TOUT EST DIT

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samedi 5 février 2011

Egypte: Quand le Quai d’Orsay fait taire les chercheurs

Le ministère des Affaires étrangères a demandé à des chercheurs français présents en Egypte de ne pas s’exprimer sur la crise politique dans le pays. De quoi relancer la polémique sur l’utilisation abusive de "l’obligation de réserve" par l’administration. 

Peu avant de répondre aux questions des journalistes de France 24 sur la situation en Egypte lundi dernier, Marc Lavergne, directeur du Centre d'études et de documentation économiques, juridiques et sociales (Cedej) du Caire, a reçu un appel de l’ambassade de France en Egypte. Selon Mediapart, qui révèle l’affaire, il a été demandé à ce géographe de garder le silence. Le Quai d’Orsay a officiellement reconnu avoir demandé aux chercheurs de respecter leur "obligation de réserve" alors que les violences persistent dans le pays. En outre, le porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Bernard Valero, indique: "La deuxième raison, c'est que compte tenu du contexte en Egypte, pour des raisons de sécurité, il y a eu une recommandation de l'ambassade de dire n'en faisons pas trop, n'apparaissez pas trop publiquement. Si vous rentrez en France, vous pouvez vous exprimer, mais là, il faut faire attention."

Informer le public, une fonction statutaire pour les chercheurs

Pourtant, en mêlant la question de la sécurité à celle de l’obligation de réserve, le gouvernement risque de s’attirer les foudres de la communauté scientifique. "Les questions de sécurité doivent être traitées sur un plan différent et il ne faut pas les mélanger avec celles de l’obligation de réserve", pointe Luis González-Mestres, chercheur au CNRS et membre du collectif “Indépendance des chercheurs” joint par leJDD.fr . L’obligation de réserve, telle qu’énoncée par la Direction générale de l’administration et de la fonction publique, "interdit au fonctionnaire de faire de sa fonction l’instrument d’une propagande quelconque". Pour Luis González-Mestres, la définition ne peut s’appliquer aux cas des chercheurs en Egypte. "Les fonctions statutaires des chercheurs comprennent l’information scientifique du public, rappelle ce physicien. Lorsqu’il y a une crise quelque part dans le monde et que les pouvoirs publics disposent d’établissements de recherche qui peuvent informer l’opinion publique de manière objective, il est normal que les chercheurs puissent s’exprimer. C’est leur rôle et c’est leur mission. Ça n’a rien à voir avec l’obligation de réserve!"
Pourtant, pour Bernard Valero, cité par Mediapart, " un agent de l'Etat français n'a pas à faire de déclaration publique à l'étranger sur la vie intérieure d'un pays, qu'on soit chercheur, professeur ou encore volontaire international". Mais selon Luis González-Mestres, "il y a toujours eu une certaine tendance à vouloir opposer l’obligation de réserve aux fonctionnaires dans les situations un peu litigieuses". L’illustration la plus récente est l’affaire du gendarme Matelly, radié de la gendarmerie pour des propos critiques sur la politique du gouvernement et finalement réintégré après une décision du Conseil d’Etat.
L’obligation de réserve, un moyen de faire respecter une ligne politique dans l’administration? Sans aller jusque-là, Luis González-Mestres estime qu’il ne faut pas oublier que "l’obligation de réserve est beaucoup plus forte pour les gens haut placés". "Les chercheurs n’en sont pas, tranche-t-il. Il ne faut pas exagérer.” Reste que les chercheurs fonctionnaires qui travaillent en Egypte ont intérêt à se tenir cois. Après avoir reçu un appel de l’ambassade, Marc Lavergne a décidé de répondre tout de même aux questions de France 24. Le lendemain, c’est l’ambassadeur lui-même qui lui téléphonait, pour le rappeler à l’ordre.

À l'aveugle

Américains et Européens, qui n'ont pas vu venir la contagion de liberté dans le monde arabe, jouent maintenant leurs coups à l'aveugle, sans savoir où ils vont. C'est logique quand on s'est accroché pendant des décennies au mythe confortable de la stabilité fondé sur un statu quo en trompe l'oeil. On tolérait, tout en protestant poliment, des dictatures à l'intérieur, en échange de quoi ces régimes garantissaient un partenariat solide et intéressé.

La révolution arabe bouleverse cet équilibre instable par nature puisqu'il y manquait l'essentiel, le partage des mêmes valeurs, démocratie et droits de l'homme. Cette révolution émerge de deux nouveaux acteurs : la société civile, diplomés et chômeurs, et le fameux cybermonde des technologies de communication. Ces deux acteurs sont en train de s'imposer dans le jeu mondialisé. Ils obligent tout le monde à une révision brutale. À l'intérieur, l'armée et les religieux, ne seront plus seuls à se tenir par la barbichette. Reste à définir les nouvelles règles du jeu démocratique.

Quant aux partenaires, leur hâte à se dédouaner de leur aveuglement, les pousse à des exigences compréhensibles, mais pathétiques. Encore une fois à la ramasse, les Européens ont fini par se fendre hier de quelques lignes pour exiger une transition démocratique immédiate. Ce minimum syndical ne s'accompagne pas de l'exigence du départ de Moubarak puisque ce dernier a fait un doigt d'honneur à Obama.

Le zig zag du président américain d'ailleurs est révélateur d'un affaiblissement que les États-Unis tentent de masquer en s'invitant dans les discussions pour la passation de pouvoir au Caire. En fait, c'est toute leur politique au Proche et Moyen Orient que les États-Unis devront vite recadrer, d'autant que leurs futurs interlocuteurs seront plus exigeants envers eux. N'en déplaise à Israël dont l'aveuglement dans la défense de Moubarak est encore plus pitoyable quand on sait à quel point l'état hébreu a joué de l'islamisme en Palestine. Le monde arabe aspire à une normalité que les Israéliens feraient mieux d'accompagner et d'encourager.

Quelle contestation ?

« Qui ne veut rien faire, trouve une excuse » dit un proverbe arabe en forme de parfaite illustration des propos de Souleimane, l'homme fort du pouvoir égyptien. Avec une maîtrise éhontée de la langue de bois et de la rhétorique du complot de l'étranger, le vice-président a évacué les affrontements sanglants en cours et noyé la contestation qui secoue le pays dans une invraisemblable bouillie sur les réformettes institutionnelles. Ajoutée aux excuses pitoyables du Premier ministre sur les événements de la nuit, la thèse surréaliste des éléments suspects infiltrés dans les manifestations ne laissait aucun doute sur l'intention du pouvoir d'instaurer une sorte d'état d'exception pour durcir le régime et demeurer en place.

Souleimane n'ignore pas que le compte à rebours est tendu pour tous les intervenants du conflit. Pour Moubarak d'abord qui n'aura pas d'autre choix que de quitter le pouvoir si la manifestation de cet après-midi rassemble autant de monde que celle de vendredi dernier. Encadrés par des policiers, ses partisans avaient bel et bien pour mission de créer le chaos, de déstabiliser le mouvement de contestation et d'installer un climat tellement violent qu'il devait inciter le régime à interdire les rassemblements d'aujourd'hui. Tout a été orchestré pour légitimer ainsi une intervention de l'armée.

Pour les anti-Moubarak et pour ceux qui aspirent au changement, le timing aussi est serré. Si les scènes de guerre civile se prolongent le raïs reprendra la main par la force et la répression. Temps compté enfin pour les États-Unis qui, à petits pas certes, sont allés loin dans leurs pressions pour faire partir Moubarak et ne peuvent plus accepter le statu quo.

La dictature en cherchant la confrontation signifie qu'elle ne lâchera rien. Pour se sauver Moubarak et les généraux savent que pour cela la place Tahrir doit être calme dans les heures qui viennent. À suivre la défense qu'en ont faite les pro-démocratie tout au long de la journée et de la nuit, il est certain qu'il n'en sera rien. Si l'armée ne respecte pas sa promesse de protéger le peuple, la confrontation sera grave et tuera les espoirs de changement. Moubarak est un vieux fou qui est prêt à un bain de sang pour la survie de son pouvoir.

Après la Tunisie, l’Egypte… et puis ? Révolutions : comme un cheval au galop ?

