TOUT EST DIT

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lundi 9 janvier 2012

Les think tanks, des idées en l'air

Omniprésents, ils passent d'un plateau de télévision à un micro, analysent, évaluent, conseillent, proposent, pérorent à l'occasion. Quand ils ne parlent pas, ils écrivent ou font écrire des études pour ausculter le pays sous toutes les coutures, pointer failles et atouts, suggérer ordonnances et médications. Pas un sujet ne leur échappe, ou presque. Ils ont des idées et espèrent qu'elles feront leur chemin. Même s'ils sont encore très loin d'avoir la puissance et le pouvoir d'influence de leurs équivalents américains.

Qui sont ces champions du prêt-à-penser ? Les think tanks – des réservoirs d'idées, en bon franglais – et leurs animateurs vedettes. Quelque 160 associations, fondations ou groupes de réflexion sont répertoriés par l'Observatoire français des think tanks. Mais seuls quelques-uns d'entre eux ont l'ambition de peser sur le débat politique, présidentiel en particulier. Signe d'une époque en mal d'idées neuves, ces lieux de réflexion sont apparus récemment.

Sur le versant libéral, pour ne pas dire à droite puisqu'ils se défendent de toute attache partisane, l'Institut Montaigne et la Fondation pour l'innovation politique (Fondapol) dominent le "marché". Le premier, créé en 2000 et toujours présidé par Claude Bébéar, l'ancien PDG d'Axa, se veut un instrument capable de proposer de solides pistes de réflexion pour améliorer la compétitivité de l'économie nationale et la cohésion de la société française. Ses études - une soixantaine en huit ans - ne passent pas inaperçues, comme celles, récentes, sur la réorganisation du maquis de la formation professionnelle, ou encore sur le poids croissant de l'islam dans les banlieues les plus déshéritées, analysé pendant dix-huit mois à Montfermeil et Clichy-sous-Bois par cinq chercheurs sous l'autorité de Gilles Kepel. "Nous avons besoin d'outils nouveaux pour penser la crise", note le directeur de l'Institut Montaigne, Laurent Bigorgne, un jeune agrégé d'histoire qui fut le bras droit de Richard Descoings à la direction de Sciences Po, à Paris. Faute de les trouver ailleurs, il entend bien les forger.
"12 IDÉES POUR 2012"
La Fondapol a une genèse plus tourmentée. Créée en 2004 par Jérôme Monod, conseiller de Jacques Chirac, elle était destinée à devenir la tête chercheuse du parti du chef de l'Etat. Marginalisée après l'arrivée de Nicolas Sarkozy à la tête de l'UMP, elle est repartie de l'avant en 2008 sous la houlette de son nouveau président, Nicolas Bazire, numéro deux de LVMH et proche de M. Sarkozy, et de son nouveau directeur général, Dominique Reynié.
Celui-ci, professeur à Sciences Po, à Paris, et qui a d'ailleurs installé ses locaux à deux pas de la rue Saint-Guillaume, se situe volontiers sur le terrain académique. Plusieurs études intéressantes réalisées en 2011 en témoignent : l'évolution des droites en Europe face à la montée des populismes, ou le grand blues des classes moyennes. Mais le politique n'est pas loin, affichant sa volonté de refonder une pensée "libérale, progressiste et européenne". Les "12 idées pour 2012" que la Fondapol vient de rendre publiques se présentent carrément comme un programme de gouvernement. Mais, "au-delà de l'ingénierie administrative" (comment maîtriser la dette, repenser l'Etat, révolutionner l'école, marier France et Allemagne...), il s'agit pour Dominique Reynié de "redéfinir notre projet de société".
Toujours dans la famille libérale, l'Institut français pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques (Ifrap), apparu en 1985 et devenu fondation d'utilité publique en 2009, n'a pas cette ambition. Mais il s'est fixé une mission : évaluer l'efficacité des mesures mises en place. "Dans un contexte de plus en plus contraint par la crise et la dette, il est impératif de dépenser mieux et moins", résume sa jeune directrice, Agnès Verdier-Molinié. La campagne présidentielle va offrir à ce contre-pouvoir déclaré l'occasion de s'exercer en chiffrant le coût des programmes des candidats. A l'instar de l'Institut Montaigne, qui s'est engagé avec le quotidien économique Les Echos dans cette bataille des chiffrages, ou de l'Institut de l'entreprise, qui avait été précurseur en 2007.
