jeudi 2 janvier 2014
Les voeux de Hollande: coup de barre à droite ?
Et si le message de voeux de François Hollande le 31 décembre à 20h annonçait, contre toute attente, un vrai tournant ? Pas un mot pour Jean-Marc Ayrault. Pas un mot non plus sur son "grand soir" fiscal. Hommage aux entreprises quand échoue l'opération "inversion de la courbe" et que l'emploi des Français dépend désormais (à 90% ?) d'elles. L'aveu que la crise a été "sous-estimée" et que les impôts, aujourd'hui, sont "trop lourds". Et surtout -et d'abord- une affirmation, qui peut mener loin: il va falloir "réduire la dépense publique". Pour la gauche, ce sera -ou ce serait- une vraie révolution.
Il est possible que François Hollande, prisonnier de la "bulle" élyséenne, réagisse aujourd'hui trop tard. Et ne parvienne plus à se faire entendre.
Il est possible que les actes ne suivent pas, même si Jacques Attali, très inquiet, presse son ami Hollande d'annoncer des "décisions" avant la fin de janvier. Dernière limite, suggère-t--il, si l'on veut éviter que tout craque.
Il est surtout possible le président de la République, esquissant ce virage social-libéral, ne soit pas suivi demain par les siens, rétifs à pareil "aggiornamento" et refusant de faire passer par profits et pertes les promesses de la campagne présidentielle ("Mon seul ennemi, c'est la Finance").
Mais peut-être François Hollande n'a-t-il plus d'autre choix, au point où en sont les choses, que d'imposer à la vieille gauche, qui a longtemps révéré Marx et Guy Mollet, ce quitte ou double: muter ou échouer, muter ou partir.
S'il va jusqu'au bout de ce pari et le gagnait, alors Attali aura eu raison de dire à son ami le président de la République qu'il resterait dans l'Histoire comme un... "très grand président". A la façon du Chancelier social-démocrate Gerhard Schröder, l'homme qui, pour avoir imposé à Allemagne et aux siens la réforme vitale de l'Etat-Providence a désembourbé son pays, perdu les élections et gagné l'estime de ses compatriotes. Mais n'est pas Schröder qui veut. Enfin... sait-on jamais ?
Du zigzag au tête-à-queue
Du zigzag au tête-à-queue
Tombés de nulle part, ces vœux présidentiels peuvent-ils finir ailleurs que nulle part ? Faute de clarification, la question restait en suspens au lendemain de l’intervention du chef de l’Etat. On avait compris que « Moi Président » s’était fracassé sur le mur des réalités. On observait que le Hollande.2013 menaçait de couler, lesté par un échec – encore inavoué – sur le front du chômage et une crise désormais reconnue « plus profonde » qu’escomptée. A-t-on assisté au soir du 31 décembre à un « tournant intime », le Hollande.2014 assumant un social-libéralisme à mille lieues de l’« esprit du Bourget » ?
Dans les mots, le Président a troqué l’art du zigzag pour la pratique du tête-à-queue. Hier, il s’agissait d’alourdir la charge fiscale sur les seuls riches, au prétexte d’un système « injuste, trop injuste ». Aujourd’hui, il est question de baisser des impôts « lourds, trop lourds ». Hier, créations d’emplois rimaient avec contrats aidés. Aujourd’hui, elles sont, semble-t-il, associées au secteur privé. Hier, les chefs d’entreprise étaient sommés de se contenter du CICE. Aujourd’hui, ils sont invités à négocier de nouvelles réductions de charges, en échange d’embauches. Hier, l’opposition était accusée de vouloir casser le modèle social français. Aujourd’hui, est érigée en priorité élyséenne la chasse à la dépense publique, jusque dans les « excès et les abus » de la Sécu…
Avant lui, d’autres présidents se sont laissés griser par la magie du verbe – sans suite. D’autres ont rêvé d’une politique qu’ils n’avaient pas les moyens de mener. D’autres encore ont eu le courage de réformer contre le dogmatisme de leur propre camp. Qui est-il, le Hollande.2014 ?
"Hollande et la purée mathématique"
L'engagement numéro un du président d'inverser la courbe du chômage n'a été inventé que pour la circonstance. C'est tout simplement du flan !
Formulée la première fois en septembre 2012, répétée jusqu'à l'insistance au point de devenir l'engagement numéro un présidentiel, l'inversion de la courbe du chômage vient de se convertir en gloubi-boulga. François Hollande s'est fendu le 26 décembre d'un communiqué propre à souligner sa modestie face au succès et, du même mouvement, nous remonter le moral : "L'inversion de la courbe du chômage est désormais amorcée."
Sur le coup (très bref, hélas), on respire déjà mieux. Et puis, assez vite, on se demande si notre président ne serait pas victime d'un double, mal inspiré, qui lui coupe régulièrement ses effets ou bien lui souffle que la meilleure façon de passer à la postérité serait de proclamer une version ultra-fabriquée du réel. Première étape du doute absolu : inverser une courbe est une expression qui n'existe pas. C'est le mathématicien Étienne Klein, sur France Inter, qui le démontre aussitôt et affirme que "cette courbe du chômage" a été inventée pour la circonstance. "C'est de la purée mathématique", assène-t-il.
