TOUT EST DIT

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mardi 15 octobre 2013

Brignoles, Marseille ... la montée du ras-le-bol de l'élite parisienne


Le résultat de la cantonale de Brignoles (Var) et celui du premier tour des primaires socialistes à Marseille expriment, chacun dans leur genre, un ras-le-bol des "élites". Il indiquent aussi que le phénomène de rejet des politiques menées successivement s'enracine de plus en plus, faute de résultats jugés probants dans la vie quotidienne.
C'est un sacré aveu. Du fond de l'Afrique du Sud où il est actuellement en déplacement, le président de la République a reconnu, à propos de la victoire du Front National à la cantonale de Brignoles (Var),  "qu'obtenir des résultats" sur le terrain de "l'emploi, la croissance, la sécurité" était "une obligation" pour contrer la progression du Front national.
Son ministre du Travail, Michel Sapin, a enfoncé le clou sur RTL en estimant que cet avertissement visait le gouvernement "comptable de la situation d'aujourd'hui". "Il nous faut absolument (...) entrer dans le temps des résultats", a-t-il ajouté, soulignant que "des résultats, pour les gens, c'est simple, ce n'est pas un pourcentage, ce n'est pas un pourcentage de déficit, (...) ce n'est même pas une balance commerciale, (...) c'est le chômage".
La défiance face aux élites
Car, certes, il y a eu Brignoles, mais ce serait oublier la primaire socialiste de Marseille, tout aussi révélatrice. Voilà, une ministre du gouvernement, Marie-Arlette Carlotti, secrétaire d'Etat aux Personnes handicapées et à l'Exclusion, qui mord la poussière dès le premier tour de cette élection interne en ne se plaçant que troisième derrière Patrick Menucci et, surtout, Samia Ghali.
Pourtant, la ministre était la "tombeuse" de l'UMP Renaud Muselier, éternel dauphin du maire Jean-Claude Gaudin, lors des législatives de 2012. Elle fait partie de la vieille famille socialiste marseillaise (son père était un proche collaborateur de Gaston Defferre). Mais c'est sans doute justement cela qui l'a perdu. Marie-Arlette Carlotti, apparaissait trop comme la candidate de l'élite", celle encouragée par Paris, face à une autre prétendante locale, la sénatrice Samia Ghali, fière représentante des difficiles quartiers Nord de la ville phocéenne.
Ces deux élections, Brignoles et Marseille, si différentes dans leur nature, ont donc un point commun: elles expriment un rejet et un ras-le-bol. Un phénomène qui vient de loin.
Un non au "diktat" de l'Europe
Après 40 ans de chômage de masse, il y a un rejet du politique. Une impression que "rien ne marche" et que tous les gouvernements de droite comme de gauche ont échoué. Un sentiment, pour beaucoup, d'être les laissés pour compte de la mondialisation, cette sorte de Léviathan qui dévore tout. Un malaise nourrit par la  construction européenne, perçue comme une formidable machine à faciliter  la circulation des capitaux et à détruire les emplois.
C'est l'Europe et les élites parisiennes - personnifiées non seulement par l'ensemble du personnel politique mais aussi par les économistes et autres intellectuels de renom - qui sont dès lors responsables de ces plans d'austérité qui frappent les plus faibles, tout en épargnant les plus riches, au nom du nécessaire rétablissement des comptes publics.
Or, le problème est que les 50% de français qui gagnent moins de 1.675 euros ( le salaire mensuel brut médian) n'ont pas vraiment l'impression d'être les responsables de ces déficits publics. Eux qui peinent à boucler les fin de mois. D'où leur dénonciation du fameux "mille feuille" administratif français et de la "gabegie" qu'il entraîne.
Un hiatus entre l'équipe au pouvoir et les Français
Et c'est sans doute là que que le hiatus intervient avec l'équipe en place dirigée par François Hollande. Ce dernier a été élu par un rejet de Nicolas Sarkozy, considéré comme un homme qui parlait fort mais, finalement, agissait peu. Bien qu'il ait peu promis durant sa campagne, François Hollande apparaissait comme l'homme qui allait permettre un changement juste.
Il avait certifié pouvoir obtenir d'Angela Merkel un pacte de croissance européen, pendant du pacte budgétaire. Il prônait également une révolution fiscale, passant, notamment par une fusion entre l'impôt sur le revenu et la CSG. Or, sur le premier point, il a obtenu bien peu... Et le second devra attendre des jours meilleurs.
François Hollande où l'absence d'affirmation d'un cap
Et puis, les faits étant têtus, François Hollande s'est retrouvé, comme son prédécesseur, a devoir gérer le rétablissements des comptes publics. Certes, la chose a été aggravée par le fait qu'en un seul quinquennat, Nicolas Sarkozy ait creusé le "trou" de 600 milliards d'euros supplémentaires. Certes, François Hollande a obtenu un sursis de deux ans (fin 2015) pour ramener le déficit de la France dans la limite des 3% du PIB.
Mais ces faits sont totalement ignorés. Tout comme passent totalement inaperçus les différents frémissements enregistrés sur la situation économique, tant (trop?) mis en avant par l'ensemble des ministres. Pourtant, il est vrai que la croissance repart doucement (0,4% attendu au dernier trimestre), que le moral des chefs d'entreprise se redresse doucement aussi, que le chômage des jeunes - grâce aux contrats aidés - se stabilise, que le commerce extérieur reprend des couleurs...
Des résultats qui apparaissent abstraits
Mais Michel Sapin a raison. Que pèsent ces "pourcentages" dans des villes et régions sinistrées par la désindustrialisation et où le taux de chômage dépasse de deux, voire trois fois, la moyenne nationale (10,6%)?  Et, quand, de surcroit, le gouvernement décide plus de 30 milliards d'impôts supplémentaires en deux ans, pesant essentiellement sur les ménages, l'indice du commerce extérieur ou celui du moral des entreprises apparaissent alors comme totalement abstraits...
Tout comme semblent lointains les pourtant intéressants 34 projets industriels défendus par Arnaud Montebourg, le ministre du Redressement productif. Dans ce contexte déprimé et déprimant qui croit encore au fameux théorème de Helmut Schmidt selon lequel "les profits d'aujourd'hui font les investissements de demain et les emplois d'après demain"?

