TOUT EST DIT

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lundi 7 mai 2012

Merkozy et Merkollande, blanc bonnet et bonnet blanc?

Angela Merkel pourra s'inspirer pour ses relations avec François Hollande de celles qu'elle a construites avec Nicolas Sarkozy. Elle a su alors faire des concessions utiles, mais sans grandes conséquences, pour imposer ses vues tout en ménageant son partenaire français.

Angela Merkel a sans doute connu des situations plus confiortables. Car si son camp a limité la casse dans l'élection régionale du Schleswig-Holstein, sans pouvoir néanmoins signer une victoire, ce dimanche électoral européen a tourné au référendum anti-Merkel. Il y bien sûr eu le vote grec qui a sanctionné les partis signataires de « l'aide européenne » mise au point par Paris et Berlin. Mais en en France aussi, l'importance du thème de la croissance dans les dernières semaines de la campagne laisse peu de doutes sur le fait que l'élection du candidat socialiste constitue implicitement un rejet de « Merkozy ».
Eviter l'affrontement avec Paris
Impossible évidemment pour la chancelière de ne pas tenir compte de cette nouvelle donne. D'où ce ton plus apaisé dans la forme envers le nouveau locataire de l'Elysée. Cette volonté d'en venir « rapidement à de bonnes relations de travail », ces ouvertures sur un « pacte européen de croissance », cette assurance que « la coopération franco-allemande est essentielle pour l'Europe, cette invitation de François Hollande à Berlin dès le 15 mai, date de son entrée en fonction... Tout ceci montre la volonté de la chancelière de ne pas aller à l'affrontement avec Paris.
Situation intérieure allemande
Pour autant, toutes ces ouvertures sont d'abord formelles. La marge de manœuvre d'Angela Merkel est extrêmement faible sur le plan intérieur. Son électorat ne supporterait aucune relance de type keynésienne, aucun type d'Eurobonds, aucune anicroche à la sacro-sainte indépendance de la BCE. Bref, l'électeur conservateur allemand est allergique au programme de François Hollande. Un coup d'œil à la presse de ce lundi outre-Rhin suffira à s'en convaincre.
Or, la seule force actuelle de la chancelière, ce sont ces électeurs traditionnels de la CDU et de la CSU qui aujourd'hui représentent entre 33 et 37 % de l'électorat. Tant qu'ils lui restent fidèles, Angela Merkel semble assurée l'an prochain de demeurer en place. Elle pourra changer de coalition, s'allier avec les Sociaux-démocrates plutôt qu'avec les Libéraux, mais elle restera le leader de la première force politique du pays. Et les alternatives, soit une alliance à trois avec le SPD, les Verts et les Pirates ou les Libéraux semblent peu crédibles aujourd'hui.
Angela Merkel ne cédera pas sur le fond
Cet électorat n'est pas entièrement acquis. Lorsque Angela Merkel a dû accepter de verser une aide à la Grèce et un système permanent de sauvetage de l'euro, la côte de la CDU a nettement reculé. En octobre dernier, la CDU était à 31 % d'intentions de vote selon le sondage hebdomadaire de Stern. Grâce à la fermeté affichée sur le nouveau traité budgétaire, les Chrétiens-démocrates sont remontés jusqu'à 38 % en mars. Ils sont aujourd'hui à 35 %. Il est essentiel pour la chancelière de se renforcer dans cet électorat. Elle ne peut donc en aucun cas lâcher du lest face à François Hollande sur le traité budgétaire. C'est pourquoi elle a réaffirmé ce lundi que toute renégociation était exclue et qu'elle rejetait tout plan de relance keynésien.
Certes, Angela Merkel est une pragmatique pure et dure. Pour parvenir à ses objectifs, elle est capable de brûler les idoles qu'elle avait érigées elle-même peu auparavant. C'est ce qui surprend toujours les observateurs internationaux. Elue en 2005 sur un programme « thatchérien », elle a gouverné à merveille jusqu'en 2009 avec les Sociaux-démocrates. Elle avait alors organisé deux plans de relance d'envergure avant de se convertir aux baisses d'impôts massives au début de son alliance avec les Libéraux, puis d'affirmer l'austérité à partir de mai 2010.
S'inspirer du modèle « Merkozy »
Verra-t-on alors bientôt une Angela Merkel convertie à la croissance façon François Hollande ? C'est peu probable, car ce n'est pas son intérêt et aujourd'hui et il peut lui dicter de faire volte-face. Pour autant, il ne peut être question d'entrer dans un conflit ouvert avec la France qui déstabiliserait la zone euro et donnerait surtout l'impression toujours fâcheuse d'une domination allemande. L'équilibre du couple Paris-Berlin est indispensable à la politique européenne allemande pour repousser toute accusation d'hégémonisme. Pour Angela Merkel, le modèle de sa relation avec François Hollande, ce sera sa relation avec Nicolas Sarkozy.
Un couple très chahuté

Qu'on se souvienne en 2007 : le nouveau président français avait frôlé l'incident avec le ministre allemand des Finances d'alors qui lui reprochait sa politique budgétaire. En 2008, nouveau coup de froid entre Paris et Berlin sur la question de la relance de l'activité après la faillite de Lehman Brothers. En 2010 enfin, la crise grecque avait ravivé les différends entre les deux pays sur la stratégie à mener. Nicolas Sarkozy et Angela Merkel ne s'appréciaient alors guère. Mais la chancelière a su renverser la vapeur : elle a adopté des mots de son partenaire français, comme la « gouvernance économique » pour y mettre son propre contenu.
Là où Paris entendait une gestion étatique de l'économie, Berlin y a mis du contrôle budgétaire strict et une règle d'or européenne à l'allemande. Ajoutez à la présentation de propositions communes et quelques concessions sans conséquences majeures (pas de contrôle européen des règles d'or, mais une inscription dans les constitutions) et le tour est joué : Merkozy était né. Nicolas Sarkozy pouvait avancer la tête haute comme le restaurateur de l'amitié franco-allemande et Angela Merkel pouvait présenter à ces compatriotes les résultats obtenus.
En attendant Merkollande
Nul doute que la chancelière va tenter le même tour de passe-passe cette fois avec François Hollande. On ne touchera pas au traité budgétaire, mais on préparera un « pacte pour la croissance et l'emploi » où l'on distribuera quelques milliards des fonds structurels non utilisés et où l'on promettra quelques réformes favorables à la croissance. Sans doute ceci sera suffisamment vague et sans conséquences. Mais François Hollande pourra se vanter d'avoir converti la chancelière à la croissance tandis qu'Angela Merkel aura sauvé l'essentiel avant le scrutin fédéral d'octobre 2013. Il est vrai que, malgré le succès électoral de ce week-end des opposants à la politique allemande, la faiblesse de la situation française ne donne guère au nouveau locataire de l'Elysée le poids de faire fléchir réellement la chancelière.

