samedi 29 septembre 2012
Il ne peut pas être incolore, inodore et sans saveur au risque d'apparaître insincère où plus grave encore comme une pitrerie comptable. Jean-Marc Ayrault a le redoutable devoir de ne pas décevoir alors que les Français craignent plus que jamais pour leur pouvoir d'achat et sont rétifs à une fiscalité augmentée.
Existe-t-il une vraie volonté d'engager sans tarder les réformes structurelles ? Toutes les commissions, comités et groupes de travail qui ont été institués vont-ils déboucher sur autre chose que du verbiage et la désignation de boucs émissaires commodes ? Tout le monde est d'accord pour dénoncer le niveau irresponsable des charges sociales qui pèsent sur les entreprises et continuent à leur faire perdre de précieux marchés à l'exportation. Mais que fait-on pour que cela change et qu'on ne fabrique plus de nouveaux chômeurs ? Ce n'est pas en additionnant de beaux discours, des postures martiales vantant le patriotisme économique que l'on fera rentrer des devises !
Le gouvernement est confronté à une équation impossible. Comment tenir ses engagements de réduction de la dette et agir pour relancer l'activité ? Si toutes les réserves fiscales générées par les hausses annoncées des prélèvements sont employées pour tenir les objectifs de contraction des déficits nominaux, il ne restera aucune marge de manœuvre pour donner de l'oxygène aux entreprises victimes d'une insuffisance respiratoire chronique.
Seulement lorsque sont évoqués une hausse de la CSG et un coup de pouce sur la TVA pour rendre le travail moins cher et combattre les délocalisations, on répond qu'il est urgent d'attendre. Une politique ne se construit pas une matraque fiscale à la main mais en corrigeant tout ce qui contribue à appauvrir la France donc les Français.
Le pays ne peut pas se redresser avec la seule rigueur comme feuille de route. Elle est nécessaire mais insuffisante. Il lui faut l'audace de ses dirigeants et le courage d'abattre les murailles des conservatismes castrateurs de l'esprit d'initiative et des forces de l'innovation. Les nuages qui stagnent sur Florange, les blocages chez Brittanies ferries ou chez Good Year et d'autres attestent l'urgence de tenir le guidon, de changer de braquet sans utiliser d'EPO pour ne pas tromper son monde.
Le chômage nous mine depuis des dizaines d'années. Notre démographie en est pour une part responsable, mais nous n'allons tout de même pas regretter cette vitalité française. Les crises successives ont atteint chaque génération de jeunes. La croissance n'est toujours pas au rendez-vous. Dans le monde entier, elle ralentit. On nous promet une inversion de la courbe du chômage d'ici à un an. Ce doit être, en effet, avec le règlement de la dette, la priorité des priorités, mais comment y croire si l'on n'agit pas davantage, plus rapidement, plus énergiquement que jamais...
Il faut commencer par soutenir les entreprises. Celles-ci ne demandent pas de privilèges. Simplement, elles ne veulent pas voir leur compétitivité entravée par les lourdeurs que l'État leur impose. C'est vrai pour les petites et moyennes entreprises comme pour les grandes. Le patron de Renault vient de lancer l'alerte. Le coût exagéré du travail, à cause des charges sociales qu'il supporte, force l'employeur à réfléchir longuement avant d'embaucher. Et cela d'autant plus que l'embauche à durée indéterminée est pratiquement définitive sans possibilité réelle de revenir en arrière, c'est-à-dire de s'alléger si le marché de l'entreprise ralentit. Mais la flexibilité qui permettrait son adaptation est quasiment rendue impossible par l'État comme par les mentalités.
... c'est le risque d'un autoritarisme absolu
On veut la justice sociale, heureusement ! On exige la sécurité, c'est normal ! Encore faut-il en créer les conditions. Le problème est que ces exigences, encore une fois normales et qu'il faut s'efforcer de respecter, risquent, dans les conditions actuelles, d'entraîner la diminution de l'activité et d'accroître ce qui est redouté, à savoir le chômage et l'injustice sociale. À cela s'ajoutent l'alourdissement de la fiscalité, des réglementations hypercompliquées, une incertitude législative dans de nombreux domaines. Notre modèle social est si précieux qu'il faut le préserver, mais comment réussir aujourd'hui à le financer ?
Des possibilités avaient été envisagées, par exemple pour alléger les charges du travail : la TVA sociale. Le gouvernement précédent avait fini par l'adopter, trop tardivement du reste. Le gouvernement actuel s'est empressé de l'abroger et le Premier ministre a confirmé qu'on n'y recourrait pas plus qu'à la CSG. Alors comment va-t-il être possible d'alléger les charges sur les salaires ?
