TOUT EST DIT

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samedi 19 janvier 2013

Mariage homosexuel : à quoi s’expose le gouvernement s’il persiste à agir comme si le 13 janvier n’avait pas existé ?


Si le mariage pour tous n'a pas grand-chose à voir avec les préoccupations quotidiennes de la plupart des Français, un mouvement social de grande ampleur pourrait bien démarrer de là.
François Mitterrand disait : "Au-dessus d’un million de personnes dans la rue, le régime vacille".
Il n’est pas sûr que François Hollande, qui a pourtant été son collaborateur, l’ait compris.
On ne saura jamais le nombre exact de manifestants de l’extraordinaire journée du 13 janvier 2013. A tout le moins peut-on mesurer la progression entre le 17 novembre et le 13 janvier. Selon la préfecture de police, de 70 000 à 350 000, selon les organisateurs, de 200 000 à 1 million, soit, dans les deux cas, une multiplication par cinq.
Certes, la première manifestation était régionale, la seconde nationale, mais, malgré le nombre impressionnant de cars venus de province, l’immense majorité des participants était parisienne.
La principale animatrice du mouvement "la manif pour tous", Frigide Barjot, a demandé une audience au président de la République, faute de laquelle elle annoncera une nouvelle manifestation.
Aura-t-elle gain de cause ? C’est peu probable. A supposer même qu’on la reçoive, ce qui serait la moindre des choses compte tenu de l’ampleur du mouvement qu’elle représente,le projet ne saurait, à ce stade, être retiré par François Hollande sans qu’il donne le sentiment d’une reculade. Il n’envisage pas davantage de le soumettre à référendum : les juristes ne sont pas d’accord pour savoir si la Constitution le lui permet. Il pourrait à la rigueur annoncer que les députés seront autorisés à voter en conscience, ce qui, quoique normal, rendrait aléatoire son approbation, mais le lobby LGBT ne le lui pardonnerait pas davantage qu’un retrait pur et simple. Le retrait de la PMA pour les couples d'homosexuelles est une concession cosmétique, dans la mesure où son autorisation est reportée à un autre texte - et en tout état de cause il ne suffirait pas à satisfaire les adversaires du projet dont la première motivation est de préserver le symbole du mariage. 
Les voies d’un compromis étant à peu près fermées, les perspectives sont d’autant  plus dramatiques.
La prochaine manifestation verra-t-elle une nouvelle multiplication par cinq des effectifs, ce qui créerait une situation quasi révolutionnaire ? Rien n’est à exclure : la détermination des manifestants est totale et nul doute qu’ils reviendront presque tous. La grossière sous-estimation de leur nombre par la préfecture de police, dénoncée un peu partout sur Internet, a été ressentie comme un camouflet, un refus de reconnaitre leur démarche et donc une incitation à manifester à nouveau, en emmenant au besoin de nouvelles recrues.
Si le plein semble avoir été à peu près fait du côté des catholiques parisiens, surtout dans les classes moyennes, et sans doute aussi chez les évangélistes, des réserves existent dans le christianisme populaire, en particulier antillais,  chez les non pratiquants et surtout chez les musulmans. Ils étaient certes représentés dans la manifestation du 13  janvier, mais à petite dose. Il semble que ceux qui sont venus soient retournés enthousiastes de ce qu’ils ont vécu comme un grand acte de participation à la vie politique nationale et en définitive d’intégration. Les appels à manifester de l’UOIF ont été timides ; un déclic pourrait se produire la prochaine fois amenant une bien plus large participation.
Mais la grande réserve de nouveaux manifestants se trouve en province. Dans la plupart des départements il ne s’est agi que d’un galop d’essai timide. Les participants sont eux aussi revenus enthousiastes. Déjà la logistique se prépare pour envoyer la prochaine fois à Paris beaucoup plus de cars.
