TOUT EST DIT

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mardi 13 avril 2010

Lisibilité et équité


Éric Woerth a eu, hier, l’occasion de le mesurer en recevant successivement les dirigeants des organisations syndicales et patronales : la réforme des retraites – dont personne ne nie la nécessité – ne bénéficiera pas d’un accouchement sans douleur. La discussion sera rude. Il ne faut ni s’en étonner, ni s’en affliger. Le droit à profiter de la vie après des décennies de travail est un des plus grands et un des plus heureux progrès sociaux du XXe siècle. Un sujet aussi important pour l’équilibre à venir de la société française mérite que toutes les parties prenantes défendent clairement et même vigoureusement leur point de vue. C’est une étape obligatoire pour faire avancer les esprits.

Il faut tout mettre sur la table : l’âge légal du départ à la retraite, la durée de cotisation, le niveau des pensions, les régimes spéciaux de la fonction publique, le montant des prélèvements sociaux. Autrement dit : les contributions que pourront apporter les actifs mais aussi les retraités, les entreprises et les détenteurs de patrimoines à la pérennisation d’un système assurant des pensions décentes. Aucune piste ne sera suffisante à elle seule mais aucune ne doit être taboue.

In fine, la réussite de la réforme se jouera sur deux points : la lisibilité et l’équité. Le meilleur des projets perd de son efficacité s’il n’est pas compris par ceux auquel il est destiné. Il faut souhaiter que tous les acteurs du débat aient le souci de la simplicité des futurs dispositifs. D’autant plus que la complexité est souvent un moyen de dissimuler des inégalités. Or, c’est le second point, la réforme sera condamnée à l’échec si les Français n’ont pas la conviction que les efforts – dont chacun sait qu’ils seront nécessaires – ne sont pas équitablement répartis.

Les Verts: un parti stalinien comme les autres

Les Verts se revendiquent souvent comme un parti dénonçant la politique politicienne. Pourtant, le blogueur Super No remarque que les amis de Daniel Cohn-Bendit peuvent aussi être ceux de la droite! Vous avez dit paradoxal?
Musardant en ce dimanche après-midi, je me suis mis à lire le dernier numéro de «La Décroissance».
Toujours la même observation, ils deviennent un peu lourds à force de consacrer un article sur deux à descendre en flammes Dany Cohn Bendit ! Je pense que tous les lecteurs de «La Décroissance» ont compris depuis des lustres qu’il est libéral, écotartuffe, partisan de la «croissance verte» et dangereux, et qu’au vu de son influence, sa «popularité» et son aura médiatique, il mène le mouvement écologiste droit dans le mur… Du coup on aimerait bien pouvoir l’oublier un peu le temps de lire un autre article.

Néanmoins, on déniche fréquemment des perles. C’est ainsi que ce mois-ci, page 10, Teresa Maffeis, une candidate aux régionales sur la liste Europe-Ecologie de PACA, conduite par Laurence Vichnievski, raconte son calvaire et la manière assez particulière de «faire de la politique autrement» qui semble y prévaloir. Démocratie, transparence, qu’ils disaient.

Cet article est passionnant et terriblement révélateur : l’auteur y raconte son parcours de militante indépendante, les appels du pied des Verts pour qu’elle s’engage, ses hésitations puis son acceptation sous conditions… Une des conditions était d’avoir une place éligible… Ce qui lui fut accordé… Avant qu’on n’essaie de lui imposer une rétrogradation vers une position inéligible… pour laisser la place à une «parachutée» d’une «ex de la fondation Hulot», dotée d’un pedigree très «Vert», puisqu’elle fut candidate aux européennes de 1999 sur la liste de Sarkozy, Madelin et Hortefeux ! Ils ont même été obligés de bidouiller à la hâte sa «page Facebook», pour en supprimer les faits d’armes les plus compromettants, comme de vulgaires staliniens…

Il paraît que la présence de personnes de droite est une volonté imposée «d’en haut», par… Dany Cohn-Bendit ! Ah, merde, encore lui !