L'annonce n'est que la traduction numérique de la fonction chômeur. Sincère et véridique, le président aurait pu nous dire : "Nous continuerons de notre mieux à diminuer le nombre des chômeurs..." - ou encore : "Nous tenterons l'impossible pour que cette courbe augmente moins vite qu'avant." Mais l'entretien du flou est une volonté hollandaise. Nous a-t-il dévoilé que, depuis 2012, 300 000 chômeurs ont rejoint la cohorte de ceux qui peinent et s'angoissent tous les jours ? Le chiffre officiel, celui de la baisse des demandeurs d'emplois, est en effet aujourd'hui de 17 800 personnes. Ce qui ne veut pas dire qu'ils sont sortis d'affaire.
Calculs tordus
Le calcul est plus complexe. Il est basé, d'une part, sur l'Insee (Institut national de la statistiques et des études économiques), qui publie ses résultats chaque trimestre à partir d'un échantillon de 100 000 personnes "ayant au moins 15 ans, disponibles, cherchant du travail, inscrites ou non à Pôle emploi". D'autre part, selon les critères de Pôle emploi, et la publication mensuelle de ses chiffres, cela correspond à une "personne n'ayant pas eu d'activité pendant le mois et cherchant du travail". En principe, c'est crédible. En réalité, c'est tordu. Parce que Pôle emploi classe les gens en trois catégories, A, B,C.
Si vous voyez une baisse de 20 000 chômeurs en catégorie A, ce n'est pas du tout qu'ils sont tirés d'affaire, c'est qu'ils sont descendus en catégorie B et C - pour exercer dorénavant une activité réduite. Parfois très réduite. Si un prof de maths trouve un petit boulot, deux heures de cours par mois, hop, radié, fini le chômage. Les contrats aidés, en stage ou en formation ne sont pas non plus comptabilisés - moins 16 000 en un mois. Sans oublier une forte hausse des radiations administratives, 11 000 supplémentaires sur novembre, soit faute de s'être "actualisé" soit pour non-réponse à une convocation. Le problème est que la chose (l'administration) étant totalement informatisée, celui qui est en rupture d'Internet - s'il n'a pu payer son abonnement, par exemple - est radié.
Une population entière tachée par les suicides
Les vrais chiffres ? Fin octobre, 4,88 millions de chômeurs étaient inscrits à Pôle emploi en catégorie A, B, C. Ils ne comprennent pas tous ceux qui sont perdus pour les statistiques et le beau discours de l'Élysée. Ceux qui ne se sont jamais inscrits ("on voit bien, à la télévision, les usines qui ferment tous les jours") et ceux qui ont abandonné, dégoûtés de la paperasse inutile à remplir et des interminables tunnels administratifs. Le Mouvement national des chômeurs et précaires voit dans la difficulté et le non-sens des procédures administratives un bon moyen de faire décrocher le chômeur et de l'effacer des statistiques.
Il y a aussi ceux qui meurent tous les jours et ne font plus la queue au guichet. Une personne s'immole tous les 15 jours en France pour cause de chômage. Chacun peut regarder sur Internet Le grand incendie, un webdocumentaire qui raconte ceux qui ne voient plus d'autre issue que la mort et se la donnent le plus souvent sur leur lieu de travail. On en parle à peine. Parce que c'est la population entière qui est tachée par ces suicides. François Hollande devrait adapter son discours, ne plus en faire l'enjeu d'une aura publicitaire avec sa courbe mal ajustée, mais lutter, se battre pour la création ou le rétablissement d'emplois durables. Les seules offres collectées en hausse ont été celles des contrats courts (6 mois) ou très courts (1 mois). Le coût du travail, monsieur le Président, si cela se trouve, est moins élevé que celui d'un chômeur.
2013, l’annus horribilis de François Hollande
Cahuzac, Leonarda, ras-le-bol fiscal, plans sociaux en rafale, une révolte bretonne et une popularité au plus bas : François Hollande a vécu une année compliquée. 2014 pourra difficilement être pire.
Une courbe du chômage au plus haut et une courbe de popularité au plus bas : voici résumée l’année 2013 de François Hollande.
Une popularité au plus bas
Il est le président le plus impopulaire de la Ve République. Il l’a d’ailleurs constaté le 14 juillet, alors qu’il descendait les Champs-Élysées, et le 11 novembre : jamais un président n’avait été sifflé de façon aussi massive lors de ces deux événements. Son impopularité avait été aussi très perceptible lors du déplacement à Dijon, terre pourtant favorable. Là aussi, il a été accueilli par plus de critiques que d’encouragements. Et il restera l’image de cette femme l’apostrophant en lui demandant de « ne pas se marier avec Valérie » parce qu’« on l’aime pas ».
Des scandales
Il a subi l’affaire Cahuzac, avec la démission de son ancien ministre du Budget pour fraude et évasion fiscale en mars. Face à ce scandale retentissant, François Hollande a réagi en imposant la transparence des patrimoines des politiques. Ce n’est pas porté à son crédit.
