vendredi 4 avril 2014
TINA (there is no alternative)... ou en fait, si ? Examen des marges de manœuvre réelles du gouvernement face aux contraintes budgétaires et réglementaires de l'économie française
A peine Manuel Valls nommé à Matignon, l'Europe a rappelé à l'exécutif français ses engagements et rafraîchi les ardeurs françaises quant à l'obtention d'un nouveau délai sur la réduction du déficit à 3% du PIB. Dans un tel contexte, Paris n'a plus que trois options. Laquelle la nouvelle équipe aux affaires, dont on connaît le penchant pour des relations musclées avec Bruxelles, choisira-t-elle ?
François Beaudonnet : On peut déjà dire que ce processus est totalement inatteignable en l'état, la France ayant plus ou moins deux ans de retard par rapport à un tel objectif aujourd'hui. Si l'on part dans un scénario de politique-fiction en imaginant qu'un plan d'austérité à la grecque se mette en place, l'Hexagone pourrait certes améliorer sa réputation à l'égard de partenaires européens qui perçoivent souvent notre pays comme le mauvais élève du continent. Ces critiques ne sont du reste pas totalement illégitimes puisqu'il est vrai que la France a engagé des réformes relativement timides en comparaison de ses voisins, y compris les pays du Nord. En mettant fin à son image de nation irréformable, Paris pourrait enfin contredire ceux qui la voient comme "l'Homme malade de l'Europe".
Néanmoins, de telles mesures se feraient au prix de sacrifices extrêmement violents sur le plan budgétaire et qui pourraient avoir des conséquences de long-terme sur la santé économique française. C'est d'autant plus difficile à imaginer que ces réformes devraient être adoptées en moins d'un an pour tenir la date limite de 2015 imposée par la Commission.
Bernard Marois : Si la France peut avoir un certain intérêt sur le plan de la crédibilité à respecter ses objectifs, les mesures qui en découleraient seraient bien trop coûteuses électoralement alors que la popularité de l'exécutif n'est pas au beau-fixe. Dans ce contexte, une accélération des mesures d'austérité est donc clairement difficile à imaginer. S'il fallait vraiment tenir cet objectif coûte que coûte, les économies budgétaires de l'Hexagone devraient ainsi se porter à 100 milliards d'euros d'ici 2017 au lieu des 50 déjà annoncées par le président dans le cadre du Pacte de responsabilité. Au-delà des problèmes directement politiques qu'une telle feuille de route pourrait apporter, ce serait prendre un grand risque sur le plan économique : la consommation s'atténuerait en même temps que les recettes fiscales. Baisser les dépenses finirait donc par réduire les recettes et l'on franchirait un seuil qui compliquerait encore plus la situation alors que la croissance est au plus bas (entre 0 et 0.3 %). L'emploi n'arrivant généralement pas à repartir en dessous de 1.5 %, on devine vite que le choix d'économies drastiques finirait par devenir suicidaire pour la France et par extension pour l'Europe.
François Beaudonnet : Contrairement à ce que l'on pourrait penser au premier abord, une telle perspective ne ferait pas que des gagnants, l'inverse étant même plutôt envisageable. Le message envoyé serait finalement assez négatif, pour la France en premier lieu puisqu'elle apparaîtrait comme un cancre à qui on passerait tous les excès alors que plusieurs pays sont passés par d'exigeantes cures d'austérités. Cela créerait de plus un précédent regrettable au niveau européen en sous-entendant que les règles du Traité budgétaire adopté en 2012 ne s'appliquent pas à tous. La Commission européenne avait déjà allongé le délai de la France (deux ans supplémentaires) en mai 2013, à une époque où chacun avait intégré l'idée que les engagements initiaux étaient inatteignables au regard de la faible croissance mondiale. Sachant que des passe-droits ont déjà été accordés, la France n'a plus aucune excuse aujourd'hui alors que les réformes engagées depuis l'année dernière n'ont pas été estimées suffisantes. Ce type d'arrangement n'a donc, d'après moi, d'intérêts pour personne actuellement.
Bernard Marois : De mon point de vue, ce compromis le scénario le plus vraisemblable. L'important n'est pas tant d'atteindre les 3 % le plus vite possible, mais de les atteindre à un rythme qui soit soutenable pour une économie qui reste aujourd'hui fragile, particulièrement vis-à-vis de la déflation dont l'éventualité se précise au fil des mois. Plutôt que de réduire l'objectif en tant que tel pour le faire passer de 3 à 3.5 %, la meilleure solution serait donc de donner un délai supplémentaire de deux ans. Cela aurait l'avantage de coïncider avec la fin du mandat présidentiel, l'imminence des élections pouvant ici inciter l'exécutif à tenir sa promesse.
La marge reste étroite mais raisonnablement envisageable, en particulier si la France, et plus largement la zone euro, arrivent enfin a relancer une croissance endogène plutôt que d'attendre les bénéfices illusoires de la croissance mondiale qui est déjà repartie. L'euro fort, en plombant nos exportations, reste pour l'instant un frein, et il est clair qu'une réflexion doit-être menée pour relancer l'inflation, à condition que se maintienne dans le même temps le rétablissement des comptes publics. C'est là, à mon humble avis, la meilleure option qui s'offre aujourd'hui à la France dans le contexte actuel.
François Beaudonnet : Cette troisième option semble la plus évidente, les avantages d'un tel choix étant clairs et nets pour l'Elysée. Ce serait premièrement un moyen de jouer "la grandeur de la France" tout en affirmant que l'Europe n'a pas à être un carcan dans notre politique économique, mais aussi une opportunité d'éviter des réformes dangereuses sur le plan politique. Dans ce sens, la récente nomination d'Arnaud Montebourg, pourfendeur avoué de Bruxelles, au ministère de l'Economie peut justement être interprétée comme un indice d'une telle stratégie (bien que ce soit dans les faits Michel Sapin qui soit chargé du dialogue avec Bruxelles). En se posant comme le défenseur des prérogatives nationales ainsi que de l'autre Europe, le gouvernement pourrait ainsi camper une posture populaire dans l'optique des prochaines élections présidentielles tout en coupant l'herbe sous le pied des formations eurosceptiques.