Le gouvernement refusera-t-il de céder si deux ou trois millions de manifestants se trouvent dans les rues de Paris ? Cela n’aurait aucun précédent. Lors de l’affaire de l’école libre en 1984, François Mitterrand avait clos le débat en annonçant un référendum - qui n’a jamais eu  lieu.
Il n’est pas exclu non plus que si, comme tout le laisse prévoir, le mouvement prend de l’ampleur, la revendication s’élargisse, que des mécontents que la question du mariage n’intéresse pas nécessairement, se joignent aux manifestants pour exprimer leur hostilité à un gouvernement dont la cote de popularité est au plus bas et qui devra sans doute annoncer bientôt de nouvelles mesures d’austérité pour tenir ses engagements européens.
On ne saurait non plus exclure que les banlieues profitent de la manifestation, dont ils connaissent désormais l’ampleur et le caractère festif et à l‘égard de laquelle ils ne ressentent aucune antipathie, au contraire, pour débouler massivement vers le centre de la capitale.
Que le mariage homosexuel n’ait pas grand-chose à voir avec les préoccupations quotidiennes de la plupart des Français : licenciements, chômage, érosion du niveau de vie, incertitude de l’avenir, n’empêche pas qu’un mouvement social de grande ampleur puisse démarrer de là. L’Histoire nous montre qu’entre le détonateur d’une crise politique et sa réalité, la distance est souvent grande : en 1830, une soirée à l’Opéra à Bruxelles a fait l’indépendance de la Belgique, en 1848, l’interdiction d’un banquet à Paris, la présence trop voyante de la danseuse Lola Montés, maitresse du roi, à Münich, ont fait la révolution.
Car, à bien des égards, la situation est révolutionnaire : sur la plan économique, les Français n’accepteront pas indéfiniment un régime d’austérité dont beaucoup leur disent qu’ils n’est pas vraiment nécessaire, au moment où, parallèlement, le trouble apporté au sentiment  identitaire n’a jamais été aussi  profond.  
Sur cette question de l’identité, un des mérites de "la manif’ pour tous" a été de déplacer la césure à laquelle tout le monde pensait avant, entre Français de souche et immigrés, vers une autre césure, plus idéologique et sans doute plus fondamentale, entre deux France : d’un côté ceux pour qui le mariage unisexe est une évidence, soit la partie la plus influente de la classe dirigeante et ceux qui sont sous sa coupe, et, de l’autre, ceux pour qui il est une absurdité, soit une autre France, qui représente un très large éventail : la partie la plus traditionnelle de la bourgeoisie, la plus grande partie du peuple "indigène" mais aussi la plupart des immigrés. Il est difficile de dire si ce nouveau "bloc historique" se consolidera ; il est en tous les cas  à même de renouveler en profondeur la problématique de l’intégration.
Même si les manifestants récusent toute haine, ne prétendant exprimer que l’amour du mariage, ils ont, au fond d’eux-mêmes, leur cible : ce ne sont pas, contrairement à ce que l’on prétend, les homosexuels, mais le monde des médias, libertaire, christianophobe et manipulateur dont ils voient tous les jours qu’il leur est majoritairement hostile. Le décalage entre la réalité vécue de la manifestation et son compte-rendu médiatique a encore approfondi le fossé en même temps qu’il a développé la confiance en eux-mêmes de ceux qui se sentaient jusque-là idéologiquement exclus. Plus encore que le gouvernement et que naturellement les gays, accessoires dans l’affaire, ce sont tous les grands prêtres du politiquement correct qui se sont trouvés désavoués le 13 janvier. Leur amertume, allant jusqu’à la dénégation (la guerre du Mali offrant un bon prétexte pour minimiser la manifestation), qui s’exprime dans beaucoup de compte rendus[1], montre que les intéressés l’ont compris.
A moins que de graves événements, comme une nouvelle crise européenne ou un durcissement de la guerre, n’offrent un alibi au président pour reporter aux calendes le projet, la puissance du mouvement lancé le 13 janvier, conjuguée à la logique idéologique folle dans laquelle le gouvernement s’est fort imprudemment enfermé, pourrait conduire à des  bouleversements d’une ampleur qu’on ne soupçonne pas encore.