"UN TRAVAIL DE REFONDATION"
Deux think tanks dominent le paysage à gauche. Ils revendiquent leur liberté d'esprit mais ne cachent pas leur inscription dans l'espace socialiste. C'est une évidence pour la Fondation Jean-Jaurès (FJJ), créée en 1992 par Pierre Mauroy, alors premier secrétaire du PS, et installée cité Malesherbes à Paris, dans l'immeuble qui abrita longtemps la SFIO puis le Parti socialiste. Toujours présidée par M. Mauroy, elle est dirigée par Gilles Finchelstein, directeur des études d'Euro RSCG et proche de Dominique Strauss-Kahn.
Définie par ce dernier comme un lieu de "libre débat collectif", à l'écart des enjeux internes du parti, la FJJ a pour vocation de contribuer à "la rénovation de la pensée socialiste" en associant chercheurs, hauts fonctionnaires et responsables politiques. Elle y consacre de très nombreuses notes sectorielles, mais aussi, tous les deux mois, des essais plus transversaux. "Il est décisif d'avoir une analyse juste de l'état de la société", souligne M. Finchelstein, rappelant l'enquête remarquée de la fondation sur "Le descendeur social", avant la présidentielle de 2007, ou celle, récente, sur "Le nouveau paysage idéologique" français.
Fondée en 2008 par Olivier Ferrand, entreprenant énarque de 42 ans, installée de façon un brin provocatrice sur les Champs-Elysées (dans des locaux prêtés par un proche de Michel Rocard), la Fondation Terra Nova s'est imposée comme un acteur infatigable du débat public. Mobilisant un réseau de quelques centaines d'experts, elle est d'abord une machine qui produit des notes sur les sujets les plus variés de l'action publique, à une cadence spectaculaire : "Cinquante rapports programmatiques en un an", s'enorgueillit M. Ferrand. Qui n'entend pas seulement animer une boîte à idées. A ses yeux, c'est "le modèle de développement français et européen du dernier demi-siècle qui est mort. Il faut mener un travail de refondation et retrouver une vision globale".
Fort différente est la Fondation Copernic, créée en 1998. Pour Pierre Khalfa, l'un de ses animateurs, syndicaliste à Solidaires et membre du conseil scientifique de l'organisation cousine Attac, la volonté était alors de "répondre à l'offensive intellectuelle du néolibéralisme et au dépérissement idéologique" de la gauche socialiste. C'est toujours le cas : "Nous combattons explicitement les idées défendues par Terra Nova et la Fondation Jean-Jaurès." Il s'agissait en outre de rassembler les courants de la gauche critique, syndicale, associative et intellectuelle, "très méfiants à l'égard des partis politiques". Deux débats ont favorisé ces convergences : celui sur les retraites, depuis une douzaine d'années, et la campagne contre le traité constitutionnel européen, en 2005, dans laquelle Copernic a pris l'initiative de lancer les comités pour le non.
MÉFIANCE À L'ÉGARDS DES PARTIS
La méfiance à l'égard des partis est un des moteurs de l'émergence des think tanks. "Les partis politiques sont en crise, leurs taux d'adhésion sont très faibles, leurs organisations de jeunesse exsangues, ils ne sont plus des laboratoires d'idées mais des machines bureaucratiques essentiellement occupées à la distribution des investitures. Il est donc logique que le débat naisse à leur périphérie", analyse Pascal Perrineau, directeur du Cevipof, le centre d'études politiques de Sciences Po, et membre du conseil scientifique de la Fondapol. Laurent Bigorne confirme : "La panne intellectuelle des partis est saisissante. Ils ne posent ni les vraies questions ni les vrais enjeux."
