TOUT EST DIT

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ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

vendredi 10 décembre 2010

L’Amérique a découvert l’Europe

Avec l’aide d’éditeurs indépendants, et avec l’appui d’institutions et d’organismes culturels du Vieux Monde, la littérature européenne réussit enfin à percer aux Etats-Unis, pays qui, traditionnellement, a toujours tourné le dos aux traductions. 

Si l’on en juge par le succès retentissant de Millenium, la trilogie de Stieg Larsson, quand on parle de traduction de littérature contemporaine, les Américains sont au moins disposés à lire des romans policiers scandinaves. En revanche, pour ce qui est des œuvres d’autres régions, et dans d’autres genres, il est toujours aussi ardu de susciter l’intérêt des grandes maisons d’édition et des lecteurs aux Etats-Unis.
Parmi les institutions culturelles et les éditeurs européens, l’aversion traditionnelle des Américains pour la littérature traduite est surnommée “le problème des 3 %”. Mais aujourd’hui, espérant accroître la part minuscule qu’ils représentent sur le marché américain — environ 3 % —, les fondations et les gouvernements étrangers, surtout ceux qui se trouvent aux marches de l’Europe, ont décidé de prendre l’affaire en mains et de se lancer dans la mêlée de l’édition aux Etats-Unis.

L'une des clés de l'existence culturelle des pays européens

Cette campagne ne se limite plus à des langues courantes comme le français et l’allemand. De la Roumanie à la Catalogne et l’Islande, les institutions et les organismes culturels subventionnent la publication de livres en anglais, soutiennent la formation de traducteurs, encouragent leurs auteurs à partir en tournée aux Etats-Unis. Ils se soumettent désormais aux techniques commerciales et promotionnelles américaines qu’ils avaient peut-être ignorées jusque-là, et s’efforcent d’exploiter les niches existantes dans le secteur de l’édition.
Nous en avons fait un objectif stratégique, nous nous sommes engagés à long terme à percer sur le marché américain", déclare Corina Suteu, chef de la branche new-yorkaise de l’EUNIC, le réseau européen des instituts culturels nationaux, également directrice de l’Institut culturel roumain. "Grands ou petits, la littérature sera toujours l’une des clés de l’existence culturelle des pays d’Europe et, nous le savons, il n’y a que de cette façon que nous parviendrons à imposer la présence de cette littérature aux Etats-Unis.

La littérature slovène publiée dans l'Illinois

Ainsi, Dalkey Archive Press, petite maison d’édition de l’Illinois qui, depuis plus de 25 ans, est spécialisée dans les œuvres traduites, a entamé cette année une collection de littérature slovène avec l’appui d’organismes officiels en Slovénie. Le premier ouvrage de la collection, Necropolis, de Boris Pahor, est un formidable recueil de souvenirs des camps de concentration pendant la Seconde Guerre mondiale, que l’on a comparé aux plus belles pages d’Elie Wiesel et Primo Levi.
Dalkey est également sur le point de lancer des collections de même type en hébreu et en catalan, et sur la littérature suisse. A chaque fois, un institut de financement du pays de départ subventionne la publication, et participe à la promotion et à la commercialisation aux Etats-Unis, un effort qui peut représenter jusqu’à 10 000 dollars ou plus par livre.
Leurs budgets étant chiches, et ayant un accès encore plus limité aux grands médias, les organismes culturels étrangers en sont venus à considérer le Web comme un allié dans la promotion de leurs produits. Open Letter, la maison d’édition littéraire de l’Université de Rochester, a fondé un site au nom ironique de Three Percent (Trois pour cent) qui se spécialise dans la traduction. Il s’est transformé en un forum animé où l’on peut non seulement débattre et analyser les œuvres, mais aussi s’interroger sur l’art de la traduction.
Un autre site, Words Without Borders (Mots sans frontières), lancé en 2003, publie en ligne des ouvrages traduits et permet en outre aux traducteurs de présenter des échantillons de leur travail dans l’espoir d’attirer des éditeurs commerciaux.

Même Amazon.com se met à la traduction

Même le gargantua de la vente de livre, Amazon.com, est entré dans l’arène avec AmazonCrossing, une nouvelle variante réservée à la littérature traduite. Le premier livre proposé, The King of Kahel (Le roi de Kahel), roman du Guinéen Tierno Monénembo publié à l’origine en français, est sorti en novembre. Cinq autres titres sont annoncés, tous de la fiction sauf un.
Si certains éditeurs indépendants saluent le soutien et l’intérêt croissant d’Amazon pour la littérature traduite, d’autres s’en méfient. En octobre dernier, Dennis Loy Johnson, de Melville House, s’en est pris à ce qu’il appelle “les pratiques de prédateur et de voyou” d’Amazon, ajoutant qu’il était “évident pour nous que les intérêts d’Amazon sont à l’opposé de ceux d’une culture du livre saine, électronique ou non.
Les organismes culturels nationaux comme l’Institut Ramon Llull, qui a pour vocation de faire connaître la langue et la culture catalane, ont également contribué à financer des conférences et des livres sur la traduction, tandis que d’autres subventionnent les voyages de traducteurs américains dans leurs pays afin qu’ils apprennent à mieux connaître leur culture et leur peuple.
“Ils savent bien qu’il y a peu de soutien à attendre ici pour ce genre d’œuvre, et que ce soutien ne peut venir que de l’extérieur, et non du secteur de l’édition, explique Esther Allen, ancienne directrice du Fonds de traduction PEN. Les grandes maisons d’édition restent fermement convaincues que le consommateur américain de livres ne veut pas lire de traductions.”