Nicolas Sarkozy arrête définitivement la politique

Le président sortant Nicolas Sarkozy a confirmé lundi aux poids lourds de la majorité qu'il quittait la vie politique et livré son regard sur sa défaite.

De l'émotion. De la gravité aussi. Nicolas Sarkozy a reçu son comité de campagne lundi à 14 heures, à l'Élysée. Une vingtaine de personnes, dont François Fillon, Jean-François Copé, et les représentants des différentes sensibilités, ainsi que des ministres et ses principaux collaborateurs, dont sa plume Henri Guaino. Le président sortant les a reçus à l'heure dite. La réunion a duré une heure. Fatigué, le teint gris et les traits marqués, Sarkozy a toutefois fait bonne figure en se montrant calme et serein, au lendemain d'une défaite à laquelle il a cru jusqu'au bout pouvoir échapper. Il a une nouvelle fois confirmé qu'il arrêtait la politique: «Une page se tourne pour moi, a-t-il confié. Je ne serai pas candidat aux législatives, ni aux élections à venir.» Il a ajouté, dans un sourire: «Soyez rassurés, je renouvellerai ma carte (de l'UMP) et je payerai ma cotisation. Mais je quitte l'opérationnel.»
Pour être bien sûr qu'il avait compris, un ministre s'est tourné vers un proche collaborateur du président: «Ça veut dire qu'il arrête définitivement, c'est ça?» «Oui, c'est très clair, tu n'avais pas compris?», a répondu ce proche du président. «Il n'a pas voulu que cela soit brutal, comme Lionel Jospin, il l'a donc annoncé différemment dimanche soir aux militants», décrypte un ancien ministre.

«Ne vous divisez pas»

Le président sortant ne s'est pas montré amer. Il a jugé qu'il ne s'en était pas si mal sorti, eu égard à ses homologues européens, tous balayés par la crise. «Bien sûr, cela aurait été mieux de gagner, mais voyez comment ont perdu tous les sortants. Notre échec n'a pas été une humiliation, ce que prédisaient pourtant toute la presse et les sondeurs, dimanche compris…» Il a ajouté qu'il «aimait trop la vie pour être amer». Et recommandé à ses troupes de se montrer unies, en vue des législatives. «Ne vous divisez pas: des petits chefs, des petites équipes, ça tire tout le monde vers le bas.»
Sarkozy a reconnu que s'il ne tenait qu'à lui, il serait parti plus vite: «Si j'avais pu, je serais parti dès demain, mais il y a des traditions à respecter. Je les respecterai et la passation des pouvoirs aura lieu avec François Hollande, comme elle a eu lieu entre Jacques Chirac et moi», a-t-il noté en substance. Il a expliqué qu'il avait invité son successeur à venir à la cérémonie du 8 mai: «Quand on prend de la hauteur, on tire tout le monde vers le haut», a-t-il souligné.
Le président sortant est revenu sur la campagne: «une campagne dure, avec beaucoup de coups reçus». Mais il s'est félicité du résultat serré entre Hollande et lui. «Je vous l'avais dit, ça a été presque possible. Ce qui prouve que je ne vous avais pas menti. On n'était pas si loin.»
Nicolas Sarkozy a souhaité que la presse le laisse tranquille rapidement. «J'espère vivre un peu normalement, a-t-il conclu. J'ai perdu les élections mais les journalistes continuent de m'empêcher de faire un pas. Impossible de déjeuner au restaurant en famille. Je suis épié… J'espère qu'on me laissera un peu tranquille.» Il a conclu en disant: «On ne se quitte pas tout à fait, j'aurai le plaisir de vous revoir, pour parler du bon vieux temps.»

Nicolas Sarkozy a 57 ans. En se référant à la réforme des retraites qu'il a lui-même voulu, il n'a donc pas encore l'âge de partir à la retraite et, à l'instar de Valéry Giscard-d'Estaing qui a quitté l'Elysée à 55 ans, le président sortant peut encore faire quelques projets. Dimanche soir, devant ses militants de la Mutualité à Paris, il a expliqué que son "engagement" serait "différent", qu'il "serait toujours à leurs côtés". Les mots sont suffisamment ambigus pour laisser planer le doute. VGE ne s'était pas reconverti, poursuivant sa carrière à la tête de l'UDF et dans les arcanes de l'Assemblée nationale, où il occupait encore la présidence de la commission des Affaires étrangères en 1997, avant l'arrivée de la gauche aux affaires. De 2001 à 2004, la figure centriste avait même porté le projet de Constitution européenne, rejeté par voie référendaire en France et aux Pays-Bas.
Nicolas Sarkozy peut-il en faire autant? En coulisses, le choix du président-candidat est clair. "Je ne serai plus jamais candidat aux mêmes fonctions et je ne mènerai pas la bataille des législatives", a-t-il déclaré aux cadres de l'UMP, dimanche après-midi, selon un ministre cité par l'AFP. Cette affirmation, prise au sens strict, indique que Nicolas Sarkozy ne participera à aucune campagne à venir. A l'exception d'une campagne en 2014 pour un mandat d'eurodéputé, seule fonction élue au suffrage universel direct qu'il n'a jamais occupée.