Si l'action du gouvernement n'est pas rapidement efficace, la marée montante du chômage va se poursuivre et l'on dépassera allègrement les trois millions de chômeurs. D'autant plus que déjà 850 000 personnes sans travail ne sont pas comptabilisées. Dans ces conditions, il ne faut pas oublier les leçons de l'histoire : du chômage de masse est déjà sorti le pire dans les années 30. Ce fut le recours d'un peuple à une dictature guerrière. En France, après les diverses désillusions apportées par les majorités qui se sont succédé au pouvoir depuis trente ans, « la confiance dans la démocratie pourrait s'éroder », comme le craint Joseph Stiglitz. Nous risquerions alors de voir un triste jour, sortir un autoritarisme absolu des urnes démocratiques.
Et tous les sexes seront égaux. À mort.
Aujourd'hui, j'aurais pu vous parler du discours pathétique de
Hollande à la tribune de l'ONU. Mais je n'aime pas trop la soupe froide
et clairette. Heureusement, pendant qu'un fromage se produisait à
Broadway, des minustres du gouvernement n'ont pas pu s'empêcher de
commettre plusieurs paragraphes dans Le Monde
pour expliquer leur point de vue sur l'école, le sexisme et les
méchants stéréotypes dont souffre la société. Devant une telle volée de
bisous, je ne pouvais pas rester de marbre.
Les deux auteurs du textes sont, déjà, des habitués de Contrepoints. Il ne leur a pas fallu longtemps pour le devenir, au demeurant.
En général, il faut quelques mois d'exercice à un ministre moyen pour
devenir un minustre éclatant. Pour le couple dont il s'agit ici, la
transformation de chrysalide gluante en papillon pétomane aura été
extrêmement rapide. Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem sont en
effet des athlètes de haut-niveau du pipotron de combat ce qui a valu au
premier le maroquin de l’Éducation, qu'il entend rendre état neuf très
peu servi, et à la seconde le poste envié de porte-parole d'un
gouvernement commodément aphone. L'un comme l'autre se seront donc
employés à fournir, depuis les quatre derniers mois, une matière
volumineuse et ininterrompue d'air chaud et agité pour parfaire leur
niveau général de pipotronique avancée.
Vincent Peillon, c'est le ministre du rythme scolaire. Comme tous les autres avant lui. C'est le ministre qui augmente le nombre de jours de classe en allongeant les vacances. C'est le ministre qui devra trouver une méthode amusante et surtout discrète pour recruter 40.000 professeurs dans une France exsangue, tout en faisant croire à la rigueur budgétaire et une saine gestion des finances publiques.
Najat Vallaud-Belkacem, c'est la ministre qui veut interdire la prostitution, parce qu'il suffit d'interdire un problème pour le résoudre. C'est la ministre qui, à défaut de porter une parole, trimballe des petites phrases,
tout en se tirant une balle dans le pied ce qui demande une maîtrise
que seule une athlète de la pipologie expérimentale de niveau 25 est
capable de dompter.
Et Vincent et Najat, c'est donc ce couple glamour qui babille des bêtises dans un petit couffin douillet offert par Le Monde. Le sujet ? Cela aurait pu être cuisine, poterie, macramé, mais c'est sur l'égalité entre les filles et les garçons que V&N auront choisi de nous entretenir. Attention : il ne s'agit pas de l'égalité en tant que telle, éthérée, dans la vie de tous les jours. Non. Il s'agit bel et bien de leur égalité dans le cadre de l'école républicaine.
La question, d'emblée, taraude nos deux sémillants auteurs qui l'expriment ainsi :
L'école mixte n'est-elle pas déjà le creuset de l'égalité ? La réussite scolaire des filles aux examens et la relative surreprésentation des garçons parmi ceux qui décrochent de notre système scolaire n'est-elle pas le signe que l'école compense largement les inégalités de genre ?Cela envoie donc du bois dont on fait les pipeaux dès les premières phrases, ce qui peut être un peu douloureux pour le lecteur lambda qui débarque sur l'article du Monde en pensant y trouver sa ration quotidienne de platitudes intellectuelles compassées. Philosophiquement parlant, la phrase de notre couple manifestement adepte du bondage violent est tout de même sévèrement burnée. D'un côté, le constat est effrayant : l'école compense largement les zinégalités de genre puisque trop de filles réussissent aux examens (ou pas assez de mecs, au choix). De l'autre, cela revient à dire que sans l'intervention égalisatrice pour compenser ces inégalités, l'école aurait produit des bataillons de réussites mâles pour des cohortes d'échecs féminins. Autre interprétation possible : cette phrase est un gloubiboulga ou tout et son contraire courent à fond de train pour se percuter dans le noir d'une absence de pensée dramatique avec un petit chbing! comique. Je laisse le lecteur décider.