Une telle initiative affaiblirait toutefois fortement les institutions européennes, et tout particulièrement une Commission dont l'utilité apparaîtrait de plus en plus relative. Si cette dernière n'a concrètement aucun moyen de bloquer une telle décision de Paris (ce que confirmait encore en off un important ministre des finances européen), toutefois des confrontations plus sérieuses seraient a attendre avec nos partenaires européens, que ce soit des pays du Nord comme les Pays-Bas (ces derniers ayant récemment atteint leur objectif de 3 %) mais aussi les pays du Sud qui comprendraient mal pourquoi de tels privilèges ne leurs ont pas été accordés. Dans une telle optique, la France devra donc s'attendre à livrer la bataille en cavalier seul.
Reste à se poser la question des moyens d'une telle bataille. Si François Hollande décide de jouer la carte Montebourg contre la Commission et la BCE, notamment en reportant sur cette dernière la faute du creusement des déficits, ce qu'avait d'ailleurs déjà tenté Nicolas Sarkozy en son temps, sans succès. Le problème est ici que les Allemands resteront probablement convaincus qu'il est nécessaire de garder une Banque Centrale indépendante, et leur avis reste incontournable en la matière.
Bernard Marois : Un tel choix serait dramatique puisqu'il mettrait l'Hexagone au ban de l'Union européenne alors que les "PIGS" (Portugal, Italie, Grèce, Espagne) ont eux subi de violentes mesures de corrections budgétaires. Il est aussi évident que Berlin fera tout pour s'opposer à un projet qui menace l'ensemble des équilibres européens. Ce serait aussi et surtout risquer un retour de bâton des taux d'intérêts sur la dette publique française, et il suffirait ici d'une simple augmentation de 100 points de base pour que la situation de nos finances publiques devienne rapidement incontrôlable.
L'effet de spirale sera d'autant plus à redouter qu'il est généralement impossible de prédire jusqu'où ces taux pourront monter, le retour d'un effet de panique et d'une spéculation monstre sur l'euro (comme en 2010-2011) étant alors tout à fait envisageable, avec les conséquences que l'on sait. A la différence de la situation des deux-trois dernières années, le ratio d'endettement français approche actuellement les 100 % du PIB, et nous ne pourrons alors pas compter sur le matelas de la dépense publique pour amortir le choc.
Attention, ne pas secouer : sur quels écueils (et quand) le couple Hollande-Valls pourrait-il exploser ?
S'ils affichent une certaine proximité idéologique, les deux piliers de l'exécutif ont des ambitions que l'on pourrait qualifier de contradictoires. Un fait qui pourrait poser problème à une majorité aux équilibres délicats, alors que les deux hommes ont 2017 en ligne de mire.
La nomination de Manuel Valls a été décidée sans grand enthousiasme par François Hollande, selon de nombreux commentateurs. Peut-on dire, au regard de la vision politique de chacun, qu'il existe des divergences idéologiques entre les deux hommes ?
Olivier Rouquan : Les divergences ne se situent pas vraiment sur les grandes lignes politiques, Manuel Valls comme François Hollande étant clairement d'accord sur les réformes de compétitivité, dont le Pacte de responsabilité fait parti. Le Premier ministre a ainsi déjà eu l'occasion pendant la campagne des primaires d'illustrer cette vision socio-libérale sur le plan économique (notamment avec la question d'une modification des 35 heures, NDLR). Il sera du reste probablement contraint de rester ambivalent sur la question du libéralisme, thème sur lequel il ne pourra probablement pas aller trop loin alors que des personnalités marquées plus à gauche comme François Rebsamen sont là pour annoncer la couleur. On a ainsi bien vu dans l'intervention télévisée du 1er avril que le nouvel occupant de l’Hôtel de Matignon se plaçait sous la coupe de ces orientations en matière économique.
La question se pose d'avantage sur le style puisque l'on devine facilement que Manuel Valls occupera plus d'espace que Jean-Marc Ayrault, ce qui risque de pousser François Hollande a d'avantage d'activisme. Ce schéma s'est déjà retrouvé sous la Ve République, notamment avec le couple Fabius/Mitterrand, où l'exécutif s'était montré bien plus présent sur la scène médiatique, alors que le président était jusqu'ici critiqué pour sa distance.
Marika Mathieu : Si Manuel Valls a souhaité se démarquer assez tôt au sein du Parti Socialiste en campant une posture qualifiée parfois de « droitière » on ne peut raisonnablement pas dire que cet héritier idéologique de Michel Rochard soit en réelle contradiction avec l’apport social-démocrate de François Hollande au sein du parti. Les positions qu’ils ont respectivement défendues pendant la primaire socialiste de 2012 illustrent d’ailleurs assez bien cette proximité politique qui existe sur de nombreux sujets. Il ne faut dans ce contexte pas s’étonner d’avoir vu Manuel Valls décliner avec succès le discours du candidat Hollande en une communication efficace et convaincante. Loin d’être difficile à mettre en place, cette répartition des tâches a bien fonctionné et l’actuel couple exécutif compte d’une certaine manière réitérer l’opération. Il serait du reste difficile de trouver des points d’opposition politique concrets puisque François Hollande a développé depuis les années 80 un discours dépassant les chapelles politiques : il n’est pas l’homme d’un courant, mais celui capable de les parcourir tous. Manuel Valls s’inscrit d’une certaine manière dans la lignée de cette idée et il pourra être en conséquence un outil, parmi d’autres, de cette vision globale.