Vous avez dit populiste ?

populiste ? ouvenez-vous. Le président de la République avait promis des " sanctions " contre les fauteurs de crise, au pire de la tempête financière de 2008. On allait voir ce qu'on allait voir. On n'a rien vu ou presque. Ici comme ailleurs, les goinfres du capitalisme financier passent toujours à travers les gouttes avant de sévir encore en créant une nouvelle bulle qui nous explosera à la figure quelques années plus tard. Tant que ces petits maîtres du monde s'en sortiront chaque fois aussi facilement, les poches et la panse pleines, il faudra s'attendre à des initiatives idiotes, comme celle d'Eric Cantona demandant aux Français de vider les coffres des banques. Ou encore à des faits divers tel celui de cette commerçante de Saint-Avold qui, après une faillite, braquait les banques " pour [se] venger ". Ou enfin, surtout, à ce que certains appellent, le visage horrifié, la montée des populismes, réaction somme toute normale à tant d'injustice et d'impunité. Notamment quand on voit, comme aux Etats-Unis, les classes défavorisées en banqueroute payer pour les fautes des princes de Wall Street qui, eux, ne savent plus quoi faire de leurs plus-values. Analyse élémentaire, voire sommaire ? Au lieu de hurler au loup, il serait temps de commencer à s'interroger sur les vraies causes du populisme

P. S. : Encore des bonnes nouvelles : d'abord, notre version iPad, la première vraie application d'un newsmagazine, était téléchargée par plus de 20 000 personnes dès sa première semaine ; ensuite, l'étude AudiPresse Premium 2010, " étude de référence " sur les publics haut de gamme, auprès de 10 139 personnes représentatives des dirigeants, cadres, etc., confirme que, sur ce secteur, " Le Point " fait, et de loin, la course en tête dans la famille des newsmagazines. Merci de votre fidélité.

Quand le président du FN dit tout ce qu’il a sur le cœur

De retour de vacances, Jean-Marie Le Pen, 82 ans, recevait jeudi France-Soir au siège du Front national, désormais installé dans une petite rue pavillonnaire de Nanterre (Hauts-de-Seine).

Il s’apprête à laisser les clés du parti qu’il a fondé à sa file Marine. Mais il ne s’éloignera guère : outre son titre de président d’honneur, il fera partie, c’est acquis, de toutes les instances dirigeantes du FN. Et si Bruno Gollnisch, le rival de Marine Le Pen, l’emportait lors du congrès du Tours de la mi-janvier ? Cette hypothèse, Jean-Marie Le Pen, quoi qu’il dise, n’y croit pas : son avocate de fille a « tant de qualités ».
France-Soir. Si, lors du vote des 15 et 16 janvier, les militants du FN préfèrent Bruno Gollnisch à votre fille Marine, accepterez-vous le verdict des urnes ?
Jean-Marie Le Pen. Le verdict des urnes, que cela me plaise ou non, ce sera le verdict des urnes. Mais j’ai bon espoir que ma fille me succède. Elle a d’éminentes qualités qui n’ont rien à voir avec le fait que c’est ma fille. D’ailleurs, elle le sait, diriger le parti, ce n’est pas un cadeau, c’est une mission.
F.-S. Puisque vous allez faire partie, au titre de fondateur du FN, de toutes les instances du parti, peut-on considérer qu’en tout état de cause vous resterez le patron ou, si on préfère, le grand manitou ?
J.-M. L. P. Le grand manitou, non, mais le commandeur, oui ! Je laisserai, cela va de soi, au futur président l’intégralité de ses responsabilités, mais disons que je jouerai, en fonction de mon expérience, un rôle de conseil.

« Le physique, cela compte. Ma fille est plus jolie que moi »

F.-S. Ceux qui n’aiment pas Marine Le Pen lui reprochent de « trahir », au nom de la modernité, votre héritage. Qu’est-ce que le plus important chez elle ? Sa ressemblance avec vous ou les différences qu’elle affiche ?
J.-M. L. P. Les chiens ne font pas des chats, encore que… Je lui reconnais volontiers des qualités qu’on m’a parfois prêtées : elle a du caractère, l’envie de faire. Et puis, pour être présidente de la Républi… (éclat de rire)… Oh pardon, c’est un lapsus ! … Pour être présidente du Front national, il faut maîtriser les codes de l’expression médiatique. Or, croyez-moi, ce n’est pas donné à tout le monde. Marine n’est pas, en la matière, une débutante : elle sait s’y prendre. Et je parle en connaissance de cause.
F.-S. N’est-ce pas une bonne idée de Bruno Gollnisch que de proposer un ticket à Marine Le Pen : le parti pour lui, la présidentielle pour elle ?
J.-M. L. P. Qui est en difficulté demande – on connaît la chanson – la moité de ce qu’aura l’autre. Soyons sérieux : il ne saurait y avoir de partage. La future candidate à la présidentielle doit avoir le contrôle du parti. C’est comme ça.
F.-S. Pourquoi votre fille se déclare-t-elle scandalisée lorsque Bruno Gollnisch souhaite faire revenir au FN les « brebis égarées », notamment Bruno Mégret et ses amis ?
J.-M. L. P.
Ce sont tous des gens qui ont trahi leurs engagements, y compris financiers. Ce qui compte pour moi, c’est la loyauté. Ils sont partis, je m’en félicite !

