Tout
a déjà été dit sur l’antisarkozysme revendiqué et affiché par Hollande.
Le joli coup de com, c’est évident, est à mettre au crédit de celui (ou
celle) qui a sorti le premier cette « normalitude ». Destinée d’abord à
contrer un DSK symbole d’une gauche (franchement) décomplexée avec le
capitalisme, elle a merveilleusement marché contre Sarko.
DSK, depuis sa nomination au FMI, c’est l’ami des puissants, c’est
l’argent décomplexé, ce sont des spin doctors en pagaille affichés et
connus de tous, c’est une femme célèbre, belle et riche à millions,
c’est un Ryad archi luxe à Marrakech propre à sceller les petits
arrangements entre amis-ennemis socialistes, c’est un hôtel particulier
Place des Vosges à Paris… Bref, la normalité affichée du candidat en
scooter, issu d’une terre agricole, la Corrèze, le copain des élus
locaux, c’est l’arme absolue anti-DSK.
Et puis, pourquoi le taire, si jamais ça passe, cette normalité fera
un bel argument anti-Sarko, lui qui est qualifié comme l’ami des riches
et des puissants. C’est une trouvaille de com’ puisqu’elle permet de
valoriser une faiblesse. En marketing, tout produit à des forces et des
faiblesses (par rapport à ses concurrents). Lorsque la communication est
saisie d’une problématique, elle doit mettre en avant les qualités tout
en minimisant les défauts du produit promu. L’objectif est atteint
lorsque vous parvenez à retourner une caractéristique, autrement dit à
faire d’une faiblesse un avantage. Dans ce registre, un produit ringard
devient authentique… Une technologie méconnue est jugée avant-gardiste…
Un service mal compris est audacieux… Le marketing et la communication
regorgent de techniques visant à appeler un chat un … chien !
Ainsi du candidat PS en 2012, à l’allure bonhomme de
sous préfet rural de la IV°, petit salarié de la république, stratège
mais incapable de la moindre pensée structurante, habile mais dépourvu
de toute vision mobilisatrice… Pour lui, le plan marketing a fonctionné à
plein : Il n’a aucune expérience significative ? Normal, il est normal !
Est-ce que votre voisin de palier a été ministre, vous ? Même
secrétaire d’état ? Non, bon alors…. Il n’a aucun charisme ? Normal, il
est normal ! Et puis ça sert à quoi le charisme, hein, franchement…. ?
Souvenons-nous, au passage, de sa posture « anti communicant » par
rapport au président sortant… De l’antithèse jusqu’à la caricature … de lui-même.
1. Vous vous souvenez de Air Sarko One ? Terminé : Mr Normal prendra
le train. Peu importe si les trajets par rail sont plus risqués et
finalement plus coûteux puisqu’un avion doit se rendre à la destination
du président pour le ramener à Paris en cas d’urgence.
2. Vous vous souvenez de la fête au Fouquet’s ? Oublié : Mr Normal
sera en Corrèze. Peu importe le coût des jets privés (au nombre de 3)
pour rentrer à Paris et faire la fête à la Bastille.
3. Vous vous souvenez de l’augmentation du salaire du président Sarko
(pour l’aligner sur celui du PM et le rendre transparent) ? Fini : Mr
Normal le réduit de 30%, ainsi que celui des ministres. Peu importe si
le gouvernement Ayraut I est plut coûteux que le Fillon I du fait d’un
nombre exorbitant de ministres (34 ministres vs 15).
4. Vous vous souvenez de l’activisme un peu brouillon d’un « Sarko
tout puissant » ? Terminé : Mr Normal ne décide de rien, il crée des
commissions, il consulte, il discute. Peu importe si la situation exige
des décisions courageuses : l’urgence attendra !
On pourrait multiplier les exemples. Malheureusement pour lui, notre
nouveau président va vite être rattrapé par ce qu’il est convenu
d’appeler la Real Politik… Ou le principe de réalité, si on est expert
en Marketing. Bref, une sorte de rappel à l’ordre par la réalité des
choses par rapport à des postures intenables.
« Moi Président, je ne serai pas le chef de la majorité » : Manque de
pot, il apparait sur un tract de son ex, Ségolène Royal, en campagne
pour les législatives de La Rochelle contre un dissident PS. Le
président prend donc bien part à la petite cuisine interne du PS… Le 12
juin, le tract de second tour de Royal comprend un encadré avec la photo
de notre président des bisous : « Dans cette circonscription de
Charente-Maritime, Ségolène Royal est l’unique candidate de la majorité
présidentielle qui peut se prévaloir de mon soutien et de mon appui ».
« Moi président, je ne recevrai pas de dictateur à l’Elysée ».
Dommage, le 23 juillet, il apparait sur le perron du Palais avec le
Sultan du Bahrein, Hamed ben Issa Al Khalifa, qui réprime pourtant
depuis un an une révolte de son peuple en lui envoyant l’armée…
Signalons que cette rencontre, officielle, n’a pas été inscrite dans
l’agenda de Élysée, un oubli sans doute ; comme celui qui a conduit le
service de presse du Palais de ne pas inviter le moindre journaliste
français.
« Moi président, je n’aurai pas autour de moi de personne jugée ou
condamnée ». Dommage, le premier d’entre eux, Ayrault, a été condamné en
tant que Maire de Nantes pour favoritisme dans l’attribution d’un
marché public… Il a été blanchi par la suite, donnant une nouvelle fois
du sens à ce formidable concept né avec Georgina Dufoix : « Responsable
mais pas coupable ».
De même, le flamboyant Montebourg, Ministre de l’Industrie rebaptisé «
ministre du redressement productif »… a été condamné par la justice
française pour injure aux dirigeants de l’entreprise SeaFrance, les
ayant qualifiés d’escrocs. Un ministre peut donc insulter tranquillement
des patrons et être condamné pour ça. Normal.