Bien sûr que François Hollande ne peut faire autrement qu'afficher un certain optimiste et faire preuve de volontarisme. En économie, la confiance est mère de tout et les prophéties auto-réalisatrices existent. Mais alors, il faut donner l'impression d'avoir un cap et de s'y tenir. Et là, l'équipe gouvernementale a de gros progrès à faire. Quand le ministre de l' Économie évoque un nouvel impôt sur l'excédent brut d'exploitation (EBE) des entreprises, pour finalement renoncer à ce projet dans la foulée car le patronat a élevé la voix, ça fait désordre. Et ça donne aussi l'impression que le Medef fixe, maintenant, sa loi à Bercy. 
Idem quand  Manuel Valls, le ministre de l 'Intérieur,  change d'avis comme il change de chemise dans le conflit opposant les taxis aux véhicules de tourisme avec chauffeur (VTC). Même chose encore avec les voltes faces sur les taxes poids-lourds ou diésel. Sans parler dela réforme des retraites ou de nombreux salariés du privé ont l'impression que les "nantis" de la fonction publique et des régimes spéciaux sont épargné par les efforts demandés... Ce qui est inexact mais l'apparence est là.
Sans résultats économiques probants, le PS laminé aux élections de 2014
Bref, un sentiment que le gouvernement mène une politique économique de gribouille, au doigt mouillé. Qu'il est incapable de réduire les inégalités. Qu'il ne "tape" pas là où il faudrait. Qu'il est condamné à éteindre les feux dans l'urgence, comme l'atteste la polémique sur le travail dominical. François Hollande se doit d'intervenir et de fixer avec davantage de solennité ce fameux cap. Il est obligé de parler justice, comme l'y invite de plus en plus de composantes du PS.
Sinon, à ce train là, sans des résultats économiques probants et rapides, et vue l'état de déliquescence de l'opinion, les élections municipales et européennes de 2014 s'annoncent très difficiles pour la majorité en place. Au ministère de l'Intérieur, on estime que la gauche pourrait perdre plus de 200 villes de plus de 10.000 habitants et que le parti de Marine Le Pen pourrait arriver... en tête aux élections européennes de mai.
Brignoles et Marseille où les deux faces d'un même "ras-le-bol".

La « brouillabaisse »

La « brouillabaisse »


Vous connaissez la « brouillabaisse » ? C'est le résultat d'une drôle de cuisine électorale. Une spécialité marseillaise où, dans la grande marmite clientéliste, l'on touille de peu ragoûtants ingrédients : erreurs sur les listes d'émargement, échange d'argent, organisation paramilitaire, ramassage intensif d'électeurs. Ce plat, qui sent hélas le réchauffé, porte un autre nom : celui de primaire socialiste en vue des municipales à Marseille. Disons, pour être tout à fait honnête, que la « recette » a été copiée par d'autres apprentis cuistots arborant la toque UMP, avec un résultat encore moins comestible.
Le seul problème est que cette indigeste tambouille est intervenue le jour où le Front national jouait les chefs dans la cantonale partielle de Brignoles. Double ration de contrariétés pour le PS. Face au désaveu (partagé avec la droite) dans le Var, il aurait aimé se prévaloir d'une exemplarité démocratique à Marseille. Raté. Le pire est qu'en face des irrégularités de cette primaire, promise à un deuxième service explosif, le Premier ministre et les responsables de la rue de Solférino ont opposé un déni sidérant.
La ministre-candidate battue, Marie-Arlette Carlotti, après avoir avoir proféré de graves accusations contre Samia Ghali, arrivée en tête, a baissé d'un ton sur instruction de Matignon. Reste que la ministre n'a pas seulement tiré (à l'arme lourde) dans le dos de sa rivale. Elle a aussi tiré une balle dans le pied du PS. Sans autre conséquence que de se voir confirmer « toute sa place au sein du gouvernement » par un très indulgent Jean-Marc Ayrault.
Il est vrai qu'il n'était pas souhaitable pour lui d'ajouter une crise au camouflet que représente la défaite inattendue de la candidate « officielle » du pouvoir. D'où la volonté d'amortir le choc. Mais une fois de plus, les électeurs (transportés ou non) ont défié les combines d'appareil. Marie-Arlette Carlotti, ministre en exercice, devait-elle briguer la mairie phocéenne au mépris des règles de non-cumul vantées par son gouvernement ? Ce sont de tels accommodements avec les grands principes qui font perdre aux électeurs tout appétit civique.

Pourquoi la France est bien plus proche d'une chute à la grecque que l’Espagne ou l’Italie


  1. Croissance, chômage, moral des entreprises, consommation : tous les voyants de l'économie française sont au rouge. Le pays sous-estime-t-il la gravité de sa situation ?

