TOUT EST DIT

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jeudi 2 août 2012

Au pas


Il n’y a pas de « défense normale ». Même s’il a placé son élection sous le signe d’une « présidence normale », François Hollande montre qu’il entend bien être le chef des armées, comme le stipule la constitution de la V e République. Sans en avoir l’air, il a renvoyé à ses études Michel Rocard, qui proposait de démanteler la dissuasion nucléaire. Il a ensuite rappelé que l’arme nucléaire française « contribue à la paix ».
Sans effets de manche, il a rapidement imprimé sa marque aux décisions qui engagent nos forces à l’étranger. Comme il l’avait promis, il a accéléré le retrait français d’Afghanistan, au risque de déplaire à l’allié américain, chef de file de la coalition internationale dans ce pays.
François Hollande renoue ainsi avec la tradition de la V e République. Elle veut que Paris ne lie pas son sort de manière trop étroite à la politique étrangère américaine. Sans remettre en cause le rapprochement entre la France et l’Alliance atlantique, spectaculairement orchestré par Nicolas Sarkozy, le président de la République affiche le particularisme français.
Le chef de l’État doit assurer la pérennité des armes qui garantissent l’indépendance nationale de la France, alors que la guerre économique secoue la planète. Cette crise est le plus grave des périls qui menace notre pays aujourd’hui. François Hollande devra combattre sur deux fronts : celui de la rigueur budgétaire, et celui des armées.
En bon général en chef, François Hollande utilise des démineurs : les rédacteurs du futur Livre blanc sur la défense. Leur travail lui permettra d’arbitrer et de fixer la politique militaire des années à venir. L’an prochain, le Parlement examinera la future Loi de programmation militaire. Les débats s’annoncent virulents.
Le gouvernement devra batailler ferme, non seulement contre les tirs de barrage de l’opposition et les escarmouches de la majorité. Les Verts veulent démanteler la dissuasion nucléaire. Martine Aubry exige des économies dans la Défense. Les militaires expliquent qu’ils en ont assez de se voir réduits au rôle de variable d’ajustement budgétaire. Le chef des armées devra mettre tout le monde au pas pour gagner cette rude bataille.

Citoyens périphériques


C’est au détour des ruelles pavées de poussière du bidonville de Cañada Real et de ceux du reste du pays que se dessine le vrai visage de la crise traversée par l’Espagne. C’est là qu’elle devient concrète.
Quand les chiffres n’ont plus de raison et se mélangent aux pourcentages et aux taux d’intérêt pour finir par ne former qu’un magma informe, il reste les yeux de ces citoyens relégués dans des campements de fortune. Près des voies ferrées, au bord des autoroutes, en lisière des aéroports. Toujours en périphérie des villes. Exclus de la vie de la cité.
Et il faut les affronter, ces yeux, pour comprendre la portée du drame qui se joue à nos portes, à quelques encablures des plages où rosissent les peaux des vacanciers. La misère n’est pas moins pénible au soleil, on le sait depuis longtemps. Elle y est simplement plus fréquente.
Car la crise frappe d’abord et le plus durement les populations les plus fragilisées. Et le mal-logement est le premier coup porté aux familles. C’est vrai en Espagne, c’est vrai en Grèce, c’est vrai aussi chez nous.
Il suffit de jeter un coup d’œil le long de nos routes ou près de nos gares comme celle de Lyon-Perrache actuellement, pour voir les résurgences des bidonvilles qui avaient été détruits dans les années 70. Des embryons de quartiers faits de masures de toiles ou de bois qui sont les derniers refuges des travailleurs pauvres ou des laissés-pour-compte. Ce n’est pas un hasard si 63% des Européens ont peur de basculer dans la précarité.
La bulle immobilière a longtemps fait office de ballon d’hélium pour la société et l’économie espagnoles avant d’éclater il y a cinq ans. La cruelle ironie de l’histoire est qu’elle a laissé derrière elle près de quatre millions d’appartements achevés ou en cours de réalisation à l’abandon. De quoi loger quasiment l’ensemble de la population de l’Irlande.