Fin décembre, j’écrivais à mes lecteurs de DEFIS & PROFITS que, parmi les risques qui se profilaient pour l’année 2011, un de ceux qui me préoccupait le plus était le risque géopolitique. L’actualité m’a rattrapé plus vite que je ne le pensais !
D’abord la Tunisie…
Tout commence donc en Tunisie, petit pays de 10 millions d’habitants, très dépendant de l’Europe par le tourisme, les exportations de biens et de services, les aides et l’envoi d’argent de la diaspora. La crise en Europe a eu un impact direct sur le pays, secoué par de mauvaises récoltes. Dans un pays tenu d’une main de fer par Ben Ali et ses proches, l’augmentation du prix des denrées a semé le désespoir et la colère populaire, qui ont conduit au soulèvement de ces dernières semaines. Les questions agroalimentaires mondiales sont d’ailleurs un thème d’investissement récurrent de DEFIS & PROFITS. Ici, pas l’ombre d’une subversion islamiste, apparemment du moins…
… Puis l’Egypte
Les événements tunisiens, largement exposés au monde entier et en particulier au monde arabe par les télévisions, ont donné un coup de fouet à ce qui mitonnait en Egypte. Mais l’Egypte n’est pas la Tunisie : 84 millions d’habitants, des ressources importantes, du pétrole, une position stratégique, elle est classée comme pays émergent où il peut être intéressant d’investir. L’Egypte devrait bien vivre, avec la manne récurrente du canal de Suez, le tourisme historique et culturel en forte progression (5% du PIB), une richesse agricole le long de la vallée du Nil, et les dollars américains qui se déversent sur l’un des seuls alliés arabes de Washington.
Mais sans rentrer en récession, la crise économique mondiale a tout de même rattrapé le pays : moins de bateaux dans le canal de Suez, donc moins de redevances, moins de touristes, moins d’exportations de pétrole. Néanmoins, la croissance, si elle s’est essoufflée, est restée soutenue à +5,3%, et l’Egypte réalise une bonne performance parmi les émergents, avec un chômage à 9% seulement. Là aussi, les prix alimentaires ont été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres.
Toutefois la situation politique est complètement différente. Si, comme en Tunisie, la corruption du régime est patente, si celui-ci contrôle la politique et l’économie, il ne faut pas oublier que le mouvement islamique se présente comme un recours. Les Frères Musulmans, organisation crée en Egypte même en 1928, sont un puissant acteur de la société égyptienne. Ils représentent environ 20% des électeurs, et leur infiltration dans la vie sociale et associative leur confère un contre-pouvoir réel, même s’ils ont été tenus en respect par le pouvoir de Moubarak.
De là à voir la main des Frères Musulmans derrière le soulèvement actuel, il n’y a qu’un pas à franchir. Qu’en est-il réellement ? Nous n’en savons rien actuellement. Un basculement de l’Egypte dans un régime islamique est impensable pour les Etats-Unis et leurs alliés, au premier rang desquels Israël, mais aussi l’Arabie Saoudite. Les accords de paix de Camp David entre Israël et l’Egypte sont la clé de voute d’une paix relative au Proche-Orient. Imaginez la situation si l’Egypte basculait, avec le Liban de plus en plus aux mains du Hezbollah, la Jordanie fragilisée…
Pourtant, en Egypte, la messe n’est pas dite, si j’ose dire ! Le chaos qui s’installe peut favoriser une reprise en main du pouvoir. Bousculé par les Etats-Unis, celui-ci peut consentir des réformes sociales importantes, et lancer la transition politique, inévitable de toute façon compte tenu de l’âge de Moubarak. Cela sera-t-il suffisant ?
A qui le tour, maintenant ?
La question qui agite dorénavant les médias est : après la Tunisie, après l’Egypte, à qui le tour ? La contagion va-t-elle toucher d’autres pays de la région ?
Le cas de la voisine Lybie vient immédiatement à l’esprit. Contrôlée par l’autocrate Khadafi, la Lybie est riche de pétrole, ce qui a permis au clan dirigeant « d’arroser » copieusement les 6,5 millions d’habitants qui constituent la population. Rien n’est sûr, mais je ne vois pas le peuple libyen bouger à court terme avec quelque chance de succès.
La Jordanie, 6 millions d’habitants avec un chômage à 12%, paraît davantage en position de faiblesse. Dépourvue de ressources naturelles en dehors d’un peu de potasse et de phosphates, sa croissance, avant crise, a été soutenue par les services, l’immobilier et le tourisme. L’économie du royaume reste en partie dépendante des transferts des expatriés (15% du PIB) et des aides étrangères. Ici aussi, les prix des denrées alimentaires et des produits énergétiques ont provoqué la colère populaire, malgré des réformes qui en font un « bon élève ». Mais la pression des Palestiniens exilés est forte, l’ombre des Frères Musulmans plane…
Le Liban, malgré la crise politique permanente, peut s’enorgueillir d’une économie florissante, avec une croissance de 8% environ en 2010, et malgré des infrastructures en souffrance et malgré une dette impressionnante. Le pays est de plus en plus insidieusement contrôlé par le Hezbollah dont le candidat vient d’être nommé Premier ministre. La situation devrait rester calme, du moins du point de vue des émeutes populaires.
La situation est radicalement différente pour l’Algérie et ses 35 millions d’habitants. La corruption généralisée a entrainé une opération « mains propres » dans le secteur pétrolier : cela n’a pas suffit à calmer la grogne populaire. Les investisseurs étrangers sont circonspects dans un pays corrompu et agité par le chômage des jeunes (22%).
La violence, islamiste ou celle du pouvoir, semblait s’être estompée, la voilà qui revient dans la rue, qui est impatiente de toucher les dividendes de la manne pétrolière alors que les pénuries alimentaires se profilent, sur fond de hausse des prix. L’Algérie vient d’ailleurs d’importer des quantités considérables de blé.
La proximité de la Tunisie, les liens qui se sont créés entre populations jeunes des deux pays via Internet, sont des facteurs de risque de contagion. Mais le pouvoir est soutenu par la communauté internationale et a l’expérience de la répression de mouvements insurrectionnels ou subversifs (comme le GIA).
Le Maroc et ses 32 millions d’habitants pourraient-ils être entraînés dans la tourmente ? Après de belles performances, le secteur agricole est en baisse, tandis que l’industriel ne progresse que légèrement. Mais les exportations de phosphates sont en hausse de 84%, le secteur tertiaire progresse de 5,5%. Le secteur-clé du tourisme est en forte reprise (+6%). Les politiques sociales laissent encore à désirer et pourraient constituer un terreau favorable à la révolte. Le gouvernement subventionne les produits pétroliers importés, ainsi que des produits alimentaires comme l’huile, la farine, le sucre. Pourra-t-il continuer ? Les déficits risquent de se creuser (l’Etat marocain est le premier employeur du pays), tandis qu’une réforme des retraites en cours s’avère impopulaire avec recul de l’âge légal et augmentation des cotisations. Toutefois, le pouvoir marocain semble suffisamment fort et avancé pour résister à une déstabilisation et lancer des réformes.
Arrêtons là. A n’en pas douter, la tache d’huile va s’étendre à d’autres pays, portée par les images télévisées, ou circulant sur Internet, doublées par les « chat » des réseaux sociaux. Jusqu’au Gabon, qui a vu ses premières émeutes, et dont l’opposant principal au pouvoir actuel s’est autoproclamé président de la République !
L’arme de ces « révolutions » ? La technologie
Ces « révolutions » ont un point commun qui est frappant : l’avez-vous remarqué ? C’est l’irruption de la technologie dans le comportement des individus comme des peuples. Les images numériques des professionnels comme des particuliers donnent une vue instantanée d’une manifestation, des blessés, des dégâts. Le rôle des téléphones portables dans le transfert des nouvelles, rumeurs réelles ou fausses vérités, est stupéfiant.
Pire encore, on y a vu l’utilisation d’Internet et des réseaux sociaux pour informer, rassembler, ameuter, là aussi transmettant une information qui peut être manipulée, orientée, déformée, mais qui est aussi un moyen hyper efficace de transmettre des consignes, des mots d’ordre. D’ailleurs, le pouvoir égyptien ne s’y est pas trompé : il a rapidement mis à terre le réseau Internet du pays.
Quelles conséquences sur vos investissements ?
Le risque d’embrasement du Proche et Moyen-Orient est réel. Avec sa conséquence habituelle : la montée du prix du baril de pétrole… L’investisseur avisé se renforcera en or (profitant de la faiblesse relative actuelle) et en valeurs pétrolières et parapétrolières, en évitant celles qui sont le plus impliquées dans cette région.
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Égypte : la direction du parti au pouvoir démissionne