L'Insee prévoit une croissance presque nulle pour l'économie française au moins jusqu'à la fin du mois de juin, les indices PMI flash de Markit (qui dressent un panorama de l'activité économique) font état de la plus forte chute depuis quatre ans, le tout sur fond de crise chypriote. Faute de croissance, le chômage pourrait atteindre 10,6% en juin selon l'Insee , qui prévoit aussi une stagnation de la consommation - un des moteurs phares de la croissance française - au premier trimestre avant un léger rebond (+0,1%) au second. Résultat, 9 chefs d'entreprises sur 10 ne sont pas confiants, selon un sondage Vivavoice/CCI France/Les Echos/Radio Classique. La France sous-estime-t-elle la gravité de sa situation ? Peut-elle connaitre, à son niveau et avec ses caractéristiques, une grave crise économique comme l'a connu la Grèce ?

Jean-Paul Betbèze : La réponse est oui : nous sous-estimons la gravité de la situation, car ce qui se passe échappe à nos mesures. La France n’a plus de croissance depuis quelques mois, précisément depuis le moment où l’inquiétude est revenue sur la zone euro, avec l’Italie, et la France, avec en sus les annonces d’augmentations d’impôts venant d’ici. Les anticipations des Français ont été durement affectées depuis et ne se relèvent pas. Et les nouvelles qui nous viennent d’Italie et maintenant de Chypre n’aident évidemment pas. Ce qui est en jeu, c’est le moral. Le moral des entrepreneurs, avec moins de stocks et aussi moins d’investissement, et on voit ce qui se passe avec la décélération du crédit, notamment aux petites et moyennes entreprises, le moral des ménages, et on voit la chute de la construction, et aussi le freinage de la consommation.
Ce moral est essentiel, en liaison avec ce qui se passe ailleurs, avec les impôts, avec le chômage. En même temps, et ceci échappe encore plus aux statistiques, tous les agents économiques sont plus aux aguets et réactifs que jamais. La volatilité est entrée plus encore dans les esprits et dans les comportements, avec un raccourcissement des horizons. C’est ce qui est très grave, avec un risque de sur-réaction, si les nouvelles ne sont pas bonnes dans les semaines qui viennent, ou les messages, ou les rumeurs.
Guy Martin : Je ne crois pas que la France sous-estime la gravite de la situation, pas plus ses dirigeants que ses habitants. Lors de la campagne présidentielle il y a un an déjà, François Langlet opposait au candidat Hollande la fantaisie de ses prévisions de croissance a 0,8%; ce à quoi l’intéressé avait répondu du bout des lèvres : de toute manière, s’il n’y a pas de croissance nous n’y arriverons pas, et de répéter comme à lui-même, nous n’y arriverons pas.  Vous voyez, tout était dit il a déjà un an. Le reste n’est que du bruit.
La France traverse déjà une grave crise économique et la question n’est pas tant si elle risque un choque encore plus grave mais quand celui-ci arrivera. La comparaison avec la Grèce s’arrête là. La Grèce est un Etat voyou qui a falsifié ses comptes pour entrer dans l’euro et mis en place une économie de la corruption qui n’a aucune mesure avec ce que nous pouvons connaitre en France. Il faut ajouter à cela un marché noir qui pèse près d’un tiers de son économie. C’est autant de rentrées fiscales qui passent à la barbe d’Athènes. Malgré les idées reçues, l’économie souterraine est très peu développée en France qui est plus vertueuse que l’Allemagne dans ce domaine !
Non, le problème de la France est au contraire le poids de son service public et de la redistribution. Pendant de nombreuses années nous avons financé les excès de celui-ci par la dette et entretenu l’illusion que nous pouvions nous permettre des assurances généreuses et un service publique pléthorique. Ce que nous réalisons aujourd’hui c’est que nous sommes incapable de porter ce poids par nous-même et que 40 milliards d’euros d’impôts nouveaux sont en train de mettre les entreprises autant que les particuliers à genou.
Mais là encore, il n’y a guère de surprise. Le principe de l’Etat providence et de la sécurité sociale a été théorisé en 1942 dans le rapport Beveridge, au Royaume-Uni. Or il y a eu un second rapport Beveridge en 1950 qui précisait que le modèle d’Etat providence n’était viable que dans une économie de plein emploi… cela fait très longtemps que la France n’est plus une société de plein emploi.
Aussi, la question qui se pose à nous depuis 25 ans et de manière urgente aujourd’hui est celle de la refondation de l’Etat providence. Or syndicats, fonctionnaires et de nombreux français ne sont pas près a cela et les politiques le savent… faute de réforme cela sera donc la chute.
Il suffit d’une hausse des taux d’intérêts de la dette française, d’une contraction un peu plus marquée de l’économie ou encore un effondrement  des administrations locales (dont les finances se sont très dégradées avec la crise et la faillite de Dexia). Chacun de ces évènements pourrait arriver dans les 6 prochains mois et déclencher un vent de panique en France et dans le monde.
Pascal de Lima : La France ne connaîtra pas de crise telle que l'a connue la Grèce. Céder à la panique des marchés ou à la défiance des chefs d'entreprise est la même erreur que d'avoir un excès de confiance. La question en soulève deux autres :
a. Les erreurs de prévision jouent-elles un rôle dans l'enfoncement de la situation économique ? 
b. Quel diagnostic peut-on faire de la situation française par rapport à son chômage ?
Sur le point (a), il me semble que les erreurs de prévision contraignent les gouvernements à réajuster constamment leur plan d'austérité ou de rigueur. La prévision n'est pas un exercice facile et la confrontation avec la réalité decrédibilise les orientations de la politique économique. Chaque année, les objectifs a priori risquent de ne pas être atteints, comme le déficit public à 3% pour l'année 2013 en France, parce que les prévisions produisent un écart à la réalité. On sous estime constamment les effets récessifs des plans d'austérité, ce d'autant plus qu'ils sont conjoints. 
Sur le point (b) et la question du chômage en France, il faut comprendre que la France est dans un chômage non pas keynésien mais classique, contrairement à l'Italie et l'Espagne et même la Grèce. Un chômage keynésien se caractérise pas un excès d'offre de biens sur la demande et un chômage. Un chômage classique se caractérise par un excès de demande de biens par rapport à l'offre et un chômage. Ceci est confirmé par certains indicateurs comme la profitabilité des entreprises, la demande de services et la balance courante (au cours des dix dernières années).
Du coté chômage, il faut donc taper sur l'offre et la compétitivité des entreprises en passant par le marché du travail. il me semble très modestement que l'internationalisation des PME TPE, l'allègement des cotisations, le business friendly etc...sont de meilleures mesures que de taper sur le coût unitaire de production par une flexibilité des ajustements salariaux au cycle. D'ailleurs, j'insiste sur cette mesure de l'accord emploi qui consiste à vouloir ajuster les salaires en fonction du cycle. Mesure très dangereuse car il y a toujours une bonne raison de dire que le cycle va mal. Enfin on encre dans le marbre l'idée que la précarité du marché du travail est une réalité bientôt juridique. Soit on propose des vrais jobs avec des vrais métiers, soit on a rien à proposer mais laisser s'engouffrer certains patrons dans la brèche de la flexibilité salariale en fonction du cycle est extrêmement dangereux.
Pour résumer, la crise française tient à un excès de demande de biens et service. Il faut donc conjointement augmenter l'offre de préférence, et éviter de jouer sur les salaires qui comme votre question le dit, jouerait sur la consommation. Il vaut mieux en France que l'offre rejoigne la demande que l'inverse par la baisse de la demande.
Un autre point est que la cause des symptômes du mal français (dette privée, dette publique, balance commerciale) vient d'une exploitation inadéquate de ses avantages comparatifs naturels du fait de défaillances structurelles. La France a un nombre incalculable d'avantages comparatifs naturels qui n'émergent pas à cause des rigidité structurelles. De plus elle est coincée entre l'Allemagne qui lui prend les parts de marché du haut de gamme et la Chine qui lui prend les part de marché du bas de gamme.