Marie-Eve Malouines : On ne dénote pas de différences fondamentales sur le fond entre un François Hollande proche de Jacques Delors et un Manuel Valls qui a commencé dans le sillage de Michel Rocard. C’est davantage dans le style qu’ils se distinguent l’un de l’autre, le président étant un amateur de la temporisation tandis que l’ex-ministre de l’Intérieur est connu pour sa réactivité adaptée au temps médiatique. La vision « sécuritaire » de Manuel Valls n’est du reste pas totalement inédite puisqu’elle s’inspire en bonne partie de celle que pouvait avoir Lionel Jospin (qui avait nommé Jean-Pierre Chevènement à l’intérieur, NDLR) avec qui Manuel Valls avait travaillé par le passé. Par ailleurs, s’il est vrai que c'est l'étendu du désastre aux municipales qui a contraint François Hollande a changer de Premier ministre, qui correspondait plus son inclination personnelle cela s’explique d’avantage par le fait qu’il ne souhaitait pas réellement se séparer de Jean-Marc Ayrault, avec qui il avait développé une affinité, tant personnelle que politique.
Les relations entre ces deux personnalités ne datent pas d'hier. Qu'en sait-on ? Comment se sont-elles développées au fil des ans ?
Marika Mathieu : Cette relation s’inscrit dans une complémentarité sur le plan politique et a effectivement pu s’éprouver tout au long de la campagne de 2012.François Hollande étant pour des raisons stratégiques l’homme du « flou », celui qui ne s’avance pas directement, il a besoin de trouver chez un autre une parole claire pour remplir le rôle indispensable du communicant. Contrairement à ce que beaucoup pourraient penser, on a ainsi observé tout au long de la campagne présidentielle de 2012 une réelle complémentarité de style entre les deux personnages. Sans être identiques, ils ont su former un duo payant et c’est là quelque chose dont ils sont tous deux parfaitement conscients en dépit de leurs différences. Là ou Jean-Marc Ayrault avait une personnalité très similaire à celle du président, tant dans sa personnalité que dans sa culture politique, Manuel Valls incarne un contraire qui est loin d’être inutile. Si à l’avenir cette relation peut devenir risquée pour l’Elysée, elle permet pour l’instant d’offrir une vigueur nouvelle au quinquennat.
Au-delà des intérêts purement politiques, on peut néanmoins affirmer que cette relation ne s’entretient pas sans méfiance des deux côtés, les ambitions présidentielles de l’ancien ministre de l’Intérieur étant bien connues de tous depuis les primaires. On peut à ce titre qualifier le choix de Valls par Hollande d’assez « mitterrandien », puisque l’idée de nommer un quinquagénaire dynamique, expérimenté et ambitieux n’est pas sans rappeler le choix d’un certain Michel Rocard.S’il y a donc une concurrence évidente entre les deux personnages, le niveau de risque est, pour l’instant, équivalent au niveau de bénéfice pour François Hollande. A l’heure actuelle, les réussites de l’un et de l’autre sont intrinsèquement liées, ce qui rend la méfiance assez secondaire dans un premier temps.
Marie-Eve Malouines : Bien que Manuel Valls ait travaillé à Matignon du temps du gouvernement Jospin, les deux hommes se sont assez peu croisés jusqu’à un certain point. François Hollande traitait directement avec le Premier ministre et Jean-Pierre Jouyet, qui était alors directeur de cabinet adjoint. C’est seulement à partir de la primaire socialiste et et de la percée de Manuel Valls dans les médias que les deux hommes ont commencé à se connaitre, la campagne n’ayant que renforcé ce lien politique depuis.
Par ailleurs, Manuel Valls n'avait pas laissé que des amis après son passage à l'Intérieur, d'aucuns d'entre eux, comme Christiane Taubira, étant toujours au gouvernement. Jusqu'à quel point l'arbitrage de dossiers brûlants comme la réforme pénale, discutée la semaine prochaine a l'Assemblée, pourront poser problème ?
Olivier Rouquan : Les informations qui circulent ça et là semblent démontrer qu'un accord a déjà été trouvé sur ce sujet, notamment par le biais de la médiation parlementaire. Cela laisse entendre qu'un compromis a été trouvé pour concilier des positions jusqu'ici antagonistes. A partir de là, tout n'est qu'une question d'ajustement et de peaufinage des amendements. Cela finira toutefois par poser un problème puisque selon toute vraisemblance l'UMP risque de bondir face à l'adoption d'un tel projet, ce qui laisse envisager une bataille politique non négligeable. La question de la réforme du modèle social sera aussi des plus polémiques en fonction de ce qui sera précisé en termes de baisse des cotisations. Les prochains arbitrages budgétaires de la rentrée seront à ce titre très intéressants à observer en particulier sur la gestion du chantier de la dépendance engagé par Michèle Delaunay. Il s'agira là d'un exercice particulièrement compliqué pour la gauche, mais qui n'est pas inédit puisque François Mitterrand s'y était déjà adonné.
Marie-Eve Malouines : C’est effectivement un dossier des plus importants qui appellera probablement à un arbitrage présidentiel alors que la passe d’armes entre Christiane Taubira et Manuel Valls de l’été dernier n’avait pas laissé de « vainqueur » définitif. La politique du ministère de l’Intérieur devrait aussi être le sujet de frictions puisque l’on sait que Manuel Valls ne souhaitait pas lâcher le poste dans un premier temps. Bernard Cazeneuve, nouvel occupant de la fonction, a de son côté voulu montrer qu’il ne manquait pas de tempérament en réalisant son premier déplacement dans la circonscription d’Olivier Faure, député socialiste connu pour être proche de François Hollande et Jean-Marc Ayrault…
La position du nouveau premier ministre semble encore fragile à l'égard du locataire de l'Elysée alors que les Hollandais (Sapin, Le Drian, Rebsamen, Le Foll) conservent les postes clés. Ce rapport de forces peut-il évoluer ? Selon quelles circonstances ?
Olivier Rouquan : Le fait que Manuel Valls soit finalement assez "seul" représente paradoxalement sa meilleure chance, puisqu'il se place ainsi en dehors des logiques de cliéntélisation électorale incarnée par les différents courants du PS. Cela fait de lui un centre de gravité idéal pour piloter un gouvernement aux affiliations très diverses alors que les risques de divergences sont logiquement minimisés par la période difficile qu'expérimente le gouvernement aujourd'hui.