 Hossam Badrawi, connu pour avoir de bons rapports avec l'opposition, devient secrétaire général du parti. Un geste à l'égard des milliers d'Egyptiens qui continuent dans le même temps d'occuper la place Tahrir du Caire. 
La pression de la rue s'est faite encore plus forte vendredi en Égypte contre le président Hosni Moubarak, appelé également par Barak Obama à écouter les revendications des manifestants. De son côté, le premier ministre égyptien Ahmad Chafic a exclu que la proposition de transfert de pouvoir entre le raïs égyptien et son vice-président, Omar Souleimane, soit «acceptée», comme le souhaiteraient les États-Unis. «Nous voulons un processus démocratique sans délai, mais nous laissons aux Égyptiens le soin de déterminer qui doit le conduire et comment», a pour sa part plaidé Nicolas Sarkozy.
 09h44 : Hosni Moubarak a reçu ce matin les principaux ministres chargés des questions économiques au sein du nouveau gouvernement, rapporte l'agence de presse officielle égyptienne. Etaient présents autour du raïs le premier ministre Ahmed Chafik, le ministre des Finances, celui du Pétrole et celui du Commerce et de l'Industrie, ainsi que le gouverneur de la banque centrale.
8h54 : Des dizaines de manifestants tentent d'empêcher les chars de l'armée déployés sur la place Tahrir, au Caire, de quitter ce lieu symbole du mouvement de contestation contre le régime d'Hosni Moubarak, de crainte de violences.
08h43 : Interrogé par Le Monde.fr, le cabinet de François Fillon affirme avoir suspendu les autorisations d'exportations du matériel de guerre vers l'Égypte. Une décision qui a été prise, assure Matignon, le 27 janvier.
8h16 : Une attaque a été menée contre un terminal gazier approvisionnant Israël, indique un responsable égyptien. Les assaillants ont attaqué le terminal et le gazoduc à Cheikh Zouwayed dans le Sinaï, à 10 kilomètres de la bande de Gaza. Mais il n'est pas avéré que ce sabotage soit lié à la révolte en Egypte.
08h12 : L'ONG de défense des droits de l'homme Amnesty International annonce que deux de ses employés arrêtés la veille au Caire ont été libéré.
08h09 : A-Jezira annonce que le directeur de son bureau au Caire et l'un de ses journalistes ont été arrêtés, au lendemain de la mise à sac du bureau. Les autorités égyptiennes ont déjà interdit depuis le 30 janvier à la chaîne, qui couvre largement le soulèvement contre le président Hosni Moubarak, de travailler en Égypte. Al-Jezira a toujours eu des relations tendues avec le gouvernement égyptien.
04h20 : Le nouveau ministre égyptien des Finances Samir Radwan présente ses excuses pour tous les cas de «mauvais traitements» infligés aux journalistes et manifestants par les forces de l'ordre égyptiennes, dans une interview accordée à CNN.
00h58 : Canal+ annonce la libération de deux journalistes d'une agence de presse française qui travaillaient pour elle, arrêtés jeudi par des forces de sécurité au Caire. Dans un communiqué, la chaîne précise qu'ils sont «sains et saufs» et «rejoignent leur base».


Egypte: le bureau exécutif du Parti National démocrate au pouvoir démissionne

Le président égyptien, même s'il n'a pas fléchi lors du "jour du départ" vendredi, reste sous pression. Suivez les évenements de la journée, heure par heure.

16:45 Le Quartette pour le Proche-Orient (ONU, USA, UE et Russie), réuni à Munich juge "impérative" une reprise des pourparlers israélo-palestiniens en vue d'un accord de paix global entre Israël et les pays arabes, au vu du contexte de crise en Egypte et dans la région. 
15:35 L'Agence fédérale russe pour le tourisme (Rostourism) a appelé samedi les 28.000 touristes russes en vacances en Egypte à rentrer au pays. 
14:15Selon l'AFP, le vice-président Omar Souleimane doit recevoir des personnalités indépendantes qui proposent un règlement de la crise. L'ancien chef des renseignements assumerait les pouvoirs présidentiels au cours d'une période de transition. Le New York Times ajoute qu'il examine avec les chefs de l'armée égyptienne divers propositions pour limiter l'autorité du président.  
14:00 Sur la place Tahrir, au Caire, des dizaines de manifestants sont toujours rassemblés dans le calme. Depuis le début de la matinée, ils supplient les militaires de rester sur place et tentent d'immobiliser les chars. Pour eux, la présence de l'armée est une protection contre les partisans du raïs égyptien qui ont à plusieurs reprises tenté de submerger leurs barricades, jetant des pierres et parfois tirant des coups de feu.  
12:45 Lors de la 47e Conférence sur la sécurité à Munich, Hillary Clinton a prévenu que la marche vers la démocratie au Moyen-Orient, qu'elle a soutenue, présentait néanmoins des "risques de chaos", jugeant que la conjoncture y était "parfaite" pour une "tempête"."Bien sûr, il y a des risques, des risques occasionnés par cette transition vers la démocratie", a observé la secrétaire d'Etat américaine."Cela peut engendrer le chaos, et une instabilité à court terme, voire pire, et, nous avons observé cela dans le passé, la transition peut amener une régression vers un autre régime aussi autoritaire", que celui que les citoyens d'un pays ont voulu abattre, a encore souligné Mme Clinton. 
12:10 Israël a décidé d'interrompre provisoirement ses importations de gaz naturel égyptien, après l'explosion d'un gazier approvisionnant Israël près de la bande de Gaza ce samedi matin, selon l'AFP. L'Egypte assure 40% du gaz naturel à Israël.  
12:05 Le gouvernement confirme qu'il a demandé aux chercheurs français spécialistes de l'Egypte présents dans le pays de ne pas s'exprimer publiquement. Le Quai d'Orsay évoque un "devoir de réserve" pour des "raisons de sécurité". 
12:00 L'entourage du Premier ministre confirme que la France a suspendu à partir du 25 janvier les ventes d'armes et de matériels de maintien de l'ordre à l'Egypte, en raison des violents troubles sociaux qui secouent le pays.  
11h30: Hosni Moubarak s'est réuni avec des ministres du nouveau gouvernement, a rapporté l'agence officielle Mena. Il s'agit de la première réunion depuis le limogeage de l'ancien gouvernement la semaine dernière, une mesure destinée à apaiser le mouvement de contestation. M. Moubarak s'est réuni avec le Premier ministre Ahmad Chafic ainsi que les ministres du Pétrole, du Commerce, des Finances, de la Solidarité sociale et le gouverneur de la Banque centrale, a précisé Mena. Aucune indication n'a été donnée sur les sujets discutés.
9h45: Des inconnus ont fait exploser un terminal gazier approvisionnant Israël près de la bande de Gaza, a annoncé une radio publique israëlienne ce samedi matin. Les assaillants ont fait exploser le terminal et le gazoduc à Cheikh Zouwayed dans le Sinaï, à 10 kilomètres de la bande de Gaza.  Ce samedi matin, les Egyptiens continuent la mobilisation dans le calme, qui contraste avec les affrontements des derniers jours. Des dizaines de manifestants ont tenté ce samedi matin d'empêcher les chars de l'armée déployés sur la place Tahrir de quitter ce lieu symbole du mouvement de contestation contre le régime d'Hosni Moubarak, de crainte de violences.Les manifestants se sont assis dans la matinée à même le sol autour de chars positionnés aux accès de la place dès que les moteurs se sont mis en marche. Des manifestations sont prévues pour dimanche, lundi et mardi. 
Ce vendredi, baptisé la "journée du départ" plusieurs centaines de milliers de personnes se sont réunies sur la place Tahrir, au Caire. Revivez les évenements heure par heure. 

Pression américaine

Washington continue de faire pression sur son allié de 30 ans et Barack Obama a espéré vendredi que son homologue égyptien parviendra à prendre la "bonne décision"."L'avenir de l'Egypte sera décidé par son peuple", a dit le président américain lors d'une conférence de presse commune avec le Premier ministre canadien, Stephen Harper. "Ayant accompli cette rupture psychologique, ayant pris la décision de ne pas se représenter, je pense que la chose la plus importante qu'il doit à présent se demander, c'est comment rendre cette transition efficace, durable et légitime", a souligné Obama à l'adresse d'Hosni Moubarak, qui a annoncé qu'il ne briguerait pas un sixième mandat. En marge de ces appels publics, les Américains ont reconnu qu'ils discutaient avec leurs partenaires égyptiens pour trouver les moyens d'une "transition ordonnée" et d'un départ anticipé du président Moubarak. 
 

Clinton évoque une "véritable tempête" au Moyen-Orient

Les régimes en place au Moyen-Orient affrontent actuellement "une véritable tempête" et doivent rapidement mettre en oeuvre des réformes démocratiques pour éviter une plus grande instabilité, a estimé samedi la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton.
"La région est frappée par une véritable tempête de courants puissants. C'est ce qui pousse les manifestants dans les rues de Tunis, du Caire et d'autres villes dans toute la région. Le statu quo est tout simplement intenable", a déclaré Clinton devant la conférence annuelle sur la sécurité de Munich.
Elle n'a pas évoqué en détail le soulèvement populaire en cours en Egypte, qui domine en coulisses les discussions de la conférence, mais elle a souligné l'engagement accru des Etats-Unis en faveur de réformes politiques chez leurs alliés régionaux, qui incluent non seulement l'Egypte mais aussi la Jordanie, le Yémen et, surtout, l'Arabie saoudite.
"Ce n'est pas seulement une question d'idéalisme. C'est une nécessité stratégique. Sans progrès authentiques vers des systèmes politiques responsables et ouverts, le fossé entre les peuples et leurs gouvernement va grandir et l'instabilité ne fera que s'accroître. L'ensemble de nos intérêts serait en péril", a-t-elle dit.
Jeudi, au dixième jour du soulèvement populaire contre Hosni Moubarak, le président Barack Obama avait appelé le chef de l'Etat égyptien à "prendre la bonne décision" en favorisant tout de suite une transition politique "efficace, durable et légitime" débouchant sur un "gouvernement représentatif répondant aux revendications du peuple".
"Le président Moubarak a prié clairement son gouvernement de conduire et soutenir ce processus de transition. C'est ce que son gouvernement a dit qu'il chercherait à faire, donc c'est ce que nous soutenons, et nous espérons voir ceci progresser dans l'ordre mais aussi vite que possible au vu des circonstances", a déclaré Clinton.
Dans ses entretiens à Munich avec les dirigeants européens, notamment le Premier ministre britannique David Cameron et la chancelière allemande Angela Merkel, Clinton a martelé cette nécessité d'une transition ordonnée du pouvoir en Egypte, où Moubarak s'est, selon elle, lui-même mis de facto sur la touche en renonçant à briguer un nouveau mandat en septembre.