"J'aurai fait une très belle vie politique"

Le président sortant n'a en effet pas annoncé son retrait de la vie politique. A en croire un proche collaborateur interrogé par Le Point, "il ne peut pas couper les ponts à la façon de Jospin comme en 2002", l'UMP risquant l'implosion dans le cas contraire. "Le parti repose sur deux jambes, la droite humaniste et la droite populaire, qui doivent s'élancer dans la même direction pour pouvoir courir", confiait Jean-Pierre Raffarin dimanche soir au JDD.fr, avant de mettre en garde contre les conflits internes. Nicolas Sarkozy a su réconcilier ces deux familles en 2007, avant de privilégier la seconde lors du tournant sécuritaire de son mandat, à l'été 2010. S'il quitte sa famille, il compte donc assurer sa succession, Jean-François Copé, François Fillon et Xavier Bertrand se disputant déjà les clés du parti.
Quid de Nicolas Sarkozy? Dès le début de l'année, il n'avait pas fait de mystère sur une possible reconversion en cas de défaite. "Si les Français devaient ne pas me faire confiance, est-ce que je devrais continuer dans la vie politique? La réponse est non. Ces carrières qui n'en finissent pas, cela aboutit à des jeunes qui ne peuvent pas monter. Si tel n'est pas votre choix, je m'inclinerai et j'aurai fait une très belle vie politique", expliquait-il alors à Jean-Jacques Bourdin sur BFMTV-RMC.

Le désir de l'argent

Avocat de formation, Nicolas Sarkozy n'a jamais renié son envie de travailler dans le monde des grandes entreprises. "Moi aussi, dans le futur, je voudrais gagner de l'argent", avait-il déclaré en novembre 2011, lors d'un sommet du G20 à Cannes, cité par Le Monde. Et de préciser, à l'adresse de ses proches : "Je suis avocat, j'ai toujours eu un cabinet et je suis passionné de tas de choses. En tout cas, je changerai de vie complètement, vous n'entendrez plus parler de moi!" Philippe Ridet, dans son livre Le Président et moi (Albin Michel, 2008), évoquait déjà une confidence, datant de 2005, de celui qui était encore ministre de l'Intérieur : Nicolas Sarkozy se vantait alors de pouvoir être embauché par Martin Bouygues "du jour au lendemain".
En 2008, un indiscret du Point faisait écho d'une autre confidence du chef de l'Etat : "Quand je vois les milliards que gagne Clinton! (…) Je fais (président) pendant cinq ans et, ensuite, je pars faire du fric, comme Clinton." Mais, depuis cette date, Nicolas Sarkozy s'est vanté d'être devenu président, d'avoir appris de ses présidences successives de l'Union européenne et du G8-G20. Et son discours de dimanche soir laisse la porte ouverte à une carrière dans les institutions politiques internationales. "Nicolas Sarkozy est un homme d’action, pas de débat", analyse pour leJDD.fr Gero Von Random, correspondant pour le journal allemand Die Zeit à Paris. Nicolas Sarkozy pourrait toujours être tenté par un retour en 2017.

La présidence « normale », c'est maintenant 

Entre deux hommes, deux styles, deux programmes, les Français ont choisi le plus rond, le plus rassembleur, le plus « normal ». Ils ont préféré l'anti-héros provincial à l'hyperprésident énergique mais déroutant, campé sur ses certitudes. Celui-ci leur proposait une continuité, un volontarisme ; celui-là un changement raisonnable et juste, une gauche modérée. Dix-sept ans après la fin de l'ère Mitterrand, le désir d'alternance l'emporte et du reste l'électorat de gauche s'est montré discipliné dans les urnes. Sarkozy n'a pas réussi l'impossible pari, pas trouvé l'électrochoc. Il a certes grignoté entre les deux tours sans susciter l'indispensable surcroît de mobilisation. C'est un homme neuf qui accède à la fonction suprême. Il n'y est pas porté par une vague. Sa victoire est cependant assez nette pour garder les mains libres. Mais elle est dénuée de ferveur, de chaleur - le vote blanc en atteste -, signe que les Français ne croient pas à l'homme providentiel et ne se font pas d'illusions sur la magie de l'alternance en temps de crise. La crise, c'est elle qui a vaincu Sarkozy. Pas seulement. Son immodestie, son mode de présidence ont dérouté. Trop de ruptures, de louvoiements, de concessions aux valeurs. Il s'est surestimé, il a sous-estimé un adversaire parti de loin, dont on ne donnait pas cher il y a un an. L'apparatchik blagueur de Solférino s'est fondu habilement dans l'habit présidentiel, il a réalisé un sans-faute dans une campagne prudente. Oh, il n'a pas réenchanté ! Il a rassuré, assuré, exploité l'impopularité du sortant. Hollande, c'est maintenant. Maintenant que les difficultés commencent...

"Pas de chèque en blanc pour Hollande en période de crise"

 ET DÉBUT DE DÉMAGOGIE AU PS

Nicolas Sarkozy a été le premier à s'exprimer, peu après 20h dimanche. Il a déclaré assumer la défaite et rendu hommage à François Hollande. Une attitude très différente de celle de Valéry Giscard d'Estaing, qui en mai 1981, voyait sa défaite comme une injustice.

Nicolas Sarkozy a été battu à la fin de son premier mandat. Avant lui, seul Valéry Giscard d’Estaing avait été dans la même configuration, en 1981, lorsque François Mitterrand avait été élu. Cette comparaison est-elle valable ?