François Hollande reste par ailleurs le maître du jeu dans le contrôle des gauches et Manuel Valls n'a clairement pas les moyens de l'égaler actuellement sur ce plan. Au delà de l'outil gouvernemental, François Hollande pourra par ailleurs compter sur les parlementaires (et les liens privilégiés qu'il possède parmi certains d'entre eux) afin de contrer un Premier ministre qui deviendrait éventuellement trop présent sur le plan médiatique et politique. C'est notamment ce qu'avait su faire Pompidou contre Chaban-Delmas.
Marika Mathieu : En entourant Manuel Valls de cette équipe, François Hollande s’assure d’une certaine manière de maintenir l’aspect complémentaire du tandem de la campagne présidentielle. Du reste, l’actuel Premier ministre était parfaitement au fait du besoin que peut avoir François Hollande de s’entourer de fidèles pour assurer son autorité. Valls est encore une fois l’homme de la situation dans la séquence qui va suivre afin de traduire le message politique d’une équipe Hollande qui a su acquérir son assise en s’inscrivant dans la conquête des localités pendant les présidences de droite.
Si Manuel Valls décide à un certain moment de s’inscrire en rupture avec le président, celle-ci ne pourra pas se faire avant un certain temps, 2017 étant encore loin pour l’instant. François Hollande, en bon calculateur, table d’une certaine manière sur cette réalité, puisqu’il sait très bien qu’il n’y aura pas de Manuel Valls en 2017 s’il n’y en a pas un en 2014.
Marie-Eve Malouines : D’après moi, même s’il est impossible de prédire l’avenir,François Hollande reste convaincu qu’il saura garder le contrôle de la situation et conserver son autorité, bien que Manuel Valls ait probablement senti que sa nomination était une opportunité pour avoir les coudées franches. Si désaccord il y a, il se fera probablement sur la forme, la communication, et la gestion du tempo que sur des thématiques idéologiques, que ce soit sur des sujets comme l’Europe ou le redressement des comptes publics. On imagine de plus assez mal Manuel Valls remettre en cause la hiérarchie alors qu’il rappelle fréquemment la valeur des institutions républicaines.
La nomination de Michel Sapin aux Finances a traduit une volonté de négocier avec Bruxelles dans la stricte tradition hollandaise. Peut-on s'attendre à ce que Valls entre dans une ligne plus dure vis-à-vis de Bruxelles ?
Olivier Rouquan : François Hollande a été élu notamment sur la promesse d'infléchir la politique européenne en direction d'une Union plus sociale, bien que ce projet ait connu son lot de complications et de retards depuis. La composition de ce nouveau gouvernement semble toutefois indiquer qu'il souhaite poursuivre dans cet objectif en pariant sur une évolution de la position allemande et le retour de la croissance dans les pays du Sud qui leur offrira un meilleur poids politique. On peut deviner toutefois que les évolutions électorales dans l'ensemble des pays d'Europe finira par poser quelques défis à la majorité actuelle, avec les conséquences que cela peut avoir sur la suite de l'agenda politique. Le résultat du vote sera ainsi un événement à suivre.
Sur de nombreux projets phares, dont le Pacte de responsabilité, la méthode Hollande s'est caractérisée par la mise en avant de la consultation et de la négociation. Une telle vision de la politique ne risque-t-elle pas d'entrer en contradiction avec celle de l'ex-ministre de l'Intérieur ?
Olivier Rouquan : Cette préférence pour la négociation et de la consultation devraient justement passer, d'après moi, au second plan avec l'arrivée de ce gouvernement, même si des projets comme le Pacte de responsabilité sont encore en cours d'élaboration. Manuel Valls a été nommé pour incarner cette accélération de l'exécutif qui en a bien besoin pour orchestrer les réformes structurelles à venir. Des chantiers comme la flexisécurité, les réformes fiscales, la loi sur la formation professionnelle ou encore la transition énergétique restent a mettre en œuvre et le temps manque pour consulter à tour de bras sur ces sujets.
Marika Mathieu : En tant que directeur de campagne de François Hollande, Manuel Valls a clairement compris ces réalités, et je ne crois pas que cela génère finalement une réelle contradiction. Cela lui laisse au contraire une place importante dans le dispositif, sa mission étant actuellement la mise en forme de l’agenda que François Hollande imposera sur les prochains mois.
Marie-Eve Malouines : Ce serait peu probable puisque cette vision de la politique par la négociation est clairement la clé de voûte du système Hollande depuis son arrivée à l’Elysée. S’il est vrai que Manuel Valls a jusqu’ici construit sa réputation sur la réactivité et la posture de l’homme fort en tant que ministre de l’Intérieur, l’occupation de Premier ministre de la Ve République se prête assez mal à ce type de posture, la prédominance du président étant par définition difficilement contournable.Le locataire de la Place Beauvau peut se permettre quelques incartades, mais certainement pas celui de Matignon. Il serait impossible d’entrer officiellement en désaccord avec l’Elysée sans démissionner, et cette démission serait à même de provoquer une crise interne, voire une dissolution, qui serait forcément préjudiciable à la gauche actuellement.
Scénario catastrophe
Ce n’est pas en changeant de fusible que le président mettra fin à la panne générale qui paralyse son camp…
S’il est un événement auquel l’adjectif “historique”, trop souvent galvaudé, s’applique rigoureusement, c’est bien la défaite essuyée par le PS les 23 et 30 mars derniers. Certes, on se relève de tout en politique. Mais on ne reconstruit pas en quelques mois ce qu’on a mis un siècle à tisser : ce maillage territorial dont les socialistes avaient su faire leur assurance vie en période de basses eaux électorales.
Si la vieille SFIO a pu survivre à la Ve République en se transformant, sous l’égide de Mitterrand, en Parti socialiste, et si ce même Mitterrand a pu surmonter tant et tant d’échecs, c’est bien parce qu’existait ce relais majeur qu’était le socialisme municipal. En 1983, Mitterrand sentit, c’est vrai, le vent du boulet. Mais le coeur du système fut épargné. Il ne l’est plus quand même une ville comme Limoges, socialiste depuis 1912, passe à droite.