"UNE EGYPTE QUI NE NOUS PLAIRA PAS"
Dans son intervention devant la conférence, qui rassemble aussi des juristes, analystes et autres spécialistes de la sécurité, Clinton a souligné que le vent du changement dépassait largement le cadre de l'Egypte et que c'est toute la région qui était en train de basculer dans une nouvelle ère.
Evoquant les promesses faites par d'autres dirigeants arabes pour désamorcer la grogne populaire, notamment en Jordanie, au Yémen ou en Algérie, Clinton a incité les leaders concernés à les honorer sans s'abriter derrière la menace de l'islamisme pour différer les réformes indispensables. Tous les dirigeants de la région doivent se sentir concernés, a-t-elle dit.
"La transition vers la démocratie ne fonctionnera que si elle est délibérée, globale et transparente", a-t-elle affirmé en ajoutant que des réformes partielles conduiraient à des mouvemements de protestation susceptibles d'être "détournés par de nouveaux autocrates" ou de faire le jeu de "l'extrémisme".
Le Premier ministre britannique David Cameron a plaidé pour sa part devant la conférence pour une transition rapide en Egypte, car retarder le processus démocratique ne ferait, selon lui, qu'aggraver les désordres et aboutir à une situation déplaisante pour l'Occident.
"Il n'y a pas de stabilité en Egypte. Pour l'avoir, il faut le changement, la réforme et la transition. Plus on attend, plus il est probable qu'on risque d'avoir un jour affaire à une Egypte qui ne nous plaira pas", a-t-il dit, tout en mettant en garde contre l'organisation trop hâtive d'élections libres.
La chancelière allemande Angela Merkel a fait preuve de la même prudence en déclarant ne pas penser qu'il faille organiser trop rapidement des élections en Egypte. "Des élections anticipées au début du processus de démocratisation, ce serait probablement une mauvaise approche", a-t-elle dit.

Merkel : "des changements en Égypte"

"Il y aura des changements en Egypte", a déclaré aujourd'hui la chancelière allemande Angela Merkel, faisant le parallèle entre les protestations qui secouent actuellement plusieurs pays arabes et les événements qui ont conduit à la chute du communisme en Europe de l'Est il y a un peu plus de 20 ans.


Angela Merkel, qui a grandi en RDA, estime que les images des soulèvements populaires en Tunisie et en Egypte "réveillent les souvenirs de ce que nous avons vécu en Europe". "Qui serions-nous pour ne pas dire que nous nous tenons au côté de ces gens qui expriment leurs doléances?" a ajouté la cheffe du gouvernement allemand lors de la conférence sur la sécurité à Munich.

Angela Merkel a prôné un changement pacifique en Egypte, sans être plus précise. Elle a simplement noté que l'Occident ne pouvait pas exporter son modèle de démocratie.

Les Frères musulmans sortent de l'ombre en Égypte

Un temps hésitante, la plus puissante organisation islamiste du monde arabe s'est mêlée aux manifestants anti- Moubarak, avec le pouvoir pour objectif.

Le 1er février, au Caire, quand les premiers manifestants ont gagné la place Tahrir vers 9 heures du matin, une surprise les attendait. Des jeunes gens en civil, disciplinés et organisés, contrôlaient les identités et commençaient à séparer hommes et femmes. Ce filtrage n'a pas duré bien longtemps ; trop de gens confluaient vers le théâtre en plein air de la révolution égyptienne pour qu'ils poursuivent leur «tri». Mais cette initiative a apporté une preuve supplémentaire de l'implication croissante des islamistes dans le mouvement anti-Moubarak. Djihadistes, salafistes ou Frères musulmans : tous sont dans la rue pour se mêler aux foules. Mais au sein de cette nébuleuse, seuls les Frères semblent capables d'exercer le pouvoir à l'avenir, ou d'y être associés.
Que ce soit dans la capitale ou à Alexandrie, tous les témoignages concordent : les Frères sont désormais au cœur des manifestations qui contestent le régime. Puissante organisation née en 1928 en Egypte autour de son fondateur, Hassan al-Banna, un instituteur du delta du Nil, la confrérie compterait aujourd'hui plus d'un million de membres. Tewfik Aclimandos, professeur au Collège de France, spécialiste de l'Egypte contemporaine, estime entre 4 et 5 millions le nombre de leurs sympathisants. Avec de tels contingents, c'est la seule force d'opposition au régime qui peut se prévaloir d'une base solide. Pourtant, même engagés dans l'action politique, ils ont adopté un profil bas.
C'est que l'histoire des Frères musulmans est celle d'une organisation placée sous haute surveillance sous tous les régimes, quand elle n'a pas été carrément interdite ou victime de répressions sanglantes.
Dès sa création, la confrérie s'est positionnée comme une force de réaction à l'occidentalisation de l'Egypte. Elle s'est voulue gardienne d'une société placée sous l'autorité divine, opposée à toute sécularisation. Dans ces années 30 où fleurissaient les idéologies «importées» - marxiste, nationaliste, ou laïque - dans l'ensemble du monde arabe, les Frères proposaient une voie, certes tout aussi utopique, mais fondée sur l'islam, donc enracinée dans la société. Quand ils passeront à l'action violente, la monarchie du roi Farouk puis les officiers libres de Nasser se déchaîneront contre eux : interdictions, arrestations massives, torture systématique. Le recours à la violence a été théorisé par une des icônes du mouvement : Sayyid Qutb. Pendu en 1966, cet intellectuel figure encore aujourd'hui au panthéon des Frères musulmans, ce qui incite leurs détracteurs à douter de leur sincérité démocratique.

Une stratégie ambiguë

Utilisée puis réprimée, aussi bien par Anouar el-Sadate (assassiné par des islamistes d'un groupe issu d'une scission des Frères musulmans) que par son successeur Hosni Moubarak, la confrérie a appris à vivre des miettes que lui concédait le pouvoir. Les Frères ont installé leur stratégie dans le temps et dans le compromis ambigu. Ils occupent tout l'espace de l'action sociale en Egypte, que le gouvernement leur a dévolu. Et, bien qu'officiellement interdits, ils ont présenté des candidats aux élections législatives de 2005 sous l'étiquette «indépendants», raflant 88 sièges sur 454 à l'Assemblée du peuple. A l'automne dernier, en revanche, ils se sont retirés du scrutin entre les deux tours, pour dénoncer les fraudes massives opérées par le régime. En bourrant les urnes, Hosni Moubarak voulait en effet éviter un retour massif des Frères sur les bancs du Parlement, phénomène qu'il avait pourtant toléré lors du scrutin précédent.
Tous les experts de l'Egypte s'accordent sur le fait que les Frères musulmans seraient une - sinon «la» - force majeure d'une scène politique pluraliste et démocratique. Mais la confrérie sait combien cette perspective inquiète à la fois les autres pays arabes et l'Occident, en particulier le voisin israélien. En choisissant de se ranger derrière la Coalition nationale pour le changement fondée par Mohamed el-Baradei, elle a voulu envoyer un message rassurant au monde entier. Ses porte-parole multiplient les déclarations apaisantes. «La confrérie est consciente des réserves, notamment en Occident, à l'égard des islamistes, explique Mohamed el-Beltagui, un des dirigeants des Frères, nous ne voulons donc pas apparaître au premier plan.» Tous jurent n'espérer qu'une chose : un système politique juste garantissant des élections vraiment libres. Tous convoquent les islamistes les plus radicaux comme témoins de leur propre modération, à commencer par le numéro deux d'al-Qaida, Ayman al-Zawahiri, Egyptien lui-même, qui ne cesse de condamner la confrérie parce qu'elle joue le jeu des institutions.
Tewfik Aclimandos observe que la structure de commandement des Frères reste dominée par des radicaux, ceux-là mêmes qui ont patiemment remonté l'organisation après les coups subis sous Nasser. Il est donc difficile de prédire quelle voie la confrérie pourrait emprunter si elle était à nouveau légalisée et autorisée à présenter des candidats sous sa propre bannière. Charia ou pas ? Quel statut pour les chrétiens ? Quels droits pour les femmes ? Quelles relations avec Israël ? Habilement, les responsables des Frères éludent ces questions fondamentales. Tendus vers l'objectif de la fin d'un régime qui les a exclus et persécutés et qu'ils n'ont cessé de combattre, ils refusent de parler de la suite.
Pourtant, à deux reprises, les Frères musulmans ont déjà signalé que rien ne se ferait sans eux. C'est un de leurs leaders qui a déclaré, au nom de toute l'opposition, qu'il n'y aurait pas de discussions avec le gouvernement tant que Hosni Moubarak demeurerait en place. Et c'est un de leurs porte-parole qui a désigné le général Sami Anan, chef d'état-major des forces armées, comme un successeur «acceptable» du président honni. Les Frères posent leurs conditions comme si le pouvoir leur tendait déjà les bras.

