Il est l’architecte des réformes les plus radicales que l’Allemagne ait connues cette dernière décennie : refonte des allocations de chômage en un forfait de base de 345 euros, introduction d’une dose de capitalisation dans le système de retraite dont les montants ont été gelés, prestations médicales revues à la hausse, instauration de mini-jobs à 400 euros sans indemnités maladie…  Aucun secteur-clé de l’Etat Providence n’a été oublié.
7 ans après la fin de son dernier mandat en tant que chancelier d’Allemagne, Gerhard Schröder est fier de son bilan. « L’Allemagne était l’homme malade de l’Europe. Aujourd’hui, le pays est guéri », estime l’invité d’honneur du Medef. Présent à l’Université d’été de l’organisation patronale, le 31 août, l'ex-chancelier a en revanche fait l'impasse sur le taux de pauvreté du pays, qui a grimpé de 4,5 points pendant ses deux mandats. (Voir la note de la DG Trésor publiée en août).
Des rêves de copier-coller
Issu des rangs de la gauche sociale-démocrate allemande, Gerhard Schröder a quitté la politique pour rejoindre le monde des affaires en tant que président du conseil de surveillance de Gazprom. Et il fait rêver les patrons français : « S’il y a un programme que nous adorons, c’est l’agenda 2010 », lâche Laurence Parisot. A la tête du Medef pour encore un an, la patronne des patrons attend de l’ex-chancelier les « recettes » pour « copier-coller » le modèle allemand en France.
Raté.  Les réformes de Gerhard Schröder ne s’exportent pas sous forme de kit. « Le modèle allemand ne peut pas être transposé tel quel. Chaque nation doit choisir sa voie », fait savoir l’ex-chancelier, conscient des différences « d’expression politique » à travers l’Europe. Les économies des 27 ont le devoir d’être « plus compétitives », mais cet objectif commun ne doit pas reposer sur une politique d’austérité brutale. « La rigueur seule ne permet pas de dépasser la crise », reconnaît M.Schröder, à l’aune de l’exemple grec.
« Le véritable problème n’est pas la Grèce »
Depuis quelques mois, le débat fait rage entre Bruxelles et Athènes : le pays mérite-t-il un délai supplémentaire pour mener à bien certaines réformes ? La chancelière Angela Merkel s’y refuse…contrairement à M.Schröder : « Il faut donner du temps aux responsables politiques pour réaliser ce qu’on attend d’eux. »
Le ton de l’ex-chancelier risque également de déplaire aux citoyens allemands, dont 54% aspirent à voir la Grèce quitter la zone euro. L’effort fiscal réalisé par Athènes, estimé à 20% du PIB national (augmentation d’impôts et coupes budgétaires cumulées), est sans précédent, rappelle-t-il. « Le véritable problème n’est pas la Grèce, évacue l’ex-dirigeant. Ce n’est pas une crise monétaire, mais une crise politique » qui se dénouera selon lui grâce au traditionnel moteur franco-allemand.
Couple virtuel
Désireux de ne pas s’enfermer dans cette relation bilatérale, François Hollande a souhaité infléchir le schéma historique. Présent aux côtés de l’Espagnol Mariano Rajoy le 30 août, il a également multiplié les rencontres avec l’Italien Mario Monti, qu’il voit le 4 septembre. Lors du dernier Conseil européen, les trois pays s’étaient retrouvés sur les mêmes positions, quand Berlin donnait le sentiment d’être mis en porte à faux.
La relation franco-allemande est « indispensable », admet Romano Prodi, également invité du Medef. Mais pour l'ex-président de la Commission européenne, elle « ne suffit pas ». La mauvaise gestion de la crise, alors que s’égrainaient « 25 ou 26 sommets franco-allemands », est selon lui l’exemple le plus probant de ces dysfonctionnements.
Les deux pays seraient à contretemps. L’Allemagne garde le fédéralisme européen en tête, mais « ne veut pas aller de l’avant » pour y parvenir. La France, quant à elle, n’a pas de prétention fédérale, « mais elle est prête à faire des démarches pour », ironise Romano Prodi. Avec, pour conséquence, de former un couple virtuel. « Il y en a un qui fait l’équipe du matin, l’autre l’équipe de nuit, s’amuse l’ancien professeur d’économie industrielle, mais ils ne se rencontrent jamais pour faire des enfants. »