Est-ce à dire que le PS est en coma dépassé ? Cela signifie à tout le moins qu’il aura beaucoup de mal à se réveiller avant 2017, chaque élection à venir (européennes de mai, sénatoriales de septembre, régionales de 2015) risquant fort de ressembler aux stations d’un chemin de croix.
Face à cette panne générale d’énergie, François Hollande s’est contenté de sortir un nouveau fusible de sa fameuse “boîte à outils”. Mais quand le compteur a sauté, le bricolage n’est plus de mise. Quinquennat oblige, le premier ministre ne protège plus le président de la déception des uns et de la colère des autres.
Pour un salaire minimum minimal
Bernard de Clairvaux enseignait déjà au XIIe siècle que le chemin qui mène à l’enfer est pavé de bonnes intentions. Le débat qui renaît autour du smic le montre une fois de plus. Il est louable, bien sûr, de lutter contre la pauvreté, réduire les inégalités, améliorer le pouvoir d’achat des défavorisés. La réalité est que le smic, parce qu’il est uniforme, parce qu’il est instrumentalisé par l’Etat, et surtout parce qu’il est trop élevé (relativement au niveau de productivité), crée des effets pervers devenus désastreux à l’heure du chômage de masse. Il plombe la compétitivité en alourdissant le coût du travail des entreprises de main d’œuvre ; il bloque l’entrée des jeunes sur le marché du travail ; il détruit des emplois en favorisant les délocalisations et les suppressions d’effectifs ; il évince les plus faibles du marché du travail. Perversité suprême, il oblige l’Etat, pour compenser ces effets négatifs, à concentrer les allègements de charges sur les bas salaires, alors qu’à l’heure de la mondialisation, c’est plutôt le coût du travail qualifié qu’il faudrait soulager.
Des propositions de bon sens sont aujourd’hui émises par un éminent socialiste, Pascal Lamy («Un petit boulot, c’est mieux que pas de boulot»), et par un proche de François Hollande, le brillant économiste Philippe Aghion, qui suggère dans un livre choc de geler le smic. Saluons ces initiatives! Les expériences menées à l’étranger montrent que c’est en réduisant de façon massive le coût du travail qu’on pourra inverser la courbe du chômage. Et en concentrant la formation sur les salariés les moins payés qu’on accroîtra la valeur ajoutée et donc le vrai prix du travail. Le Premier ministre Manuel Valls s’est prononcé, dans le passé, pour un marché du travail moins régulé. Il est au pied du mur.
Et si la droite devenait enfin lucide ?
Et si la droite devenait enfin lucide ?
Deux défis se posent maintenant à la droite après l’espérance qu’elle a fait naître. La fin des querelles intestines et la construction d’un vrai projet de société.
Ces élections municipales sont à marquer d’une pierre blanche sur le long chemin de la reconquête. La gauche a pris une raclée historique au cours de ces deux premiers dimanches de printemps. Certains de ses bastions ont désormais un maire de droite. Le président de la République est désavoué dans sa politique, son comportement, ses mensonges, sa légèreté et surtout pour l’insupportable division qu’il a créée au sein du pays. Et ce n’est pas son nouveau premier ministre qui va pouvoir changer la donne, tant sa feuille de route est impossible à tenir entre un cap social-démocrate confirmé et de nouveaux gages donnés à un électorat de gauche en perdition.
Tous ces éléments devraient sonner le réveil de la droite et sa mise en marche ordonnée pour une alternance dès 2017. Déjà un certain nombre d’hypothèques ont été levées avec ce scrutin. D’abord la conduite de l’UMP par Jean-François Copé ne souffre plus la moindre contestation. Le maire de Meaux avait demandé à être jugé à l’aune du résultat de ces municipales. Aujourd’hui ses amis n’ont plus qu’à le féliciter et ses détracteurs à cesser leurs mesquineries. Ensuite la ligne politique de la droite parlementaire, plus décomplexée qu’elle n’a été, mais intransigeante sur le refus du front républicain comme d’éventuelles alliances avec le Front national, a été plébiscitée par les électeurs. Non seulement ils ont donné leurs voix sans difficulté pour des candidats UMP, mais en plus ils ont voté utile en cas de triangulaire. Enfin la dynamique qui s’est créée devrait maintenant s’amplifier à l’occasion des européennes, des sénatoriales, puis des régionales. D’autant plus que Manuel Valls va vite se heurter contre le mur d’une réalité qui le dépasse. Et sa suffisance ne comblera pas son insuffisance en matière économique.
Malgré tout, un peu de lucidité n’est pas superflu. Le vote qui s’est exprimé à l’occasion des municipales est un vote de rejet, voire de colère, mais rarement un vote d’adhésion à des idées. D’autant plus qu’à l’heure qu’il est, les électeurs seraient bien en peine de définir les idées de la droite. Si elle en a. Bien sûr les ténors de l’UMP ont bâti à la fin de l’année passée une plate-forme économique pour redresser le pays en cas d’alternance, où figure un mélange de vieilles mesures, de voeux pieux et de bonnes intentions. Bien sûr un certain nombre de conventions ont permis aux élus de mettre à jour leur logiciel sur des sujets comme la défense, la famille ou la justice. Mais la droite, toute la droite, souffre toujours du même handicap que les électeurs expriment dans certaines enquêtes d’opinion et qui se traduit par la question suivante : pourquoi devrait-on croire à votre programme alors qu’entre 2002 et 2012 vous n’avez pas mis en oeuvre vos promesses ?
Deux défis se posent donc maintenant aux élus et responsables de droite après l’espérance qu’ils ont fait naître dans toute la France sous cette douceur printanière. Le premier, c’est de construire enfin l’union et de faire cesser les querelles intestines dont les Français n’ont rien à faire. Les ambitions personnelles ont naturellement toute leur place dans la vie politique. Les différences d’appréciation et de personnalité sont plus que souhaitables. En revanche, les combats de coqs, les coups bas, les guerres de clans sont devenus un véritable crime contre l’esprit à un moment où s’ouvre un boulevard pour la reconquête du pouvoir. Ceux qui entretiendraient la division porteraient une lourde responsabilité au moment où les sympathisants de droite devront choisir leur champion pour la présidentielle de 2017.
