Emmanuel Macron remplaçant Arnaud Montebourg au ministère de l’Economie ? C’est la surprise du chef Hollande ! Avant ce mini-remaniement, les services de l’Elysée ont fait courir la rumeur selon laquelle le président de la République ne souhaitait plus pour Bercy une direction bicéphale, et que Michel Sapin, outre les Finances et les Comptes publics, allait sans doute se voir attribuer l’Economie. Une petite manœuvre d’intoxication parfaitement réussie…
En tout cas, pour l’aile gauche du PS, Macron rime avec provocation. Conseiller économique de François Hollande (15 mai 2012-juin 2014), ancien inspecteur des Finances hyperdiplômé et ex-dirigeant de la banque d’affaires Rothschild où il a fait une rapide fortune, Emmanuel Macron incarne un social libéralisme décomplexé, tout à fait à l’opposé des options affichées par son prédécesseur. Avec Macron — qui, lui, adore la Finance — Hollande annonce la couleur. Celle de l’économie mondialisée. Fini les ministres alibis comme le « démondialisateur » bidon Montebourg… Les « frondeurs » n’ont qu’à bien se tenir. Ce choix montre aussi la versatilité de François Hollande, dont la doctrine varie allégrement de Montebourg en Macron, en matière économique.
Michel Sapin voit donc le super-ministère qui aurait fait de lui le seul patron de Bercy lui échapper. Il reste simplement ministre des Finances et des Comptes publics. Et c’est déjà beaucoup. Beaucoup trop, même, pour un ministre qui incarne depuis vingt-deux mois tous les mauvais choix économiques de l’ère Hollande. Sapin, ce sont les promesses cruellement démenties d’inverser la courbe du chômage et l’échec fracassant de tous les mauvais plans pour relancer la croissance. C’est la hausse des impôts tout autant que l’augmentation de nos déficits publics et de la dette extérieure. Et, à l’inverse, l’érosion continue du pouvoir d’achat des Français, ainsi que l’angoissante baisse des investissements. Sapin n’obtient certes pas la promotion qui lui semblait promise, mais son maintien à Bercy signifie tout de même que cette politique désastreuse, dont il fut souvent l’inspirateur, sera poursuivie.
Tout comme la reconduction de Christiane Taubira dans ses fonctions de garde des Sceaux indique la continuation du laxisme judiciaire et des réformes « sociétales » subversives.
Une pétroleuse à l’Education
Le gouvernement Valls-bis nous offre toutefois, en matière de subversion, encore mieux que Taubira, avec la nomination de Najat Vallaud-Belkacem, propagandiste passionnée de la théorie du genre, au ministère de l’Education, à la place de Benoît Hamon. Vallaud-Belkacem pourra ainsi propager et imposer officiellement dans les programmes officiels son ABCD de l’égalité.
Fleur Pellerin, de son côté, récupère le ministère de la Culture que détenait Aurélie Filippetti. Les deux femmes, contrairement à ce que leur passation essayait de faire accroire, ne s’apprécient pas du tout. Filippetti devait intérieurement enrager de céder la place à sa rivale.
Emmanuel Macron (36 ans), Vallaud-Belkacem (36 ans), Fleur Pellerin (40 ans) : une cure de jouvence (sorte d’élixir de l’abbé Soury) pour un gouvernement exténué ?
Ce remaniement constitue déjà un demi-échec. Valls n’a pas réussi, comme il l’espérait, à débaucher des écologistes, même ceux qui, comme Jean-Vincent Placé, Denis Baupin, François de Rugy ou Barbara Pompili, rêvaient tout haut d’un maroquin. « Les conditions ne sont pas réunies pour notre participation », ont-ils estimé. Valls n’a même pas réussi à racoler l’archaïque Robert Hue et sa minuscule association NEP (le Nouvel Espace Progressiste), groupuscule quasi-familial dont « le nain de jardin » est le fondateur président.