La suite de notre exploration nous permet de découvrir, un sourcil en mode "Ah bon ?", que l'école a pour, je cite, "objectif fondamental", "L'égalité entre les femmes et les hommes". Et c'est bien de le dire, puisque moi, benêt que je suis, j'en étais resté à l'objectif primordial d'apprentissage des bases essentielles du savoir, celui qui libère l'individu en le rendant autonome, ainsi que, sur la durée, celui d'un métier qui permet tout de même de gagner sa vie, hein, c'est pas plus mal aussi.
Je me trompais. L'objectif fondamental, j'insiste sur ce mot puisque c'est celui choisi par V&N, est donc de faire croire que les hommes et les femmes sont égaux. Et pas seulement en droit, ce qui eut, pour le coup, été légitime, mais bien plus puisque "L'école reproduit encore trop souvent des stéréotypes sexistes". Et quels stéréotypes ! L'exemple naturellement fourni par nos deux
Programmes et manuels entretiennent trop souvent ces représentations inégalitaires : combien de "grandes femmes" pour tous ces "grands hommes" dans les livres d'histoire ?Ah oui. Tout de même. Je comparais, dans un précédent billet, les saillies de Hamon aux bordées d'un Yamato politique. Et qu'y a-t-il de pire qu'un ministre lancé sur un sujet débile ? Facile : deux ministres.
L'Histoire de France est donc salement inégalitaire. Saloperie de France qui n'a pas produit des Marie Curie harmonieusement dispersées dans son Histoire, un peu ici, un peu là. Connerie de pays qui n'a rien trouvé de mieux à faire qu'avoir bêtement des Rois et des Présidents plutôt que des Reines et des Présidentes ! C'est vraiment trop injuste !
Mais le constat ne s'arrête pas au méchant sexisme de l'Histoire. L'inégalité sexuelle se niche à des endroits insoupçonnés :
les filles ont de meilleurs résultats scolaires que les garçons mais leurs choix d'orientation – et plus encore les choix qui sont faits pour elles – demeurent très traditionnels et trop souvent restreints à quelques secteurs d'activité.C'est effectivement un scandale. Il y a trop d'hommes chez les sages-femmes, les maîtresses d'école, ou dans la magistrature ! C'est incroyable cette enquiquinante propension du réel à coller des femmes dans les assistantes maternelles (99%), le secrétariat (97%), dans les professions de santé, en sociologie... C'est stupéfiant que ces tendances soient présentes partout dans le monde (i.e. celui où les femmes ont le droit de travailler, hein). C'est incroyable l'écrasante majorité, tous pays confondus, de chefs d'orchestres masculins. C'est bizarre, ce nombre d'hommes chez les informaticiens et les électroniciens, là encore, toujours en majorité sur toute la planète. L'explication est évidente : il s'agit d'un complot mondial.
Ce n'est pas une fatalité !
Avec Najat Et Vincent, du Collectif "Rétrécissons les différences et les sexes", on peut encore, tous ensemble, changer ce biais ! D'ailleurs, ils le disent eux-mêmes :
Il est de notre responsabilité de provoquer une prise de conscience de ces phénomènes inconscients pour que les regards changent, que nous parvenions à ce « déconditionnement » des mentalités dont parlait déjà Yvette Roudy, ministre des droits des femmes en 1981.Sacré Roudy ! D'un autre côté, Yvette nous fait prendre conscience que cela fait trente ans qu'on s'acharne à égaliser à grands coups de lois et de pelle sur la nuque, et malgré tout, on observe encore des cochonneries de disparités de crotte ! La conclusion est évidente, limpide, logique : il faudra plus de lois, et, au besoin, plus de coups de pelle :
De très nombreuses initiatives, locales comme nationales, des partenariats entre l'école et les associations, construisent au quotidien une culture du refus des préjugés, des discriminations et des violences, une culture émancipatrice. Nous travaillons pour faire de ces innovations multiples une véritable politique. Et nous le ferons en nous adressant ensemble aux acteurs de l'éducationEt voilà : grâce à une panoplie d'innovations (forcément essentielles puisqu'on n'y avait pas pensé les milles dernières années, ou les cents, ou les dix), on va aplanir ces inégalités par le rouleau compresseur républicain. Ce sera vraiment bath, vous allez voir : la purée qui ressortira du concasseur citoyen et égalitaire sera directement poussée dans les gosiers pépiants des générations suivantes avides d'une nourriture intellectuelle facile à digérer. Et puis, surtout, toutes ces innovations à base de partenariat associatif vibrant de non-discrimination totale, cela n'a pas été tenté, depuis trente ans (hat tip à Yvette, toujours).