Serait-il crédible que le second pilier fort (après l'Allemagne) de la zone euro en vienne à vaciller ? L'Europe pourrait-elle le supporter alors que la BCE a déjà revu à la baisse ses prévisions de croissance pour la zone avec une contraction de 0,5% du PIB en 2013 ?

Guy Martin : Etait-il crédible en 2007 qu’une banque comme Lehman Brothers fasse faillite ? Ou que Chypre qui pèse 0,2% du PIB de l’Europe et ¼ du chiffre d’affaires de Carrefour puisse mettre en danger l’ensemble de la zone euro ? Certes non la zone euro ne supporterait pas la crise qui se profile en France mais ce n’est pas pour autant que cela n’arrivera pas. La zone euro est vouée a s’effondrer. Nous avons regroupé autour d’une monnaie commune des économies trop différentes et avons échoué à les faire converger vers un modèle commun. Les économies du sud –France y compris- ont une tradition d’inflation et dévaluations que l’Euro a rendu impossible au profit des modèles nordiques plus rigoureux. Force est de constater que nous n’avons pas su nous adapter. Et ce n’est pas parce que les conséquences d’un retour aux monnaies nationales dépassent l’imagination que cela n’arrivera pas. 

Jean-Paul Betbèze : L’Allemagne regarde ailleurs pour sa croissance, qui dépend pour moitié de l’exportation, une exportation tirée par l’Asie et, de plus en plus, par les Etats-Unis. En même temps, l’Allemagne joue le tour d’avance, en discutant d’ores et déjà de la question de la compétitivité. Ceci sera plus compliqué pour elle, puisqu’elle va mieux que ces voisins, et que ces voisins freinent, voire baissent leurs salaires. On peut donc avoir plus de tensions sociales que de d’habitude en Allemagne.
Pascal de Lima : La France ne vacille pas mais elle souffre d'une déficience de trois ordres :
- Un manque d'état d'esprit social-démocrate au sens américain (égalité des chances, méritocratie, jeunesse d'esprit - ce qui n'a rien à voir avec l'âge, liberté d'expression, et attention prioritaire aux plus démunis) et non au sens suédois (redistribution massive et sélective). 
- Une atmosphère nauséabonde et stérilisante voire spoliatrice dans bon nombre d'entreprises où la récompense et le mérite ainsi que la reconnaissance sont étouffés pour des raisons très souvent médiocres.
- Une impression que le politique est en roue libre par rapport à la réalité économique. Cela crée une impression hallucinante non pas d'inadéquation de l'offre politique à la demande économique mais d'opacité de l'offre politique, comme si elle manquait d'épaisseur, et d'un endoctrinement des idées (peu de réflexion sur l'évaluation de l'efficacité des politiques publiques, pour l’Europe oui, mais une autre Europe, pour la rigueur oui mais une autre forme de rigueur plus qualitative etc...). Il y a peu d'ouverture d'esprit sur une autre Europe, ou sur une autre forme d'austérité.
En conclusion, la France vacille plus par son comportement et sa psychologie et sa rigidité structurelle que par ses talents et son potentiel. A chaque révision de prévisions de quelque institut que ce soit, il y a un vent de culpabilité stérilisant qui émerge. Pourtant sur le plan économique, avec patience, elle devrait rapidement se relever. Et la France reste une grande économie.