Quant aux « poids lourds » annoncés – le maire de Lyon Gérard Collomb, l’ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, l’ex-directeur général de l’Organisation mondiale du commerce Pascal Lamy, le dirigeant d’entreprise Louis Gallois ou l’actuel président de la Cour des comptes (et ancien président socialiste de la commission des Finances de l’Assemblée), Didier Migaud, aucun d’eux n’a daigné rejoindre ce gouvernement aux allures de Titanic.
Le chantage des radicaux
En revanche, les trois radicaux de gauche, Sylvia Pinel (ministre du Logement), Annick Girardin (secrétaire d’Etat chargée du Développement et de la Francophonie) et Thierry Braillard (secrétaire d’Etat aux Sports) conservent leurs portefeuilles. Après, toutefois, une âpre négociation de la part de Jean-Michel Baylet, président du PRG. Celui-ci, faute du ministère régalien qu’il convoitait, n’entrera pas au gouvernement. Mais il affirme avoir obtenu, en échange du maintien de ses trois ministres, la garantie que, dans la réforme territoriale chère à François Hollande et à Manuel Valls, les conseils généraux ruraux ne seront pas supprimés. Une condition sine qua non pour les radicaux. Exigence exorbitante, mais que les deux dirigeants d’un gouvernement à vau-l’eau ont néanmoins acceptée. Les radicaux de gauche disposent de dix-sept députés à l’Assemblée, dont la plupart élus d’ailleurs grâce au bon vouloir des socialistes. Le phénomène des « frondeurs » au sein du PS, que le nouveau gouvernement risque d’étendre, rend désormais, sur certains sujets, la majorité du gouvernement très aléatoire. D’où le besoin, coûte que coûte, de conserver l’appui des radicaux. Même au prix d’un sabotage de la réforme territoriale.
Malgré ces concessions énormes, la base du gouvernement s’appauvrit : la voici réduite au PS et au PRG. Et aux amis de François Hollande et (un peu) de son Premier ministre. Un gouvernement Valls à deux temps… Une fois encore Michel Sapin, copain de François Hollande depuis l’ENA (la fameuse promotion Voltaire), clone presque parfait du président de la République, symbolise cette proximité réductrice. Tout comme Manuel Macron…
Le dernier carré des Hollandais ?
Un remaniement par défaut, avec seulement six nouveaux entrants (1). Dont parmi eux le député PS des Landes Alain Vidalies, vieux cheval de retour qui avait quitté le gouvernement cinq mois auparavant et qui revient par la petite porte d’un secrétariat d’Etat aux Transports, à la place de Frédéric Cuvilllier. Ce dernier, pourtant proche de François Hollande, avait annoncé son départ dès lundi, estimant « ne pas disposer de la capacité d’action et de l’autonomie nécessaire à la réussite d’une politique cohérente porteuse d’espoir ». Découragé par « l’incohérence » de ce gouvernement, Cuvillier préfère prendre la porte. La porte de gauche, évidemment.
Un remaniement au rabais avec, à défaut de nouveaux entrants d’envergure, ceux qui ont bien voulu rester. Beaucoup de bruit pour pas grand-chose… En tout cas, dimanche à La Rochelle, pour leur université d’été, les socialistes auront quelques sujets de conversation.
(1) Outre Macron et Vidalies, les quatre autres nouveaux entrants sont : Patrick Kanner, (ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports), un adjoint de Martine Aubry ; la franco-marocaine Myriam El Khomi (secrétaire d’Etat à la Ville), adjointe d’Anne Hidalgo ; Pascale Boisard, (chargée du Droit des femmes), une fabusienne. Et, surprise, un « bébé Montebourg » : Thomas Thévenoud (secrétaire d’Etat au Commerce extérieur, au Tourisme et aux Français de l’Etranger). Un petit signe à l’égard de l’ex-ministre de l’Economie pour lui dire que les ponts ne sont pas totalement coupés avec lui ? Une demi-bouteille de la « cuvée du redressement », millésime historique, que Valls garde en réserve…