Christophe de Voogd : Il y a une analogie de situation qui est assez frappante. Valéry Giscard d’Estaing, dans son discours de départ, avait parlé d’une « crise sans précédent depuis 50 ans » : Nicolas Sarkozy a repris ce thème, pour les mêmes raisons. Le score de ce second tour est également quasiment identique à celui de 1981. On retrouve aussi les « faux amis » qui vous font perdre… Des gens qui ont choisi le camp adverse. En 1981, c’était Jacques Chirac ; cette fois ci c’est François Bayrou. Par ailleurs, toute la campagne de 1981 s’était faite sur l’anti-giscardisme, avec les affaires, les diamants…
Mais comparaison n’est pas raison. On est 30 ans plus tard. Il y avait un score de la gauche au premier tour  et un enthousiasme populaire bien supérieurs en 1981 que j’ai vécu en direct à la Bastille. Le facteur Front national est totalement nouveau, et les personnalités sont très différentes. Sarkozy fera sans doute un autre discours au moment de quitter ses fonctions, mais son premier discours peut déjà être comparé à celui de Giscard.

Quels sont les points communs entre le discours de Nicolas Sarkozy et celui de Giscard, prononcé deux jours avant de quitter l’Elysée, dont on se souvient surtout de son « au revoir » ?

Justement ! Ce n’était pas un « discours d’adieu ». Il l’est devenu rétrospectivement dans la mémoire collective, car Giscard n’est jamais revenu, mais le contenu et le message du discours étaient bien « au revoir ». Giscard d’Estaing avait choisi de faire ce discours 7 ans jours pour jour après son arrivée au pouvoir, pour faire son bilan. Tout son discours est orienté sur le thème : « mon bilan est bon, on m’a fait une injustice. Vous allez me regretter. Et je suis prêt à revenir » Il était encore jeune. Son calcul était que la gauche allait être une catastrophe, et qu’il reviendrait en sauveur.
 Nicolas Sarkozy a eu une toute autre approche. Son discours est très personnel et beaucoup plus émotionnel que celui de Giscard. Il est aussi plus républicain. Giscard parlait de lui dès le début de son discours, alors que Sarkozy a commencé par rendre hommage à son successeur, sur le thème qu’il a toujours décliné selon lequel « le choix du peuple est toujours le bon ». Son discours était très fair-play, alors qu’il y avait beaucoup d’amertume dans celui de Giscard, tant dans le verbe que dans le non-verbal, le ton, la pose très solennelle. Sarkozy était beaucoup plus animé, plus personnel. Il présentait un côté du personnage que l’on a méconnu, celui de quelqu’un extrêmement émotif, pour le meilleur comme pour le pire. Ce soir c’était pour le meilleur. Il a reconnu et assumé sa défaite. Pour VGE, la défaite était un malentendu. Sarkozy n’a pas dit que la sienne était une injustice. Il en a même assumé la responsabilité.  Sur leur bilan, il y a par contre des points communs : ils ont l’un et l’autre traversé une crise, et pensent l’avoir plutôt bien gérée. Ce qui sur le fond est difficilement discutable…
A mon sens, la grande erreur de la campagne de Sarkozy a été de ne pas assumer très tôt son bilan. Car non seulement, il n’est pas mauvais, mais en plus la gauche ne reviendra par sur la plupart de ses réformes. Il lui aurait fallu très tôt accepter la critique et la retourner à son avantage : assumer en somme ce qui était considéré comme sa faiblesse.

Quid de l'après-élection ? Nicolas Sarkozy pourrait-il vivre un destin à la Giscard d’Estaing ?

Le président sortant ne s’est pas exclu lui-même du jeu, en déclarant qu’il quitterait la vie politique. Il faut dire qu’il n’avait aucune raison de faire comme Jospin, car perdre avec 49% des voix au 2e tour ce n’est pas comme perdre au premier ! Ce parallèle est donc faux et absurde historiquement.. 
Sarkozy a été finalement très fin, car sa déclaration laisse la porte ouverte à deux possibilités : un retrait à la Jospin, ou un retour comme l’espérait Giscard. Cela veut dire qu’il ‘"n’insulte pas l’avenir"  comme on dit...

La victoire molle de François Hollande

Hervé Gattegno, rédacteur en chef au "Point", intervient sur les ondes de RMC du lundi au vendredi à 8 h 20 pour sa chronique politique "Le parti pris".
François Hollande a été élu hier soir. Son succès est plus étroit que prévu. Votre parti pris : l'élection de François Hollande, une victoire molle...
C'est une victoire attendue, puisqu'il était le favori - dès avant et plus encore après le premier tour. Mais au vu de la campagne, on avait pu penser que ce serait un triomphe, ou au moins un succès très net. Ce n'est pas le cas. Mis à part l'élection de Giscard en 1974 (50,81 %), c'est le score le plus étroit de la Ve république. C'est la preuve que François Hollande n'a finalement pas créé une dynamique aussi forte qu'il l'espérait ; et aussi que Nicolas Sarkozy a réussi à atténuer le rejet personnel qui s'est focalisé sur lui durant cinq ans. Si l'on considère que l'axe principal de la campagne de François Hollande a été l'anti-sarkozysme, on peut en effet parler d'un succès mitigé. Cela dit, François Hollande a souvent été présenté comme un candidat indécis ; il a fait la décision. Ce n'est peut-être pas un candidat mou, mais c'est sa victoire qui est molle.
Il n'empêche qu'il est élu, alors que personne ne misait sur lui quand il s'est lancé dans la course...
Il est sûr qu'il a fait preuve d'un tempérament exceptionnel. On a beaucoup dit que c'est un homme qui a de la chance - et c'est vrai, la façon dont DSK s'est auto-éliminé l'a bien montré. Mais la campagne a aussi mis en évidence sa constance et son habileté. Il s'est posé en candidat proche des Français avec son fameux slogan du "président normal". En fait, il est sûrement l'antithèse de Nicolas Sarkozy dans le style, la façon d'être ; mais il ne colle pas vraiment non plus à l'image d'un président simple et moderne. C'est un énarque qui a commencé sa carrière - devinez où ? - à l'Élysée, auprès de François Mitterrand en 1981 ; et c'est un homme d'appareil de la plus belle eau, qui a dirigé le PS pendant onze ans. Énarque et chef de parti, a priori, ce ne sont pas des qualités plébiscitées par les Français pour un politique idéal ; à l'usage, ce ne sont pas des défauts non plus...
Ce qui lui est souvent reproché, c'est de ne jamais avoir été ministre. Il est le seul président dans ce cas. Est-ce que c'est un handicap ?
C'est en tout cas la marque d'une inexpérience réelle - qui risque d'être renforcée s'il choisit de nommer Jean-Marc Ayrault à Matignon, parce que lui non plus n'a jamais été ministre. Cela dit, il a autour de lui assez de bons connaisseurs de la machine administrative et des rouages de l'État, et il a lui-même assez fréquenté les allées du pouvoir pour ne pas se sentir complètement dépaysé. Et puis Nicolas Sarkozy a dit en fin de campagne qu'il regrettait d'avoir parfois confondu le rôle du président avec celui d'un super-ministre. C'est au moins une erreur que François Hollande ne risque pas de commettre ! Il lui reste maintenant à lever bien des doutes, à prouver qu'il peut sortir des postures tacticiennes et des équivoques de la campagne, à démontrer que l'action politique peut encore avoir un sens, qu'elle n'est pas soumise aux marchés financiers ni à la technocratie européenne. De ce point de vue, une élection plus large lui aurait donné davantage de force, d'autorité - notamment pour discuter avec Angela Merkel. L'un de ses atouts durant la campagne a été de persuader une partie de l'opinion qu'il y avait une alternative à l'austérité qui pèse sur tous les pays d'Europe. Ça aussi, il va falloir désormais le démontrer dans les faits. Car la victoire de François Hollande est molle, mais les temps sont durs.