Équilibre instable au Moyen-Orient


Alors que la France vient de prendre pour un mois la présidence du Conseil de sécurité des Nations unies, la question syrienne est plus que jamais à l'ordre du jour. En dépit de l'enlisement actuel du conflit, le régime Assad est bel et bien condamné. Chaque fois qu'il annonce avoir maté la rébellion en un lieu, celle-ci repart de plus belle ailleurs. Le régime a scellé son destin avec le sang de ses citoyens. L'équilibre des armes lui est encore favorable, celui des volontés a basculé avec l'attentat qui a coûté la vie aux plus proches collaborateurs du régime. Le temps joue désormais pour les « rebelles ».

Mais que sera « l'après-Assad » ? Dans cette partie du monde, on ne sort pas d'un régime despotique et sanguinaire par la démocratie et l'État de droit.
Il n'en demeure pas moins que la chute inéluctable du régime syrien se traduira par un nouvel équilibre des forces régionales. Elle fera un grand perdant, l'Iran, et constituera peut-être la revanche des régimes sunnites sur les forces chiites. En réalité, une phase historique de près de dix années, qui s'était ouverte en 2003 avec la chute de Saddam Hussein en Irak, va se conclure avec la chute d'Assad. Les États-Unis avaient curieusement alors « choisi » de renforcer leurs ennemis chiites et d'affaiblir leurs alliés sunnites. Par un effet de bascule, la révolution arabe rétablit, pour partie, l'équilibre préexistant entre sunnites et chiites, tout en introduisant un risque de déstabilisation sinon de chaos très fort.
Son isolement diplomatique nouveau poussera-t-il Téhéran à faire preuve de plus de modération sur la question du nucléaire ou, ce qui est plus probable, à répondre à l'humiliation par un durcissement de ses positions et une nouvelle fuite en avant ?
La deuxième conséquence de la chute du régime de Damas sera de souligner les limites de la Russie de Poutine. Moscou a un pouvoir de blocage bien réel, mais avoir pour seul allié la Russie ne suffit pas. Hier, la Syrie de Hafez el Assad avait à ses côtés l'URSS, aujourd'hui son fils Bashir n'a plus que la Russie. La Chine, en effet, est dans une position de « suiveur ». Elle s'est beaucoup plus investie dans le continent africain qu'au Moyen-Orient.
Il existe aussi encore de nombreuses interrogations. Quel sera le poids des Islamistes les plus radicaux dans la reconstruction de la Syrie ? Leur entrée dans le conflit aux côtés des forces « rebelles » est une réalité qu'il ne faut ni ignorer ni surestimer.
Quel sera l'impact de ce nouvel équilibre (déséquilibre ?) régional sur le conflit israélo-palestinien ? Le régime de Damas était un ennemi déclaré d'Israël, mais c'était aussi un adversaire prévisible. Avec le renforcement des Frères musulmans en Égypte et plus globalement des forces Islamistes dans l'ensemble de la région, Israël peut moins que jamais ignorer le Hamas.
Qu'en est-il enfin du « devoir de protéger » les populations victimes de la violence criminelle de ses gouvernants ? L'intervention en Libye aura-t-elle été paradoxalement le « chant du cygne » de cet engagement humanitaire ? La Syrie n'est certes pas la Libye et le contexte international et plus encore économique n'est pas le même. Encore faut-il expliquer clairement pourquoi on devrait intervenir aujourd'hui au Mali plutôt qu'en Syrie. 


