande. "Impôts sans limite, dépenses publiques sans frein ni contrôle, déficits explosés, nivellement généralisé... Heureusement, comme nous dépendons des autres en Europe et que les autres dépendent de nous, le pire n'est pas toujours possible...", écrit-il.
L'Europe ne nous protège pas uniquement des conflits armés, elle est également un rempart contre le socialisme. Une idée développée dans un autre passage de la tribune de Nicolas Sarkozy: "Je vois un autre grand mérite à l'Europe et, tout spécialement dans la période que nous vivons : elle nous protège des dérives idéologiques de nos gouvernants et des majorités qui les soutiennent."
Il faut lire ce texte en rapport avec celui de François Hollande paru dans Le Monde au début du mois. Nicolas Sarkozy a jugé qu'il n'était pas à la hauteur, que ce n'était pas celui d'un leader. Voilà le mot. "Leader" ou "leadership", l'idée structure la tribune parue ce jeudi. Etrangement, Angela Merkel prend au passage un coup de griffe. "Je le dis aux dirigeants français comme allemands: le leadership n'est pas un droit, c'est un devoir (...) L'absence de leadership met l'Europe en danger car sans vision, san cap et sans priorité."
Un message à Xavier Bertrand, l'adversaire du "Merkozy"
Nicolas Sarkozy ne parle pas qu'à ses adversaires, il écrit aussi à ses "amis". L'UMP se déchire entre souverainistes et européens convaincus. Réponse du chef: "Il y a encore des contresens et des erreurs qui ont été commis par ceux qui font de l'Europe une nouvelle idéologie et qui voudraient qu'il y ait les intelligents d'un côté -comprenez les Européens- et les populistes bornés de l'autre -comprenez les souverainistes. Ce clivage est absurde et n'a pas lieu d'être."
Un cadre de l'UMP a eu le droit à un message personnalisé: Xavier Bertrand. Le député de l'Aisne prône la fin de l'Europe "Merkozy", construite autour du seul couple franco-allemand. "L'Allemagne n'est pas un choix, n'est pas une alternative, elle est un fait. La géographie et l'histoire nous ont faits voisins. A-t-on jamais connu un pays ayant changé d'adresse?", lui répond Nicolas Sarkozy.
Droite et gauche ont bien reçu la carte postale de ce jeudi. Et le Front national? L'ancien président de la République s'attarde à peine sur l'extrême droite, évoquant à peine "la flambée populiste et antieuropéenne". C'est pourtant bien à l'orée du score du FN que le bilan de cette tribune sera dressé.
Sarkozy au "Point" : "Nous devons être européens et français"
L'ancien président de la République publie cette semaine une longue tribune sur l'Europe. Une déclaration d'amour vigilante, exigeante et lucide.
Cela commence par : "D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti viscéralement français." Pour se finir par : "Ne laissons pas détruire, ni aujourd'hui ni demain, ce trésor !" Entre ces deux phrases : plus de 16 000 signes d'un vibrant plaidoyer de six pages pour l'Europe ponctué de propositions concrètes et de positions affirmées.
Cela commence par : "D'aussi loin que je me souvienne, je me suis toujours senti viscéralement français." Pour se finir par : "Ne laissons pas détruire, ni aujourd'hui ni demain, ce trésor !" Entre ces deux phrases : plus de 16 000 signes d'un vibrant plaidoyer de six pages pour l'Europe ponctué de propositions concrètes et de positions affirmées.
À trois jours des européennes, Nicolas Sarkozy appelle à une rénovation en profondeur de l'UE, garante d'"un modèle de civilisation" et s'appuyant sur "une grande zone économique franco-allemande" et la sortie de l'actuel Schengen, dans une tribune publiée jeudi dans Le Point et le quotidien allemand Die Welt. Dans cette tribune résolument pro-européenne, écrite alors que l'UMP pourrait être dépassée, dimanche, par le Front national, l'ancien président analyse la situation actuelle de l'UE, source d'"exaspération" et de "colères" chez les Français qu'il dit comprendre.
Mais "ce n'est pas un paradoxe que de plaider tout à la fois pour l'Europe et pour la défense de notre identité, c'est-à-dire la spécificité de notre modèle", veut-il rassurer les Français, nombreux à être réticents envers Bruxelles et sa bureaucratie, comme le montrent les sondages. "Nous devons être européens et français", plaide-t-il. Dans cette tribune, pas d'appel à voter pour l'UMP, dont le nom n'est pas mentionné. Nicolas Sarkozy propose des solutions pour corriger les "erreurs" du fonctionnement actuel de l'Union. "Nous devons profondément refonder notre politique européenne", affirme-t-il.
"Absence de leadership"
L'ancien président, qui s'était efforcé, durant son quinquennat, de faire du couple franco-allemand le "moteur" de l'UE (d'où le surnom de "Merkozy" qui qualifiait ses relations avec la chancelière Angela Merkel), défend "la création d'une grande zone économique franco-allemande". Dans une pique à son successeur François Hollande, dont il ne cite pas le nom non plus, il dénonce "l'absence de leadership" actuelle qui "met l'Europe en danger". Cette grande zone "nous permettra d'abord de mieux défendre nos intérêts face à la concurrence allemande, en gommant nos handicaps fiscaux et sociaux", et "nous permettra ensuite de prendre le leadership des 18 pays qui composent notre union monétaire", affirme l'ancien président. Il souhaite également "plus d'intégration" pour les 18 pays de la zone euro.