Démocratie

Après moi le chaos. Moubarak n’est pas le premier à utiliser cette maxime que l’on attribue au général De Gaulle, après sa défaite au référendum de 1969. Il y a cependant une différence de taille entre le dictateur égyptien et le fondateur de la V e République française : le second a tiré les conclusions de son échec référendaire en prenant sa retraite. Moubarak, lui, utilise la peur du chaos – que ses nervis s’activent à provoquer – pour s’accrocher, coûte que coûte, au pouvoir. Ben Ali avait tenté la même manœuvre en Tunisie, au lendemain de sa fuite.

L’équation posée par les deux dictateurs est aussi simpliste que cynique : « C’est moi ou les islamistes. » Et il faut bien avouer que la peur d’une réédition d’un scénario « à l’iranienne » est présente. À Téhéran, la dictature pro-occidentale du shah a fait place, voici 32 ans, à la dictature des ayatollahs, qui n’est guère plus reluisante.

Il serait irresponsable de ne pas constater qu’en Égypte, en Tunisie, et dans tous les pays arabes où se produisent des mouvements de révolte, les extrémistes religieux infiltrent les manifestations. De là à justifier le maintien des dictatures « civiles », il y a un fossé… à ne pas franchir. Les peuples arabes vivent depuis la fin du colonialisme – qui était déjà une oppression – sous des régimes autoritaires et brutaux. Ils ne veulent plus continuer, et ils ont raison ! Personne n’a le droit de leur conseiller – comme on commence à l’entendre, de ci, de là – de s’accommoder d’une dictature laïque pour faire barrage à la charia. Le danger que les Frères musulmans fassent main basse sur l’Égypte sera d’autant plus grand que les aspirations à la liberté seront réprimées. Un courant d’air démocratique peut – aussi — faire souffler un vent mauvais. Mais fermer hermétiquement la porte à tout changement conduit beaucoup plus sûrement à la surchauffe et à l’explosion.

La voie est étroite entre la démocratie, dont la pratique est quasi inconnue dans les pays musulmans, et la dictature. En Tunisie et en Égypte, ils sont des centaines de milliers à vouloir tenter leur chance, sur le fil du rasoir. Les slogans des foules n’ont rien à voir avec ceux de 1979 à Téhéran, qui étaient exclusivement religieux. De Tunis au Caire, ils sont aujourd’hui politiques, pour la démocratie, et économiques, contre la vie chère. Le monde n’a d’autre choix que celui de faire confiance à la volonté d’émancipation de peuples trop longtemps soumis.

Égypte : l'explosion était prévisible

« Depuis dix ans, on entend dire que l'Égypte va exploser. Vous voyez qu'il n'en est rien. Le pouvoir a les choses en main. On voit mal comment il pourrait être débordé ». Voici ce qu'on ne cessait de me répéter au Caire, il y a trois ans. C'est ce que disaient, ces jours derniers, les services de renseignements israéliens dont on prétend qu'ils sont les meilleurs du monde !



Pourtant, cela bouillonnait déjà un peu partout à cette époque. Des grèves avaient lieu ici ou là. Juges, étudiants, ouvriers, paysans contestaient quelque peu tour à tour, mais les actions n'étaient pas coordonnées.

Les sujets de mécontentement et d'inquiétude ne manquaient pas : les jeunes, désoeuvrés, laissés sans perspective, les paysans produisant fruits et légumes pour l'exportation et n'ayant pas assez pour nourrir leurs familles, le pain moins épais et plus cher. Déjà, on s'interrogeait sur la succession du président Moubarak et l'on récusait d'avance le fils, Gamal, comme successeur.

Et voilà que l'Égypte a bel et bien fini par exploser comme beaucoup le redoutaient. Faute d'avoir réellement avancé dans la démocratie parce qu'il voulait plus ou moins imposer son fils, sans doute aussi parce que, à cause de ses méthodes policières et de la corruption tolérée, il n'avait pas confiance en son peuple, le Président a fini par créer les conditions de cette explosion.

Peut-être aurait-il été possible de canaliser cette crise vers une transition pacifique si le gouvernement égyptien avait fait preuve de réalisme. Sans doute avait-il trop de mépris pour ces va-nu-pieds qui envahissaient les rues des villes en protestant. Sans doute était-il trop confiant dans sa force. Mais que pouvaient donc faire les chars de l'armée, noyés, comme ils le furent immédiatement, dans une foule pacifique ? Un nouveau Tian'anmen était, en effet, impensable.

Distorsion entre population et économie

Du coup, l'impuissance de la force devenait évidente et manifestait les limites du pouvoir, donnant ainsi des ailes aux protestataires. Alors, on a remis la police dans la rue et, comme par hasard, aussitôt après, surgissait une contre-manifestation soutenant le Président en place. Elle fut certainement, pour une part, manipulée et appuyée par les profiteurs du régime, mais aussi par ceux qui préfèrent la mauvaise paix de la dictature policière au vide politique, source probable de grands malheurs avant une instauration hypothétique de la démocratie.

On en est là, avec trois risques qui peuvent se combiner : celui de la guerre civile, celui de la dictature militaire, celui des Frères musulmans... mais il y a aussi ce que nous souhaitons ardemment, la possibilité d'une avancée démocratique.

Un jour, un pouvoir se constituera, un gouvernement ressurgira. Mais, quel qu'il soit, il se trouvera confronté au même problème, encore aggravé : celui du déséquilibre entre une population égyptienne très nombreuse, en croissance, et l'économie insuffisante du pays, à quoi s'ajoute la mauvaise et injuste répartition des richesses.

2,5 milliards de dollars sont versés par l'aide américaine, autant de la part de l'Union européenne. Six milliards sont produits par le canal de Suez, cinq milliards par le gaz, douze milliards par le tourisme, etc. Mais cela ne suffit pas à établir les équilibres nécessaires, d'autant plus que des tensions fortes opposent différentes composantes du peuple égyptien. Les difficultés des coptes en sont l'exemple le plus parlant, ainsi que la misère d'un très grand nombre, ce qui fait le jeu des Frères musulmans.

La crise était redoutée depuis les années 1960, car la démographie continuait à galoper. On craignait, à cause de cela, la déstabilisation du plus grand État du Moyen-Orient qui atteint, aujourd'hui, 83 millions d'habitants. Compte tenu de tous ses problèmes, il sera encore, pour longtemps, source de difficultés et d'inquiétudes, non seulement pour la population égyptienne et pour les pays avoisinants, mais aussi pour tout l'Occident, sans oublier que la globalisation fait retentir, dans le monde, ce qui est peut-être en train de devenir soit un drame aux conséquences imprévisibles, soit une authentique espérance.



Temps additionnel

C’est comme une image arrêtée. Le déroulement du film égyptien s’est mis en pause hier. Imprévisible, son scénario ne ressemble décidément à aucun autre, déjouant calculs et spéculations de toutes sortes. Au moment où on redoutait un embrasement des passions, une glissade incontrôlable vers le chaos, une sorte de course à l’abîme, la tension est redescendue d’un cran, presque miraculeusement. Les manifestations ont retrouvé le visage relativement tranquille des premiers jours et le spectre d’une guerre civile entre les pro et les anti-Moubarak a tout à coup reculé pour s’évanouir dans les rues du Caire.

Le pire qu’on croyait sûr jeudi soir ne s’est finalement pas produit. Le meilleur, non plus: la situation n’est toujours pas clarifiée. «Le jour du départ» n’a pas été le dernier du président à la tête de l’Égypte, comme l’avait imprudemment programmé ses adversaires. Hosni Moubarak a résisté à ce vendredi 4 février qu’on lui annonçait fatal. Mais est-ce pour autant une victoire contre un destin programmé? Rien n’est moins sûr.