F.-S. N’y avait-il pas aussi des désaccords idéologiques ou stratégiques avec eux ?
J.-M. L. P.
Laissez cela. La trahison me suffit.
F.-S. Comment expliquez-vous que votre fille ait une cote de popularité supérieure à la vôtre ? Est-ce dû à ses qualités ou au fait que la crise joue en faveur des thèses populistes ?
J.-M. L. P. Dans le monde médiatique qui est le nôtre, le physique, cela compte. Elle est plus jolie que moi ! (Eclat de rire)
F.-S. N’y a-t-il que cela ?
J.-M. L. P. Sa tenue dans les débats, ce n’est pas rien ! Mais les médias reconnaissent aussi aujourd’hui, grâce à elle, que notre combat, ce n’est pas seulement la sécurité et l’indépendance du pays : il y a aussi un contenu social.

« Je ne suis pas sûr que Nicolas Sarkozy sera candidat en 2012 »

F.-S. Croyez-vous que Nicolas Sarkozy sera candidat en 2102 à un second mandat ?
J.-M. L. P. Je n’en suis pas sûr. Il n’ira au combat que s’il estime avoir des chances sérieuses de gagner. Une des rares fois où nous nous sommes vus, il m’avait d’ailleurs dit : « Ce que je fais, je le fais avec passion. Mais je me sens tout à fait capable de faire autre chose. » En tout cas, les temps changent : il y a, aujourd’hui en France, une déception à la hauteur des folles espérances nées du talent de bateleur de Sarkozy !
F.-S. Croyez-vous que Dominique Strauss-Kahn le sera ?
J.-M. L. P. Je pense que non. Le FMI, c’est plus sûr.
F.-S. La candidate Ségolène Royal version 2010 vous intéresse-t-elle ?
J.-M. L. P. L’histoire ne repasse pas les plats.
F.-S. Pourtant, vous-même, François Mitterrand, Jacques Chirac avez été plusieurs fois candidats !
J.-M. L. P. Elle, c’est différent. En 2007, elle a surtout étonné. Et cet étonnement n’est pas reproductible.

« Le poids de l’appareil PS va jouer en faveur de Mlle Delors »

F.-S. Alors, qui verriez-vous à gauche en 2012 ?
J.-M. L. P. Ils sont si nombreux ! Mais le poids de l’appareil jouera, je le parie, en faveur de Mlle Delors.

F.-S. Votre fille ne vend-elle pas la peau de l’ours en répétant qu’elle sera présente au second tour – comme vous en 2002 – mais cette fois contre un socialiste ?

J.-M. L. P. En 2002, quand j’ai vu l’écho que rencontrait Jean-Pierre Chevènement, j’ai compris que j’avais une vraie chance d’être au second tour. Qui sera le Chevènement de 2012 ?
F.-S. Le PS se divise sur le problème des mères porteuses. Avez-vous un avis ?
J.-M. L. P. Je ne suis pas très favorable aux innovations sociologiques. Je souhaite que l’adoption d’enfants français soit en France plus facile qu’elle n’est.

F.-S. La date du procès de Jacques Chirac pour l’affaire des « emplois fictifs » a été fixée à mars 2011…
J.-M. L. P. Jacques Chirac aura été le plus mauvais président de la Ve République, et je mets à part Sarkozy dont le mandat n’est pas achevé. Il aurait dû être jugé pour des choses autrement plus sérieuses. Je pense à ses transactions complices avec Bertrand Delanoë. Et puis son « procès », comme vous dites, il peut encore y échapper.

« L’ISF est un impôt imbécile »

F.-S. Souhaitez-vous l’abandon de l’ISF en même temps que celui du bouclier fiscal ?
J.-M. L. P. L’ISF est un impôt imbécile. Mais on sait d’avance ce qui se passera à l’arrivée : en tout état de cause, une augmentation des impôts !

F.-S. Est-ce sérieux de votre part de vouloir, parce que l’euro est en crise, revenir au franc ?
J.-M. L. P. L’euro est condamné. C’est une simple ligne Maginot. Le retour au franc, ce sera un regain de souveraineté. Quand on a fait une bêtise, on peut toujours revenir en arrière.
F.-S. Diriez-vous de François Fillon, reconduit par Sarkozy, qu’il vous surprend ? Pourriez-vous faire, un jour, un bout de chemin avec lui ?
J.-M. L. P. On est loin d’un programme commun ! Sur la plupart des sujets, l’UMP défend des idées très éloignées de celles du FN, très proches de celles du PS. Seule une situation de crise, type « salut public », pourrait rendre réalistes des positions aujourd’hui inimaginables.

« Si Sarkozy ne se présente pas, Fillon sera le candidat le plus crédible »

F.-S. Quel homme Fillon est-il selon vous ?
J.-M. L. P. Il est là, il est dans la place. Si Sarkozy ne se présente pas en 2012, Fillon serait a priori, pour la majorité, le candidat le plus crédible. Il appartient à la catégorie de ces leaders bis qui, un jour, se retrouvent sans qu’on l’ait prévu en situation : les Truman, Johnson, Carter ou, chez nous, Pompidou, qui a succédé à de Gaulle en 1969.

F.-S. Diriez-vous que Fillon a le profil d’un Pompidou de Sarkozy ?
J.-M. L. P. Absolument. Dans l’adversité, il a témoigné d’incontestables qualités de résistance.
F.-S. Considérez-vous qu’en Côte d’Ivoire Laurent Gbagbo doive céder le pouvoir à son vainqueur, Alassane Ouattara ?
J.-M. L. P. Je suis perplexe. Dans certaines régions qui ont voté Ouattara, est-on sûr qu’il n’y ait pas eu de fraudes ?
F.-S. Dans leur dernier référendum d’initiative populaire, les Suisses ont souhaité que les criminels d’origine étrangère soient immédiatement déchus de leur nationalité et expulsés…
J.-M. L. P. Je suis tout à fait favorable à ce type de référendum qui effraie l’etablishment, où l’on n’a qu’une peur : celle du peuple.
F.-S. Croyez-vous que votre fille l’emportera et vous succédera ?
J.-M. L. P. Je le crois, et je l’espère. Elle a du talent pour aller. Moi, je me considère en quelque sorte comme le premier étage de la fusée…
F.-S. Une fusée qui part dans quelle direction ?
J.-M. L. P. Vers la victoire !