Teresa Maffeis a préféré s’exclure d’elle-même du mouvement plutôt que de cautionner cette mascarade… Et la morale est sauve, puisque l’écolo de droite a été tranquillement élue…

C’est curieux, puisqu’en Lorraine il y avait aussi une ex-candidate de la liste Longuet sur la liste «Europe-Ecologie», puis sur la liste PS de Masseret après la fusion… Cette candidate de droite a elle aussi été élue sur la liste de «gauche»…

Pas étonnant cette affinité entre «Europe-Ecologie» et le Modem, ces alliances à venir : il veulent tous «faire de la politique autrement»… C’est à dire exactement comme les autres…

Depuis Brice Lalonde, les Verts ont toujours été la risée de la politique, vendangeant leur potentiel par des querelles ridicules et des leaders qui auraient mieux fait de rester dans le rang. Il est assez désespérant de constater que le premier qui a réussi à mettre tout le monde au pas derrière lui a complètement sacrifié le côté écolo au profit de l’efficacité (et de la soupe) électorale.

Finalement ils ont raison à «La Décroissance» : tant que cet hurluberlu et sa clique de vendus imposeront leurs idées abracadabrantesques au principal mouvement “écologiste” français, le seul qui pourrait faire la nique au PS et entamer un vrai changement dans la manière de faire de la politique, il n’y a paradoxalement aucun changement à en attendre, seulement le désespoir de voir continuer à prospérer les petites ambitions minables, les calculs d’épicier à deux balles, les reniements, et pour finir le libéralisme qui continuera de plus belle, tout juste repeint en vert pâle.

Il semble qu’il y ait encore de vrais écolos chez les Verts et à Europe Ecologie : qu’ils se réveillent, et qu’ils l’expulsent, leur imposteur malfaisant… Avant qu’il ne soit trop tard…

NICOLAS SARKOZY SUR CBS EN VO


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Le rêve de la règle d'or


Pour graver dans le marbre de notre pacte républicain l'obligation d'avoir des comptes publics équilibrés, point n'est besoin de modifier la Constitution. Il suffirait d'inscrire dans une loi organique ce principe que l'on appelle aussi communément qu'abusivement la « règle d'or » des finances publiques. Ce serait aussi efficace et moins aventureux. Voilà l'astucieuse recommandation que s'apprête à faire à Nicolas Sarkozy la commission présidée par l'ancien directeur général du FMI, Michel Camdessus, auquel il a été demandé de plancher sur la faisabilité de cet engagement présidentiel réitéré en début d'année 2010.

Faire de l'excédent structurel, après trois décennies de déficits chroniques, la norme de tout exercice budgétaire et le préalable de toute politique publique, l'objectif n'est naturellement pas contestable. Le moyen envisagé laisse, en revanche, dubitatif. Qu'elle figure dans la loi constitutionnelle ou dans une loi organique, une règle d'équilibre budgétaire risque fort d'être à la fois inappliquée, incohérente et inopportune.

La promesse de sa mise en oeuvre effective serait crédible si l'exécutif appliquait les règles, pourtant moins contraignantes, dont il s'est déjà doté. L'une d'elles impose de compenser chaque dépense fiscale nouvelle par une économie de dépense. Or, quoi que l'on pense du bien-fondé de la baisse de la TVA dans la restauration, les 3 milliards d'euros qu'elle coûte à l'Etat n'ont pas été gagés.

Une autre de ces règles, édictée en 2004 par Nicolas Sarkozy alors ministre de l'Economie et des Finances, oblige à affecter les plus-values de recettes fiscales à la baisse des déficits. Cela ne fut pas le cas à l'été 2007 et cela pouvait se comprendre dans le contexte économique de reprise. Mais l'exécution du budget 2010 servira de test de vertu.

L'application d'une même loi d'équilibre à l'Etat, à la Sécurité sociale et aux collectivités territoriales poserait aussi un problème de cohérence. Car si l'on conçoit bien que le budget puisse, voire doive, être en déficit en fonction du cycle économique, il n'en est jamais de même de l'assurance-maladie, des régimes de retraite et des allocations familiales, dont les prestations ont vocation à être intégralement couvertes, en temps réel, par des cotisations. Or cette règle de notre « Constitution sociale » sommeille depuis plus d'un quart de siècle.