En dépit des centaines de milliers de personnes qui s’étaient rassemblées place Tahrir, l’essentiel hier ne s’est pas passé dans la rue, mais en coulisses. L’Amérique a clairement choisi son camp et en soutenant à l’unanimité la position de la Maison Blanche, le Sénat a donné à la stratégie de Barack Obama une légitimité et une force considérables. La question n’est désormais plus de se demander si Moubarak partira, mais quand et comment. Tout le monde a désormais intérêt à un effacement bien négocié et le plus en douceur possible. Le peuple attendra...

De cette sortie de crise, selon qu’elle sera réussie ou non, dépend l’image des États-Unis au Moyen-Orient, et leur capacité à peser sur le destin de cette région du monde. Obama l’a parfaitement compris et pris tous les risques en conséquence. La chute de la maison Moubarak pourrait mettre la puissance américaine en opposition frontale avec l’Iran, qui a marqué son territoire en appelant de ses vœux la constitution d’une république islamique sur les anciennes terres des pharaons. Sinistre avertissement qui indique comment la liberté chèrement conquise pourrait être récupérée par les intégristes des Frères musulmans.

Rien ne semble encore joué mais le président égyptien est particulièrement isolé désormais. L’armée a clairement pris ses distances avec lui en refusant de réprimer violemment les anti-Moubarak. Comme pour préserver l’avenir? Les chancelleries occidentales, elles, traînent la patte, comme si elles voulaient attendre encore avant de prendre plus clairement position, mais on sent bien qu’elles travaillent déjà à l’après Moubarak. Le temps additionnel a commencé, mais le match est sans doute déjà joué.


Voyage annulé pour cause de révolution

Annulé pour cause de révolution. Voilà une meilleure raison que le volcan d’Islande ou la grève de l’aiguilleur du ciel. Il serait dangereux et déshonorant que la croisière sur le Nil s’amuse pendant que la conquête de la démocratie fait pleuvoir les pierres et couler le sang dans les rues du Caire. Le monde ne manque pas de plages ni de merveilles pour assouvir nos envies d’exotisme et de soleils cet hiver. Tels les pans de murs à Berlin, la place El Tahrir au Caire et l’avenue Bourguiba à Tunis s’ajouteront peut-être demain aux pyramides de Giseh et aux plages d’Hammamet dans les circuits des Tour opérators avec accolés aux musées archéologiques des musées de la liberté Les vendeurs ambulants marchanderont des panneaux «Ben Ali dégage» ou des pavés souvenir du vendredi du départ du Caire comme ceux de Prague vendent des casquettes vertes à étoiles rouges. Quand une révolution entre dans un mémorial, c’est le signe qu’elle est victorieuse et réussie, que la paix et la démocratie sont installées. Toute honte bue, les régimes Ben Ali et Moubarak étaient bien pratiques pour garantir une sécurité encadrée et souriante , une croissance exponentielle à l’industrie locale et multinationale du tourisme dans ces deux pays richement dotés par la nature et le passé. Demain une Tunisie libérée et une Égypte démilitarisée auront besoin des devises des voyageurs et des vacanciers de l’autre rive. La démocratie ne se reconstruira pas sans la redistribution et la répartition équitable de la manne et des emplois du tourisme si longtemps confisqués.

Rapatrié à Genève, le professeur d’égyptologie Philippe Collombert raconte

Philippe Collombert a quitté Le Caire avec ses deux étudiantes genevoises à bord d’un avion militaire portugais.
 
Philippe Collombert occupe la chaire d’égyptologie de l’Université de Genève. Le 6 janvier, il a pris ses quartiers sur le site archéologique de Saqqara, non loin du Caire, pour trois mois. Le temps de sa mission de fouilles dans la nécropole du pharaon Pépi 1er (2300 av. J-C), qu’il dirige.
Une mission que la prudence lui a commandé d’interrompre. Il avait en effet avec lui deux jeunes étudiantes genevoises (lire ci-dessous), un archéologue, deux dessinateurs et deux scientifiques français. Tous ont été rapatriés jeudi par un avion militaire portugais. Philippe Collombert raconte ce qu’il a vécu à Saqqara durant cette dernière semaine pour le moins mouvementée.

«Partis sans dire un mot!»
«Des amis égyptiens m’ont dit n’avoir jamais vu une telle situation, même lors du coup d’Etat militaire de Nasser en 1952…» Philippe Collombert est, lui, étonnamment calme, vendredi après-midi, dans un café genevois. Il vient pourtant de rentrer d’Egypte sur les chapeaux de roues.
«Lorsque nous sommes arrivés mercredi après midi à l’aéroport du Caire, à cause du couvre-feu, dans l’idée d’y passer la nuit et d’être sur place pour prendre notre vol Egyptair jeudi matin, il y avait un avion militaire portugais Hercule prêt à rapatrier des gens coincés au Caire. On nous a proposé gracieusement huit places à bord. Je me suis dit qu’il valait mieux sauter sur l’occasion!» L’équipe est arrivée sans encombre jeudi en Europe – cinq à Paris et trois à Genève – via Lisbonne. Après avoir vécu des événements pas banals.
«Pour nous, les choses ont commencé samedi matin vers 10 heures, avec l’arrivée d’un inspecteur du service des Antiquités égyptiennes», résume Philippe Collombert. «Il nous a demandé d’arrêter les fouilles. La police était partie, et notre sécurité n’était plus assurée.» Regagnant la maison que la mission française loue à l’entrée du site archéologique de Saqqara-Sud, à côté du poste de police, l’égyptologue constate que celui-ci est vide. «Ils sont en permanence vingt à trente. Tous partis sans dire un mot!»
Déferlement des pilleurs
Le site n’est plus gardé, le musée et les magasins où les archéologues rangent les objets sortis des fouilles non plus. «C’est alors que j’ai vu une chose inouïe se produire: les pilleurs se sont précipités. Cent, deux cents jeunes gens de 10 à 15 ans, venus des villages de Saqqara et d’Aboussir tout proches, ont déferlé par groupes de dix. Certains étaient armés de pistolets et tiraient en l’air pour faire partir les ghafirs (les gardiens). Profitant du chaos, ils espéraient trouver des trésors.» Volant les pelles, pioches et couffins des archéologues, ils se mettent à creuser frénétiquement chaque fois qu’ils devinent quelque chose sous le sable. «Ce sont des jeunes gens sans éducation. Ils pensent trouver là de l’or, des bijoux, le masque de Toutankhamon…»
Sur quoi ces pilleurs ont-ils réellement fait main basse? «Rien qui ait de la valeur à leurs yeux, rien qui soit monnayable, à ma connaissance. Mais il y a eu des dégâts. Les cadenas des magasins ont été forcés, des momies cassées, une tente contenant des poteries incendiée, des structures en brique brisées… Vous savez, nous avons une responsabilité dans cette affaire; nous devrions informer la population, expliquer la valeur scientifique de nos recherches. Je me promets de le faire, lorsque je fouillerai à nouveau en Egypte.» Ce dont il ne doute pas: "Ces fouilles françaises de Saqqara ont 50 ans cette année. Une fois que la situation sera calmée, les archéologues pourront revenir sur le terrain, j'en suis certain." Même confiance pour la mission de l'Université de Genève qu'il pilote également, en Haute-Egypte cette fois.
Ce qui stupéfie pourtant Philippe Collombert, c'est l'audace des jeunes pilleurs. "Lorsque l'armée s'est déployée sur le site dimanche et lundi, cela n'a pas empêché ces petits imbéciles de continuer à creuser. C'était incroyable! J'ai fait un tour dans le gebel avec les soldats; ils avaient un tank, posté sur une petite colline, braqué sur les gars; le colonel est descendu dans la plaine leur parler, leur dire d'arrêter, essayer de négocier. Tout ça ne les a absolument pas empêchés de continuer à creuser à la recherche d'objets précieux. C'était une scène totalement irréelle. Ils agissaient en complète impunité."
Une menace, et ils se seraient repliés dans les villages de Saqqara et d'Aboussir, se perdant dans le lacis des ruelles, cachés par les habitants. Une attaque de l'armée, et c'était toute la population qui aurait lynché les militaires. Philippe Collombert poursuit: "Ils me disaient: oui, prends nous en photo! encore, encore, continue! Ils chantaient l'hymne de la Coupe d'Afrique que l'Egypte a gagné l'an dernier..."
Même stupeur chez Christelle Alvarez et Noémie Monbaron: "Certains de ces jeunes gens ont travaillé avec nous sur les fouilles! La moitié formait une sorte de milice, protégeant le village et les habitants. Et l'autre moitié pillait les sites." Mardi, une voiture de police circulait dans les rues des villages proches des fouilles, menaçant de 15 ans de prison toute personne qui commettrait une déprédation ou un vol.
"Dans les magasins (les petits entrepôts où les archéologues mettent en lieu sûr les objets découverts lors de leurs travaux, ndlr), il y a eu des dégâts. Des momies, par exemple, ont été jetées par terre et cassées. Les pilleurs cherchaient des bijoux. C'est très triste bien sûr, mais ce n'est pas dramatique du point de vue scientifique. De telles momies, nous en trouvons une dizaine par année à Saqqara." Une belle voûte en briques a été brisée: "Nous l'avions laissée de côté pour la fouiller un peu plus tard, et voilà..."
Quelles autres déprédations le responsable de mission trouvera-t-il lorsqu'il reviendra en Egypte? Mystère. Philippe Collombert s'interroge: "L'armée est sur place. La police est revenue également. Mais comment connaître la suite des événements?"