Là encore les exemples ne manquent pas. Et parions que d’ici la fin
du quinquennat, chaque assertion de l’anaphore hollandaise aura été
contredite dans les faits, quelques soient les efforts du pouvoir et des
journalistes pour éviter d’en parler.
Cet antisarkozysme atteint une forme de paroxysme complètement psy le
soir du second tour. C’est une « révélation » du livre de Binet qui a
suivi la campagne du désormais président normal… livre qui par ailleurs
semble ne pas passionner les foules en cette rentrée littéraire. Mais
peu importe. Le soir des résultats donc, la nouvelle 1° journaliste de
France demande à une poignée de fidèles quelle revanche ont-ils pris
avec cette victoire. Ce qui témoigne d’ailleurs d’une curieuse
conception du combat démocratique : une victoire serait donc forcément,
selon elle, une revanche sur quelque chose ou quelqu’un. Hollande
répondra sobrement : « Sarkozy ».
L’antisarkozysme : une grille d’évaluation de l’action du gouvernement ?
Ce que les communicants n’ont pas vu venir, ou n’ont pas anticipé, c’est
que cet antisarkozysme comme colonne vertébrale à l’action va en fait
se révéler un piège redoutable dans l’exercice des responsabilités. En
effet, certains pensent encore que le président sera jugé au prisme de
son prédécesseur. Que les français, ébranlés par l’activisme de Sarkozy,
lui seront gré de ne pas les brusquer. Et qu’ils apprécieront le temps
laissé au temps… quelque soit le degré d’urgence des décisions à
prendre. En fait, tout se passe comme si l’antisarkozysme érigée en
méthode de gouvernement était la meilleure garantie contre
l’impopularité, une sorte d’assurance tous risques contre la déception.
Et dès cette fin de mois d’août, c’est exactement l’inverse qui se
passe.
En effet, le dernier baromètre CSA- Les Echos (23/08) est alarmant
pour le pouvoir. Non seulement, 100 jours après son élection, le
président passe pour la 1° fois le plancher de 50% de satisfaits de son
action (49% exactement). Les français se déclarant satisfaits chutent de
5 points par rapport au mois précédent, les insatisfaits augmentant
d’autant (de 42 à 47%). C’est l’expression d’un jugement sévère des
français. Une position d’attente des sondés face aux difficultés et une
relative clémence de leur jugement de l’exécutif se seraient manifestées
certes par une baisse de la côte de confiance mais surtout pas une
hausse significative des « NSP ». Or ici, il s’agit bien de déception : «
j’étais confiant, je ne le suis plus ».
Mais l’essentiel est ailleurs. Et c’est finalement la vraie leçon de
ce baromètre, qui se révèle être une bombe. Toute la méthode, et donc la
posture de l’exécutif, se trouve être balayées par une donnée, une
seule. Les français, dans une écrasante majorité (72%), jugent le
gouvernement « pas assez actif » en cette rentrée face à la crise. Un
chiffre qualifié d’ « impressionnant » par Bernard Sananès, président de
CSA.
En quoi ce chiffre est alarmant s’il venait à être confirmé dans les
enquêtes à venir ? Parce qu’il donne un éclairage sur la manière dont
les français jugent l’action du nouvel exécutif. Loin d’être le
repoussoir espéré, l’activisme sarkozyste semble avoir marqué l’opinion
et donne aujourd’hui une dimension positive au président battu. Tout se
passe comme si les français pensaient qu’« au moins, Sarko, il faisait
des choses, il se battait, il prenait des décisions ». De ce fait,
l’action du président actuel est jugé à « l’image rémanente » qu’ont les
français du début du quinquennat précédent. Les réformes de fond :
service minimum, universités, TEPA, les infirmières bulgares,
l’initiative en plein été en direction de la Russie pour éviter une
escalade violente en Géorgie…
Les souvenirs sont en train de s’équilibrer dans l’inconscient
collectif français, et face à la situation d’urgence que vit le pays et
l’Europe, le peuple n’apprécie guère de voir son président en maillot de
bain dans les eaux bleues des plages varoises de Brégançon, ou en
terrasse, s’affichant si normal, en polo et buvant son Perrier. En ce
sens-là, la séance « le Président normal en vacances » de Paris Match va
se révéler dramatique pour lui. Elle marque en réalité la fin de la
séquence du président normal. Les français lui disent : « OK, on a
compris, c’était sympa. Mais tu as voulu les clefs, on te les a données.
Maintenant, tu fais quoi avec ? » Les français ont joué le jeu de
l’apaisement et du symbole pendant 100 jours. Mais l’heure des comptes
est déjà venue !
Car derrière ce chiffre de 72%, c’est toute la méthode de
gouvernement du tandem Hollande-Ayrault, avec la concertation plutôt que
la décision, qui semble s’effondrer. Si ce chiffre venait à se
confirmer, c’est la stratégie de communication et finalement toute la
gouvernance de l’exécutif qui s’écroule. Cela voudrait dire que le
souvenir de Sarkozy s’équilibre dans la tête des français (ce qui a
toujours été le cas des ex-présidents). Et que l’antisarkozysme ne sera
en aucun cas une grille de lecture de l’action de l’actuel gouvernement.
En clair, démolir son prédécesseur aura été tactiquement bien joué pour
lui prendre son fauteuil mais cela ne suffira pas pour conduire le
camion. Alors le président et le gouvernement seront condamnés à une
impopularité record tant dans son niveau que la rapidité avec laquelle
elle sera atteinte. Quand on connait la marge de manœuvre d’une part et
l’appétence de nos actuels gouvernants pour décider d’autre part, on
peut se faire du souci pour notre « petit père Hollande. »