"Noah à la Bastille, premier faux-pas de la gauche"

Guy Bedos, Josiane Balasko, Yannick Noah, des artistes s'étaient donné rendez-vous dimanche soir pour fêter la victoire de François Hollande. Ce qui n'était pas du goût de certains sur Twitter. 
Dimanche soir après 20h, des milliers de personnes se sont réunies place de la Bastille à Paris pour fêter la victoire de François Hollande. Un concert y était organisé, avec la présence de chanteurs comme Cali, Yannick Noah, ou encore le groupe Kassav. L'événement était aussi l'occasion de revoir des artistes sympathisants de gauche historiques, à l'instar de Josiane Balasko et Guy Bedos. Sur Twitter, certains internautes ont remarqué ce retour sur le devant de la scène, regrettant même parfois un possible opportunisme ou encore un "faux pas". 

Vote blanc record... François Hollande élu avec moins de 50% des votants

2,1 millions de Français ont voté en ne choisissant aucun des deux finalistes, un record dans l'histoire de la 5e République.

Selon une totalisation du ministère de l'intérieur portant sur 99% des bulletins, François Hollande a obtenu 51,67% des suffrages exprimés, contre 48,33% à Nicolas Sarkozy.
Environ 17,8 millions de suffrages se sont portés sur le nouveau président, 16,7 millions sur le sortant et 2,1 millions d'électeurs ont voté blanc ou nul, selon cette totalisation portant sur plus de 45 millions d'inscrits et 36,6 millions de votants.
François Hollande aurait donc réuni sur son nom 48,6% des votants. 

7% des électeurs ont choisi de se déplacer au bureau de vote, mais sans glisser de bulletin Nicolas Sarkozy ou François Hollande dans l'urne, selon un sondage OpinionWay. Ainsi, deux millions de Français n'auraient reporté leur voix sur aucun des deux candidats qualifiés pour le second tour. C'est la première fois dans l'histoire de la 5e république que le nombre de bulletins blancs et nuls est aussi élevé. Au premier tour, il s'établissait à 1,92%.
Avec 51,1% des suffrages exprimés (sur plus des deux tiers des bulletins dépouillés), François Hollande aurait donc réuni sur son nom 47,52% des votants. 
Le plus fort taux de bulletins blancs enregistré précédemment datait du second tour de l'élection présidentielle de 1969, qui opposait Georges Pompidou et Alain Poher. 6,42% des votants ne s'étaient pas exprimés (1,29% au premier tour).
En 2007, le  nombre de vote non exprimé était de 1,44% au premier tour et de 4,2% au second. Cinq ans plus tôt, les votes blancs et nuls représentaient 3,38% des votes au premier tour, et 5,39% au second tour, qui voyait s'affronter Jacques Chirac et Jean-Marie Le Pen.
Les chiffres des votes blancs et nuls lors des autres scrutins présidentiels :
1995 : 2,82% au premier tour, 5,97% au second ;
1988 : 2,00% au premier tour, 3,62% au second ;
1981 : 1,62% au premier tour,, 2,88% au second :
1974 : 0,92% au premier tour, 1,34% au second.
 
En 1965, premier scrutin présidentiel de la cinquième république au suffrage direct, les votes non-exprimés s'établissaient à 1,01% au premier tour et 2,74% au second.

Au lendemain de l'élection, comment financer l'économie ?

Les mesures proposées pendant la campagne ne se révèlent pas à la hauteur des enjeux qui devraient bouleverser l’épargne et l’investissement dans les années à venir.

Il est regrettable de constater que, dans cette campagne présidentielle, la compétitivité de l’économie n’a été essentiellement abordée que du point de vue du travail, alors que la création de richesse résulte de la rencontre du travail et du capital. Bien que le « financement de l’économie » soit rentré dans le lexique de la campagne et s’est trouvé au cœur du volet productif de nombreux programmes, les mesures proposées ne se révèlent pas à la hauteur des enjeux qui devraient bouleverser l’épargne et l’investissement dans les années à venir.

Des investissements productifs en retard

Le bon système financier n’est pas celui qui va financer le plus de projets en apportant le plus de capitaux mais celui qui va permettre d’allouer les ressources financières disponibles aux investissements les plus bénéfiques pour la suite. Or la France accuse un retard important en termes d’investissements productifs. L’évolution du nombre de robots industriels en est le parfait exemple. Le stock de robots installés au 31 décembre 2010 était plus de quatre fois supérieur en Allemagne et presque deux fois supérieur en Italie. Rapporté au nombre de travailleurs dans le secteur manufacturier, les usines françaises présentaient 104 robots pour 10 000 salariés quand ce rapport était de 161 en Italie et 253 en Allemagne, ces deux pays se classant respectivement numéro trois et quatre mondiaux pour la densité de robots industriels.