A cela s'ajoute l'affaiblissement de la capacité d'analyse stratégique de l'Etat. Le Commissariat général au plan tenait ce rôle. Mais il a été supprimé en 2006 et il n'a été remplacé ni par le Conseil d'analyse stratégique, très discret, ni par le Conseil d'analyse de la société, qui l'est plus encore. "Les cabinets ministériels sont pris à la gorge par la crise et les contraintes budgétaires immédiates", note Laurent Bigorgne. Dominique Reynié va dans le même sens : "Nous sommes des sas de fertilisation entre les savoirs disponibles et le monde politique, qui n'a pas le temps de réfléchir."
Julien Vaulpré connaît bien les acteurs de cet écosystème : brillant trentenaire, il a participé à la petite équipe réunie entre 2005 et 2007 par Emmanuelle Mignon pour aider Nicolas Sarkozy à gagner la bataille des idées et a été le conseiller "opinion" du chef de l'Etat à l'Elysée jusqu'à récemment. "Les partis sont dissuasifs et n'attirent plus. Non encartés, plus souples, les think tanks permettent une externalisation attractive", note-t-il.
A gauche, Aquilino Morelle, ancienne plume de Lionel Jospin à Matignon et directeur de campagne d'Arnaud Montebourg lors de la primaire socialiste, fait le même constat, pour le déplorer : "Les think tanks occupent un vide et assurent une sorte de sous-traitance du travail intellectuel", quand il faudrait que le PS redevienne un lieu de pensée qui produit des idées. Alexis Corbière, responsable des études au Parti de gauche de Jean-Luc Mélenchon, est encore plus sévère : il y aurait externalisation, mais aussi "marchandisation politique" : "Ces think tanks sont des lobbies malins, qui, sous un vernis scientifique, prétendent produire des idées non partisanes, alors qu'ils défendent les intérêts généraux des groupes privés qui les financent. C'est une supercherie."
La réponse d'Olivier Ferrand est plus pragmatique, d'autant qu'il vient d'être investi par le PS comme candidat pour les législatives de 2012 dans les Bouches-du-Rhône. A ses yeux, "l'élaboration intellectuelle s'est toujours faite à la marge des partis, par des groupes d'experts, des clubs ou des conseillers du prince. Ce que nous apportons de neuf, c'est une professionnalisation de cet espace de proposition".
Historien et "sage" du PS, participant aux travaux de Terra Nova comme à ceux de la Fondation Jean-Jaurès, Alain Bergougnoux partage en partie cette analyse, rappelant la tradition des clubs, comme le Club Jean-Moulin dans les années 1960 : "Le fonctionnement repose sur un cocktail comparable de commissions d'experts (associant universitaires, hauts fonctionnaires, responsables politiques et acteurs de la société civile), produisant des publications et organisant des colloques." La nouveauté, concède-t-il, c'est le nom de "think tank", qui fait moderne, leur efficacité médiatique, et le renouvellement de génération des animateurs.
D'"UTILES MÉDIATEURS"
Le phénomène des think tanks est également symptomatique de l'évolution du monde universitaire, de plus en plus marqué, selon Pascal Perrineau, par "la segmentation des disciplines et les crispations identitaires du monde académique". Pour lui, ces cercles de réflexion sont une sorte d'"ersatz de la figure du grand intellectuel généraliste et engagé dans le débat public, qui est en train de disparaître". Marc-Olivier Padis, rédacteur en chef de la revue Esprit et qui travaille aux côtés d'Olivier Ferrand à Terra Nova, partage ce constat, mais se réjouit de voir émerger "de nouvelles formes d'ingénierie intellectuelle, permettant de retrouver des approches globales grâce au travail collectif".
Ce n'est pas l'analyse de Daniel Cohen, responsable de l'Ecole d'économie de Paris, président du conseil scientifique de Jean-Jaurès (et membre du conseil de surveillance du Monde). A ses yeux, c'est précisément parce que les chercheurs en sciences sociales ont dépassé les cloisonnements théoriques anciens et se sont mis à explorer la "globalité vivante" de l'économie et de la société que leurs travaux peuvent nourrir le débat. A cet égard, les think tanks sont d'"utiles médiateurs".