Châteaux




Et si c’était ça, la véritable abolition des privilèges durement conquise par nos aïeuls : le Château de Versailles offert à tous les gueux ? Il l’est déjà un peu, avec son ouverture aux touristes pour quelques euros. Il l’est encore davantage depuis ce matin, grâce à la Française des Jeux qui propose un nouveau ticket à gratter, « Château de Versailles ». Le rêve de la cour royale enfin à la portée de tous. Les gains sont il est vrai modestes, limités à 30 000 euros – avec ça, on peut refaire son logement, mais on se paierait à peine une commode Louis XIV… Au fond, nous le savons tous, le vrai gagnant de l’histoire, au grattage comme au tirage, c’est la Française des Jeux, donc l’Etat. Et l’Etat, c’est nous, direz-vous… N’empêche, qui ne rêve du royal privilège de gagner son Château à soi tout seul – et tant pis pour l’égalité !

Les quatre façons de dépenser l'argent selon Friedman

Milton Friedman avait le génie incroyable de rendre simples et amusantes des choses compliquées. L’une de ses trouvailles fut sa fameuse typologie des manières de dépenser de l’argent, développée dans l’ouvrage Free to Choose. Cette typologie peut être représentée à l’aide d’une matrice en combinant deux niveaux de réflexion :

  1. À qui appartient l’argent dépensé ? Il est possible de dépenser son propre argent ou celui de quelqu'un d'autre.
  2. Pour qui l’argent est-il dépensé ? Il est loisible de dépenser cet argent pour soi-même ou pour quelqu'un d'autre.
Quatre cas apparaissent alors :
  • Quand vous dépensez votre argent pour vous-même, vous faites attention autant à ce que vous dépensez qu'à la manière dont vous le dépensez.
  • Quand vous dépensez votre argent pour quelqu'un d'autre (un cadeau, par exemple), vous faites toujours très attention à ce que vous dépensez (combien) et un peu moins à la manière dont vous le dépensez (comment).
  • Quand vous dépensez l'argent de quelqu'un d'autre pour vous acheter quelque chose (par exemple, un repas d'affaires), le montant de la dépense (le coût, combien) vous importe peu, en revanche, vous faites très attention au "comment" et vous êtes très attentif au fait que vous en avez ou non pour votre argent.
  • Mais quand vous dépensez l'argent de quelqu'un d'autre au profit d'une autre personne que vous, ni le montant de la dépense (combien), ni la façon dont l’argent est utilisé (comment) n'ont vraiment d'importance. 
  • Le dernier cas de figure correspond à la façon dont l'État dépense de l'argent. L'argent qu'il dépense ne lui appartient pas, puisqu'il est collecté auprès des contribuables, et il est dépensé au profit d'autres personnes via le mécanisme de redistribution. Au regard de cette matrice, cet argent sera donc géré de façon sous-optimale puisque l’État accordera peu d'importance au montant (combien) et à l'utilisation (comment) de la dépense.

L’autre dette publique... Cette mauvaise gestion des collectivités locales qui menace la France

Alors que le gouvernement prépare sa future loi de décentralisation et que la dette française frôle les 90% du PIB, Standard & Poor's estime que les collectivités locales françaises devront trouver 16 à 17 milliards d'euros en 2012. Un chiffre qui viendra s'ajouter aux 200 milliards de dettes déjà existantes.
Jusqu’à l’été dernier, évoquer les « AAA » faisait davantage penser à la spécialité culinaire très appréciée dans les territoires plutôt qu’à la notation du secteur public des Etats. En ligne de mire se trouve la capacité des Etats à réduire leur endettement et pas seulement, comme diraient les technocrates, à en « maîtriser la hausse » !
Le terme de « dégradation » a ainsi fait un retour en force. Et si l’on croyait ce mot réservé aux militaires bannis ou aux cancres de l’école, chacun mesure aujourd’hui l’importance de la « notation » des Etats sur des pans entiers d’activité. C’est dans cet esprit que les différentes dettes du secteur public sont passées à la loupe. Parmi celles-ci figure la dette du secteur public local. De quoi s’agit-il ? Car si à l’occasion des élections locales, les candidats s’envoient à la figure les chiffres de la « dette par habitant », c’est pour effrayer l’adversaire!