Le maintien de la qualité des infrastructures

En outre si la qualité des infrastructures en France est depuis longtemps saluée par les experts mondiaux comme facteur d’attractivité du pays, -selon le World Economic Forum, la France a obtenu le quatrième rang mondial en 2011 faisant suite à la quatrième place en 2010, troisième en 2009 et deuxième en 2008 - le besoin de financement sera très important pour conserver à un haut niveau les externalités générées par ces infrastructures. Les montants évoqués à l’échelle de l’Union européenne font état de 1 500 à 2 000 milliards d’euros d’investissements nécessaires d’ici 2020.

La mobilisation de l’épargne nationale

La France considérée globalement – sociétés financières, sociétés non financières, ménages et administrations publiques -  a un important besoin de financement externe, proche de 2 % de son PIB, et doit donc attirer des investisseurs étrangers. Pourtant, la capacité de financement des ménages reste très forte. Le taux d’épargne des ménages français a atteint 16,7 % au troisième trimestre 2011, leur endettement en hausse restant encore inférieur à la moyenne européenne à 82,6 % contre 92 %. Il s’agit de mobiliser cette épargne alors que le retour à l’équilibre budgétaire des comptes publics devrait s’accompagner d’un désengagement massif de capitaux aujourd’hui consacrés au financement de l’économie.

L’adéquation entre épargne et investissement

Afin de réaliser l’adéquation entre les capacités de financement, l’épargne, et les besoins de financement, l’investissement, des acteurs prennent la place d’intermédiaires. En Europe et en France, ce sont principalement les banques qui jouent ce rôle. Or Nicolas Sarkozy avait fait, lors de ses vœux aux forces économiques de la Nation, le 19 janvier, une allusion aux banques accusées « de ne pas faire leur travail, de ne pas financer l’économie ». Force est de constater que l’épargne des investisseurs particuliers s’oriente vers un nombre assez réduit de produits très liquides et très sécurisés. En conséquent, la tendance forte des quinze dernières années a été la diminution du financement à destination des entreprises françaises, qui captaient 43 % de l’épargne des ménages en 2000 contre moins de 38 % dix ans plus tard.

L’aggravation par les réformes prudentielles

L’impact des réformes prudentielles Bâle III pour les banques comme Solvabilité II pour les assureurs sera double : en termes de qualité du crédit, les banques et assureurs vont de moins en moins se sentir capable de financer les projets à moyen et long terme et par là donc les infrastructures et l’automatisation industrielle ; en termes de quantité du crédit, certains secteurs devraient souffrir d’une raréfaction du crédit et des financements en fonds propre auparavant intermédiés.

Une solution parmi d’autre, la désintermédiation

Aujourd’hui l’épargne des Français est en effet très intermédiée, à hauteur de 83 %. Or les particuliers sont de plus en plus intéressés par savoir à quoi est destinée leur épargne, aussi peut-on imaginer une relation plus désintermédiée à l’avenir, en ouvrant le marché obligataire primaire aux particuliers. C’est ainsi que la région Auvergne a lancé une initiative inédite en émettant en octobre 2011 un emprunt obligataire de 20 millions d’euros auprès des Auvergnats pour alimenter le Fonds d’investissement Auvergne durable (FIAD) assurant le financement des projets innovants et créateurs d’emplois des TPE et PME auvergnates. De la même manière, l’Etat italien a annoncé au début du mois de mars 2012 la création d’une obligation « BTP Italia » à destination des particuliers qui pourront l’acheter directement sur Internet. Indexée sur l'inflation italienne, donnant lieu à un coupon semestriel avec une maturité de quatre ans cette obligation a été façonnée pour répondre aux exigences des épargnants individuels. Le montant minimum de souscription est 1.000 euros et une prime de fidélité de 4 pour mille du montant investi sera versée en cas de détention des obligations jusqu’à leur échéance.


François Hollande saura-t-il transformer sa majorité présidentielle en majorité parlementaire en juin ?

