Manuel Valls rompt le jeûne
Non, ce n’est pas en partageant le pain bénit dans une des rares paroisses catholiques où l’on le distribue encore à l’issue de la messe du dimanche, ni en saluant la fin du carême – vous savez, le ramadan des chrétiens ! – en participant à la veillée pascale. Le ministre de l’Intérieur et partant des Cultes a passé sa soirée de jeudi à la Grande Mosquée de Lyon, après avoir visité la veille celle de Paris. Il a dû religieusement attendre l’annonce de la fin du « jeûne », en arabe par un imam, avant de goûter aux mets traditionnellement servis pour iftar.
Iftar ? Nom commun, et même de plus en plus commun dans nos médias, pour signifier la rupture du « jeûne » en période de ramadan. Tout étudiant en journalisme se doit de le savoir, là où « Immaculée conception », « Assomption » et « Ascension » peuvent se mélanger joyeusement dans sa tête en ne signifiant rien du tout.
Passons sur le choix du lieu – Manuel Gaz était aux côtés d’un recteur dissident du CFCM, Kamel Kebtane, dans une mosquée gigantesque (3 500 places) d’obédience salafiste, objet de multiples débats et procédures relatives à sa construction et à son financement public, finalement inaugurée par Charles Pasqua en 1994 aux côtés de Michel Noir, alors maire de Lyon, et l’ambassadeur d’Arabie Saoudite.
La connivence avec l’islam ne date pas d’hier.
Manuel Gaz, donc, si prompt à traquer la moindre remise en cause de la sacrosainte égalité à travers les atteintes au « mariage pour tous », trouve comme François Hollande qu’« islam et démocratie sont compatibles ». Au cours d’une conférence de presse pédagogique destinée à apprendre aux journalistes ce qu’ils doivent croire, le voilà lyrique : « La République c’est la liberté de croire, c’est l’égalité entre les femmes et les hommes, c’est la fraternité au-delà des origines et des histoires personnelles. »
C’est bien pour cela sans doute que le ministre va à la mosquée, plutôt que d’inviter les musulmans à la salle des fêtes municipale pour un apéritif républicain.
« Le ramadan, comme les autres grandes fêtes religieuses, fait partie de notre calendrier commun », a-t-il encore expliqué. De telle sorte qu’il a pu dire à ses convives : « Nous sommes rassemblés, ce soir, pour un moment qui est un moment religieux, mais c’est un moment qui est aussi, je le crois, profondément républicain (…). Il marque également combien Islam et République peuvent et doivent avancer ensemble. »
Lait et miel pour ces musulmans pour qui le Coran est le début et la fin de l’horizon religieux et politique ; cela ne sonnait-il pas comme une chahada qui s’ignore ?
Valls pouvait bien mettre en garde contre les « fondamentalistes » : pas très grave, de la part d’un ministre assurant, tout feu, tout flamme, tout gaz, que « ceux qui s’en prennent à un musulman parce qu’il est musulman s’en prennent à nos institutions ». Même si un peu plus tard, il dénonçait « ceux qui voudraient faire de la France un terrain de conquête ; qui voudraient, au nom d’une croyance, imposer d’autres lois que la loi de tous ».
Car là, tous auront compris que si « fondamentalistes » de l’islam il y a, ils ne sont finalement pas si seuls dans la France républicaine ; voyez les forces de l’ordre mobilisés, les gardes à vue, les interpellations musclées et autres gazages multipliés pour contenir les dangereux extrémistes qui croient encore que le mariage, c’est un homme et une femme.
Qu’est-ce que vous dites ? Pour l’islam non plus, il n’y a pas de « mariage homo » ? Ni d’égalité entre homme et femmes ? Ni… Halte ! Manuel Valls parlait, jeudi soir, à son électorat. Et l’essence de l’islam n’est-elle pas de se taire devant les contradictions internes de ce système politico-religieux ? Formidable contrepoids aux encombrants cathos ?
Paris vaut bien un iftar…
Tiré du Quotidien "Présent" de ce jour.