Bison pas futé


L’énorme pagaille provoquée par la neige dans la région parisienne, dans la nuit de mercredi à jeudi, met à nu la fragilité de notre société, qui fonctionne à flux tendu et qui est bien trop dépendante de la voiture. Les flocons de neige sont le grain de sable qui grippe une mécanique manquant de souplesse et qui fonctionne, en continu, au maximum de sa capacité.


Le naufrage routier des N118 et 104 rappelle également la forte parole du journaliste Émile de Girardin (1806-1881) : « Gouverner, c’est prévoir. » Une maxime malheureusement remplacée, mercredi, dans la bouche de Brice Hortefeux, ministre de l’Intérieur, par la très policière exclamation : circulez, il n’y a rien à voir ! Alors que les blocages étaient déjà réalité, Brice Hortefeux, mué en Bison pas futé, a tenu à rassurer les automobilistes, vers 17 h, en affirmant que la réédition du scénario catastrophe de 2003 était « impossible ». On a vu ce qu’il est advenu de son imprudente prédiction !


Le ministère de l’Intérieur est censé être le mieux informé de France. Visiblement, ses renseignements ne portent pas sur les galères quotidiennes des banlieusards. Au moment où Brice Hortefeux prononçait ses lénifiantes paroles, des automobilistes étaient déjà arrêtés depuis des heures. Hier encore, la place Beauvau minimisait les chiffres, totalisant 3300 personnes hébergées d’urgence en Ile-de-France, alors que la ville de Vélizy, seule, parlait de 7000 à 8000 automobilistes abrités pour la nuit.


Le ministre de l’Intérieur ne peut être tenu pour responsable de la mauvaise météo. Mais pourquoi diable nier les évidences ? En octobre déjà, quand plus du tiers des stations-service du pays était à sec à cause de la grève dans les raffineries, le secrétaire d’État aux Transports expliquait qu’il n’y avait « aucune pénurie ». Le déni serait-il devenu une méthode de gouvernement ? Hier, François Fillon a rejeté, depuis Moscou, les raisons de la thrombose sur Météo-France, qui aurait « sous-estimé » l’épisode neigeux. Pourtant les départements d’Ile-de-France faisaient bel et bien partie de ceux pour qui une « alerte orange » avait été décrétée dès mardi, veille du sinistre. Météo-France annonçait des chutes de neige pouvant atteindre dix centimètres. Il en est tombé… onze.

La finance dévoyée

L'un des plus fins connaisseurs de la finance internationale (1) proposait, il y a peu, d'étendre aux pratiques spéculatives la législation sur les dettes de jeu et les paris. En cas de contestation, les intéressés sont privés de tout recours. Rien de plus logique que cette proposition, dès lors que la grande majorité des opérations spéculatives consiste dans des paris en vue de réaliser un bonus. Voilà qui contribuerait au rétablissement de la raison.

Car si la pratique est aussi ancienne que l'économie, ses dimensions sont devenues extravagantes, au point que même Georges Soros, grand spéculateur s'il en est, appelait récemment à calmer le jeu. Il sait très bien, en effet, qu'à terme, ce jeu de bulles explosant l'une après l'autre est tout simplement suicidaire. Le risque est à la mesure du gonflement de la masse financière qui a quadruplé depuis 1980, avec des flux quotidiens de 1 200 à 1 500 milliards d'euros... par jour, soit cinq à six fois le budget de la France.

Surtout, le montant des transactions financières internationales est cinquante fois plus important que la valeur du commerce international sur les biens et services. Cela veut dire que seulement 2 % des transactions financières correspondent à une activité réelle. L'essentiel est pure spéculation, jeu de pari dans lequel l'argent devient une marchandise qui s'auto-reproduit. Son poids est tel que le moindre déplacement significatif au gré de l'intérêt, des appétits et des peurs peut engendrer une catastrophe, comme en 2008.

Qui sont les spéculateurs ? Les fonds d'investissement, les banques, les sociétés d'assurances... mais aussi des gens ordinaires qui, ayant de l'argent, veulent en avoir plus sans trop se fatiguer.

Le vrai problème est ailleurs. D'abord, il réside dans l'écart croissant entre les hauts revenus et les autres. Depuis 2004, selon l'Insee, il y aurait 70 % d'individus en plus dans la tranche au-dessus de 500 000 €. Et au sein du groupe des plus aisés (6 000 personnes), le revenu s'étale de 688 000 à 13 millions d'euros ; soit 700 fois le revenu médian. Pour l'essentiel, il s'agit de revenus financiers.

Ensuite, au niveau mondial, les paris sur le cours des matières premières alimentaires constituent un scandale. Si tout peut devenir objet de spéculation, là, on atteint le seuil de l'intolérable. Des centaines de milliers de personnes meurent chaque année, faute de blé ou de riz, rendus inabordables par les casinos du marché qui font que la cargaison de bateaux entiers change de propriétaires, parfois plusieurs fois par jour. Et cela par la cupidité (2) de ceux que l'on nommait autrefois « accapareurs »...

Et que dire, enfin, de l'indécence qui consiste à faire jouer la solidarité nationale au profit d'individus et institutions d'un égoïsme forcené ? Les mille premières banques mondiales totalisent, aujourd'hui, 95 500 milliards de dollars, soit deux fois l'addition mondiale des produits intérieurs bruts (PIB).