A un mois et demi des législatives, la gauche a rappelé à ses électeurs la nécessité de rester mobilisés alors que la droite, qui refuse de s'allier avec le FN, se retrouve dans une position délicate.
En arrivant à la Bastille dans la nuit de dimanche à lundi, François Hollande a déclaré avoir entendu la volonté de changement exprimée par les Français qui l’ont porté à la présidence de la République. "Ce n’est pas une victoire de la revanche, une victoire de la rancœur", a-t-il poursuivi dans ce moment d’euphorie et de bons sentiments qui suit l’annonce de la victoire, fût-elle plus serrée que prévue.
Lui qui se veut "le Président de la Jeunesse et de la Justice", a longuement savouré sa victoire à la Bastille, là où les socialistes avaient fêté l’élection de François Mitterrand, il y a exactement 31 ans. Il avait reçu les félicitations de Barack Obama et appris que le ministre allemand des Affaires étrangères, Guido Westerwelle, s’était rendu à l'ambassade de France à Berlin et déclaré: "Nous allons travailler ensemble à un pacte de croissance pour l'Europe", avant de préciser : "Nous devons ajouter de nouvelles impulsions de croissances, cela passe par des réformes structurelles." Des paroles d’ouverture en direction de celui qui a réclamé une renégociation du Traité européen tout au long de sa campagne, au grand dam de la chancelière Merkel .
Auparavant, depuis Tulle, François Hollande avait rappelé : "les défis sont grands : le redressement de notre production, la réduction de nos déficits pour maîtriser la dette, l’égalité entre nos territoires, la priorité éducative, l’école de la République qui sera mon engagement, la réorientation de l’Europe pour l’emploi, la croissance, l’avenir." Vaste programme que le candidat avait porté tout au long de sa campagne. Un programme qui ne pourra se concrétiser qu’avec l’appui du Parlement. Voilà pourquoi, avant même de prendre officiellement ses fonctions et d’entrer à Élysée, de nommer un Premier ministre pour former son gouvernement, le nouveau président a appelé les Français à lui donner une majorité à l’Assemblée nationale le mois prochain.
Pour les militants tout à leur euphorie, la demande pouvait sembler quelque peu saugrenue. Pourtant, dès hier soir, les instituts de sondage ont publié leurs premières projections. L’institut  CSA pour BFM et 20 minutes note que le PS recueillerait 31% des voix et l’UMP 30%. C’est également sur les législatives que la droite, défaite, a désormais les yeux rivés. Si le PS peut compter sur l’appoint du Front de Gauche (10%) et des Verts (4%) avec lesquels il est officiellement allié, voire du MODEM (crédité de 6% des suffrages), l’UMP n’a, sur le papier, aucune réserve pour le second tour. Le Front National, avec lequel il refuse de s’allier, est quant à lui crédité de 15% des suffrages. Il sera l’arbitre de ce scrutin.
Les dirigeants de l’UMP font déjà valoir qu’il ne faut pas donner tous les pouvoirs à un seul parti (le PS est aujourd’hui majoritaire au Sénat, ce qui ne s’était jamais produit). Leur point de vue se défend, mais si les électeurs privaient  François Hollande de majorité pour gouverner et imposaient une cohabitation, ils couperaient les ailes du "Changement" et provoqueraient un chaos politique. Jusqu’à présent, la victoire présidentielle a toujours été amplifiée à l’Assemblée nationale. Seule la dissolution qui a suivi la réélection de François Mitterrand en 1988 avait envoyé  une majorité relative à l’Assemblée, le centre jouant les arbitres. Hier, Nicolas Sarkozy, en reconnaissant sereinement sa défaite et en annonçant sa prise de distance (momentanée ou durable ?) avec la vie politique, a fait savoir qu’il ne se mêlera pas de la bataille des législatives. Parce qu’il sait que les déchirements de son camp sont inévitables ? 

L’abîme


L’euphorie qui s’est exprimée cette nuit  dans les rues de Paris et des autres villes de France, les larmes de joies, les cris hystériques, les coups de klaxon, la jubilation des journalistes  avaient un caractère surréaliste. De même, le discours enflammé du nouveau président invoquant « le rêve français » nous semblait étrangement décalé.
D’abord,  jamais élection n’a été aussi peu glorieuse. Elle est le fruit d’un pilonnage intense de l’appareil médiatique depuis plus de cinq ans fondé sur la caricature, les amalgames, les insultes, la calomnie, les jappements haineux  et  les mensonges qui vont laisser de traces. Le résultat n’est pas déshonorant pour l’ex-majorité : 48,5% environ, alors que tous les sondages – ultime manipulation – depuis le début de l’année, annonçaient une débâcle autour de 42 ou 45%. Les trahisons ont, comme souvent à droite,  beaucoup pesé sur le score final, en particulier celle de M.  Bayrou.
Ensuite, l’époque ne se prête pas à cette déferlante de joie. Le pays est profondément divisé avec un FN surpuissant, une droite modérée humiliée, une gauche exaltée mais démunie de projet politique. La dette et  les déficits, après le violent séisme de la crise financière,  atteignent des sommets. Les jeunes ne trouvent pas d’emploi. Les quartiers sont rongés par une insécurité dont plus personne ne parle et le communautarisme. Qui peut croire un instant que le programme de la nouvelle majorité – recrutement de 60000 professeurs,  fermeture d’une centrale nucléaire,  vote des étrangers -  est à la hauteur d’une situation extrêmement  sombre qui appelle au contraire l’effort, la rigueur, le courage.
Inévitablement, nous allons vers des temps dramatiques, d’abord l’état de grâce,  une fuite en avant destinée à faire oublier les  réalités à l’image de la « fête » de cette nuit, puis un retour du réel qui frappera le pays de plein fouet mais nul ne sait sous quelle forme…

Voter blanc, c’est faire chou blanc


Alors que les citoyens français doivent voter ce dimanche pour leur nouveau président de la République, un certain nombre d'électeurs ont revendiqué vouloir voter blanc. Le vote blanc, une valeur qui monte... Mais pour quel résultat ?

“En votant blanc,j’assume mes opinions “…”Je vote blanc: j’existe “… Il ne nous manquait plus que cela: un Parti du Vote Blanc -PVB- avec son “leader”, un agent immobilier de 47 ans, Stéphane Guyot que l’on a pu entendre tout récemment chez Michel Field, sur LCI et Eric Brunet sur RMC .
On a le droit de sourire ou même de s’esclaffer mais le non-vote, le vote blanc est une “valeur qui monte “. Au premier tour de la présidentielle, 698.737 électeurs ont opté pour ce mode d’expression qui consiste à vouloir dire quelque chose sans pouvoir l’exprimer. Certes, on opére une confusion entre vote blanc et vote nul qui, depuis 1852, ne sont pas comptabilisés. Beaucoup de vrais-faux électeurs s’imaginent qu’ils émettent un vote blanc lorsqu’ils glissent dans l’enveloppe un bulletin déchiré ou agrémenté de mots d’oiseaux . Pour voter blanc et non pas nul, il faut remplacer le vrai bulletin par un papier blanc que l’on a apporté avec soi .
Mais peu importe, le vote réputé blanc qui de 1945 à 1993 culminait à 2,5 % -hors référendum – voltige à présent autour des 5% .Une réserve de voix dont aurait bien besoin un Nicolas Sarkozy.
Contrairement aux non-inscrits et aux abstentionnistes qui se fichent de la “res publica” comme d’une guigne, les zélateurs du blanc sont des citoyens conscients de leurs responsabilités . Au lieu d’aller faire du vélo ou jouer à la belote, ils prennent la peine –en tirant éventuellement derrière eux la “bourgeoise”et les mouflets – de faire la queue au bureau de vote, de présenter une carte d’électeur à jour, un papier d’identité et, enfin, de glisser dans l’urne leur drôle de profession de foi dont ils sont persuadés de l’importance et de l’efficacité .
Désolé de devoir les ramener à la réalité: leur bout de papier, plus blanc que blanc, compte pour des prunes dans le fonctionnement présent de la démocratie .Tout au plus, inspirera-t-il, le jour des résultats, quelques commentaires dans la presse, aussitôt oubliés .
A chaque coup, la France “blanche” fait chou blanc, faute d’être reconnue comme l’expression d’une protestation .Qu’on le regrette ou non: ce non-choix, totalement dérisoire, fait penser au drapeau blanc de la capitulation en rase-campagne .
Oui, je sais, ce n’est pas toujours facile de se prononcer pour tel ou tel .On aurait souvent bien des raisons de renvoyer dos à dos les deux candidats et leur dire d’aller se faire voir ailleurs. Mais quitte à se tordre un peu le nez,il s’en trouve tout de même un des deux dont on ne voudrait à aucun prix s’offrir la présence pendant cinq ans, lui et ses petits camarades.
Ce n’est certainement pas en tirant un coup à blanc qu’on s’épargnera cette douleur . Au contraire, en brandissant le drapeau de la reddition,on se tire également dans le pied une balle qui risque de faire très mal.

