Face à la tourmente dans laquelle est prise la zone euro, les dix-sept Etats de cette zone ont décidé, vendredi 9 décembre, à Bruxelles, de rédiger un traité intergouvernemental, dont le Royaume-Uni s'est exclu.
Dans un entretien au Monde, Nicolas Sarkozy livre son interprétation de cet accord et sa vision de l'avenir de l'Europe.
Jeudi 8 décembre, au congrès du Parti populaire européen, vous avez dit que jamais le risque d'explosion de l'Europe n'avait été aussi élevé. Après le sommet de Bruxelles de jeudi et vendredi, ce risque est-il écarté ?
J'aimerais
pouvoir dire qu'il est totalement écarté. Je m'en garderai pourtant. Nous avons fait tout ce qu'il était possible de
faire. Dans un monde parfait, théorique, on devrait
faire plus, mais la caractéristique de l'homme de gouvernement, de l'homme d'Etat, c'est de
faire avec les réalités. Cela étant, ce sommet marque une étape décisive vers l'intégration européenne. A ce
titre, il crée les conditions du rebond et de la sortie de crise.
L'euro est le cœur de l'Europe. S'il explose, l'Europe n'y résistera pas. La crise de confiance et de crédibilité de l'euro faisait donc
peser un risque sur la pérennité de l'Union européenne.
La vérité est qu'il nous a fallu
réparer en pleine crise les insuffisances de l'euro au moment de sa création. Ainsi, rien n'avait été prévu quant à la convergence des politiques économiques des pays membres de l'euro. Ensuite, certains pays ont été accueillis au sein de la zone alors qu'ils n'y étaient pas préparés. Cela a eu pour conséquence de
fragiliser tout le système, comme une pilule empoisonnée, en raison de l'interdépendance des réseaux bancaires et financiers. Ces pays ont dû
imposer à leurs peuples des souffrances auxquelles ils ne s'attendaient pas.
Si vous voulez bien
considérer que le tout s'est déroulé sur le fond d'une crise de la dette sans précédent dans l'histoire du monde, je n'ai nullement cherché à
dramatiser lorsque j'ai dit que nous étions tous au bord du précipice.
- LA GOUVERNANCE ÉCONOMIQUE
L'accord de Bruxelles répond-il à ces éléments de la crise ?
Il y répond d'abord par la création d'une authentique gouvernance économique. Si les économies de la zone ne convergent pas, elles ne peuvent pas
conserver durablement la même monnaie. Le fait que la responsabilité de la gouvernance revienne désormais aux chefs d'Etat et de gouvernement marque un progrès démocratique incontestable par rapport à la situation précédente, où tout s'organisait autour de la Banque centrale européenne
[BCE], de la Commission et du pacte de stabilité.
J'ajoute que, pour la Commission, les choses seront désormais plus claires. Elle est chargée du respect des traités et de l'application des sanctions. Or, celui qui sanctionne ne peut
être celui qui administre, au risque de se
sanctionner lui-même. De ce point de vue, elle est irremplaçable. Qui d'autre pourrait le
faire à sa place ?
La Cour de justice européenne, comme le voulait la chancelière allemande, Angela Merkel ?
M
me Merkel a convenu que la Cour ne pouvait pas
sanctionner au jour le jour un déficit excessif, qu'elle ne pouvait pas
prévenir le dérapage des économies et des budgets. Elle n'en a pas les compétences, mais j'ajoute, de surcroît, qu'elle n'a pas non plus la légitimité pour
annuler un budget qui aurait été voté par un Parlement souverain. Enfin pour
résoudre les problèmes de l'euro, la seule discipline budgétaire est insuffisante. J'ai toujours contesté l'idée que la gouvernance économique se cantonne aux seules réunions des ministres du budget. La compétitivité ne peut pas se
réduire aux seules questions fiscales et financières.
La question posée est celle de la compétitivité de notre continent et des conditions d'une croissance qui doit absolument
être plus soutenue. Nous devrons donc
évoquer avec nos partenaires de la zone euro les questions cruciales de l'industrie, de la politique commerciale, du marché du travail, de la recherche…
Et, réciproquement, ils vous parleront de la fiscalité, de la fonction publique et des retraites en France ?
Bien sûr. L'Union se fonde sur des compromis réciproques, construits dans l'intérêt de chacun.
Est-ce un transfert de souveraineté ?
