lundi 6 octobre 2014
La République contre la folie
Ci-dessous une contribution d’hier qui m’a été demandée par Atlantico. En toute franchise, je n’ai rien, strictement contre Alain Juppé, mais j’observe, fasciné, la manière dont le monde médiatique tente de construire son favori pour 2017, un peu comme Dominique Strauss Kahn dans les années 2007-2011. Avec le succès que l’on sait. Toute la politique actuelle me révulse, ses coups d’éclats, ses trahisons, ses crises de mégalomanie, ses sondages bidons, sa démagogie, ses effets d’annonce, ses émissions de télévision qui puent la manipulation à plein nez, sa propagande, ses cris de haine et ses petites larmes, sa communication, ses pitres, sa pensée unique, ses histoires de clans ou de familles, ses idoles et ses gibiers de potence, son affligeante hypocrisie, ce tourbillon de folie autour de la course à l’Elysée – la course au néant – qui amuse tant le monde médiatique. Je me dis, devant ce spectacle misérable, humiliant pour la France, qu’il n’existe que deux réponses possibles: la monarchie de type britannique ou espagnole – une famille régnante – ou la République authentique, pure et dure, impersonnelle, la plus impersonnelle possible: le pouvoir anonyme du peuple et de ses représentants. Par réalisme et affinité (n’aimant pas les héritiers), je pencherais personnellement pour la seconde solution.
Le fan club d’Alain Juppé
Ce rassemblement à la candidature pour les primaires de 2017 du Maire de Bordeaux pourrait s’inscrire dans le scénario des « Papys font de la Résistance », et comme Alain Juppé vient de recevoir le prix de l’humour politique, il ne serait sans doute pas fâché de ce soutien cinématographique. En revanche, on se demande si après François Bayrou qui a voté Hollande, maintenant Jacques Chirac et son, non moins célèbre, éloge en faveur du candidat corrézien, ses amis fidèles ou reconnaissants ou les deux à la fois, ne lui font pas plus de tord que de bien. Quid, en effet, de la lucidité politique de ceux qui ont vu en François Hollande, le président à ce point normal qui n’est plus (après 30 mois de mandat) qu’un survivant grâce aux institutions de la Vème république.
Alain Juppé a connu tous les épisodes qu’offre la vie politique et dans la reconquête de son image a-t-il besoin des ex soutiens de François Hollande pour consolider son statut d’homme d’Etat ? Même auprès de la ménagère de plus 50 ans, les publicités peuvent être contre productives !
M.Sapin illusionniste
M.Sapin illusionniste
Michel Sapin est un ministre amusant. Il tonne et il adoucit dans la même phrase. C’est un as de la sémantique, il a du métier. Depuis le temps qu’il promène sa tête de notable revenu de tout, il sait qu’on peut faire prendre des vessies pour des lanternes pour peu qu’on y mette de la conviction apparente. Alors il y va franchement. « Ce serait inadmissible », s’est-il offusqué hier, que la France demande une dérogation aux règles bruxelloises en matière de déficit budgétaire. Bon sang, on nous l’a changé, le voilà déterminé. Heureusement, il se retrouve, il se reprend, il précise. « Dérogation » non, mais « adaptation » oui. Le tour est joué, il faudrait être de mauvaise foi pour ne pas saisir la différence. M. Sapin est un illusionniste qui ne fait pas illusion.
Des choix mal préparés, mal partagés, mal conduits
Des choix mal préparés, mal partagés, mal conduits
Un ministre qui rebrousse chemin devant une poignée d’intermittents en colère, un président de la République qui renonce aux déplacements en province et ne sort plus de l’Elysée que pour des visites surprises ou, comme au Salon de l’automobile, pour inaugurer en catimini, loin de la presse et des badauds, l’une des expositions populaires les plus importantes de l’année. Petit à petit, le pouvoir se claquemure et perd le lien avec les Français. Comme s’il avait peur de ses réactions et redoutait d’affronter les effets de sa propre politique.
Pourtant – et c’est un des grands enseignements du sondage que nous publions aujourd’hui – les Français prennent de plus en plus conscience de la nécessité de la réforme. Ils ont en majorité intégré que la France décrochait, que son modèle social dérapait, et qu’il fallait remettre en question le rôle de l’Etat et son poids. Et s’ils manifestent, ce n’est pas tant parce que les réformes sont douloureuses, mais parce qu’elles sont mal préparées, mal partagées, mal conduites. Mal préparées, toutes celles qui viennent en contradiction flagrante avec ce qui avait été promis par le candidat Hollande. Mal partagés, ces bouleversements de société qui, à l’instar de la question du mariage des homosexuels, ont été utilisés pour cliver et rassembler un camp contre un autre. Mal conduites, toutes ces réformes qui font l’objet de zigzags permanents, donnant le sentiment d’un pouvoir qui, si même il savait ce qu’il voulait, ne saurait pas comment le faire.
Découragés par les effets catastrophiques de la politique actuelle, échaudés par l’accumulation des promesses bidon du pouvoir, les Français ont perdu confiance. Mais ils prennent conscience de la nécessité d’une transformation radicale de notre société. Même s’ils ne savent pas encore comment y parvenir. Ni avec qui.
Interpol’art, le noir lui va si bien
Alors que la 9e édition du festival Interpol’art se déroule le week-end prochain à Reims, retour sur la genèse de ce rendez-vous focalisé sur le genre littéraire le plus populaire.