La suggestion du spécialiste de la finance (évoquée au début de l'article), couplée à d'autres mesures, plus radicales encore, telle la mise hors-marché spéculatif des denrées alimentaires, pourrait être un premier pas vers la sortie de la barbarie financière. On attend un G20 sur le sujet...



(1) Paul Jorion, L'argent, mode d'emploi, Fayard.
(2) Joseph Stiglitz, Le triomphe de la cupidité, Actes Sud.

Chaise


Une chaise vide recevra aujourd’hui à Oslo le Prix Nobel de la Paix. Liu Xiaobo, qui devait l’occuper, est retenu prisonnier en Chine. Ce n’est pas la première fois que la chaise reste vide, et les précédents parlent d’eux-mêmes : le pacifiste Carl von Ossietzky en 1936, envoyé en camp par le pouvoir nazi; et Alexandre Soljénitsyne, Prix Nobel de littérature en 1970, empêché de voyager par le pouvoir soviétique. Le pouvoir chinois s’en fiche, naturellement. Il a assigné à résidence la femme du lauréat, et dénoncé dans ce Prix « l’ingérence de quelques clowns », dans la veine des « vipères lubriques » et autres « déchets capitalistes » usités sous la Révolution culturelle. « Les demandes de liberté ne seront pas faciles à contenir », prédit Liu Xiaobo. Espérons qu’il aura raison - pour lui, et pour le monde entier, dont la Chine sera demain la première puissance.

Zone euro : Sarkozy ménage Merkel

L'Élysée juge qu'il n'y a «pas lieu» de discuter des euro-obligations. Angela Merkel accueille ce vendredi Nicolas Sarkozy à Fribourg pour le treizième Conseil des ministres franco-allemand. 

Très critiquée pour sa gestion de la crise de la dette, Angela Merkel peut, au moins, compter sur le soutien de Nicolas Sarkozy, qu'elle accueillera aujourd'hui à Fribourg, à l'occasion du treizième Conseil des ministres franco-allemand. Jeudi, l'Élysée a estimé qu'il n'y avait «pas lieu» de discuter de l'émission d'euro-obligations, «alors que l'Eurogroupe vient de se mettre d'accord sur un mécanisme permanent de crise». La chan­celière s'est fermement opposée, lundi, à la création d'«eurobonds» défendue par Jean-Claude Juncker, président de l'Euro­groupe, et Giulio Tremonti, ministre italien des Fi­nances, afin de mutualiser les dettes européennes. «De telles obli­gations ne permettent pas de concurrence entre les taux d'in­térêt», critique Angela Merkel, qui juge le principe d'obligation commune contraire aux traités européens.
Vexé, le premier ministre luxembourgeois a jugé le refus de Berlin «antieuropéen», s'attirant aussitôt les foudres de la Chancellerie. «Cela n'aide pas l'Europe, si ses membres se qualifient les uns les autres d'antieuropéens», a rétorqué le porte-parole d'Angela Merkel. Ces passes d'armes entre dirigeants de la zone euro augurent mal du Conseil européen de la semaine prochaine, qui sera consacré à la crise de la dette.

Position «tactique» 

Le Conseil des ministres franco­allemand du jour vise à aplanir les différends, grâce à un front uni franco-allemand. Sans être hostile, sur le fond, à la création d'euro-obligations, ou à l'augmentation du Fonds européen de stabilisation financière, prônée par le FMI, Paris ménage Berlin, dont l'accord est indispensable pour inscrire dans les traités un mécanisme européen de stabilité (MES) autorisant le sauvetage d'un État de la zone euro, quitte à imposer au secteur privé une «restructuration» de la dette.
«L'attitude de la France est surtout tactique, car elle a évidemment intérêt à avoir ces eurobonds!, ­estime Guy Verhofstadt, ancien premier ministre belge, eurodéputé et observateur avisé du couple franco-allemand. L'Allemagne pense qu'elle n'a pas intérêt à laisser faire des eurobonds, mais si la pression sur l'euro continue, elle ne pourra l'éviter.»
En mutualisant une partie de leurs dettes, la plupart des États de la zone euro, notamment les «Piigs» -Portugal, Irlande, Italie, Grèce, Espagne-, bénéficieraient de taux d'intérêts plus avantageux et d'une incitation financière à respecter le pacte de stabilité. Mais l'Allemagne, elle, craint de payer plus cher une dette émise en commun avec des emprunteurs peu scrupuleux. «Si le taux des obligations allemandes est inférieur à celui de l'eurobond, il faut prévoir un mécanisme de compensation financière pour l'Allemagne», estime Guy Verhofstadt.
Dans ce débat, la France se garde de faire des propositions révolutionnaires, susceptibles de heurter l'Allemagne. «L'Élysée se consacre surtout à infléchir la position allemande, ce qui est déjà pas mal!», note un diplomate. Outre-Rhin, les positions évoluent déjà. Jeudi, l'un des principaux conseillers économiques du gouvernement, Peter Bofinger, s'est dit favorable aux euro-obligations.

Le commentaire politique de Christophe Barbier





La question à 2.000 milliards d'euros

Attention, embouteillage en vue ! Alors que l'approche de la fin de l'année favorise un apaisement sans doute momentané de la crise de la zone euro, hier, la Banque centrale européenne a tiré une nouvelle fois la sonnette d'alarme. Dans son rapport de stabilité financière, elle souligne qu'un nouveau péril guette les Etats membres. Aux quelque 1.000 milliards d'euros que vont devoir lever collectivement ces derniers pour financer leurs déficits l'an prochain vont s'ajouter les besoins de financement de leurs banques. Soit 1.300 milliards de plus au bas mot pour les deux prochaines années.