Si cela devait se produire, quelles seraient les conséquences sur l'économie française ? Serait-elle en mesure d'encaisser un choc à la grecque ?

Guy Martin : Non, ni la France ni l’Europe ne seraient en mesure de supporter un choc à la grecque. Le premier effet serait sans aucun doute un appauvrissement général de la population par le biais d’une dévaluation, d’une confiscation des avoirs et d’une forte baisse des revenus de redistribution.
Notre système bancaire ne survivrait sans doute pas au choc. Il faudrait plutôt imaginer un scenario chypriote –que nous savons maintenant possible- même si à l’heure où je vous parle je ne sais pas comment la crise chypriote sera résolue. Nous avons tendance à croire en France que nos banques ont été plus vertueuses que nombre de leurs homologues dans le monde. Ce n’est malheureusement pas tout à fait vrai et nous venons de recevoir un rappel à l’ordre de la part du Fonds monétaire international à ce sujet. Nous étudions depuis 6 mois la situation des grandes banques françaises et le risque qui pèse sur les dépôts dans chacune d’entre elles. Nous venons de publier un rapport détaillé de ces risques et nous avons été plutôt douchés par ce que nous avons découvert. Sans même avoir à envisager un scenario de sortie de l’euro, nos banques pourraient elles aussi nous plonger dans la crise et il est tout à fait envisageable que des restrictions de retraits s’appliquent comme à Chypre ou en Argentine en 2001. Imaginez un instant ce que cela fait de ne plus pouvoir utiliser sa carte bleue… 
Jean-Paul Betbèze : La question française est celle d’une boucle dangereuse entre inquiétude, emploi et budget. La France a décalé d’un an sa cible de réduction du déficit budgétaire, et les marchés financiers, les autres pays, et les agences de notation… vont regarder de près ce qui se passe. Le risque, si la France n’entre pas dans les clous de la modération de la dépense publique, c’est une montée des taux longs par rapport à l’Allemagne. Cette situation n’a rien à voir avec la Grèce. La France a toujours un problème de déficit primaire, toujours un problème de gestion de sa dépense publique, mais elle a, heureusement, plus de moyens d’encaisser économiquement les chocs d’ajustement. La vraie question est politique et psychologique : sommes-nous préparés, sommes-nous au courant, sommes-nous assez unis ?
Pascal de Lima : La France ne vacillera pas du fait de la crise chypriote, on assistera à deux ou trois aléas sur les marchés financiers mais tout devrait entrer dans l'ordre rapidement. Le risque est davantage au niveau des questions que la situation chypriote pose : Finalement l'euro est-il réellement irréversible ? A t-on caché la situation à Chypre ? Les Etats sont-ils consciencieux dans l'attente de fonds mutualisés ? Trop d’Europe tue-t-il l'Europe ? bref des questions très lourdes.

Jens Weidmann, le président de la Bundesbank (la banque centrale allemande, très orthodoxe sur la rigueur budgétaire) déclarait que "le cours des réformes en France semble marquer le pas". La France a-t-elle tout faux dans le choix de ses politiques économiques ?

Guy Martin : Le problème qui se pose à nos gouvernants est cornélien et dure depuis 25 ans au moins. Nous savons bien qu’il nous faut dépenser moins… mais chaque fois que les réformes ont été présentée aux Français elles ont été refusées, au moins par la fonction publique et les syndicats : que ce soit pour la sécurité sociale, les retraites ou l’emploi... chaque réforme depuis les années 1990 a été soit refusée soit vidée de sa substance.Aujourd’hui encore le gouvernement sait que toute réforme aboutissant à une baisse significative de ses dépenses mènerait à un blocage dramatique du pays. Et il n’y a pas dans le paysage politique français un homme d’État ayant la stature pour porter de telles reformes. La France n’est pas et n’a jamais été un pays de réforme. Nous devons aujourd’hui repenser la place de l’Etat dans notre société. Nous devons réinventer l’État providence. Selon moi, cela passera d’abord par sa destruction. 
Jean-Paul Betbèze : La question des réformes n’est pas seulement jugée ainsi par Jens Weidmann, mais aussi par l’OCDE, les marchés financiers, et nombre de Français eux-mêmes. Les partenaires sociaux viennent de signer de premiers accords, ce n’est pas « historique », au sens où ce serait suffisant, c’est « historique » au sens où c’est le tout début. La France, pendant longtemps, a sous-estimé le problème de son déficit budgétaire, puis de son déficit commercial. Elle n’a pas vu (ou pas voulu voir) l’explosion de ses dépenses sociales et moins encore qu’elle avait décroché dans les échanges mondiaux, notamment industriels. Dans sa tête, dans nos têtes, la demande interne, la logique keynésienne, marchent encore – alors que ce n’est pas vrai pour une économie intermédiaire, qui a des coûts de production plus élevés que ses concurrents… et des productions de milieu de gamme…. Donc la politique qui se met en place reste encore insuffisante : ce n’est pas l’impôt qui réduira dans la durée le déficit budgétaire, mais seulement la croissance des entreprises, donc leur profit, donc une nécessaire modération salariale, dans la négociation. Cette révolution des esprits n’est pas encore là : c’est la tâche de nos dirigeants de la mettre en œuvre, dans la clarté et la justice.
Pascal de Lima : On connait des revues scientifiques classées CNRS les principales règles de consolidation budgétaire : un équilibre "coupe dans les dépenses - hausse des impôts" 50/50 bien étalé dans le temps, sur 5 ou 6 ans, pour éviter d'étouffer l'économie, et en général éviter la synchronisation, le fait que tout le monde le fasse en même temps. Ces règles sont maintenant bien connues. On peut prudemment dire sans entrer dans le "y a qu'à faut qu'on" que la seule hausse des impôts ne suffit pas, ce d'autant plus qu'une hausse des impôts a un effet plus récessif qu'une baisse des dépenses.
La baisse des dépenses doit être sélective. Imaginer peut-être une structure autonome d’évaluation de l'efficacité des dépenses publiques comme dans certains pays anglosaxons. Par exemple le prêt à taux zéro, on le sait, est inefficace pour l'accession à la propriété des ménages primo-accédants. Ce sont des études de causalité qui l'ont démontré. Le refus de la relance par l'offre est aussi une erreur de diagnostic. Mais peut-être est-ce encore un peu tôt pour conclure définitivement. J'ai cru comprendre que la question de la baisse des dépenses publiques (et non du ralentissement de sa hausse...) était pour bientôt. Après stigmatiser des familles est une autre erreur et la fonction publique est aussi le symbole de la République française. Tout doit être global et les efforts doivent concerner tout le monde dans une logique dégressive ou progressive pour assurer l'égalité des chances.