Enfin, la gestion des collectivités locales, empêchées de voter des budgets en déficit, montre que, loin d'être toujours vertueuse, une règle trop contraignante peut, parfois, entre de mauvaises mains, ou dans de mauvaises circonstances, conduire au vice de l'augmentation des impôts. Que la règle d'or dorme n'est pas forcément un cauchemar.

Laurence Parisot

La présidente du Medef a réussi une prouesse propre à donner des raisons d'espérer à tous les politiciens tombés au plus bas dans les baromètres de popularité. Critiquée pour son manque de réactivité face à la crise, vilipendée par la puissante UIMM, décriée pour son management autoritaire, l'ex-patronne de l'Ifop apparaissait en mauvaise posture au terme de bientôt cinq ans à la tête de l'organisation patronale. Mais voilà que « Lolo », après avoir frôlé la chute, vient de réussir un rétablissement aussi spectaculaire que ceux dont elle est coutumière sur ses skis nautiques, son sport de prédilection. A moins de trois mois des élections internes, la pugnacité de la célibataire aux yeux bleus a découragé les outsiders potentiels. Ce n'est pas pour rien que la biographie de cette fille d'un industriel du meuble, née en Franche-Comté il y a un demi-siècle, s'intitule « Une femme en guerre ». Elle a cédé à un fonds le fabricant de placards Optimum, mais va retremper son optimisme à Saint-Barth, où elle possède une maison et des intérêts dans le tourisme. Passionnée d'Art nouveau et de surréalisme, elle compte parmi ses dernières acquisitions une oeuvre de Quik, un tagueur. Pareille prédilection pour un art éphémère peut paraître logique de la part de celle qui déclara un jour : « La vie, la santé, l'amour sont précaires, pourquoi le travail échapperait-il à cette loi ? »

Trop tard ?


La réforme des retraites est-elle seulement possible en France ? La question peut paraître iconoclaste au lendemain de la première concertation entre le gouvernement et les partenaires sociaux. Elle n'en est pas moins posée. Quand le décalage entre cet immense dossier d'avenir et le débat fossilisé qui s'annonce est aussi gigantesque, comment ne pas craindre un nouveau dialogue de sourds ?
Tout se passe comme si aucun des acteurs de cette négociation n'était décidé à faire aboutir un texte de progrès. Les trois leviers qu'on peut actionner pour assurer le financement des retraites sont bloqués : la hausse des cotisations est écartée d'emblée par le patronat et le gouvernement ; la modification de la durée de cotisation est rejetée par les syndicats. Quant à la diminution des pensions, n'en parlons même pas.
Le calendrier des discussions, pourtant, balaie un éventail assez large de situations. Chacun pourrait y trouver du grain à moudre, selon la célèbre formule d'André Bergeron... Mais ces rencontres viennent presque trop tard quand les positions des uns et des autres sont déjà figées par un quinquennat essoufflé, par la crise et par l'affaiblissement politique du président.
C'est au début de son mandat que le chef de l'État aurait dû mettre le problème sur la table, comme l'a fait, d'emblée, Barack Obama après son élection pour accoucher au forceps de sa réforme de la sécurité sociale. Certes, il est toujours plus facile de réécrire le film après coup, mais il y avait peut-être d'autres urgences, à l'été 2007, que le bouclier fiscal... Aujourd'hui, avec un capital de popularité aussi faible comment le président peut-il prétendre peser dans un jeu aussi complexe à deux ans d'un nouveau rendez-vous de la présidentielle ?
Le gouvernement, de son côté, semble déterminé à conclure un texte pour l'été. Cette fois, il faut avancer n'est-ce pas, comme le dit sans ambages Éric Woerth ? Et les données de l'équation sont connues depuis longtemps, effectivement. Certes. Mais en imposant d'emblée un compte à rebours invisible aussi contraignant, le ministre du Travail prête le flanc aux soupçons de ses interlocuteurs : une précipitation préméditée avec une accélération finale pendant la coupe du monde, quand les esprits sont ailleurs.
Dans la confusion d'hier, même la notion d'urgence a été remise en question. Autrement dit, on est reparti en arrière, au-delà, même, de la case départ... Seule la pression de la société toute entière pourrait faire pression sur les partenaires sociaux pour les contraindre à trouver un accord. Mais, elle-même confortée par l'exemple d'en haut, elle semble immobilisée par ses contradictions et ses frilosités : tout le monde est pour la réforme... à condition qu'elle ne change rien. Rien de nouveau sous le soleil..., hélas.