En clair, cela veut dire qu'en 2011 les investisseurs auront plus que jamais l'embarras du choix. Qu'ils pourront faire leur marché au gré de l'appétit du moment. Et donc qu'au final il risque de ne pas y en avoir assez pour tout le monde. Au terme d'une année 2010 marquée par le sauvetage en urgence de la Grèce et de l'Irlande, pour lesquelles l'accès aux marchés était devenu impossible, cette perspective n'a évidemment rien de réjouissant. Elle laisse présager d'un millésime 2011 placé sous le signe d'une concurrence effrénée entre les Etats de la zone euro et leurs propres établissements de crédit. Avec les conséquences que l'on peut imaginer pour les emprunteurs les plus fragiles. Qu'ils soient publics ou privés.

Pas étonnant dans ces conditions que la BCE rappelle la nécessité d'améliorer rapidement le dispositif d'aide aux pays les plus vulnérables, en accroissant notamment la taille du Fonds européen de stabilité financière. A quelques jours d'un sommet européen très attendu par les investisseurs c'est loin d'être inutile.

Pas étonnant non plus que l'institut de Francfort invite les Etats membres à reprendre le nécessaire travail de restructuration de leur secteur bancaire. Engagé en catastrophe au moment de la faillite de Lehman Brothers, ce chantier semble être désormais passé au second plan des préoccupations des dirigeants politiques. Une piqûre de rappel est sans doute nécessaire. Car, un certain nombre de banques zombies subsistent en Europe, ne devant leur existence qu'aux liquidités que leur octroie la BCE. La déroute irlandaise du mois dernier a montré les limites de l'exercice. La déconfiture des banques entraînant celle du pays.

L'Etat, Areva, et le sens français de l'hospitalité

Il y a un an, Nicolas Sarkozy chargeait le député de Haute-Corse Paul Giacobbi de donner son avis sur « les déterminants de l'investissement étranger en France […] , un sujet crucial pour assurer à notre pays une reprise économique durable ». L'été dernier, l'élu radical de gauche rendait son verdict : l'image de la France auprès des bailleurs de fonds internationaux est « caricaturale ». A sa façon, l'interminable feuilleton de l'augmentation de capital d'Areva montre à quel point l'Etat lui-même peut contribuer à cette image d'un pays replié sur lui-même et traitant les investisseurs étrangers avec désinvolture.

Depuis les premiers projets de capitalisation du groupe nucléaire, l'Etat actionnaire s'est retrouvé piégé dans ses contradictions. Incapable d'assumer une politique industrielle digne de ce nom, dans l'un des rares secteurs où la France peut revendiquer une réelle avance. En novembre 2004, le ministre de l'Economie, Nicolas Sarkozy, annonce que « la décision a été prise d'ouvrir le capital d'Areva ». A peine un an plus tard, le Premier ministre, Dominique de Villepin, annule cette décision, estimant « la filière du combustible nucléaire » « stratégique » pour la France.

Ce revirement ouvre la voie à des querelles franco-françaises entre Alstom, présidé par un Patrick Kron auréolé du sauvetage du groupe d'équipement ferroviaire et d'énergie, et Areva, dirigé par une Anne Lauvergeon jalouse de son indépendance. Les deux patrons se livrent une guerre sans merci, qui va faire une victime collatérale. Las de se voir relégué au second rang et craignant d'être écarté du jour au lendemain, le partenaire allemand d'Areva, Siemens, annonce en janvier 2009 sa sortie de leur filiale commune, Areva NP.

Trop occupés à gérer leurs querelles d'ego, ni le groupe nucléaire français ni l'Etat actionnaire n'auront su déceler l'impatience de l'industriel allemand. Dans cette affaire, la France a perdu un partenaire historique dans un secteur industriel clef. Plus grave, elle l'a poussé dans les bras du russe Rosatom. Le mélange de la technologie russe, réputée pour sa robustesse malgré l'image de Tchernobyl, et de la gestion de projet allemande représente une réelle menace pour Areva. Dans l'immédiat, la conséquence concrète de ce divorce est financière. Car le rachat des parts abandonnées par Siemens va coûter cher au camp français. Au lieu de recevoir des fonds que son ancien partenaire était prêt à investir dans Areva, le groupe tricolore va au contraire devoir lui verser un dédommagement estimé autour de 2 milliards d'euros. C'est là que débute le troisième acte de cette tragi-comédie à la française. Pour financer cette dette et les investissements du groupe public, l'Etat prend deux décisions le 30 juin 2009 : la cession de la filiale de transmission et de distribution d'Areva et l'ouverture de son capital. Deux opérations qui, elles aussi, vont laisser un goût amer aux investisseurs étrangers…

Face au duo composé d'Alstom et Schneider, l'américain General Electric et le japonais Toshiba veulent croire en leurs chances d'acquérir Areva T&D. Mais, dans la dernière ligne droite, en novembre 2009, le processus tourne en faveur du tandem tricolore, dans un contexte d'opacité qui contraste avec les promesses de transparence du gouvernement. Alstom et Schneider, c'est vrai, ont mis le prix pour l'emporter. Mais, vu de l'étranger, les dés étaient pipés d'avance. Au Japon, l'amertume est réelle. En France, on s'enorgueillit d'une opération permettant de renforcer deux de nos champions nationaux… C'est alors que s'enclenche l'ouverture du capital d'Areva. Dès le départ, l'Etat dispose de trois candidats potentiels : les fonds souverains du Qatar et du Koweït, et le japonais Mitsubishi Heavy Industries (MHI), partenaire industriel de longue date, avec lequel Areva développe le réacteur Atmea. En de pareilles circonstances, un acteur rationnel cherche à rassurer ses interlocuteurs sur leur investissement potentiel. Une longue période de flottement va pourtant s'ouvrir, l'Elysée choisissant justement ce moment pour confier à François Roussely une mission de réflexion sur la filière nucléaire française.