[1] Que Le Parisien d’aujourd’hui tire sur "qui va payer les pelouses abîmées du Champ de Mars ?" témoigne en soi de tout un état d’esprit. Dans le même registre, Marianne.fr démontre que la Préfecture de police ne se trompe jamais dans les chiffres !

Sortie de crise ? Les deux graphiques qui montrent que l’euro-triomphalisme ambiant repose sur du vent


La sortie de crise est-elle pour bientôt en Europe ? C'est en tout cas le message que certaines annonces rassurantes tentent de faire passer. Mario Draghi promettant de "tout faire" pour sauver l'euro, et les pays des Balkans montrant la voie de la croissance après l’austérité.
Le taux de chômage des jeunes et le taux de chômage à long terme sont encore très élevés et largement au dessus des niveaux d'avant la crise.
Le graphique ci-dessous compare les taux de chômage de longue durée en Europe en 2007 et 2011 (l'année la plus récente pour laquelle des chiffres sont disponibles). Les pays du Sud et des Balkans apparaissent clairement comme les grands perdants de la crise, avec une explosion du chômage à long terme. Au contraire, le taux a diminué en Allemagne, en Pologne et en Belgique.
 
(Cliquer sur le graphique pour agrandir)
 
Le taux de chômage des jeunes au sortir des études est lui aussi inquiétant : il a augmenté à peu près partout en dehors de l'Allemagne. Le graphique ci-dessous représente le pourcentages de jeunes qui ne sont ni employés, ni en cours d'études, ni en formation.
 
(Cliquer sur le graphique pour agrandir)
 
 
 
 
Atlantico a demandé son avis à Jean-Yves Archer, président de de Archer 58 Research, une société de recherches économiques fondée en mai 2012.Voir le profil et les contributions de Jean-Yves Archer en cliquant ici

Atlantico : Sauvegarde de l'euro, détente sur les marchés obligataires pour les pays du Sud... La situation en zone euro semble s'être stabilisée depuis plusieurs mois et les annonces de Mario Draghi, notamment depuis qu'il a annoncé le lancement du programme Outright Monetary Transactions (OMT) (1). Mais cet "euro-enthousiasme" décrit est-il surtout relatif à la partie financière et monétaire de la crise ?

Jean-Yves Archer: La crise que nous traversons est véritablement multiforme. Elle est d'abord financière par les niveaux d'endettement, qu'ils soient publics ou privés. La BCE a très habilement œuvré mais son bilan comporte désormais des créances sur des États souverains dont certains frôlent l'insolvabilité. La qualité du bilan du prêteur en dernier ressort est donc un vrai sujet. Rien ne permet de dire haut et fort que la crise de l'euro est une affaire classée.
Puis l'euro-enthousiasme ( le fameux "crise exit " ou "crexit " ) est une vue de l'esprit pour qui songe à l'ampleur du chômage de masse sur notre continent. Plus de 19 millions de personnes sont sans-emploi avec une durée de chômage de plus en plus longue. En moyenne, près d'un an. La crise sociale et humaine est une variable qui pèse significativement sur la demande et aussi sur la propension à investir des entreprises.


La Banque centrale européenne est parvenue à colmater les effets de la crise financière et monétaire. Mais peut-elle agir sur l'économie réelle ?

La BCE prête à 1% ( grâce aux LTRO ) aux banques intra-entreprises. Dans le cas de la banque que détient Volkswagen, cela a permis à ce constructeur de prêter à des taux très bas à ses clients. D'où un avantage concurrentiel et un soutien à la demande. A l'inverse, la banque de PSA est contrainte de demander une caution de 7 milliards d'euros à l’État.Dès lors, il est exact que la BCE puisse contribuer à restaurer des éléments de croissance mais uniquement là où les exploitations sont saines.