Non, car on ne déléguera pas à d'autres notre souveraineté économique. Il s'agira d'un exercice partagé de la souveraineté par des gouvernements démocratiquement élus. On conforte sa souveraineté et son indépendance en l'exerçant avec ses amis, ses alliés, ses partenaires.
J'ajoute que pas un seul domaine nouveau de compétences ne sera transféré à une quelconque autorité supranationale.
- UN FONDS MONÉTAIRE EUROPÉEN
Le deuxième élément, c'est le renforcement de la solidarité européenne, avec la création d'un véritable fonds monétaire européen, le Mécanisme européen de solidarité
[MES]. C'est un fonds destiné à
venir en aide aux pays membres de la zone euro qui n'auraient pas un accès suffisant au marché pour
financer leurs dettes. Ce fonds sera mis en place dès juillet 2012 et non en juillet 2013. Il décidera non plus à l'unanimité, mais à la majorité qualifiée de 85 %. Cela évitera qu'une petite minorité puisse
bloquer les autres s'ils souhaitaient
aller de l'avant.
Ce fonds aura 80 milliards d'euros de capital, ce qui représente un potentiel de 500 milliards de prêts. Au mois de mars, nous examinerons si ces moyens sont suffisants. Et, d'ici à dix jours, nous nous sommes engagés à
négocier avec nos partenaires non européens un renforcement des ressources du Fonds monétaire international, ce qui augmentera encore notre force de frappe en cas de crise. La zone euro est prête à
apporter jusqu'à 200 milliards supplémentaires. Jamais nous n'avons été aussi ambitieux en termes de solidarité.
Enfin, c'est la BCE qui sera l'agent opérationnel du fonds européen, dont la crédibilité et l'efficacité seront ainsi accrues. La méfiance ne pourra pas s'
installer entre ces deux institutions-clés pour notre stabilité financière.
La BCE va baisser ses taux à 1 % sur trois ans pour que les banques retrouvent des marges et achètent des dettes d'Etat. Est-ce moral, alors qu'il serait plus simple que la BCE prête directement aux Etats ?
Je ne commente pas l'action de la BCE. Elle est indépendante, et doit
agir dans le cadre des traités.
Mais le problème, aujourd'hui, dans de nombreux pays de la zone, c'est le resserrement du crédit par crainte du risque. Cela pourrait
conduire à une dépression économique. Cette perspective serait catastrophique. Je me réjouis que la BCE fournisse des liquidités pour
éviter ce
"credit crunch". Pensez à ces milliers d'entreprises dont l'activité serait dramatiquement entravée si elles n'avaient pas accès à un crédit suffisant.
Je souhaite que l'action de la BCE, en soutenant la croissance économique, contribue aussi à
apaiser les craintes infondées sur les dettes des Etats. Je fais confiance à la BCE pour, à l'
avenir,
décider de la force de son intervention.
Si cela ne marche pas, envisagez-vous de faire un grand emprunt auprès des particuliers, comme la Belgique et l'Italie ?
La Belgique a ainsi levé 5,5 milliards d'euros. La dette française est de 1 692 milliards d'euros. Chaque année, nous empruntons environ 180 milliards. Vous voyez que les ordres de grandeur n'ont rien à
voir avec ce que pourrait
rapporter un emprunt national.
Je vous rappelle, par ailleurs, que nous n'avons plus le droit de
donner un avantage fiscal aux émissions d'emprunts d'Etat, tous ceux qui ont été octroyés dans le passé ayant coûté fort cher aux finances publiques. Enfin, il faut
rappeler que, en dépit de la crise, la France emprunte aujourd'hui sur les marchés à un taux historiquement bas. Pourquoi donc faudrait-il
changer notre stratégie ?
Le troisième élément de l'accord, c'est un effort de discipline, avec une majorité inversée pour les sanctions automatiques. Avant, pour que la Commission sanctionne un Etat fautif, il fallait une majorité qualifiée au Conseil pour l'
approuver. Désormais, cela ne sera plus le cas.
En revanche, nous n'avons pas souhaité que ces sanctions s'appliquent de la même manière, c'est-à-dire qu'elles soient automatiques, en cas de dérapage de la dette une année donnée. Un Etat peut
être amené à recapitaliser une banque, ou une entreprise publique, ce qui augmentera sa dette publique. On ne peut lui en
tenir rigueur. Ainsi les mêmes causes ne pourront plus
produire les mêmes effets. Le laxisme ne sera plus de mise en Europe.
