De tous les hommages rendus au charismatique patron de Total, l’un des plus spectaculaires est venu de l’intérieur même de la compagnie : la rapidité, la précision avec lesquelles s’est opérée la transmission de pouvoir, à peine 36 heures après le tragique accident, sont un hommage à la qualité de ce dirigeant d’exception que fut Christophe de Margerie. Dans ce processus éclair et maîtrisé, on retrouve en effet tout ce qui distingue les grandes entreprises bien gérées des autres organisations : laisser le moins de place possible à l’improvisation, préparer sa succession, parier sur l’interne, s’appuyer sur un conseil d’administration solide, mettre en place les conditions d’une poursuite de l’activité. En toutes circonstances.
Comment, d’ailleurs, ne pas comparer la manière dont cet exercice extrêmement délicat qu’est une succession a été géré chez Total, avec la confusion déplorable qui règne le plus souvent dans les entreprises où l’Etat a son mot à dire. Deux candidats chez Total semblaient en position de prendre la relève, avec tout ce que ce genre de transition en interne peut avoir comme avantage : les prétendants avaient déjà une ancienneté de plusieurs décennies et une connaissance intime des grands métiers du groupe. Ni le contexte politique ni l’interférence de l’Etat n’ont déréglé cette fragile horlogerie. Il suffit de songer à l’atmosphère de secret, de pressions, de jeux d’influence et de manœuvres politiques dans laquelle s’est décidé le départ d’Henri Proglio de la présidence d’EDF pour comprendre à quel point ces deux univers – actionnariat privé et actionnaire public – sont différents et combien leurs préoccupations peuvent être opposées.
Au-delà de la personnalité de Christophe de Margerie, sa succession à la tête d’une entreprise sûre de son destin achève de faire de lui un grand manager.