A la vue des deux graphiques, les pays du sud de l'Europe sont fortement plus touchés que ceux du nord. La fin de la crise passera-t-elle par une convergence entre le sud et le nord ? Cette convergence est-elle possible ?

La convergence décidée par le politique peut être d'ordre fiscale et budgétaire voire bancaire ( projet d'Union bancaire ). En revanche, la fin de la crise passera davantage par le redémarrage d'une ou deux grandes économies motrices en Europe plutôt que par une convergence entre l'arc sud et le nord. De plus, l'Allemagne vient d'abaisser ses prévisions de croissance à 0,2% pour 2013 ce qui repousse à l'été 2014 l'espoir – que nous avons tous – de voir la situation vraiment s'améliorer. Quant au chômage, sa décrue valable ne sera pas enregistrée avant la rentrée 2014. Dire autre chose est toujours possible mais guère crédible.
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(1) Le programme Outright Monetary Transaction a été lancé par Mario Draghi, alors président de la BCE, en septembre 2012 pour intervenir de manière illimitée sur les marchés de la dette afin de diminuer les taux d'intérêts élevés auxquels font face les États du Sud.

La France Orange Mécanique


Dans "La France Orange Mécanique", Laurent Obertone ose s'intéresser aux deux violences faites à la société d'aujourd'hui : la délinquante et la médiatique.
Sur ce livre choc qui en défrisera plus d’un, et, comme le remarque malicieusement Xavier Raufer dans sa préface, fera passer son auteur d’abord comme un falsificateur indigne doublé d’un répressif tout azimut à la solde du Front National (et sans lire ce que celui-ci dit vraiment du FN et la façon dont il lui règle son compte), puis, une fois qu’on aura vérifié la véracité hallucinante de ses informations,  comme un défonceur de portes ouvertes qui n’a rien inventé et se contente d’accumuler la liste des horreurs pour semer la panique dans les foyers, enfin, quand tout aura été digéré, repensé, reconnu, pour un vrai journaliste qui a fait son boulot et osé, le salaud, nous parler de cette chose répugnante qui s’appelle "le réel",  on pourra dire cinq choses.
5. La France Orange mécanique est avant tout un livre d’informations. Un document incroyablement fourni sur tout ce qui se passe depuis vingt ans au pays des Droits de l’Homme en matière de délinquance et de criminalité. Un recensement accablant, quasi surréaliste, où il apparaît, d’après l’  "office national d’observation de la délinquance et des réponses pénales" (l’ONDRP), qu’il y a en France chaque jour près de 6000 atteintes aux bien, 1300 atteintes à l’intégrité physique, 1000 escroqueries économiques et infractions financières, 470 véhicules détruits ou dégradés, 330 violences physiques crapuleuses, 100 incendies volontaires de biens privés. Pire, qu’on compte 200 viols toutes les 24 heures – et un nombre impressionnant de violeurs rejetés dans la nature.
De ce triste livre des records, on apprendra aussi comment toutes les formes de délinquance ont explosé, à commencer par celle des mineurs (il n’est plus rare de voir des assassins de quinze au treize ans) et celle des filles (le taux d’adolescentes mises en cause entre 1996 et 2009 a connu une augmentation de 113 %). Facile de convaincre par des listes, rétorqueront les "sceptiques", ces gens à qui il n’est jamais rien arrivé et qui prennent toujours de haut les plaintes de ceux à qui il est arrivé quelque chose. Le réel est racoleur, c’est bien connu. Et il a bien souvent le mauvais goût d’être démocratique et égalitaire : on peut être un ado et violer une octogénaire comme en juin 2012 à Marseille (20 minutes, 16/06/12) comme on peut être un septuagénaire et, quelques jours plus tard, séquestrer, filmer et violer une jeune femme à Lessard-le-National (Le journal de Saône-et-Loire, 30/06/12). Sans oublier ces cas d’école qui seraient comiques s’il n’étaient pas vrais, comme cet homme jugé en novembre 2012 à Saint Nazaire pour avoir tué sa femme enceinte de 33 coups de couteau, parce qu’elle voulait appeler leur bébé "Yanis" et lui préférait "Gianni" (Ouest-France, 09/11/12).