Le second défi, c’est de bâtir enfin un programme qui soit à la hauteur de l’attente qui s’est exprimée dans le pays. Par leur vote, beaucoup de Français ont exprimé leur désarroi après deux ans de foutoir socialiste. Ils ont voulu montrer à quel point ils en avaient assez de voir leur revenu spolié par une fiscalité démoniaque, le chômage exploser et l’immigration battre tous les records. Ils ont aussi voté des deux mains contre les mesures sociétales si chères à François Hollande et à sa clique : le “mariage pour tous”, la fin de vie ou le laxisme en matière de politique pénale. De fait, ils ont exprimé qu’ils avaient besoin d’autorité et de responsabilité. Ils ont signifié qu’ils avaient besoin d’ordre, dans les comptes publics comme au contrôle des frontières. Ils ont indiqué qu’ils en avaient assez que la France chasse ses talents et serve de pompe aspirante à tous les professionnels de l’assistanat. À la droite maintenant d’apporter des réponses à toutes ces préoccupations. Des réponses fortes. Des réponses claires. Des réponses enfin crédibles.
L’improbable opération de sauvetage
L’improbable opération de sauvetage
Les commandes sont à l’Élysée. C’est François Hollande qui devrait se “remanier”. Le problème est qu’il devrait faire l’inverse de ce qu’il a fait depuis deux ans.
L’histoire retiendra sans doute que la préfiguration de la nomination de Manuel Valls à la succession de Jean-Marc Ayrault a eu lieu deux mois avant la “raclée” des municipales. C’était le lundi 3 février, au lendemain de la puissante mobilisation de La Manif pour tous à Paris et à Lyon. Manuel Valls fut le premier à annoncer, au micro de RTL, qu’il n’y aurait plus de loi sur la famille (PMA, GPA et autres sottises). Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l’Assemblée, lui répondit aussitôt sur une autre antenne que le ministre de l’Intérieur ferait mieux de rester dans son rôle et de respecter la règle du jeu. Le même jour, Jean-Marc Ayrault déjeunait à l’Élysée et François Hollande trancha en faveur de Valls : il fallait en effet ajourner le projet de loi sur la famille.
Dans le Monde du lendemain, Valls expliqua la pensée de Hollande : « On ne peut pas faire comme si le débat sur le mariage pour tous et la filiation n’avait pas laissé des traces. Dans une société fracturée, François Hollande a décidé d’éviter des débats non maîtrisés qui représentaient un vecteur supplémentaire de perturbation dans les mois qui viennent. » C’était clairement dit, mais le mal était fait, on l’a vu par l’ampleur de la tempête électorale qui s’est produite les 23 et 30 mars. Une fois la vague retirée, la plage sur laquelle se présente Manuel Valls est couverte de débris.
Contrairement à ce qui se répète partout, le chômage et les impôts ne suffisent pas à expliquer ce désastre. La gauche doit en chercher les causes au plus profond de l’inquiétude des Français quant à leur identité, à leur idée de la famille, des fondements de leur histoire, de leur culture et de la vie en société. La théorie du genre, qui veut faire des petits garçons des petites filles et vice versa, associée à une débauche de campagnes publicitaires, d’émissions, de films et de feuilletons provocants et destructeurs, a autant contribué à la défaite que le chômage. De cette sanction justifiée, le nouveau gouvernement va-t-il tirer la leçon ? Au moins, François Hollande reconnaît-il cette « crise civique et même morale » dont souffre la France.
La dernière carte souvenir laissée par l’équipe Ayrault l’aura été sur le perron de l’Élysée par une ministre qui sera ainsi sortie de l’anonymat. Le soir même où la France venait d’offrir un dîner d’État en l’honneur du président chinois et de son épouse, Mme Nicole Bricq confiait à la femme du premier ministre, parlant du dîner qui avait été servi : « C’était dégueulasse. » Anecdotique ? C’était dit par une ministre de la République, qui plus est ministre du Commerce extérieur, et le mot allait naturellement faire le tour de la planète médiatique. Cela révélait non seulement la vulgarité, mais aussi la morgue d’un personnel politique qui se moque du rang du pays et du travail des autres. Rien n’est plus sensible à l’électorat populaire que ce langage qui n’aura fait rire que les électeurs de Mme Hidalgo. La vague bleue aura eu le mérite d’envoyer au piquet tous les “Bricq” au pouvoir.
M. Valls saura-t-il y mettre de l’ordre ? On lui reconnaît du caractère et de l’autorité. Son bilan de ministre de l’Intérieur ne plaide guère en sa faveur. Ancien directeur de campagne de François Hollande, formé au cabinet de Lionel Jospin, il a pu mesurer dans sa circonscription de l’Essonne la dimension de la défaite socialiste. Son député suppléant, Carlos Da Silva, qu’il avait soutenu par une activité intense, a mordu la poussière à Corbeil-Essonnes, sèchement battu par Jean-Pierre Bechter, l’héritier de Serge Dassault.
Quelle sera sa liberté ? François Hollande lui demande de sauver son “quinquennat à l’envers”. Mais à peine était-il nommé que le président de la République annonçait à la télévision qu’il ajoutait un pacte de solidarité pour compenser son pacte de responsabilité. Compenser, parce que la gauche n’a rien compris au pacte de responsabilité et que son aile gauche le combat. Or, la France n’a pas le moindre euro pour financer ce nouveau pacte alors que le précédent ne l’est toujours pas sans les 50 milliards d’économies. L’impasse est totale. La France n’a pas atteint ses objectifs de déficit, elle est sous “surveillance renforcée” à Bruxelles (seul État européen à l’être avec la Slovénie) et elle doit présenter sa trajectoire budgétaire le 30 avril devant la Commission.
Manuel Valls a pour seul atout d’être un nouveau premier ministre — pour le reste, il n’a rien. Les commandes sont à l’Élysée. « J’en assume la totale responsabilité », dit François Hollande. Il devrait donc commencer par se “remanier”. Le problème est qu’il devrait faire l’inverse de ce qu’il a fait depuis deux ans. C’est ce que les électeurs lui ont dit. S’il échoue avec Valls, il ne lui restera qu’une option : la dissolution.