Le dossier du capital est gelé, le temps que l'ancien patron d'EDF rédige son rapport. Celui-ci remettra en cause le périmètre d'Areva, en suggérant l'ouverture du capital de sa division minière. L'Etat profitera de sa publication partielle pour envisager une prise de participation d'EDF dans Areva. Pour ajouter à la confusion, une lutte féroce s'engage entre Anne Lauvergeon et le nouveau président d'EDF, Henri Proglio. La rumeur d'une éviction de la patronne d'Areva ressurgit comme un serpent de mer, et c'est dans ce contexte apaisé qu'un audit est commandé à René Ricol. Sa feuille de route officieuse ? Faire toute la lumière sur les comptes d'Areva. On a connu méthode plus rassurante pour attirer les investisseurs… Lesquels s'avèrent persévérants ! Comme il l'a fait savoir depuis un an, le Qatar veut avoir l'assurance formelle de pouvoir investir, dans un deuxième temps, dans les mines d'Areva. Au dernier moment, l'Etat décline cette demande. Dans la foulée, il rejette également la proposition du japonais MHI, au motif que sa présence au capital d'Areva serait préjudiciable à son concurrent Alstom et son client EDF. A Tokyo, cette volte-face est vécue comme une nouvelle humiliation. Les pouvoirs publics n'ont guère le temps de s'en émouvoir. Leur principal objectif, aujourd'hui, semble de tenir la promesse du chef de l'Etat, en réalisant coûte que coûte l'augmentation de capital avant la fin de l'année. Le Koweït semble encore prêt à investir, mais pas à n'importe quelles conditions. Faute d'avoir accepté les fonds du Qatar et de MHI, l'Etat va devoir se résoudre à mettre lui-même la main à la poche. Au final, si elle réussit, l'opération apportera sans doute moins d'un milliard d'euros à Areva, qui en espérait le triple. Mais, pour la France, son coût en termes d'image sera, c'est sûr, bien plus élevé auprès des investisseurs étrangers.

Une leçon de conduite collective


Après la nuit blanche, la colère noire, forcément. Lorsqu'un phénomène climatique exceptionnel dérègle à ce point nos activités humaines si bien ordonnées, si peu accoutumées à l'imprévisible - une chute de neige l'est par excellence -, notre inclination naturelle est de rechercher, à défaut de coupable, un responsable. Cette fois, ce n'est pas un mais trois fautifs que désignent les milliers de Franciliens contraints, par d'abondantes chutes de neige, de passer la nuit de mercredi dans leur voiture, à leur bureau ou dans un centre d'hébergement d'urgence : le ministre de l'Intérieur, Brice Hortefeux, les services de l'Etat, les municipalités.


Pourtant, aussi difficile cela soit-il à admettre par ceux qui ont vécu des heures éprouvantes, aucun de ces trois protagonistes n'est à incriminer principalement. Le tort de Brice Hortefeux ? Avoir assuré, à 16 h 40, hier, qu'il n'y avait pas encore de « pagaille ». Une heure plus tôt, c'était encore vrai. Il est tentant de voir dans un mot envolé la preuve accablante, nouvelle, d'un éloignement des réalités du quotidien. L'opposition, c'est heureux, s'est bien gardée d'emprunter cette piste glissante du populisme ordinaire.


L'essentiel, hier, était ailleurs : le ministre de l'Intérieur venait, en l'absence de ses collègues en charge des Transports (Nathalie Kosciusko-Morizet, à Cancún, et Thierry Mariani, en partance pour Moscou), de préparer les Franciliens à de « sérieuses difficultés », les invitant à ne pas prendre leur voiture. La réaction de l'Etat n'a peut-être pas été optimale, mais plus rapide qu'en ce début de janvier 2003, lorsque 60.000 automobilistes étaient restés bloqués vingt-quatre heures sur l'autoroute A13. Des leçons ont bien été tirées, mais que pouvaient huit unités de forces mobiles réduites à l'immobilité ? En quelques minutes, le piège blanc s'est refermé sur elles comme sur les civils, soudain coupés de la civilisation.


Quant aux maires, si souvent accusés d'impéritie, plusieurs ont été aux avant-postes. Dans les Yvelines, enneigées comme jamais depuis quinze ans, les villes de Versailles et de Vélizy ont ouvert en un temps record des hôtels de campagne. De cette nouvelle exception climatique nous devrions tirer, plutôt que des accusations individuelles, deux leçons collectives. La première est d'adapter nos propres comportements aux conditions extérieures, de nous soumettre, lorsqu'il le faut, aux lois incoercibles de la nature. La deuxième, plus prosaïque, est de saisir l'intérêt majeur que représentera, dans l'exception comme au quotidien, un Grand Paris des transports publics.

L'Europe se punit,
l'Amérique se relance

Est-ce une foi inoxydable dans le dollar et dans l'Amérique ? Est-ce une indulgence seulement provisoire ? Est-ce tout simplement de la cécité ? En tout cas, on ne peut qu'être frappé de la divergence des politiques économiques entre les Etats-Unis et l'Europe et de l'appréciation à contresens qu'en font les marchés financiers. En Europe, la reprise est faible et la croissance n'atteindra pas 1,7 % dans la zone euro en 2010 et sans doute 1,4 % en 2011. Mais depuis un an, les agences de notation et les investisseurs exigent et obtiennent des cures sévères d'austérité. En Amérique, le PIB devrait gagner au moins 2,8 % cette année et autant l'an prochain. Barack Obama vient de trouver un accord avec la majorité républicaine du Congrès pour une baisse d'impôts qui revient à mettre en place un nouveau plan de relance. Que disent les marchés et les agences de notation ? Ils s'en félicitent en calculant que la croissance sera améliorée d'un demi-point. Tout juste les agences disent-elles que la note triple A américaine serait éventuellement dégradée « dans deux ans » si aucun plan de réduction du déficit n'est présenté d'ici là.