4. Bien entendu, il ne manquera pas d’âmes sensibles pour stigmatiser la violence intrinsèque de ce livre conçu lui-même, avec son titre spectaculaire et sa couverture orange brutale, comme un compte à rebours façon Irréversible de Gaspard Noé (les chapitres allant de 10 à un hypothétique quoique "explosif" zéro) ou même comme une thérapie de choc destinée à excéder le lecteur en le saturant d’informations toutes plus horribles les unes que les autres et finir par le persuader que décidément la violence est partout et que lui-même peut en être la  victime, un peu comme ce que l’on fait justement subir à Alex dans le film de Stanley Kubrick. C’est là l’indéniable côté "traitement Luduvico" de cette France Orange mécanique – à la différence de taille qu’il s’agit là non d’endormir les conscience mais bien de les réveiller.
Certes, Laurent Obertone n’y va pas avec le dos de la cuillère et n’est pas toujours à l’abri de facilités, de raccourcis ou de jugement à l’emporte pièce dont on peut comprendre qu’ils représentent un défouloir mais qui finissent par altérer la réflexion. De même sa vision, disons génético-animalière du monde, étayée, d’ailleurs brillamment, par les thèses du biologiste Richard Dawkins selon lesquelles nous serions prisonniers de nos gènes et du zoologiste Konrad Lorenz pour qui l’agressivité est déjà dans la bactérie, pourra apparaître quelque peu univoque – même si l’on comprend que pour le criminologue, c’est le monde entier qui devient à un certain moment criminogène. Il n’empêche que la subjectivité, parfois discutable, du jugement est toujours amortie par l’objectivité du constat. N’en déplaise aux esprits forts, c’est le réel qui est choquant, non le dégoût qu’il suscite.

3. Voici donc un livre certainement excessif mais d’un excès qui est à la mesure de la réalité. Et une réalité qui, comme toujours, a l’art de contrarier les dogmes de la sociologie dominante. Ainsi, un bourdivin sera fort irrité d’apprendre que la criminalité ne va pas forcément de pair avec la pauvreté, l’environnement et le chômage, et que, par exemple, des départements comme la Creuse, le Cantal et le Lot, qui ont le PIB le plus bas de France, sont aussi ceux qui ont le taux de criminalité et de délinquance le moins élevé alors que des départements à forte criminalité comme l’Essonne, le Val-de-Marne ou la Seine-et-Marne, sont beaucoup plus riches, beaucoup plus entreprenants, et le comble, beaucoup plus subventionnés.. C’est que contrairement à ce que pensent nos journalistes officiels, évidemment tous de gauche (car comme le rappelle Obertone, citant une étude étonnamment sérieuse de Marianne datant du 23 avril 2001 : 94 % des journalistes votent à gauche – ou au centre pour les plus subversifs d’entre eux), les problèmes sont parfois beaucoup moins "sociaux" qu’ethniques et religieux. Et force est de constater, avec Eric Zemmour, Malek Boutih, les sociologues Hugues Lagrange et Sébastien Roché, et n’importe quel Ministre de l’Intérieur qui daignerait montrer ses chiffes, qu’il y a en effet une sur-délinquance des Noirs et des Arabes. Mais qu’on se rassure, la criminalité des autochtones a augmenté elle aussi. Ouf !
2. Mais tout de même, et quelle que soit la justesse du constat, n’est-ce pas faire le jeu du Front National que d’exposer tout cela au grand public, s’inquiètera telle grande conscience citoyenne et vigilante tant il est vrai que pour elle l’inquiétant n’est pas tant ce qui se passe dans la rue que dans la tête des gens qui habitent cette rue, et que l’essentiel est moins de protéger les gens des voyous que d’eux-mêmes et de leurs réflexes xénophobes. La culture de l’excuse pour tous mais pas pour le raciste, attention ! Lui n’a aucune circonstance atténuante, aucune possibilité de repentance ou de remise de peine, aucune chance morale et pénale – et l’on se dit alors que si l’on traitait médiatiquement, moralement et pénalement les délinquants comme on traite les racistes, ça rigolerait beaucoup moins dans le neuf trois.  Il n’empêche que le Front National, loin d’apparaître comme ce qui pourrait nous assurer le salut, ne sort au contraire pas du tout indemne de la critique obertonienne : "le Front National de Marine Le Pen, écrit ce dernier, ne propose rien qui permette de sortir de la spirale à emmerdements : en souhaitant réserver les prestations sociales aux Français (et même les augmenter), il ne fera qu’amorcer la fabrication de sous-sociaux bien de chez nous, made in France. (…) Son programme relève du gauchisme social, l’origine de beaucoup de nos maux." On ne saurait à la fois être plus engagé et moins partisan.