Montebourg, Fabius et le Commerce extérieur : le 1er couac du gouvernement Valls ?
Fraîchement nommé ministre de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique, Arnaud Montebourg était déjà en train de s’écharper mercredi avec son collègue en charge des Affaires étrangères et du Développement international, Laurent Fabius. Les deux hommes se disputaient le Commerce extérieur. Plus de détails.
Ils voulaient tous les deux la même chose, mais au final un seul l’a obtenue Alors que la composition de la nouvelle équipe gouvernementale "resserrée" a été annoncée mercredi, certains ministres n’auraient pas été pleinement satisfaits de leurs attributions. Nommé en charge de l’Economie, du Redressement productif et du Numérique, Arnaud Montebourg louchait en effet sur le Commerce extérieur. Et il n’était pas le seul. Laurent Fabius, à la tête des Affaires étrangères et du Développement international souhaitait également avoir ce ministère sous son aile.
Dans le flou jusqu'à ce jeudi matin
Mais alors que l’identité de celui ou celle qui serait en charge le Commerce extérieur n’a pas été dévoilée mercredi, dans la foulée de l’annonce des 16 nouveaux ministres, Arnaud Montebourg a pris les devants. En effet, son entourage a rapidement fait savoir à l’AFP que le nouveau ministère dont il venait d’hériter incluait le Commerce extérieur. Problème, car moins d’une heure après le ministère de Laurent Fabius informait à son tour l’agence de presse que c’était lui qui en avait la charge. Un véritable flou s’est alors installé dans la sphère politique. Les deux ministres se disputant la même part du gâteau sans que personne ne soit ne mesure de dire à qui celle-ci revenait. "Les décrets d’attribution des compétences des ministres sont en cours de rédaction et c’est très délicat car des pans de Bercy vont passer sous le contrôle du quai d’Orsay", avait d’ailleurs confié une source de l’Economie
Mais alors que l’identité de celui ou celle qui serait en charge le Commerce extérieur n’a pas été dévoilée mercredi, dans la foulée de l’annonce des 16 nouveaux ministres, Arnaud Montebourg a pris les devants. En effet, son entourage a rapidement fait savoir à l’AFP que le nouveau ministère dont il venait d’hériter incluait le Commerce extérieur. Problème, car moins d’une heure après le ministère de Laurent Fabius informait à son tour l’agence de presse que c’était lui qui en avait la charge. Un véritable flou s’est alors installé dans la sphère politique. Les deux ministres se disputant la même part du gâteau sans que personne ne soit ne mesure de dire à qui celle-ci revenait. "Les décrets d’attribution des compétences des ministres sont en cours de rédaction et c’est très délicat car des pans de Bercy vont passer sous le contrôle du quai d’Orsay", avait d’ailleurs confié une source de l’Economie
Mais c’est finalement Laurent Fabius qui a obtenu gain de cause. Invité d’Europe 1 ce jeudi matin, le nouveau porte-parole du gouvernement, Stéphane Le Foll, a en effet assuré que l’ancien portefeuille de Nicole Bricq sera finalement sous la tutelle du Quai d’Orsay. "Le Commerce extérieur est désormais du domaine de l’international", a-t-il affirmé.
Vidéo sur le même thème : la stratégique nomination d'Arnaud Montebourg à Bercy
Trois raisons d’être optimiste
Trois raisons d’être optimiste
Le ton "pessimiste" de mes billets m’est parfois reproché. Je récuse totalement ce mot: observant la vie politique, comme tant d’autres, je suis tout simplement pétrifié par ce que je vois. J’ai le sentiment d’être réaliste et non pessimiste. Une question fondamentale me vient à l’esprit: se rendent-ils compte de l’impression générale qu’ils suscitent? Franchement, je n’en sais rien. On est soit dans le cynisme, soit dans l’aveuglement. Je préfererais quand même la seconde hypothèse. Pour sortir un peu de la morosité et de la révolte, cherchons trois raisons, cette fois, hors de la sphère politique, d’être "optimiste":
Première: sans verser dans la démagogie ni généraliser à l’excès, j’ai le sentiment que la nouvelle génération, celle des jeunes actuels (moins de trente ans), apporte un souffle nouveau: rejetés, condamnés par le chômage de masse, ils manifestent une volonté et et une lucidité étonnante, sans illusion, comptant sur leur caractère et leur courage pour s’en sortir. Je parle d’expérience personnelle, en particulier au contact de mes étudiants.
Deuxième: derrière la morosité sinon le désespoir ambiants, la France prend toute sa part à l’innovation, à l’essor des technologies de pointes, à la création d’entreprises dans le secteur numérique. L’économie et la science françaises remportent des succès impressionnants dont on parle peu (voir le dernier n° d’Alternatives Economiques, avril 2014)
Troisième: un phénomène majeur passe inaperçu, celui du décollage économique du continent africain, avec un taux de croissance de plus de 5% par an depuis une décennie, l’augmentation du cours des matières premières, l’essor de l’industrialisation des technologies et d’une classe moyenne. Bien sûr, ce phénomène touche inégalement les régions, mais quand même, le dynamisme nouveau du continent africain, auquel nous les Français sommes particulièrement attachés pour des raisons historiques, linguistiques, culturelles, est une excellente raison de croire en l’avenir.
Remue-ménage(s)
Remue-ménage(s)
Manuel Valls a étrenné médiatiquement, hier soir, ses habits de Premier ministre sur le plateau du JT de TF1. Il s'y est montré décidé et énergique, mais sans la moindre aspérité, très respectueux du verbe présidentiel dont, pour l'essentiel, il a repris les grands axes. Rien qui ne rappelle ses incartades passées. Rien sur ce vaste remue-ménage(s) des dernières heures qui a finalement débouché sur la banale reconduction d'une majorité de ministres sortants. Douloureux pour Jean-Marc Ayrault qui, plus que jamais, est apparu comme la seule victime expiatoire du désastre électoral. Bien pire, certains ont pris du galon, sans doute en récompense de leurs bons et… déloyaux services.