Onzième jour de révolte en Egypte: la pression sur Moubarak s'intensifie

La pression de la rue s'est faite encore plus forte vendredi en Egypte contre le président Hosni Moubarak, appelé également par le chef d'Etat américain Barak Obama à écouter les revendications des manifestants.

M. Moubarak "doit prêter attention à ce que réclament les gens et prendre une décision ordonnée, constructive et sérieuse", a déclaré le président américain Barack Obama, en assurant que "des discussions" s'étaient engagées sur la transition politique.


"Je pense que le président Moubarak se soucie de son pays. Il est fier, mais c'est aussi un patriote", a ajouté M. Obama, suggérant, mais ne demandant pas clairement le départ du président égyptien.

La Maison Blanche a par ailleurs affirmé que la révolte populaire, lancée le 25 janvier, ne s'arrêterait pas sans réformes "concrètes".

Peu avant, le Premier ministre égyptien Ahmad Chafic avait exclu néanmoins que la proposition de transfert de pouvoir entre le raïs égyptien et son vice-président, Omar Souleimane, soit "acceptée", comme le souhaiteraient les Etats-Unis selon le New York Times.

Alors que des centaines de milliers d'Egyptiens sont descendus dans la rue pour ce "vendredi du départ", les dirigeants des 27 pays de l'Union européenne ont demandé de leur côté que la transition démocratique commence "maintenant".

Ils ont menacé à demi-mot de revoir leur aide économique à l'Egypte si les violations des libertés publiques se poursuivaient.

"Nous voulons un processus démocratique sans délai, mais nous laissons aux Egyptiens le soin de déterminer qui doit le conduire et comment", a plaidé quant à lui le chef de l'Etat français Nicolas Sarkozy.

L'opposant égyptien Mohamed ElBaradei a indiqué à la chaîne de télévision qatarie Al-Jazira qu'il n'avait "pas d'objection" à se porter candidat si le peuple lui demandait, mais sa "première priorité" est "une transition vers un régime démocratique".

Alors que les appels au respect de la liberté de presse se multipliaient, un journal gouvernemental a annoncé le décès vendredi d'un journaliste égyptien de 36 ans, Ahmed Mohammed Mahmoud, touché la semaine dernière par un tir de "sniper".

Selon le Comité de protection des journalistes (CPJ), dont le siège est à New York, il s'agit du premier journaliste à trouver la mort en Egypte depuis le 25 janvier.

Dans la soirée, place Tahrir (Libération) dans le centre du Caire, plus de 10.000 personnes s'étaient rassemblées, dont certains prêts à y passer une nouvelle nuit, bravant le couvre-feu dont la durée a été réduite de 19H00 à 06H00.

Des coups de feu nourris ont été entendus dans la soirée sur la place Tahrir, semant pendant quelques minutes la panique au sein de la foule, a constaté un correspondant de l'AFP.

Sur une banderole géante, ils affichaient leurs revendications: départ du président Moubarak, dissolution du Parlement et mise en place d'un gouvernement de transition.

Certains chantaient, d'autres scandaient "Va-t-en, va-t-en" à l'adresse de M. Moubarak.

Les manifestants occupant la place Tahrir ne seront pas délogés par la force, a assuré le Premier ministre égyptien Ahmad Chafik.

Dans la matinée, cette place, foyer de la contestation, était noire de monde. La mobilisation s'est déroulée dans le calme contrairement à mercredi et jeudi, où de violents affrontements entre pro et anti-Moubarak avaient fait huit morts et 915 blessés selon le ministère de la Santé.

Pour éviter de tels incidents, l'armée avait déployé vendredi des dizaines de véhicules pour créer une zone tampon.

Nombreux étaient ceux à avoir également répondu à l'appel à la mobilisation en province, notamment à Alexandrie et Menoufiya (nord), Mahalla et Mansoura (delta du Nil), Suez (est), Assiout (centre) et Louxor (sud).

Le mouvement de contestation avait appelé à une mobilisation générale au 11e jour d'une révolte qui a fait au moins 300 morts, selon un bilan de l'ONU non confirmé par d'autres sources. Le ministère de la Santé a fait état de 5.000 blessés depuis le 28 janvier.

Le chef de la Ligue arabe Amr Moussa, très populaire dans son pays, s'est rendu dans la matinée place Tahrir pour contribuer à "l'apaisement". Il n'a pas exclu de se présenter à la succession de M. Moubarak, qui a dit ne pas vouloir briguer un sixième mandat après 30 ans au pouvoir.

Le ministre de la Défense, Mohamed Hussein Tantaoui, y est également allé pour évaluer la situation, la première visite d'un haut responsable du régime depuis le début de la contestation.

"L'homme vous a dit qu'il n'allait pas se représenter", a-t-il lancé à la foule à propos de M. Moubarak.

Dans une interview non filmée à la chaîne de télévision américaine ABC, M. Moubarak a dit qu'il "en avait assez d'être président" mais qu'il ne pouvait quitter son poste "de peur que le pays ne sombre dans le chaos", a rapporté la journaliste Christiane Amanpour.

Le guide suprême des Frères musulmans, principale force d'opposition, Mohammed Badie, a déclaré être prêt au dialogue avec M. Souleimane, mais uniquement après le départ de M. Moubarak, et s'est dit favorable à une "période transitoire que dirigera le vice-président".

De son côté, le guide suprême d'Iran, Ali Khamenei, dont le pays est en froid avec Le Caire en raison de son traité de paix avec Israël, a appelé à un régime islamique en Egypte. Une position vivement condamnée par Washington.

Alors que la France est sans nouvelle de trois reporters et d'un chercheur et que les médias polonais et finlandais ont rapatrié leurs équipes, Londres, Amnesty International et Human Rights Watch ont réclamé la "libération immédiate" des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes arrêtés.

Le ministère égyptien de l'Information a nié que les autorités égyptiennes avaient téléguidé les attaques contre les journalistes étrangers.

Même les juges sont faillibles

La démocratie française pratique la séparation des pouvoirs chère à Montesquieu. Cela ne peut empêcher le président de la République, chef de l’exécutif et garant de la tranquillité publique, de critiquer le fonctionnement des autres pouvoirs. Ce qu’à fait avant-hier Nicolas Sarkozy à Orléans en dénonçant des dysfonctionnements graves dans le monstrueux assassinat de la jeune Laëtitia et en annonçant des sanctions.
Aussitôt, mus par un corporatisme puissant relayé par leurs syndicats, les magistrats du tribunal de Nantes se sont mis en grève et un mouvement national s’organise.
Les juges seraient-ils à ce point infaillibles et intouchables qu’ils ne pourraient être soumis au droit de critique comme toutes les autres professions ?
N’y a-t-il pas eu dans l’histoire récente de magistrales erreurs judiciaires ? Cela concernait aussi bien des juges d’instruction que des procureurs du parquet ou des gardes des Sceaux. Prenez l’affaire Robert Boulin par exemple. « Le suicide » d’un ministre gaulliste, en 1979, qualifié d’un non-lieu en 1991. Malgré les efforts inlassables de sa fille Fabienne (*), le dossier reste clos. A-t-on entendu un seul magistrat s’en indigner ?
Un gendarme présent sur les lieux a vu la victime accroupie dans quelques centimètres d’eau d’un étang et des ecchymoses saignantes sur le visage antérieures au décès. Plutôt que de guerroyer, pouvoir politique et pouvoir judiciaire s’honoreraient ensemble à rouvrir le dossier.

(*) Fabienne Boulin-Burgeat, Le Dormeur du val (éd. Don Quichotte).

Qui va récupérer la Révolution du Jasmin?


