jeudi 3 avril 2014
Quelle tambouille !
Quelle tambouille !
L’hyperactif Manuel Valls finira-t-il dévoré par le hollandisme émollient ? Déjà corseté par une feuille de route stricte, placé sous haute surveillance par Bruxelles, le nouveau Premier ministre se retrouve à la tête d’un gouvernement qui fleure bon la cuisine élyséenne. Une dose de revival mitterrandien avec un gouvernement « resserré » de 16 ministres, 16 comme à l’époque de Pierre Mauroy après le tournant de la rigueur. Un zeste d’esprit de congrès avec cet art consommé de la synthèse entre courants du PS, d’équilibrisme entre soutiens de l’Elysée et de Matignon. Un doigt de nouveauté pour assurer aux Français que « le message a été entendu » via l’entrée de deux éléphants en gage de professionnalisme et la promotion de deux hussards de l’aile gauche à l’adresse des classes populaire. Quelle tambouille !
Du classique, diront les vieux briscards de la Ve République. Mais si au même titre que le choix du Premier ministre, le casting gouvernemental est un signal, comment ne pas s’interroger sur cette « nouvelle étape » et ses priorités quand tant d’experts voient la France au bord de l’abîme ? La bataille de l’emploi : reléguée au huitième rang protocolaire. Le redressement des finances publiques : confié à un troisième ministre en moins de deux ans. La cohésion de Bercy : à la merci d’une cohabitation interne délicate. La modernisation du millefeuille administratif : laissée en jachère. Pour le combat contre le chômage, la croissance molle et l’angoisse sociale, les symboles de mobilisation sont ténus. Au fond, le départ bienvenu des ministres écologistes constitue le seul choc. De quoi simplifier - un peu - la tâche d’un exécutif bien mal né.
Passation sans effusion
Passation sans effusion
Entre Jean-Marc Ayrault et Manuel Valls, ce fut une passation sans effusion. Pas de chaleureuse étreinte entre les deux hommes, mais juste ce qu'il fallait de courtoisie républicaine. C'était beaucoup mieux comme cela, car personne n'aurait cru à ces accolades aussi démonstratives qu'hypocrites qui dissimulent trop souvent les rivalités de personnes. Ce fut donc sobre dans la forme et assez rondement mené. Assez pour que l'on sente que les tensions des dernières heures n'étaient pas encore retombées. Une pointe de ranc'ur affleura même dans les propos de Jean-Marc Ayrault lorsqu'il souligna n'avoir agi qu'au seul service de la France, conformément aux orientations du président de la République.
Tout était dit par rapport à son ambitieux successeur dont, nullement dupe, il écouta le discours convenu avec un sourire figé et vaguement narquois. Au fond, Jean-Marc Ayrault aura péché par excessive docilité et loyauté envers François Hollande. Il fut un Premier ministre aux ordres à qui il manqua seulement… des ordres clairs. Il aura été victime de cette incertitude où le laissèrent trop souvent les arbitrages flous du président.
Rien de tel ne devrait arriver avec Manuel Valls, capable de décider pour deux. C'est tout le pari hasardeux tenté par François Hollande. C'est aussi la raison des oppositions farouches à l'avènement de l'ancien locataire de la place Beauvau. Et cela explique les difficultés éprouvées pour constituer le prochain gouvernement.
Que de tractations, de marchandages et parfois de chantages ! Mais là encore, toute la confusion provient de l'absence de clarté d'une ligne politique que François Hollande a, dans la précipitation, réorientée vers le social sans abandonner sa vision plus libérale. D'où les pressions des Verts, champions des manigances, et de l'aile gauche du PS. Tout volontaire qu'il soit, Valls pourra-t-il composer un gouvernement pluriel avec une majorité qui l'est de moins en moins ? Seul, il ne saurait y parvenir. Osera-t-on dire que, sous la V e, il ne peut y avoir de bon Premier ministre sans bon président.
Tournant de la vigueur
Tournant de la vigueur
Fin de la Valls hésitation ! Au terme d'une journée particulièrement pagailleuse, qui en dit long sur l'absence d'anticipation de la déroute électorale, François Hollande a annoncé la nomination de Manuel Valls à Matignon au cours d'une brève allocution télévisée. En l'occurrence, c'est tout l'habituel protocole entourant un changement de gouvernement qui a été « enjambé ». Point d'annonce officielle, mais une lettre de démission de Jean-Marc Ayrault acheminée par porteur à l'Élysée et un communiqué lapidaire d'une ligne. Preuve d'un congédiement ressenti comme un peu brutal par le trop loyal Ayrault, évincé… par Valls.
Parce qu'on a le sentiment que c'est un peu Manuel Valls qui s'est nommé à Matignon, tant l'ex-ministre de l'Intérieur avait mis d'ardeur, depuis longtemps, à anticiper le remaniement et à se positionner. Si François Hollande a paru tergiverser jusqu'à la dernière minute, c'est qu'il ne connaît que trop les inconvénients d'un choix qui est le pire de tous… à l'exception de tous les autres. Dans un contexte de traumatisme post-électoral, Manuel Valls disposait des meilleures armes.