Quelle est la prochaine étape ?
Dans les quinze prochains jours, nous mettrons au point le contenu juridique de notre accord. L'objectif est d'
arriver à un traité pour le mois de mars.
Il faut bien
voir que c'est une autre Europe qui est en train de
naître : celle de la zone euro, où les maîtres mots seront la convergence des économies, des règles budgétaires, de la fiscalité. Une Europe où nous allons
travailler ensemble à des réformes permettant à tous nos pays d'
être plus compétitifs, sans
renoncer pour autant à notre modèle social. La stabilité de notre continent est à ce prix.
Ne craignez-vous pas des problèmes de ratification ?
Non, car la procédure retenue est plus légère, même si chaque pays reste maître de la procédure de ratification. En tout état de cause, nous souhaitons
être prêts à l'été 2012. Enfin, je le répète, nul ne pourra
contester le rôle accru ainsi donné aux gouvernements européens.
Cela fait six mois où les marchés peuvent encore attaquer…
Si vous voulez me
dire que c'est difficile, je vous le confirme : c'est difficile. Aucune grille de lecture idéologique ne fonctionne plus. Il faut beaucoup de sang-froid pour ne pas surréagir et le même sang-froid pour ne pas sous-réagir. J'ai conscience du risque de ne pas
être compris des populations qui souffrent et qui voient des sommets se
succéder, donnant l'impression d'
être déconnectés de leur vie quotidienne. En même temps, nous n'avons pas le choix. Il faut
tenir la barre le plus solidement possible et
sortir de la spirale des crises.
Que répondez-vous à ceux qui disent que les choix pour enrayer la crise de l'euro sont imposés par Angela Merkel ?
A ceux qui se plaignent et me reprochent l'axe franco-allemand, je demande ce qu'ils proposent comme stratégie alternative.
Rester seuls ? Qui peut
penser que la France seule aurait fait mieux
avancer ses idées ? A moins qu'on me propose une autre alliance… Mais laquelle ?
C'est vrai que le sommet de Bruxelles est le fruit d'un compromis franco-allemand et, depuis le début de cette crise, nous avons fait mouvement l'un vers l'autre. Qui aurait pensé, il y a deux ans, que nos partenaires se rallieraient à l'idée d'un gouvernement économique, organisé autour des chefs d'Etat et de gouvernement ? Qu'ils souscriraient à la création d'un fonds monétaire européen, incarné par le MES ? Autant d'idées françaises ! La chancelière, que j'apprécie beaucoup, a fait mouvement avec pragmatisme et intelligence.
Quant au mot de capitulation que j'ai entendu
employer par certains, tout ce langage guerrier qui fleure bon le nationalisme d'antan, laissez-moi vous
dire ce que j'en pense : je me sens français au plus profond de moi-même, mais mon amour de la France ne m'a jamais conduit à
accuser nos voisins, nos alliés, nos amis. Et ceux qui cherchent à
nourrir la germanophobie se déconsidèrent.
Un triangle avec les Britanniques ?
Le Royaume-Uni n'est pas dans l'euro. Le triptyque Berlin-Londres-Paris aurait eu un sens si nous avions eu une crise de l'Union européenne, mais ce n'est pas le cas. C'est une crise de l'euro.
L'importance de l'entente avec l'Allemagne signifie-t-elle qu'on ne peut rien
faire avec Londres ? Non. Nous sommes intervenus en Libye avec le Royaume-Uni, et le premier ministre,
David Cameron, a été courageux. Avec Londres, nous partageons l'attachement à l'énergie nucléaire et une coopération forte dans le domaine de la défense, qui est essentielle.
Vous avez mis du temps à apprécier le modèle allemand…
Si vous voulez
dire que la présidence et la confrontation avec les épreuves changent un homme, c'est vrai. Si vous voulez me
faire dire que, après quatre ans et demi à l'Elysée, j'ai appris et évolué dans mon raisonnement, c'est vrai aussi.
Entre la France et l'Allemagne, il y a d'abord l'histoire. Soixante-dix ans d'affrontements suivis par soixante-dix ans de paix. Quel doit
être le prochain cycle? Nous n'avons pas le droit de
diverger avec l'Allemagne, car la divergence conduit à l'affrontement. Nous devons donc nous
comprendre et
rechercher des compromis permanents.