Face à la crise, penser collectif

Il y a quelques années, l'essayiste américain Jeremy Rifkin annonçait l'entrée dans une ère nouvelle : « L'âge de l'accès ». Les marchés laissent la place aux réseaux, les biens aux services, les vendeurs aux prestataires de services et les acheteurs aux utilisateurs. La notion d'accès se substitue à celle de propriété.

Dans l'économie immatérielle, celle d'Internet, l'important, expliquait Rifkin, n'est pas de posséder des biens mais d'accéder à des informations et services. Un exemple : au lieu d'acquérir le DVD d'un film, il est plus simple d'acheter le droit de le visionner à la demande. Pas d'encombrement et un coût quatre à cinq fois moindre. D'où sa prophétie : « D'ici à vingt-cinq ans, l'idée même de propriété paraîtra singulièrement limitée, voire complètement démodée, à un nombre croissant d'entreprises et de consommateurs. »

Si cette pratique se généralisait, on verrait la consommation de services se substituer à celle des objets qui les fournissent. On pense au Velib'(vélos en libre-service) et bientôt, sans doute, à l'Auto-lib', déjà expérimentée en Allemagne ou au Québec. À Londres, une entreprise propose des voitures accessibles dans de nombreux lieux, par simple carte à puce. Et un peu partout ¯ y compris en France ¯ se créent, dans certains éco-quartiers, des buanderies et même des chambres d'amis communes aux copropriétaires.

Le mouvement est lancé. Pourquoi ne pas l'amplifier ? C'est ce que suggère Paul Ariès : « Pourquoi, écrit-il, ne pas mutualiser ses achats quand on sait qu'on ne tond pas la pelouse tous les matins ? Qu'on peut partager livres, disques et DVD, ce qui permet non seulement de faire des économies, mais aussi de discuter par la suite de leur intérêt et du plaisir qu'on y a pris ? » (1).

Derrière cette économie « des biens partagés », percent une pensée et une pratique nouvelle de l'accès aux services. Ainsi, avec un souci de la qualité contre la « malbouffe », illustré par les Amap (Associations pour le maintien de l'agriculture paysanne), des consommateurs s'engagent à acheter, toute l'année, des paniers de fruits et légumes à un producteur en s'associant au choix des produits.

Cette évolution pose de vraies questions. Et l'emploi ? dira-t-on. Dans l'industrie automobile, par exemple ? Elle devra inventer du neuf, non seulement de nouveaux modèles moins polluants, mais de nouveaux services de prestataires de transport automobile. Michelin n'est-il pas en train de développer la location de pneus performants dont la durée de vie a été multipliée par 2,5 ? C'est une piste intéressante.

Par ailleurs, la propriété collective n'est-elle pas une cause d'irresponsabilité et d'embrouilles ? Le problème est réel si l'on en juge par les dégradations infligées aux Velib'. La solution passe par le développement d'une culture de la gestion commune, alors que nous sommes imprégnés d'une culture de la propriété privée. L'éducation à un esprit de copropriétaire responsable, dès le plus jeune âge, peut permettre de parer aux dérives. Cela prendra du temps. La crise actuelle laisse-t-elle d'autres choix ?

Utopie ? Peut-être, mais elle devient nécessaire pour imaginer un avenir qui ne pourra pas être la simple reconduction du présent.

(1) « La simplicité volontaire contre le mythe de l'abondance », La Découverte, 2010.

(*) Professeur de droit publicà Brest.