Rien non plus sur les choix imposés par l'Élysée et les subtils dosages politiques. Tout simplement parce que Manuel Valls a dû payer sa « captation » du poste de Premier ministre d'un effort de soumission aux desiderata de François Hollande. Manuel Valls s'est accommodé, si vous nous passez l'expression, de la constitution d'un gouvernement « tuyau de poêle » avec instauration de « couples » improbables ou de raccommodages spectaculaires.
Disant cela, on ne pense pas spécialement au retour singulier de Ségolène Royal, autorisé par la liberté retrouvée du père de ses enfants. On visera plutôt cet assortiment de Michel Sapin, l'orthodoxe, aux Finances, avec Arnaud Montebourg, l'iconoclaste antimondialiste. Arnaud Montebourg qui n'a pas tardé à jouer des coudes. On y ajoutera le maintien sans « bavures » de l'icône Christiane Taubira à la Justice, malgré de lourds contentieux avec son nouveau « patron ».
Plus contrariant encore, les ministres écolos ont tourné les talons en dédaignant l'offre aguichante de Manuel Valls, resté muet sur le sujet hier soir. Cécile Duflot, qui faisait pourtant bon ménage avec François Hollande, s'est dérobée pour mieux servir sa stratégie personnelle, ignorant les intérêts d'EELV. Au total, le gouvernement unicolore de Manuel Valls, à l'incertain soutien parlementaire, porte bien la « patte » hollandaise : celle de la synthèse des… impossibles.
Modèle social? Quel modèle?
Savez-vous ce qu’est un marronnier ? Dans le monde de la presse, tel l’arbre qui produit chaque année ses fruits, c’est un sujet qui paraît régulièrement dans les colonnes d’un journal. Le monde politique a lui aussi ses marronniers, parmi lesquels le fameux modèle social, terme autrement plus évocateur et attirant — surtout depuis l’étranger — que celui d’État providence. François Mitterrand, Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy, François Hollande : tous ont, un jour ou l’autre, vanté les mérites du modèle social français. Le 31 mars, venu annoncer la nomination de Manuel Valls, François Hollande a rappelé qu’il fallait certes « mettre en oeuvre le programme d’économies budgétaires » mais qu’il fallait surtout « préserver notre modèle social ». Mais de quoi parle-t-on exactement ?
Financé à coup de milliards d’euros, quitte à augmenter l’endettement français jusqu’à près de 2 000 milliards (soit 93,5 % de la richesse nationale), le modèle social permet surtout de maintenir le couvercle sur une marmite portée à ébullition depuis des années, d’acheter la paix sociale. Le prix à payer est très élevé… Les comptes de la Sécurité sociale sont fortement déficitaires, comme ceux des différents régimes de retraite et ceux de l’assurance chômage…
Les (maigres) résultats, on les connaît… Vit-on mieux ? Non ! Le taux de chômage, durablement installé au-dessus de 8 % depuis vingt ans, est aujourd’hui supérieur à 11 %, il se monte à 25 % chez les jeunes de moins de 25 ans ; la peur de perdre son emploi est à son maximum chez les salariés ; le nombre de personnes vivant en France au-dessous du seuil de pauvreté ne fait qu’augmenter ; 20 % des élèves entrent au collège en ne sachant pas lire ou en ayant une compréhension insuffisante du texte. Le moral des Français et des entreprises n’a jamais été aussi bas.
Parce que les gouvernements successifs n’ont pas engagé les réformes nécessaires, le fameux modèle social français, celui que tout le monde nous envierait, n’a jamais soigné… Au mieux, il entretient la précarité, au pire, il l’aggrave, car il rend la pression de plus en plus intolérable sur ceux qui le financent.
C’est-à-dire nous,
les contribuables.
Le fascisme selon Belkacem…
Sectarisme. La phrase de Najat Vallaud-Belkacem qui avait estimé, au soir du premier tour des élections municipales, que les futurs maires Front national « obliger[aient] les enfants à manger du jambon à la cantine » et « abonner[ aient] les bibliothèques municipales à Minute », a suscité nombre de sarcasmes.
La petite fachiste. |
Au Front national, en revanche, on s’amuse de la grande discrétion de la ministre sur les politiques ultra-communautaristes développées par les maires de gauche au niveau local. Et certains cadres du FN de citer les créneaux horaires mis en place par Martine Aubry à Lille « pour que ces femmes [musulmanes] gagnent et acquièrent leur émancipation », la réquisition par le maire PS de Décines-Charpieu, dans la banlieue de Lyon, du gymnase du lycée pour l’Aïd el-Kébir, en octobre 2013, la remise en cause de la loi sur la burqa par certains élus de la majorité lors de la flambée de violences à Trappes, en juillet 2013, etc.
Mauvais augure
Mauvais augure
Pendant quelques heures, entre la nomination du Premier ministre et celle du Gouvernement, j’ai ressenti comme une bise fraîche et légère venue des sommets, un air mystérieux, impalpable, lointain de début de renouveau possible de la vie politique française. Sans parler de miracle, de révolution, d’une ère nouvelle ou d’homme providentiel, cette petite sensation de printemps, souffle presque imperceptible, me faisait plaisir. N’étant pas quelqu’un de sectaire (mot synonyme à mes yeux de crétin), j’ai ressenti un vague espoir, le commencement d’une infime lueur d’espérance. A 11 heures et quart, découvrant la liste des ministres, je suis retombé comme une masse de mon nuage. Mes commentaires n’auraient ici aucun intérêt: tout a déjà été dit. Ah si, un point! Je suis en total désaccord avec ceux qui comparent cela à la IVe République. Ce que nous vivons aujourd’hui est pire que les moments les plus dégradés de la IVe République. Au moins, les fautes, le ridicule et les échecs étaient sanctionnés. Je ne sais pas comment, ni quand, mais j’ai désormais l’impression que la dernière chance vient de passer et que tout cela, je le crains fort, va inéluctablement mal finir.
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