Voilà pourquoi, en dépit des risques, François Hollande a choisi Valls pour conduire un « gouvernement de combat » « resserré, cohérent, soudé ». Sûr que le nouveau Premier ministre se laissera moins « contourner » que son prédécesseur par le chef de l'État, mais il sera, par affinité, le solide garant de la ligne sociale-démocrate. Car l'important a tenu dans la réaffirmation par François Hollande de la nécessité du pacte de responsabilité.
Pas sûr, cependant, que « l'inflexion » promise par François Hollande pour répondre à la revendication pavlovienne de « justice sociale » suffise à calmer une aile gauche du PS et des Verts prêts à faire sécession. Le « clivant » et renfrogné Manuel Valls va devoir consentir des efforts pour se montrer socialo-écolo-compatible. Et puis, après la constitution du gouvernement, promise à quelques soubresauts, il restera le plus dur à faire pour l'exécutif : s'assurer d'une majorité pour soutenir ce nouveau tournant… de la vigueur !
Au ministre inconnu
Au ministre inconnu
Tout remaniement a un avantage certain : il permet de découvrir des ministres qui viennent d’être remerciés et dont personne n’avait jamais entendu parler. Leur gloire nait de leur insignifiance et ils disparaissent sans être apparus, ce qui est assez fort. Cette situation est plus importante que l’on ne le croit : quelques cinq cents personnalités différentes ont occupé des postes ministériels dans les trente-six gouvernements de la Vème République. Si la mémoire se souvient d’un dixième, c’est le bout du monde. Aux oubliettes, les autres. Il faut en finir avec cette injustice. Aussi serait-il moral d’ériger un monument contenant le tombeau du ministre inconnu. L’idéal serait l’Arc de Triomphe. Mais la place est déjà prise. Et rien n’assure que tous sont morts au combat.
Couac au gouvernement: Ségolène Royal veut rester présidente du Poitou-Charentes
Avec la nouvelle ministre de l'Ecologie Ségolène Royal, le Poitou-Charentes s'invite au gouvernement... Sans Mia Electric mais avec une polémique à la clé: elle souhaiterait cumuler son nouveau titre avec le mandat de présidente de région.
Ségolène Royal est fière du Poitou-Charentes. Elle a fait de nombreuses allusions à sa région de coeur lors du discours qu'elle a prononcé à l'occasion de son installation au ministère de l'Ecologie, du Développement durable et de l'Energie. Et ce n'est pas son nouveau statut de ministre du gouvernement de Manuel Valls qui pourra la faire renoncer au mandat de présidente de cette région.
"On continue comme avant", indique Maryline Simoné, porte-parole de la région et vice-présidente du Conseil régional, interrogée par Sud-Ouest. Interrogée par France Bleu La Rochelle, cette dernière l'a encore confirmé dans la journée.
François Hollande fera-t-il une exception à la règle du non-cumul pour son ex-compagne? "Moi, président de la République, les ministres ne pourraient pas cumuler leurs fonctions avec un mandat local (...) parce que je considère qu'ils devraient se consacrer pleinement à leurs tâches", avait-il pourtant déclaré le président de la République lors du débat de l'entre-deux-tours de l'élection présidentielle de 2012. Le non-cumul des mandats relève de la "morale politique", avait souvent souligné Ségolène Royal... avant d'entrer au gouvernement.
"Gouvernement de combat: ministres à plein temps?", s'est aussitôt interrogé Jean-Pierre Raffarin, sénateur UMP de la Vienne, sur Twitter. "Je demande à Madame Royal d'être cohérente avec sa ligne de conduite du non cumul de mandat! J'espère qu'elle se respectera!", a renchéri la conseillère régionale UMP de Poitou-Charentes Sally Chadjaa.
Marais poitevin et Mia Electric
La nouvelle ministre a aussi profité de son discours pour faire des clins d'oeil appuyés au Poitou-Charentes. En déroulant son CV écologique locale, elle a notamment évoqué la préservation du marais poitevin et le secteur de la voiture électrique made in France... sans citer nommément la Mia Electric, fabriquée dans sa région.
Le constructeur, liquidé le 12 mars dernier, est toujours à la recherche d'un repreneur. Ce qui fait dire à Dominique Bussereau, député UMP de Charente-Maritime, sur Twitter: "La médiocre politique écologique de Ségolène Royal en Poitou-Charentes illustrée par l'échec de la Mia électrique sera-t-elle transposée?" Et d'ajouter sur France Bleu La Rochelle: "J'avoue que le bilan écologique de Mme Royal en Poitou-Charentes me laisse dubitatif. La région est classée 18ème sur 23".
Ségolène Royal avait d'ailleurs promis d'arriver dans l'hôtel du 246, boulevard Saint Germain équipée de sa Mia... "J'arriverai en Mia Electric", avait-elle confié à La Nouvelle République dans la matinée. Mais elle a finalement laissé ce véhicule au garage au profit d'une Berline Renault plus classique. Renoncera-t-elle aussi facilement à la présidence de la région Poitou-Charentes pour éviter un premier couac au nouveau gouvernement de Manuel Valls?