L’affaire Leonarda est le deuxième scandale qui plombe son année et qui pourrait devenir un marqueur de son image. Son intervention en direct à la télévision pour proposer à la jeune fille – « et à elle seule » – de revenir en France est dévastatrice pour son autorité, déjà contestée.
L’économie ne va pas mieux
« La reprise économique, elle est là » : François Hollande annonce que l’économie du pays va mieux le 14 juillet lors de l’interview traditionnelle du chef de l’État. Il note des frémissements dans l’économie : une croissance un peu supérieure aux prévisions et un ralentissement de la hausse du chômage Mais les chiffres du chômage de novembre sont mauvais et brisent l’élan.
De plus, l’avalanche d’annonces de licenciements et de plans sociaux invalide le discours de l’exécutif. Gad, la Redoute, Darty, Michelin, Alcatel-Lucent, Air France, Natixis, PSA : pas une région et pas un secteur ne sont épargnés. Cela rend inaudibles les quelques bonnes nouvelles
Un ras-le-bol fiscal généralisé
Hausse de l’impôt sur le revenu, réduction de niches fiscales et du quotient familial, hausse des cotisations retraites des salariés pour financer les pensions, hausse du prix du timbre, des transports, du tabac et de la TVA en janvier : le ras-le-bol fiscal a trouvé son apogée avec l’écotaxe et les « bonnets rouges ». Le conseil constitutionnel a censuré 24 articles de la loi de finances mais a préservé l’emblématique taxe à 75 %.
Amateurisme
Reculades, indécision, annonces non suivies d’effet, tiraillements et couacs au sein de sa majorité, rumeurs de remaniement : Hollande n’a cessé d’être critiqué sur sa méthode par la droite et les médias. Il avait prédit lors des vœux 2013 une année difficile, elle lui a donné raison.
Des vœux en forme d’aveux
Des vœux en forme d’aveux
Le fond et la forme : il n’y en avait pas un pour racheter l’autre mardi soir dans ces vœux présidentiels à l’heure de l’ouverture des huîtres du réveillon. Et que dire de cette cravate noire sur costume bleu… mais qui est chargé de sa com ? Que fait Valérie ?
Comme l’ont astucieusement relevé des internautes, moquant le manque de professionnalisme de la communication de l’Elysée, les regards fuyants de Hollande entre le prompteur et la caméra, ses phrases saccadées et sonnant faux, « cet hommage aux effets spéciaux de la télé roumaine sous Ceaucescu était très réussi ».
Dans une posture qui faisait irrésistiblement penser à celle des dirigeants soviétiques des années 70, François Hollande n’a témoigné aucune sensibilité pour les difficultés des Français au dernier soir d’une année particulièrement intenable pour eux.
Les mêmes engagements non tenus qu’il y a un an
Il a repris sur un ton mécanique les mêmes engagements non tenus, qu’il avait formulés quasiment dans les mêmes termes, il y a un an, le 31 décembre 2012 : inversion de la courbe du chômage, retour de la croissance, stabilité fiscale. Pas le moindre changement de cap. Ni l’augmentation du chômage, ni l’appauvrissement des Français asphyxiés par le matraquage fiscal et le recul économique, ni son échec politique constant n’existent. Rien de la colère des millions de Français dans la rue en 2013, rien des taxes ni de la TVA, de la crise et des mouvements de protestation d’à peu près tous les secteurs, rien des problèmes réels, immédiats comme l’augmentation de la délinquance, l’invasion des Roms (au point que dans une majorité de communes françaises à trois mois des municipales, cette question est considérée comme celle qui vient en tête des préoccupations des électeurs) qui va encore être aggravée par l’ouverture totale de notre marché du travail aux ressortissants roumains et bulgares.
Hollande a préféré réaffirmer son « intransigeance » face au racisme et à l’antisémitisme de… Dieudonné. C’est l’urgence. Quel combat !
Récidiviste de l’inertie
« Si ces vœux étaient sincères, ils étaient surtout stériles », a estimé Geoffroy Didier, secrétaire général adjoint de l’UMP. « François Hollande s’est ainsi affiché ce soir comme un récidiviste de l’inertie, prouvant une nouvelle fois qu’il préfère les pansements aux réformes et l’immobilisme au courage. » Stériles et « pathétiques » pour NKM, « en forme d’aveux » pour Morano.
Tandis que Marine Le Pen rappelait que ces vœux sont devenus « l’allocution du gouverneur de la province France » :
« Le président feint d’ignorer les problèmes essentiels que pose notre asservissement à l’union européenne et à l’Allemagne. Il refuse d’aborder la question centrale des frontières, économiques et migratoires. Au contraire, il méprise cette question, en moquant les “vieilles frontières” de la France, celles pour lesquelles sont tombés des millions des nôtres. Quel scandale ! Il s’enferme dans une vision archaïque de l’Europe, prétendant qu’elle nous protège, alors qu’elle nous saigne. »
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