L'hommage de Tarantino à Belmondo

Quentin Tarantino a rendu hommage au "roi" Jean-Paul Belmondo, présent lundi soir à l'ouverture du Festival Lumière à Lyon.

Le réalisateur américain Quentin Tarantino était l'invité d'honneur du du 5e Festival Lumière de Lyon. A cette occaison, il en a profité pour revenir sur l'impressionnante carrière de Jean-Paul Belmondo et a rendu hommage au "roi"du cinéma ce lundi 14 octobre.

"Au début d'"A Bout de Souffle" de Jean-Luc Godard, on voit un jeune acteur devant une affiche de cinéma, qui rêve de devenir un jour Humphrey Bogart. Durant les 20 années suivantes, on a tous espéré devenir un jour Jean-Paul Belmondo", a dit le réalisateur devant le comédien français.

Un double hommage

"Les films de la Nouvelle Vague, les films d'action, les films policiers (...) Belmondo les a tous faits. Avant que Jackie Chan ne fasse ses propres cascades, Belmondo faisait les siennes. Belmondo, ce n'est pas seulement le nom d'une star de cinéma, ce n'est pas seulement le nom d'un homme, c'est un verbe, qui représente la vitalité, le charisme, une force de l'Esprit. Cela représente la "supercoolitude". Voilà ce que veut dire Belmondo ! Voici le Roi !", a crié Tarantino.


  1. Le réalisateur Bertrand Tavernier, président de l'Institut Lumière, avait auparavant fait l'éloge de Belmondo. "Je voudrais remercier tout le monde après un hommage pareil, c'est formidable", a répondu le comédien.

130 films en une semaine

Le 5e Festival Lumière, qui remettra un prix au réalisateur de "Pulp Fiction" et "Reservoir Dogs", s'ouvrait lundi soir à la Halle Tony Garnier avec une projection d'"Un Singe en Hiver" d'Henri Verneuil, avec Jean-Paul Belmondo et Jean Gabin. Plusieurs autres films de Belmondo seront projetés parmi les 130 programmés durant la semaine du Festival, entièrement dévolu au cinéma classique, avec notamment des rétrospectives du réalisateur suédois Ingmar Bergman et de l'américain Hal Ashby.

Thierry Frémaux, directeur de l'Institut Lumière qui organise le festival, a aussi rendu hommage au format 35 mm en exhibant sur la scène un cinématographe Lumière, tandis que le public de la Halle se voyait offrir un morceau de pellicule d'une copie d'"A Bout de Souffle". "Tronquée et non projetable", a souligné Frémaux, également délégué général du Festival de Cannes.