La grande illusion

En apparence, tout va bien quant à la situation de la dette des collectivités locales françaises prises dans leur ensemble. Représentant 8 points de Produit Intérieur Brut (PIB), l’ensemble formé par les 36.800 communes, les 2.500 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) à fiscalité propre, les 101 départements et les 26 régions est moins endetté qu’en 1982. En prenant une autre référence, la dette cumulée de l’ensemble des collectivités locales se monte à un peu moins de 200 milliards d’euros, soit un dixième de la seule dette de l’Etat.
En réalité, ces chiffres marquent bien sûr de profondes disparités entre collectivités « peu ou pas » endettées et « beaucoup » endettées. Mais surtout, ces chiffres masquent le processus engagé lentement, mais sûrement, depuis plusieurs décennies dans les territoires ; à savoir que l’économie d’endettement l’a emporté, sur l’économie de fonds propres et que la facilité du recours à l’emprunt a incité les collectivités à multiplier les projets sans toujours chercher à les optimiser.

Small is beautiful

A satiété, les collectivités sont présentées comme étant les premiers investisseurs publics civiles, en assurant même chaque année plus des trois-quarts de ces dits investissements. Cela est exact mais l’on « oublie » aussi de présenter l’envers du décor : pendant plusieurs décennies, les collectivités n’ont jamais eu à se préoccuper, en lançant un projet (un stade, une piscine ludique polyvalente, une zone d’activité, un contournement…) du recours à l’emprunt parce que, d’une part, lorsqu’une collectivité sollicitait les banques pour un montant de 100, ces dernières étaient prêtes à octroyer deux, trois, quatre fois la somme et, d’autre part, le recours massif à la fiscalité atténuait le recours final à l’emprunt.
En fait, tout s’est passé comme si les contribuables locaux avaient financé – en une fois – des équipements destinés à durer quinze, vingt, trente ans. Mais, chut ! Vouloir poser la question de l’investissement, c’est immédiatement se faire accuser de vouloir empêcher les territoires de se développer. La décentralisation marque certes la victoire des « initiatives locales » contre un Etat trop longtemps centralisateur, mais au détriment d’une maîtrise d’ensemble qu’il faudra, demain, payer.


Les collectivités, pour se défendre, expliquent que leurs dépenses augmentent car les transferts de compétences, nombreux depuis 1982, n’ont pas été accompagnés par les financements nécessaires en provenance de l’Etat. Ceci est à la fois vrai et faux ! Vrai si les collectivités prennent en compte les programmes et actions qu’elles ont voulu lancer « en plus » de ce que l’Etat faisait auparavant ; actions pour lesquelles il leur appartient de trouver les financements nécessaires. Faux car l’Etat accompagne chaque transfert de dotations censées couvrir les actions réalisées par lui avant décentralisation.

Demain, dès l’aube

La dégradation de la note de la France à l’hiver 2011 est un constat sur sa non capacité actuelle à réduire son endettement. Cette dégradation appelle une réaction à laquelle les collectivités locales n’échapperont pas, quel que soit leur discours. Cette réaction passe d’abord par une prise de conscience quant aux effets de l’endettement. Elle nécessite également d’intégrer le raisonnement selon lequel l’accumulation des projets locaux financés par endettement va devoir se réduire.
Les collectivités locales dépendent, pour près de la moitié de leurs budgets, des dotations de l’Etat et, pour près d’un tiers, de la fiscalité locale, avec une marge de manœuvre diminuée au fil des réformes. Le reste des ressources est obtenu par l’emprunt avec, depuis 2011, une raréfaction de l’offre bancaire. L’Etat est depuis lors dans une situation contradictoire entre le souci de pallier le désengagement du secteur bancaire pour l’accès à l’emprunt des collectivités locales et la nécessité de la diminution de l’endettement.
Lorsque Cléopâtre préféra en finir avec la vie plutôt que de voir son pays vaincu, elle choisit un poison qui ne déformait pas son visage. Les collectivités locales françaises n’en sont aujourd’hui pas loin : le poison de l’endettement non maîtrisé ne se voit pas (assez), ne se sent pas (suffisamment) mais pourtant il agit.