Depuis le départ du président Ben Ali, tout le monde s’extasie sur les révolutionnaires pacifiques qui ont renversé avec l’arme du Net une dictature corrompue. Mais il convient de rester prudent. Car la question est de savoir qui va récupérer la révolution tunisienne. En fait, les révolutions "douces" sont inconcevables dans les vraies dictatures où la liberté de circulation, l’accès à l’éducation et l’armée sont totalement sous contrôle. Paradoxalement, si cela a été possible en Tunisie, c’est parce qu’il s’agissait du pays arabe le plus ouvert et évolué, le « moins » totalitaire, et parce que l’armée n’a pas obéi au despote.
Certes, la menace islamiste a trop souvent servi de prétexte pour réprimer l’opposition. Mais il ne faut pas sous-estimer les mouvements islamistes comme Ennahda en Tunisie, dont le leader Rachid Ghannouci, qui va rentrer bientôt de Londres, veut rafler la mise. Souvenons-nous de Khomeiny qui vola la révolution aux communistes, aux islamo-gauchistes et aux nationalistes en 1979. Habilement, Ghannouci se réfère au Parti de la Justice et du Développement (AKP) turc qui a démantelé les forces laïques au nom de la « démocratie »... Ce discours est également cher aux Frères musulmans égyptiens. En fait, le chaos qui s’installe à Tunis, le discours revanchard diabolisant la France "complice » du dictateur, puis l’appel à faire du passé table rase, sont inquiétants. Certains signes ne trompent pas : appel aux prières à la télévision; retour des filles voilées dans les universités et des intégristes dans les mosquées, etc. Certes, Ennahda dit qu’il ne touchera pas au statut de la femme tunisienne, unique en pays arabe. Mais comme l’explique le philosophe tunisien Mezri Haddad, ancien ambassadeur à l’Unesco, les islamistes ne vont pas s’accaparer le pouvoir tout de suite. Ils ont appris des erreurs du FIS algérien en 1990. Ils tenteront d’utiliser leurs pions de gauche et d’extrême gauche : Marzouki, Hamma Hammami, barreau des avocats ; (où ils ont des sympathisants), Ligue tunisienne des droits de l’homme. Ennahda veut rassurer en ne participant qu’aux élections législatives (comme jadis le FIS en Algérie ou les Frères musulmans en Egypte), et assurant ne pas toucher aux acquis de la femme. Mais des voix réclament le jugement du régime tunisien depuis 1956, c’est-à-dire depuis Habib Bourguiba, celui qui a libéré la femme et interdit la charià… Pendant ce temps, Al-Jazira, la télé arabe la plus populaire, et son prédicateur-vedette, le salafiste Al-Qardaoui, conspuent la Tunisie moderne et laïque sur les écrans. L’opposition laïque est elle consciente du danger ?

Les révolutions arabes profitent-elles aux islamistes ?


D’après le philosophe tunisien Mezri Haddad, les révolutions arabes seront récupérées par les islamistes, notamment par les Frères musulmans, les plus populaires auprès des pauvres qu’ils secourent souvent mieux que l’Etat. Et ils seront soutenus par les opposants démocrates, surtout depuis que leur discours plus modéré s’inspire de celui des islamistes turcs. Pour beaucoup, ces révolutions déboucheront sur un Moyen-Orient islamiste, car l’opposition verte a le vent en poupe et est la mieux organisée.
Signes avant-coureurs, le nouvel homme fort de l’Egypte, le vice-président Omar Suleimane, invite les Frères musulmans au dialogue, et le porte-parole de l’opposition, Mohammed el-Baradei, ancien directeur de l’Agence internationale de l’énergie atomique, connu pour avoir minimisé le programme nucléaire militaire iranien, s’est allié aux Frères musulmans et est proche de l’Iran. Il est vrai que les révolutions arabes servent la stratégie révolutionnaire de l’Iran, qui contrôle déjà l’Irak, le Liban et Gaza.
Mais est-on condamné à soutenir des dictateurs pour barrer la route aux islamistes ? En réalité, il faut sortir des oppositions simplistes (dictateurs laïcs contre islamistes), car comme le rappelle le grand intellectuel égyptien Tarek Haggy, anti-islamiste et laïque, depuis des années la menace islamiste a trop servi de prétexte pour justifier les répressions. Et depuis les années 1970, ce sont les dictateurs « anti-islamistes » (Nasser et ses successeurs Anouar-al-Sadate et Moubarak en Egypte ; Hafez al-Assad et son fils Bachar en Syrie ou la junte militaire du FLN en Algérie) qui ont réislamisé radicalement leur pays, fait de la charia la source des lois, sponsorisé avec des pétrodollars saoudiens des écoles et centres distillant un islam rétrograde, puis anéanti la liberté religieuse et rendu impossible la vie des non-musulmans ou des laïques. Ils récoltent aujourd’hui ce qu’ils ont semé. Et les jeunes épris de liberté ne veulent plus continuer à exonérer des despotes corrompus qui n’ont aucune leçon de morale laïque à donner.

Pourquoi le Yémen se soulève à son tour

Jeudi 3 février, des dizaines de milliers de manifestants défilaient dans les rues de Sanaa, capitale du Yémen, pour réclamer le départ du président Ali Abdallah Saleh, en place depuis 1990. Pressé par une semaine de protestation, le chef de l'Etat avait pourtant renoncé mercredi à briguer un troisième mandat, tout en faisant certaines concessions à l'opposition.

L'évolution de la situation rappelle inévitablement les révoltes populaires de Tunisie et d'Egypte. Pourtant, la population de ce pays de la péninsule arabique a des raisons bien particulières de se soulever.
  • La situation économique et sociale au cœur de l'agitation
Le Yémen, qui compte 24 millions d'habitants, est depuis longtemps frappé par la pauvreté et le chômage. "La variable économique est centrale dans les tensions actuelles", assure ainsi François Burgat, chercheur au CNRS et ancien directeur du Centre français d'archéologie et de sciences sociales de Sanaa (CEFAS).
Selon le programme de développement des Nations unies au Yémen, plus de 45 % de la population vit actuellement en dessous du seuil de pauvreté, fixé à deux dollars par jour. Le revenu national brut (en parité de pouvoir d'achat) s'élevait en 2009 à 2 330 dollars par an et par personne, un montant comparable à celui du Cameroun.
Cette pauvreté s'explique principalement par un chômage endémique. Selon la dernière estimation datant de 2003, 35 % de la population serait sans emploi. Ces conditions sont d'autant plus mal vécues par les Yéménites qu'à l'image de ses riches voisins de la péninsule, comme le Qatar et l'Arabie saoudite, le pays dispose d'importantes ressources en énergie.
Le Yémen, qui n'est pas membre de l'OPEP, produit en effet 300 000 barils de pétrole brut par jour. Les revenus liés à cette industrie représentent 25 % du PIB et assurent 70 % des finances de l'Etat. Le pays dispose également d'importantes ressources en gaz, à hauteur de 259 milliards de m3.

  • Un pouvoir durci depuis 1994
Les critiques de la rue se concentrent également sur le président Ali Abdallah Saleh. Les citoyens de la seule république de la région ont été témoins depuis plus de quinze ans d'un durcissement considérable du régime. Lors de l'unification du pays en 1990, sous l'égide de l'actuel président, le pouvoir était "à l'avant-garde de l'ouverture politique dans tout le monde arabe", explique François Burgat. "L'espace démocratique était alors largement ouvert", renchérit Franck Mermier, chercheur et connaisseur des arcanes de la politique yéménite.
Le soulèvement actuel ne peut avoir lieu que grâce à la culture du débat présente dans le pays depuis l'époque, lorsque le multipartisme et une réelle liberté de la presse étaient prônés par le pouvoir. Mais une guerre civile opposant sudistes et nordistes en 1994 a marqué un tournant dans la pratique du pouvoir du président Saleh.
La République du Yémen sombre alors dans de graves dérives démocratiques. La présidence interdit certains quotidiens, fait emprisonner des journalistes, tout en repoussant à plusieurs reprises les élections législatives. Ali Abdallah Saleh place également des membres de sa famille et de sa tribu d'origine à des postes-clés du gouvernement.
Le parti au pouvoir, le Congrès populaire général (CPG), prend aussi une ampleur démesurée. Ainsi, lors de l'élection présidentielle de 1999, Saleh ne fait face qu'à un seul adversaire, présenté comme indépendant mais pourtant membre de son propre parti. Sept ans plus tard, il est réélu avec 82 % des suffrages.
Dans ce contexte, auquel s'ajoutent des troubles internes (rébellion chiite au nord, mouvement séparatiste au sud, influence grandissante d'Al-Qaida dans le pays), les révoltes tunisiennes et égyptiennes ont joué le rôle de détonateur. Depuis mi-janvier, quatre personnes ont ainsi tenté de s'immoler par le feu, à l'image de Mohamed Bouazizi, dont le geste avait déclenché la révolution tunisienne de janvier.
  • Quelles seraient les conséquences d'un renversement?
Le départ anticipé du président Saleh entraînerait une période d'incertitude malvenue pour les pays occidentaux et notamment pour les Etats-Unis. Le Yémen, malgré son soutien à l'Irak de Saddam Hussein lors de l'invasion du Koweït en 1990, est en bons termes avec Washington. Un renforcement du poids politique de l'opposition, et notamment du parti islamiste Al-Islah, ne serait a priori pas vu d'un bon œil par les Etats-Unis.
En pratique, l'arrivée éventuelle aux affaires d'Al-Islah n'entraînerait pas les bouleversements que l'on pourrait craindre. "Une frange modérée du parti islamiste a même déjà participé à l'exercice du pouvoir jusqu'aux années 2000, au côté du président, sans que les relations du Yémen avec Washington en soient impactés", explique Franck Mermier.