A VOIR

L'Europe en débat

L'Europe en débat

Les sondages sont unanimes, les élections intermédiaires le confirment, les élites le redoutent : un vent nationaliste souffle en Europe. En France comme en Autriche. Au Royaume-Uni comme en Finlande. En Hongrie comme en Grèce. Un vent hostile à la construction européenne, coupable d'être trop compliquée, inefficace, bureaucratique.
Il faut dire que l'objet « Europe » se prête admirablement bien au bulldozer anti-système actuellement à l'oeuvre à tous les étages. Les institutions européennes ne sont pas les seules à être minées par la crise de crédibilité qui frappe les élus. Loin de là. Toutes les enquêtes montrent que le manque de confiance dans les classes politiques nationales est encore plus marqué. Mais l'Europe ajoute une particularité redoutable. Sa complexité, incontournable.
Non pas que le fonctionnement de Bercy ou d'un conseil régional soit un monstre de simplicité. Mais les dirigeants européens n'ont pas trouvé mieux comme paratonnerre que de parler de « Bruxelles ». Dès lors, c'est l'administration, « Bruxelles », qui communique. Fiasco annoncé. Comme si on demandait à un directeur général d'administration centrale de se faire tribun. De parler au peuple. De forger un sens politique.
Même les partisans les plus fervents de la construction européenne en conviennent. Cette Europe-là doit être réformée. La demande de simplicité des électeurs est légitime. Ne pas y répondre, c'est faire le lit des simplismes. Or, le propre du simplisme (mot plus utile que populisme car le peuple n'est pas en cause dans tout cela), c'est de tuer le débat. Liquider l'affaire. Donner pour entendu, sous le coup de l'émotion, ce qui ne l'est pas nécessairement. Profiter de l'exaspération légitime des électeurs frappés par la crise ou par le désintérêt ancien des pouvoirs publics pour injecter une dose de politique pulsionnelle. De colère. De peur.
Instaurer le débat est pourtant le fondement de toute démocratie. C'était le sens des Journées de l'Europe organisées à Bruxelles, la semaine passée, par le Nouvel Observateur. On n'y a pas vu seulement quelques grands anciens ou quelques technocrates. économistes, écrivains, artistes, entrepreneurs, ministres... une centaine d'invités venus de nombreux pays ont débattu. Devant un public plus jeune et plus nombreux que prévu. Exigeant et inquiet.
L'inquiétude vient des signaux qui affluent de toute l'Europe. Beaucoup redoutent que le prochain parlement européen ne soit composé, à 30 ou 40%, de députés essentiellement désireux de saborder le système. En somme, que l'élection européenne soit davantage l'occasion d'une sorte de référendum contre l'Europe, que d'un choix politique.
Quant à l'exigence exprimée durant ces journées, c'est celle d'une plus grande clarté. Faut-il se résigner au simplisme ou débattre point par point des enjeux ? De finance ? De droits ? De travail ? De lutte contre la criminalité ou l'illégalité ? Sur ces points, et de nombreux autres, les solutions nationales sont-elles pertinentes ? Le magistrat, sans mandat d'arrêt européen, sera-t-il plus efficace ? L'étudiant, sans une année Erasmus, mieux préparé ? Le trader, sans les 28 résolutions adoptées par « Bruxelles » depuis quatre ans, mieux encadré ?
L'Europe, dans ce débat, n'est qu'un échelon. Ni plus ni moins essentiel que la collectivité locale ou l'Etat national. C'est sur ce que l'on veut en faire que doit porter le débat. Il est encore temps.

"Brignoles n'est qu'un début"

"Brignoles n'est qu'un début"


Les résultats de la cantonale partielle de ce week-end sont la concrétisation des dégâts sociaux et du marasme économique provoqués par le gouvernement.

Il va falloir s'y faire, Brignoles n'est qu'un début. N'exagérons pas, le drapeau du Front national ne flottera pas demain sur un nombre important de mairies, et si des législatives avaient lieu aujourd'hui, les élus FN ne parviendraient peut-être même pas à former un groupe parlementaire, même si au niveau national le parti arrivait en tête au premier tour. Car ce n'est qu'un pouvoir de nuisance qu'il exerce pour le moment, tant que les institutions et les pesanteurs du passé lui interdiront de concrétiser son avantage. Certes, le front républicain a du plomb dans l'aile, mais ne projetons pas prématurément à la dimension du pays et à terme de plus de trois ans une situation locale particulière dans un contexte économique lui-même particulier.
Le fait est là, néanmoins : le désordre politique s'est installé enFrance. Il rend aléatoire toute prévision. Tenons-nous-en à une analyse libérée de toute passion et de toute illusion. Laissons à leurs auteurs les commentaires oiseux du type "les Français n'ont pas confiance en eux" (Michel Sapin). Non contents de perdre, les socialistes rejettent sur le peuple une responsabilité qu'ils n'ont même pas le courage d'assumer. Les chiffres sont là pour prouver que, tout simplement, les Français n'ont plus confiance dans la gauche qui les gouverne.

Les leurres de la gauche n'ont qu'un temps

La politique de François Hollande a provoqué des dégâts sociaux, a accusé le marasme économique, a alourdi la charge fiscale, a divisé le pays sur les problèmes de société, un point, c'est tout. La crise identitaire a fait le reste, favorisée par cet abaissement, cet appauvrissement, par ce sentiment d'abandon qui a gagné le pays auquel on promettait une République juste et exemplaire. Au gâchis qu'elle a créé, la gauche a répondu par l'exaltation des valeurs morales. Ces leurres-là n'ont qu'un temps, la preuve en est faite aujourd'hui. C'était à la droite de relever le défi et de retourner en sa faveur, en s'unissant et en se reconstruisant, les procès qu'instruisait contre elle la gauche. Elle n'en a eu ni l'intelligence ni le courage.
Le Front national est le produit de ces faiblesses et de ces errements. Il ne vit et ne prospère que sur eux. On sait ce qu'il faut opposer aux illusions qu'il offre au pays : une politique claire, propre à redonner aux Français non pas confiance en eux mais confiance dans leur avenir, c'est-à-dire ces reformes élémentaires que nos voisins, Allemagne et Angleterre, ont mises en oeuvre. C'était simple à faire, cela l'est encore. Ce n'est pas question d'idéologie, mais de réalisme.

Brignoles : le Front national renverse le « front républicain »

Brignoles : le Front national renverse le « front républicain »