On pourrait croire que l'exercice de Vincent & Najat est unique en son genre, petite perlouse de vent douteux lâchée entre deux corridors feutrés d'une République occupée à branlouiller du sociétal lorsque ses institutions s'effondrent sous leur propre poids. Malheureusement, ce genre de production consternante est devenue une espèce de marotte de certains intellectuels de la société française qui s'emploient, avec frénésie et une certaine gourmandise, à bousiller consciencieusement tout ce qui pourrait vaguement s'apparenter encore à une instruction dans ce pays.
C'est vrai pour l’Éducation nationale, mais cela est vrai, finalement, partout ailleurs puisque les lubies aplanissantes, bien au-delà de l'aspect sexuel ou "de genre", se retrouvent dans le marché du travail, dans la presse, à la radio, à la télé, et pour n'importe quel sujet : aplanissons les salaires ! Aplanissons les horaires ! Aplanissons les races ! Aplanissons les opinions ! Aplanissons les productions ! Aplanissons les déficits ou les bénéfices ! Aplanissons tout ! Paf.
Et à force d'aplanir de tous les côtés, on finira par obtenir une société de petits cubes, faciles à ranger, à compter, à manipuler.
Des petits cubes morts.
Non, il n'y a pas d'austérité en Grèce
Entre 2008 et 2011, l’État grec a réduit de 13,2 milliards € ses dépenses hors charge de la dette. Mais, si l'on regarde en détail, ce n'est qu'une austérité de façade.
L'austérité tue la Grèce. C'est du moins ce que l'on nous dit. Les
hommes politiques et les médias ont une histoire toute prête : pour
satisfaire les créanciers de la Grèce, le gouvernement réduit la dépense
publique à des niveaux tellement bas que même les services de base
délivrés par l’État sont mis en danger. En conséquence, le peuple grec,
qui souffre de ces coupes sauvages, se rebelle. C'est l'histoire que
l'on lit quotidiennement. Pourtant, presque tout y est faux.
Certes, la Grèce réduit la dépense publique. Mais appeler cela "austérité", c'est comme considérer que passer de cinq à quatre Big Macs par jour est un "régime". La réalité est plus complexe.
- les rentrées dépendant des salaires, des autres revenus et des profits ont baissé, à cause du chômage élevé et de la chute des profits des entreprises ;
- le gouvernement a compensé en augmentant la TVA, en partie car elle est plus facile à collecter que les impôts directs qui souffrent d'une évasion fiscale importante ;
- enfin, les financements européens pour les investissements ont augmenté, fournissant au trésor des ressources supplémentaires.
La raison peut en être vue en examinant le volet dépenses de l'équation. Entre 2008 et 2011, l’État grec a réduit de 13,2 milliards € ses dépenses hors charge de la dette. Mais, si l'on regarde en détail, ce n'est qu'une baisse de façade : la baisse des investissements représente près de la moitié de cette baisse des dépenses, tandis qu'une bonne partie du reliquat s'explique par la baisse des dépenses militaires. Autrement dit, l’État construit moins d'infrastructures et achète moins d'armes. Par contre, les aides sociales ont augmenté, et les dépenses de personnel de l'administration n'ont baissé que de 7%, surtout grâce aux départs en retraite et non grâce à une quelconque rationalisation de l'emploi public.
Mais ce n'est pas tout. En 2011, la dépense publique (hors charge de la dette) était à 43,1% du PIB, en baisse par rapport au 48,7% de 2009. Mais entre 2000 et 2006 les dépenses publiques n'étaient en moyenne que de 40% du PIB. Autrement dit, l’État grec dépense aujourd'hui trois points de PIB de plus que plus tôt dans cette décennie ! Et si l'on met de côté les variations des dépenses d'investissement, l’État grec dépensait en 2011 5,3% de PIB de plus qu'en 2000-2006 ! Une différence qui représente 11,5 milliards €, soit grosso modo le montant que les créanciers de la Grèce lui demandent d'économiser sur les prochaines années.
Cela amène à se poser trois questions majeures :
- en quoi la baisse des dépenses d'investissements et de dépense met-elle en danger les services publics de base ?
- en quoi est-il choquant de vouloir faire revenir l’État à son niveau de dépenses de 2000-2006 ?
- pourquoi l’État ne pourrait-il pas fournir avec 43% du PIB les services qu'il fournissait avec 40% ?