Nicolas Sarkozy ne veut pas conduire la bataille des législatives

Lorsqu'il réunit ses troupes à l'Elysée dimanche 6 mai au soir, Nicolas Sarkozy est on ne peut plus clair sur son avenir. "Il nous a dit : 'Je ne serai plus candidat aux mêmes fonctions'", relate le ministre du travail Xavier Bertrand. "Cela ne surprendra personne. Je l'ai dit avant. Cela ne créera pas de psychodrame comme avec Jospin'".
Des propos confirmés par plusieurs conseillers du président ; "Il a dit, j'arrête la politique". Pour ne pas désespérer les militants, alors que la bataille des législatives s'engage, Nicolas Sarkozy s'est montré plus flou : "Une autre époque s'ouvre. Dans cette nouvelle époque, je resterai l'un des vôtres. Vous pourrez compter sur moi pour défendre nos valeurs. Ma place ne pourra plus être la même.
Evoquant ses "trente ans de vie politique", il a assuré : "mon engagement sera désormais différent. Je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français ". Le chef de l'Etat sortant avait annoncé dès son voyage en Guyane, en janvier, qu'il arrêterait la politique en cas de défaite : "Vous ne me verrez plus", avait-il confié aux journalistes, expliquant qu'il ne se voyait pas animer des réunions UMP. Il avait confirmé ses propos en début de campagne sur RMC.
Son entourage reste dubitatif. Claude Guéant souhaiterait que M. Sarkozy s'engage dans la bataille des législatives. Il en a touché un mot à Henri Guaino, qui a constaté que M. Sarkozy n'en voulait pas. Son épouse Carla Bruni non plus. Un proche du président battu assure : "Il ne fera pas la bataille des législatives. Mais la vie est longue. Vous le retrouverez en 2017." Certains députés ont une crainte : que Nicolas Sarkozy reste comme Lionel Jospin, tel la statue du commandeur, empêchant son camp de tourner la page.
Digne et respectueux. Nicolas Sarkozy, qui y a cru jusqu'au bout, a adressé un discours à ses militants, dès 20h20, dans lequel il a cherché à se montrer fairplay. Le président sortant a, dans une salle de la mutualité à Paris emportée par la tristesse et la déception, reconnu sa défaite. "Je viens d'avoir (François Hollande) au téléphone, je veux lui souhaiter bonne chance au milieu des épreuves", a-t-il poursuivi, "ça sera difficile, mais je souhaite de tout coeur que la France, qui est notre pays, réussisse à traverser les épreuves car il y a quelque chose de beaucoup plus grand que nous, c'est notre patrie, c'est la France."
Il a appelé les militants UMP, qui commençaient à huer le nouvel élu, à respecter ce choix. Et de rappeler "J'ai beaucoup souffert que l'institution que je représentais n'ait pas été respectée, ne donnons pas le mauvais exemple. Nous aimons la France, je ne serai jamais comme ceux qui nous ont combattu."

Quel avenir?

"Ce soir, donnons la meilleure image de la France, d'une France rayonnante, d'une France qui n'a pas de haine au coeur, d'une France démocratique, d'une France joyeuse, d'une France ouverte qui ne baissera pas la tête, d'une France qui ne regarde pas l'autre comme un adversaire, comme un ennemi", a-t-il déclaré, sobre, un peu marqué par le coup reçu. "Soyons dignes, soyons patriotes, soyons français", a-t-il ajouté. Le président sortant a souligné qu'il y avait "quelque chose de beaucoup plus grand que nous, c'est notre pays".
"Nous devons ce soir penser exclusivement à la grandeur de la France. C'est notre mission, c'est notre rôle, c'est notre idéal", a-t-il ajouté. Celui qui est encore chef de l'Etat pendant neuf jours a déjà évoqué son avenir : il va redevenir "un Français parmi les Français", expliquant que son engagement serait désormais "différent". Ainsi, a-t-il avancé, il ne mènera "pas la bataille des législatives
"Au moment où je m'apprête à redevenir un Français parmi les Français, plus que jamais, j'ai l'amour de notre pays inscrit au plus profond de mon coeur", a-t-il ajouté, évoquant à demi-mots un retrait de la vie politique. Mais le président sortant a laissé entendre autre chose au même moment. "Après 35 ans de mandats politiques, (...) cela fait dix ans que chaque seconde, je vis pour les responsabilités gouvernementales au plus haut niveau, après cinq ans à la tête de l'Etat, mon engagement dans la vie de mon pays sera désormais différent", a-t-il expliqué. Si son engagement dans la vie politique française sera différent, cela laisse la porte ouverte à un engagement ailleurs… à l'international?

ET C'EST PARTI !!!!!!