Selon l’expression chère aux turfistes : il n’y a pas photo ! Au deuxième tour de l’élection cantonale partielle de Brignoles le candidat frontiste, Laurent Lopez, l’a nettement emporté, avec 5 031 voix (53,9 %) sur la représentante de l’UMPS, Catherine Belzers : 4 306 % des suffrages (46,1 %). Candidate officielle de l’UMPS puisque le PS appelait à voter pour elle, au nom du fameux front dit républicain. Un « front républicain » qui, dimanche, s’est fracturé à Brignoles dans le grand fracas de joie des nationaux clamant « On est chez nous ! ». Le même jour, Le Monde titrait fielleusement « Municipales : le FN en panne de candidats. » Avec ce sous-titre tout aussi acrimonieux : « Alors que la formation de Marine Le Pen prétend être “le premier parti de France”, le FN peine à boucler ses listes… ». Comme la présidente du Front l’a elle-même remarqué dimanche soir sur LCI, « à six mois du scrutin, aucun parti n’a encore bouclé toutes ses listes ». Mais quand il s’agit du mouvement national, les manchettes du Monde sont toujours assénées comme autant de coups bas. En tout cas, dimanche, c’est l’UMPS qui était en panne. Non pas de candidats — sa représentante, Catherine Belzers, « s’est bien battue et a fait une belle campagne », l’a courtoisement salué Laurent Lopez — mais en panne de suffrages.
Il ne s’agit, certes, que d’une élection cantonale mais, comme l’a signalé Bruno Gollnisch, « quel signe » ! Signe qu’un boulevard s’ouvre devant le FN et que les électeurs peuvent s’y engouffrer. Marion Maréchal Le Pen soulignait, elle, que cette victoire « faisait sauter pour le FN le verrou du scrutin majoritaire ». Quel que soit le mode de scrutin, le FN a désormais suffisamment de force électorale pour s’en accommoder.
Défaite d’autant plus cruelle pour la candidate UMPS que, durant la première demi-heure du dépouillement, le taux de participation étant fortement supérieur à celui du premier tour, les médias se réjouissaient : le Front républicain, grâce à cette baisse de l’abstention, allait l’emporter. Et puis, patatras ! Au final, c’est le Front national qui décroche la timbale, avec sept points d’avance. Quel front !

Primaire socialiste à Marseille : Carlotti éliminée !

On votait aussi dimanche à Marseille, où le PS local organisait sa primaire à deux tours pour désigner son candidat ou sa candidate aux prochaines municipales. Une élection sur laquelle planait l’ombre des affaires judiciaires touchant plusieurs barons locaux. Notamment le « parrain » Jean-Noël Guérini, titulaire de trois mises en examen, dont deux pour « association de malfaiteurs ». Et la « marraine » Sylvie Andrieux, condamnée en mai dernier à un an de prison ferme pour « clientélisme ». Peine dont elle fait appel.
Surprise (ou demi-surprise) donc, à Marseille. Marie-Arlette Carlotti, ministre délégué aux affaires, chargée des personnes handicapées, soutenue à fond par François Hollande, partait comme favorite — mais, pour sa part, non sans inquiétude — de ce premier tour. Inquiétude justifiée puisqu’elle se retrouvait dimanche soir devancée par le député maire du 1er secteur Patrick Mennucci et surtout par Salia Ghali, grande gagnante de cette première manche. Mais gagnante controversée. Avant même le début du dépouillement, Mme Carlotti lançait contre Salia Ghali, sénateur socialiste et star incontestée des quartiers nord, de graves accusations, dont celle d’un « clientélisme effréné ». Comme Sylvie Andrieux ? Oui, puisque Marie-Arlette Carlotti étayait cette accusation avec des affirmations très rudes, dénonçant pêle-mêle la vingtaine de bus qui, toute la journée, ont fait la navette pour transporter vers les bureaux de vote les électeurs de Salia Ghali. Mme Carlotti a aussi parlé « d’échange d’argent », « d’intimidation », « d’organisation quasi paramilitaire » et cela « en toute impunité ». Une opération conduite par les caïds des cités, mais dont Jean-Noël Guérini semble avoir tiré les ficelles. Salia Ghali, il est vrai, ne craint pas l’organisation militaire puisque, l’année dernière, elle suggérait d’appeler l’armée pour lutter contre l’insécurité.
Un autre candidat, Christophe Masse, fils de Marius Masse, pilier du socialisme marseillais à l’époque de Gaston Defferre, aurait lui aussi eu recours au très à la mode « covoiturage ». Mais d’une façon plus artisanale et moins encadré. Tandis que chez Salia Ghali, son opération « quasi militarisée » prenait un peu des allures de « taxis de la Marne »… Ou de la Canebière ? Cette politique de transport en commun a fait dire à un commentateur : « La démocratie progresse malgré tout chez les socialistes marseillais. Avant, ils bourraient les urnes. Maintenant, ils bourrent les bus. »
L’évincement de la candidate ministre constitue un handicap de plus pour le gouvernement. Un autre exemple de son rejet, même auprès des électeurs socialistes. 82 % des Français ont, selon un sondage du Parisien, une mauvaise image de l’équipe de France de football. Ils partagent apparemment la même déplorable impression pour l’équipe des bleus à l’âme du capitaine Hollande…
Les deux autres impétrants de la primaire socialiste non encore cités ? Eugène Caselli, ex-premier secrétaire fédéral PS des Bouches-du-Rhône et le député Henri Jibrayel (dont l’assistante parlementaire est en délicatesse avec la justice). Du petit poisson, vite rejeté à la mer par les électeurs socialistes…

D’un naufrage l’autre

A propos de Méditerranée… Une semaine après le naufrage dans lequel 359 migrants illégaux érythréens et somaliens ont trouvé la mort au large de l’île de Lampedusa, un nouveau bateau chargé de clandestins sombrait vendredi, entre Malte et la Sicile, portant à 405 le nombre des victimes. Venu mercredi, au nom de l’Union Européenne, déposer sa couronne mortuaire au pied des cercueils, José Manuel Barroso s’est fait huer. Comme si l’UE, incapable de dire « stop ! » à « l’immigration invasion » sombrait, elle aussi, à Lampedusa. Tandis qu’en France, dimanche, c’était au tour l’UMPS et de son « front républicain » de faire naufrage. Victime, comme l’UE, entre autres causes, de son impuissance (et de sa complaisance) face aux vagues de l’immigration et à leurs terribles conséquences…