Mamère et Filoche en colère contre le nouveau gouvernement
Coup de gueule. Pour Valeurs actuelles, ce sont deux poids lourds de la gauche qui confient leur sentiment face au nouveau gouvernement : Gérard Filoche, membre du bureau national du PS, et Noël Mamère, Vert, député de Gironde et maire de Bègles.
La « grande gueule » Gérard Filoche, à la gauche du Parti Socialiste, est très sévère contre Manuel Valls : «Le choix d’un premier ministre qui n’a fait que 5 % des voix à la primaire socialiste est hardi. Surtout que, dans les sondages est davantage apprécié par la droite que par la gauche (…) Cela ne ressemble pas à (…) une carte de transition, à griller dans les mauvais jours ou le quinquennat à la recherche du « redressement » ne rencontre pas de résultats » et d’estimer que « le gouvernement, le PS, et toute la gauche à leur suite, vont dans le mur ». Il juge également sévèrement la politique d’Hollande : « C’est une politique de soumission à la finance au nom du prétendu « redressement » à la mode de la troïka UE, BCI, FMI. C’est une politique qui fait mal au peuple, aux salariés et qui est tournée vers la séduction du Medef et des banquiers ».
La « grande gueule » Gérard Filoche, à la gauche du Parti Socialiste, est très sévère contre Manuel Valls : «Le choix d’un premier ministre qui n’a fait que 5 % des voix à la primaire socialiste est hardi. Surtout que, dans les sondages est davantage apprécié par la droite que par la gauche (…) Cela ne ressemble pas à (…) une carte de transition, à griller dans les mauvais jours ou le quinquennat à la recherche du « redressement » ne rencontre pas de résultats » et d’estimer que « le gouvernement, le PS, et toute la gauche à leur suite, vont dans le mur ». Il juge également sévèrement la politique d’Hollande : « C’est une politique de soumission à la finance au nom du prétendu « redressement » à la mode de la troïka UE, BCI, FMI. C’est une politique qui fait mal au peuple, aux salariés et qui est tournée vers la séduction du Medef et des banquiers ».
Le nouveau gouvernement n’est pas le plus important pour Gérard Filoche : «Le casting du gouvernement est secondaire. 14 ministres sur 16 étaient déjà au cœur de toute la politique appliquée depuis 20 mois (…) Bonne chance à Ségolène Royal pour défendre une transition énergétique – sans les écologistes d’EELV. Et espérons que François Rebsamen corrigera les bévues de Michel Sapin (…)».
Sur le départ de Jean-Marc Ayrault, le constat est moins sévère : «A la lumière de ce qui s’annonce, j’ai presque tendance à avoir des regrets. C’était un premier ministre droit et de qualité, honnête et travailleur même si je ne partage pas l’orientation qu’il a été amené à mettre en œuvre » et Gérard Filoche de conclure : « J’ai peur maintenant pour l’avenir car il semble que le cap ne soit toujours pas mis vers la gauche (…) Le choix devant nous c’est : cap à gauche ou cap suicide ».
L’écologiste Noël Mamère : « ce qui nous était proposé n’était qu’un piège »
Le député de Gironde ne regrette pas l’absence des Verts dans le nouveau gouvernement : « (…) Cette organisation me confirme que les Verts et les écologistes ont eu raison de ne pas participer à ce gouvernement. Il suffit de regarder l’importance accordée à monsieur Montebourg (…) pour se rendre compte que ce qui nous était proposé comme un grand ministère de l’écologie n’était qu’un piège. » et Noël Mamère de poursuivre : « Oui, je parle de piège ! Rien n’a changé dans le discours du président de la République au lendemain de la raclée de dimanche, et on reste toujours sur des orientations qui ne sont pas conformes à ce que nous attendions ».
L’accord avec le Parti Socialiste en 2011 ? « C’est le manche du râteau qui nous revient dans la figure »
Il juge également bancal l’accord passé avec le Parti Socialiste en 2011 : « On est en train de découvrir toutes les ambiguïtés et tout le malentendu de l’accord que nous avons passé avec le parti socialiste en 2011, qui s’était attaché à mettre de côté nos désaccords et qui était plus un accord électoral que programmatique. Aujourd’hui, le manche du râteau nous revient dans la figure (…) La gauche « hollandaise » n’a pas intégré le logiciel écologique ».
Lorsqu' on demande ce qu’il attend du nouveau gouvernement mis en place aujourd’hui, sa réponse est claire : « Malheureusement, je n’attends plus grand-chose. Nous avons attendu 22 mois, nous n’avons rien vu venir, je ne pense pas que ce soit aujourd’hui, où la majorité est extrêmement fragilisée, que nous verrons venir beaucoup de choses ». Quid de leur collaboration avec les socialistes ? « C’est en fonction de ce qui se passera, des politiques qui sont menées. Nous sommes un soutien sans participation. Comme l’a dit Madame Emmanuelle Cosse, nous sommes des partenaires vigilants. Tenus par rien ni par personne ».
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