Alors que l'étendue des pouvoirs dévolus à Bruxelles est régulièrement dénoncée aussi bien à droite qu'à gauche, Nicolas Sarkozy veut supprimer "pas moins de la moitié des actuelles compétences communautaires". Celles-ci "devront demain être assumées par les États nationaux, et en regroupant les compétences de l'Europe en une petite dizaine de politiques prioritaires et fondatrices : l'industrie, l'agriculture, la concurrence, les négociations commerciales, l'énergie, la recherche...", écrit-il, alors qu'il n'avait jamais été aussi loin lorsqu'il était à l'Élysée.
"Suspendre Schengen I"
Face à "l'échec sans appel" de "la question essentielle des flux migratoires" - dont le Front national a fait son cheval de bataille -, Nicolas Sarkozy veut "suspendre immédiatement Schengen I et le remplacer par un Schengen II auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration". "C'est une évidence", dit-il. "Ainsi serait-il mis fin au détournement de procédure qui permet à un étranger de pénétrer dans l'espace Schengen, puis une fois cette formalité accomplie de choisir le pays où les prestations sociales sont les plus généreuses. [...] Si nous ne réagissons pas rapidement dans les années qui viennent, c'est notre pacte social qui va exploser", met-il en garde.
L'annonce de la tribune de l'ancien président a été diversement appréciée à l'UMP, qui a tenu mercredi un grand meeting national dans le cadre de sa campagne pour les élections de dimanche. "Je suis bien heureux qu'il publie une tribune pour venir appeler les Français à la mobilisation !" a lancé le patron du parti Jean-François Copé, sous les applaudissements du public venu assister au meeting. C'est une tribune "utile au débat", a affirmé de son côté Laurent Wauquiez, qui s'est attiré les foudres d'une partie des dirigeants UMP pour son euroscepticisme assumé. "C'est utile", mais "cela paraît ne pas mériter plus de commentaires [...] Ce n'est pas l'événement central de la campagne", a lâché François Fillon, son ancien Premier ministre.
Voici quelques-unes des prises de position de Nicolas Sarkozy dans Le Point :
- "L'Europe nous protège des dérives idéologiques de nos gouvernants et des majorités qui les soutiennent."
- "Il faut suspendre immédiatement Schengen I et le remplacer par un Schengen II auquel les pays membres ne pourraient adhérer qu'après avoir préalablement adopté une même politique d'immigration."
- "Nous devons cesser de croire au mythe de l'égalité des droits et des responsabilités entre tous les pays membres."
- "L'absence de leadership met l'Europe en danger, car sans vision, sans cap et sans priorité."
- "La Commission ne devrait plus avoir de compétences législatives puisqu'il y a un Parlement européen, c'est à lui et à lui seul de légiférer."....
FIAT LUX
FIAT LUX
De quoi va-t-on parler en ces dernières heures de campagne pour les élections européennes ? D'une vraie vision pour l'Europe ? Si peu ! De l'affaire Pygmalion ? Tellement plus ! De la tribune de Nicolas Sarkozy à paraître ce jour dans le magazine Le Point et le journal allemand Der Spiegel? Davantage encore ! Et lundi, il sera trop tard pour pleurer si l'impensable devient réalité avec l'accession du Front national au rang de premier parti de France. Hélas, ce ne serait là que le résultat d'une non-campagne, impuissante à nous élever au-dessus de notre tracassin hexagonal.
C'est moins un rejet de l'Europe, à laquelle une majorité de Français voudraient croire encore, qu'une nouvelle sanction de notre classe politique qui risque de s'exprimer à travers une abstention record. Et cette fois, il n'y aura aucun motif de consolation pour les uns ou les autres. Après les municipales, la droite avait pu se réjouir de ses nombreuses conquêtes. Dimanche, ni le PS, s'il arrive faiblement en troisième position, ni la droite, si elle est devancée par le FN, n'échapperont à un commun désaveu.
Ce qui constituerait le choc de trop dans notre système politique condamné aux remises en cause profondes. Au PS, sorti un peu plus affaibli d'une campagne contradictoire, il faudra bien en finir avec les vitupérations contre Bruxelles tout en acceptant, à Paris, les règles du 3 %. À l'UMP, qui a difficilement caché ses éternelles divergences entre souverainistes et pro-européens, pourrait bien éclater la crise ouverte de leadership jusque-là différée.
Les rebondissements de l'affaire Pygmalion fragilisent en effet un Jean-François Copé sommé de rendre des comptes. Promettant de s'expliquer au lendemain des européennes, il a laissé le champ libre à Nicolas Sarkozy. Rééditant son « coup » d'avant les municipales, l'ex-chef de l'État s'exprime aujourd'hui dans Le Point. Il répond ainsi aux ardentes implorations de ses amis en adoptant la posture du guide indispensable. Terrible révélateur, en tout cas, de la vacuité d'une campagne qui aurait besoin d'un éternel « revenant » pour que la lumière soit !
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