Dans un autre siècle, Reims servait déjà de cadre à un événementiel focalisé sur le genre policier. Ce « polar » qui, sur grand écran ou dans les livres, prend à l’estomac et raconte des meurtres, des coups de feu et des enquêtes complexes. Qui met en scène détectives, flics, femmes de mauvaise vie, épouses bafouées, politicards corrompus, truands et tueurs, liste non exhaustive. En 1979 fut créé sous l’impulsion de Jacques Baudou un festival du roman et du film policier. L’aventure dura huit éditions. Dans l’une des dernières, des Rémois médusés purent voir un jour le regretté Peter Falk, alias l’inspecteur Colombo, débarquer en grande pompe au café du Palais pour recevoir les honneurs qui lui étaient dus.
Vingt ans après sa disparition, le festival ressuscita sous une nouvelle identité : Interpol’art, association née en 2005 de quelques nostalgiques et aujourd’hui présidée par Jacques Michelet. Modeste dans ses premières années, ce nouveau projet veut mêler roman, cinéma, musique, BD, gastronomie, arts graphiques, photographie et théâtre. Là encore, le temps a passé et Interpol’art, doucement, s’est étoffé. Certes loin encore, avec son budget de 24 000 € (dont 14 000 de subventions), des cadors de la catégorie comme le Quai du Polar à Lyon mais tout de même capable cette année de décrocher la présence des Pétros Markaris, Tobie Nathan, Alfredo Noriega, Romain Slocombe ou encore Marc Villard.
Pétros Markaris, Alfredo Noriega, Romain Slocombe…
Un mot sur le premier nommé qui succède à Dominique Manotti en tant qu’invité d’honneur du festival : prix du polar européen Le Point en 2013 pour Liquidations à la grecque, premier volume d’une trilogie où meurtres et crise économique cohabitent, Markaris est également connu pour ses scénarios portés au cinéma par son compatriote Theo Angelopoulos, avec qui il partagea une palme d’or cannoise pour L’éternité et un jour (1998) et un Grand Prix pour Le regard d’Ulysse (1995). Une sacrée pointure, ce Markaris.
Parmi les invités les plus attendus figure Alfredo Noriega, dont il faut vite lire Mourir, la belle affaire (2013), roman très noir où l’auteur dissèque Quito, méconnue capitale de l’Équateur ; et côté Français, il n’est pas trop tard pour découvrir le style glacial, soigné et ultra-réaliste de Romain Slocombe (Première station avant l’abattoir fait dans l’espionnage historique,Monsieur le Commandant, retenu sur la liste Goncourt en 2011, dissèque la France collabo).
À la veille d’une 9e édition qui culminera le week-end prochain avec moult tables rondes (voir ci-dessous), la petite équipe du festival, complétée par une vingtaine de bénévoles, est en ébullition. Denys Ménétrey, directeur d’Interpol’art, résume d’une formule savoureuse :« En ce moment, on est obligés de jouer du piano des dix doigts. » Seul rendez-vous de l’année culturelle rémoise axé sur la littérature, Interpol’art « a pour but de jouer un rôle de passerelle, de découverte auprès de publics qu’on essaie d’élargir chaque année, fixe M. Ménétrey. Cette année, avec Tobie Nathan qui vient, on ouvre sur l’ethnopsychiatrie, c’est super intéressant… La ligne éditoriale de ce festival se bâtit au fur et à mesure. »
Évolution notable depuis trois ans, la volonté de multiplier les rencontres entre les scolaires et les auteurs invités, histoire que ces derniers transmettent le goût de la lecture, voire de l’écriture. Cette semaine, douze établissements répartis dans toute la région, écoles primaires, collèges et lycées, seront ainsi visités. Enfin, histoire de montrer que pour se pérenniser, un festival doit sans cesse se renouveler, Interpol’art s’offre aussi ses trois premiers rendez-vous cinéma (voir programme), histoire d’apprendre deux ou trois choses de plus sur l’argent, la mort, le pouvoir, la vie et la noirceur de celle-ci.
Juppé, la révolution tranquille
Que tout change pour que rien ne change. L’air de Lampedusa, déclamé par Alain Delon, ambitieux Tancrède du Guépard de Visconti, se démodera-t-il un jour ? Slogan victorieux en 2012, la rime riche du “changement maintenant”, n’est plus que pataquès et l’opinion redouble de vigilance à l’égard de qui, après Hollande, osera encore promettre un virage radical. Sarkozy garantit qu’il n’est plus le même. Pourtant le naturel affleure de meeting en meeting. Il n’est qu’à écouter l’esquisse de son programme, ses supporters, vantant une énergie intacte, et ses détracteurs, déplorant ce même caractère clivant, pour en douter. Bonaparte, de retour d’Elbe, jurait avoir chassé ses démons guerriers. Retenant le sabre jusqu’à Paris, ses 100 jours s’achèveront dans le sang de Waterloo.
Et voilà comment, Alain Juppé, perdreau déplumé d’il y a 30 ans, fait figure de sage rassurant aujourd’hui. L’engouement populaire, selon les sondages, se porte vers celui qui, à 69 ans, a traversé bien des orages. Sa popularité est le signe de son évolution. Avec Sarkozy et Fillon, les apparatchiks de l’UMP ; à lui, l’énarque, les électeurs. Qui l’eût cru ? Lui, le Premier ministre droit dans ses bottes qui faisait descendre le pays dans la rue en 1995 ? Le cassant Juppé se détend et décroche le prix de l’humour politique. Il séduit même au comptoir de Bourdin, sur RMC, et Cohn-Bendit lui promet la voie royale. Ses idées, jeudi, chez Pujadas, n’avaient rien de bouleversant. Mais s’il est élu, le “papy”, réformateur modéré, ne fera qu’un mandat, dit-on. Sans souci de réélection. Ce serait là un changement majeur d’une classe politique en mal de renouvellement. Mieux, une révolution.
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