Il est essentiel, ensuite, que les deux premières économies d'Europe convergent pour
créer une zone de stabilité. Ce qui ne doit pas nous
faire oublier les atouts de la France : une démographie qui fait que nous serons aussi nombreux que les Allemands dans trente ans, une énergie moins chère grâce au nucléaire, et un système institutionnel qui permet de
gouverner le pays, notamment en cas de crise.
Dans un discours sur la repentance, en 2006, vous avez dit que la France, elle, n'avait pas commis de génocide…
Les Allemands ont assumé leur histoire avec courage et lucidité. Nous n'avons rien à leur
reprocher.
A Bruxelles, la semaine dernière, vous avez mis les Anglais hors d'Europe…
Je n'ai pas vu les choses ainsi. Nous avons tout fait, la chancelière et moi, pour que les Anglais soient partie prenante à l'accord. Mais il y a désormais clairement deux Europe. L'une qui veut davantage de solidarité entre ses membres, et de régulation. L'autre qui s'attache à la seule logique du marché unique.
Comment se sont-ils retrouvés seuls ?
L'affirmation répétée de leur opposition à toute perspective d'
entrer dans l'euro ne peut
être sans conséquence. J'ajoute que les demandes sur les services financiers n'étaient pas acceptables. La crise est venue de la dérégulation de la finance. Jamais nous ne pourrions
accepter un retour en arrière. L'Europe doit
aller vers davantage de régulation.
Est-il légitime, désormais, que le Royaume-Uni reste dans le marché unique ?
Nous avons besoin de la Grande-Bretagne ! Ce serait un grand appauvrissement de
voir son départ qui, fort heureusement, n'est pas d'actualité.
Dans cette Europe des 27 maintenant plus confédérale, l'entrée de la Turquie ne devient-elle pas logique ?
Vous savez, mes réserves qui n'ont pas changé. Si, dans la crise que nous connaissons, nous avions levé ces réserves, je ne crois pas que cela aurait facilité la tâche de l'Europe. L'Union européenne, c'est d'abord pour le continent européen. A ma connaissance, nos amis turcs, grande puissance, grande nation, sont essentiellement en Asie mineure.
Nous venons d'
accueillir la Croatie. L'ouverture à la Serbie est une perspective. Réunissons d'abord la famille européenne avant de
poser des questions extra-européennes. Je souhaite que nous ayons les meilleurs rapports avec la Turquie, cela va de soi. Dans mon esprit, elle a un grand rôle à
jouer dans le monde, un rôle de trait d'union entre l'Orient et l'Occident. A-t-elle intérêt à
quitter ce rôle de pont entre les deux rives pour en
rejoindre une ? Je pense que ce serait un affaiblissement.
Le président français est-il prêt à accepter les règles européennes alors que, en 2007, vous êtes allé à Luxembourg demander un report du retour à l'équilibre de la France et que, récemment, le premier ministre, François Fillon, a protesté contre les prévisions de croissance de la Commission ?
On ne parle pas de la même époque ou du même monde, même si c'est le même président. Nous sommes d'autant plus prêts à cet effort que nous l'avons commencé dès 2007. La mise en place du non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, qui nous a valu tant de critiques, c'est 2007. La réforme de la carte judiciaire, c'est 2008. La réforme de la carte militaire, c'est 2009. Quant à la réforme des retraites, si nous ne l'avions pas faite, nous serions dans la situation peu enviable de certains de nos partenaires.
Comment jugez-vous le risque de dégradation de la France par les agences financières ?
L'une des trois agences de notation a mis sous perspective négative la France, ainsi que toute la zone euro. Pourquoi? Parce que la zone euro connaît un problème de gouvernance: c'est un problème dont nous nous occupons et qui n'est pas spécifique à la France. Deuxième souci, le risque sur les banques françaises. Bonne nouvelle: l'Autorité bancaire européenne estime le besoin de recapitalisation des banques françaises à 7,7 milliards d'euros, contre 13milliards pour l'Allemagne. Pas un centime du budget de l'Etat n'ira donc à la recapitalisation des banques.
Troisième élément, les perspectives de la croissance française. Le gouvernement a fixé une prévision de 1 % pour 2012. Mais dans le même temps, un gel de 6 milliards de crédits a été mis en place pour
faire face, en cas de croissance limitée à 0,5 %. Dernier point relevé par l'agence, le niveau élevé de nos dépenses. Mais chacun reconnaît que nous avons su
faire preuve de réactivité en la matière dans le passé.