1. Ce que montre en définitive cette enquête, c’est qu’en France  les "débats" sont la plupart du temps idéologiquement faussés. Ainsi des féministes, toujours prêtes à se battre contre un "mademoiselle" ou une campagne de mode jugée putassière, mais rarement sur place lorsqu’il s’agit de juger de ce qui se passe vraiment dans les cités – au contraire de ce documentaire de Cathy Sanchez, intitulé La Cité du Mâle, diffusé, après moult hésitations par peur d’être accusé de "discrimination", sur Arte en septembre 2010, et dans lequel des djeuns, nourris au rap et au RnB, parlaient librement de leur conception de la femme, assez éloignée, il faut le reconnaître, de celle de Marianne. Pour certains commentateurs officiels, c’était ces jeunes que la réalisatrice avait "piégés". Culpabiliser les coupables, ça ne se fait pas. En revanche, ce sont les innocents qu’il faut convaincre de mauvaise conscience.  Et le travail de sape par les médias est telle que l’on tombe parfois sur des victimes d’agression qui plutôt de s’indigner de leur agression, s’indignent qu’on "l’instrumentalise" - tel ce jeune homme de 19 ans qui en décembre 2008 se voit provoqué, volé et tabassé par une bande de voyous en plein Noctilien parisien, et qui, parce qu’on a filmé son agression et qu’elle est passée sur Internet,  ne trouve rien de mieux à dire qu’il ne veut surtout pas qu’on en fasse un "amalgame", parce que ce soir là, il était habillé "de façon bourgeoise" (donc sans doute un chouïa provocante pour les voyous qui l’ont pris à partie) et qu’il ne voudrait surtout pas qu’on stigmatise ces derniers, tant il tient plus que tout à ce que l’on préserve ce vivre-ensemble plutôt que son instinct de survie à lui. Il est vrai qu’à notre époque, l’ordre est devenu caduque, alors que c’est le premier besoin de l’âme, comme le disait Simone Weil, et le premier souci des pauvres -  un souci qui n’est visiblement pas celui de Christine Taubira ni de Noël Mamère pour qui "la justice n’est pas là pour envoyer des gens en prison". Punir, pour ces gens qui raisonnent comme le maire de Monsieur Ouine, c’est ajouter du mal au mal, c’est dramatiser encore plus un meurtre ou un viol, c’est insister trop sur le scandale de la violence. Malheur à celui par qui le scandale arrive ! Malheur, surtout, à la victime qui oserait se rebeller – tel ce père qui ose gifler le violeur de 13 ans de sa fillette de 4 ans et qui se voit traîner au tribunal par la mère du premier et condamné à 200 euros d’amende avec sursis. "La part des victimes, c’est la part des ténèbres", écrit superbement Obertone dans ce livre qui pourrait, pour ceux qui croient encore à la justice et au contrat social, être une lueur d’espoir.

Laurent Obertone, La France Orange Mécanique, Editions Ring, 352 pages, 18 euros, n vente depuis le 17 janvier 2013.