Les Etats-Unis seront le seul pays développé à ne pas s'imposer de rigueur l'an prochain. Le compromis trouvé par Barack Obama avec les républicains va ajouter 1.000 milliards de dollars de déficit sur deux ans. En 2011, l'impasse budgétaire sera maintenue autour des 9 % du PIB, le double de l'Europe. Le président, alarmé par la baisse de régime de la reprise au printemps, le chômage persistant et le doute grossissant sur sa politique économique, cherchait une bouffée d'oxygène. Il voulait prolonger les dégrèvements d'impôts des ménages gagnant moins de 250.000 dollars par an. Les républicains ont exigé que les hauts revenus en profitent aussi. Ce plan est contestable : les derniers indices américains laissent penser que l'économie ne va pas si mal et qu'elle n'avait pas forcément besoin de ce coup de pouce. La banque Goldman Sachs escomptait avant ce plan un rebond à 3,6 % en 2012. En outre, le cadeau fait aux riches (dont l'effet sur la croissance est contesté) provoque des remous sur l'aile gauche des démocrates. Le « New York Times » parle d'un « compromis odieux ». Pourtant, les marchés ont salué cet accord, la Bourse a atteint son plus haut depuis deux ans. Une majorité d'économistes s'est même exprimée pour dire que le paquet fiscal aurait dû être encore supérieur.

Il est perturbant d'observer des points de vue aussi radicalement différents entre le Nouveau et l'Ancien Continent… Qui peut comprendre pourquoi la rigueur est bonne ici et la relance là-bas ? L'explication (1) n'est à chercher ni du côté de la croissance, qui conduirait au contraire à relancer plus en Europe qu'en Amérique, ni du côté du taux d'endettement, qui est quasi le même, 78 % du PIB aux Etats-Unis et 84 % dans la zone euro. Le chômage, 9,1 % outre-Atlantique, 9,7 % ici, ne saurait non plus fournir de clef. La situation des banques ? Peut-être : la crise irlandaise a souligné la fragilité des institutions européennes. La politique monétaire ? Peut-être aussi : la FED déverse des centaines de milliards de dollars sans barguigner, la BCE le fait plus chichement et à reculons. Mais on pourrait inverser le raisonnement, se convaincre que le laxisme monétaire américain amènera des conséquences négatives pour les investisseurs, qui seront difficiles à corriger.

Alors ? Alors il faut parler de politique. Les marchés se détournent de l'Europe dont ils ne comprennent pas les fonctionnements bizarres et les lenteurs et ils se replient sur l'Amérique, une seule monnaie, un seul pays. Les économistes américains, décidément très keynésiens, pensent de même. Dans cette crise des dettes souveraines, ils renforcent leur scepticisme historique à l'égard de l'euro. Pour les Européens, le coût d'une absence d'union politique est désormais hors de prix. Il leur faut s'imposer une austérité structurellement inévitable mais à un moment où la conjoncture est contraire. L'Europe doit faire ses preuves quand on en dispense l'Amérique. Les marchés financiers veulent un modèle fédéral à l'américaine dont les peuples européens, attachés à leur souveraineté, ne veulent pas. Le divorce est total.

De la peinture en politique

Nos personnages politiques ne se privent pas d'évolutions que les commentateurs, au jour le jour, relèvent aussitôt comme des reniements. Ces jugements supposent à tort que les acteurs politiques comptent sur l'amnésie des électeurs. Or ils savent que leur image résulte en fait de la superposition de leurs attitudes successives dans les mémoires. Contraints par la loi médiatique à ne délivrer qu'un message simple à la fois, ils recourent donc à la combinaison de plusieurs messages successifs pour former l'image circonstanciée qui ratisse plus large. Cette technique s'apparente à celles du glacis, de la « velatura » ou du « sfumato » des peintres italiens du Quattrocento, où les couleurs du dessous transparaissent à travers celles du dessus. Deux exemples concrets.

Nicolas Sarkozy a fait succéder, à son discours sécuritaire et identitaire, celui plus constructif centré sur l'emploi, la réforme fiscale, la couverture de la dépendance. Il savait que, en persistant à ne jouer que sur le premier, il finirait par perdre plus d'électeurs au centre qu'il n'en gagnerait du côté du Front national. Avec un dernier coup de pinceau plus amène, il rassure les premiers. Mais la rémanence de l'ancien évite de lui aliéner complètement les seconds. Il avait affecté une ouverture « à gauche », il revient au noyau RPR. Certains se souviendront qu'il n'est pas sectaire, d'autres constatent qu'il ne trahit pas sa famille.

François Bayrou a suffisamment injurié la droite et Sarkozy pour ne pas être suspecté de leur complaire. Un pas vers la gauche a laissé à celle-ci la responsabilité de le rejeter à droite. En résulte une inimitable nuance qui illustre le centre. Les sondages font d'ailleurs de Bayrou son meilleur représentant...

Ces procédés ne sont naturellement pas infaillibles, mais ils méritent d'être employés. Sauf que, à la différence des peintres, on ne peut pas se débarrasser des essais non aboutis.