Le grand risque, c'est donc celui de la contagion de la crise européenne. C'est pourquoi nous luttons pour la
maîtriser.
Sommes-nous menacés de dix ans d'efforts ou de croissance très lente, à la japonaise ?
C'est un risque qui m'a conduit à ne pas
choisir une politique fondée sur la rigueur. La rigueur, c'est
baisser les salaires et les pensions de retraite. Je m'y refuse et m'y refuserai. Si nous allions dans cette direction, cela plongerait la France dans la récession et dans la déflation. Si vous réduisez vos recettes en même temps que vous abaissez vos dépenses, vous ne résolvez pas vos problèmes de déficits. C'est la raison pour laquelle nous avons décidé, en 2009, 35 milliards d'euros en faveur des investissements d'
avenir. C'est le contraire d'une politique de rigueur et d'austérité. Il nous faut à la fois
réduire notre déficit et notre endettement,
libérer le travail et
retrouver de la compétitivité.
Mais les agences ne nous en rendent pas justice…
Pour l'instant, elles ont maintenu le triple A. Si elles devaient nous le
retirer, nous affronterions cette situation avec sang-froid et calme. Ce serait une difficulté de plus, mais pas insurmontable. Ce qui compte avant tout, c'est la crédibilité de notre politique économique et notre stratégie déterminée de réduction de nos dépenses. Nous respecterons scrupuleusement les engagements que nous avons pris.
Quelle mesure phare faut-il prendre pour convaincre les investisseurs ?
Si nous n'avions pas fait la réforme des retraites, c'est celle qu'il faudrait
faire. Pour le reste, il n'y a pas de mesure clé ou miracle car ce qui compte, tout autant que de
réduire les dépenses, c'est d'
augmenter la croissance. Cela passe par l'autonomie des universités, le développement du crédit impôt recherche, les investissements d'
avenir, la suppression de la taxe professionnelle. Tout ce que la France a commencé à
faire.
La règle d'or ?
La règle d'or est une mesure importante. C'est une règle de bon sens: les budgets doivent
être construits sur plusieurs années avec l'objectif d'
aller vers l'équilibre. Qui peut de bonne foi
contester cet objectif ? J'aurais aimé que toutes les formations politiques françaises s'inspirent de ce qu'ont fait les Espagnols et les Allemands en adoptant par consensus cette règle, sans que personne n'y perde son identité.
Mais la dépense publique continue d'avoir un poids supérieur en France par rapport à l'Allemagne…
Oui, c'est vrai, parce que l'Allemagne a eu le courage d'
engager la réforme de ses dépenses publiques dix ans avant la France. Il est normal qu'elle en obtienne les fruits avant nous. Ne sous-estimons pas pour autant la force des réformes mises en œuvre en France. Ainsi, la réduction de 150 000 fonctionnaires va considérablement
alléger, dans l'
avenir, le poids des dépenses publiques. Il en sera de même pour la réforme du régime des retraites, qui rapportera à la Sécurité sociale 22 milliards d'euros en 2017.
Comment analysez-vous le doute grandissant des Français sur l'euro ?
Les Français associent l'euro à leurs difficultés, mais en même temps, ils comprennent les risques qu'il y aurait à en
sortir et à s'
isoler. Je rends hommage à leur lucidité. Les Français ne contestent pas l'Europe, mais la façon dont sont conduites certaines politiques européennes. A ce
titre, la politique commerciale est l'exemple même de ce qu'il convient de
changer. On augmente les charges et les contraintes sur nos producteurs, et on laisse
entrer sur notre marché des produits fabriqués dans des pays qui ne respectent aucune de ces contraintes. Cela ne peut plus
durer. La réciprocité doit
devenir la règle. La concurrence ne peut
être que loyale ; si elle est déloyale, il faudra en
tirer des conséquences sur l'ouverture de nos marchés.
Les élections à venir empêchent-elles une union nationale qui serait utile ?
Il y a un calendrier démocratique. On ne va pas
suspendre les élections parce qu'il y a une crise.
Diriez-vous que le comportement des socialistes français coûte à la France ?
Je n'ai pas à
juger l'opposition. J'ai tant à
faire par ailleurs… Les Français seront les seuls juges.
François Hollande vous accuse de courir après la crise…
Avant de
formuler un commentaire si définitif, j'invite chacun à
réfléchir à cette crise, à sa profondeur, à sa gravité.