Médiateurs, donc. Car chacun le souligne : s'ils sont des centres d'expertise et des lieux de rencontre où peuvent se construire des propositions, les think tanks ne produisent pas vraiment d'idées neuves. Ils ne sont pas un "lieu d'élaboration", dit le sociologue Michel Wieviorka. A cet égard, Daniel Cohen rend à César ce qui lui revient : "Celui qui irrigue véritablement la réflexion, à gauche, c'est Pierre Rosanvallon et le travail éditorial qu'il a engagé depuis des années, avec la République des idées, pour rendre accessible le pan de la recherche en sciences sociales."
Les animateurs des think tanks brandissent pourtant comme des trophées les initiatives qu'ils ont fait aboutir. La Fondapol revendique la paternité de la notion de "règle d'or" sur l'équilibre budgétaire, préconisée il y a deux ans par une note de l'économiste Jacques Delpla avant d'être reprise par Nicolas Sarkozy. Terra Nova a indéniablement été l'importateur, en France, de la procédure de la primaire pour désigner le candidat socialiste à la présidentielle. Et une note de Frédéric Bonnevay pour l'Institut Montaigne prônait, il y a deux ans déjà, la création d'eurobonds pour surmonter la crise de l'euro.
QUELLE INFLUENCE SUR LE DÉBAT PRÉSIDENTIEL ?
Mais les faits d'armes des think tanks sont peu nombreux, sans commune mesure avec leur résonance médiatique. Leurs initiateurs admettent qu'ils sont plus passeurs que producteurs d'idées. Faute de moyens suffisants pour commanditer des recherches au long cours, soulignent-ils tous. Le mieux doté, l'Institut Montaigne, a un budget annuel de 3 millions d'euros, grâce aux cotisations d'une petite centaine de grandes entreprises ; Jean-Jaurès, de 2,2 millions, dont deux tiers de subventions publiques ; la Fondapol, de 2,2 millions (deux tiers de subventions, un tiers de cotisations d'entreprises) ; l'Ifrap, de 1 million (presque exclusivement des donateurs privés) ; Terra Nova, de 400 000 à 500 000 euros (à 80 % du mécénat d'entreprises) ; Copernic vit avec 80 000 euros de cotisations individuelles.
Ces budgets (hormis pour Copernic) permettent de publier des études et de financer de petites équipes, de quatre à douze permanents, chargées de faire tourner la machine plus que de l'alimenter en idées, encore moins de faire du lobbying pour les imposer. Les dizaines d'experts qui rédigent des études pour Terra Nova sont bénévoles, alors que l'Institut Montaigne et la Fondapol rémunèrent, peu ou prou, les travaux. Tout cela reste artisanal par rapport aux think tanks allemands (plus de 100 millions d'euros de budget pour la Fondation Friedrich-Ebert) ou américains. Le seul point commun avec l'étranger n'est pas vraiment positif : ne pas froisser les entreprises qui financent les structures.
Reste à savoir si ces think tanks pèseront sur le débat présidentiel. Ils l'espèrent. Les responsables politiques sont plus dubitatifs, et même distants. "Les clubs, dans les années 1960, ou la Fondation Saint-Simon dans les années 1980, ont été les acteurs d'un renouveau parce qu'ils étaient articulés d'un côté avec la société civile, de l'autre avec la sphère politique. C'est peu le cas des think tanks actuels", estime Pascal Perrineau.
De fait, pour préparer son projet pour 2012, le Parti socialiste a préféré créer son Laboratoire des idées interne, qui a, pendant deux ans, mobilisé de 400 à 500 chercheurs, experts et politiques, bien au-delà du cercle des think tanks. "Le projet et le programme du parti, ça ne se délègue pas", tranche Christian Paul, député de la Nièvre et président de ce "Labo". De son côté, Jean-François Copé, le secrétaire général de l'UMP, a bien créé, début 2011, un Conseil national des think tanks, mais ceux qui ont accepté l'invitation jugent l'initiative décorative. Quant à la ministre de l'écologie et du développement durable, Nathalie Kosciusko-Morizet, elle trouve les think tanks "très académiques et traditionnels. Ce dont nous avons besoin, c'est de produire des intuitions neuves".
Laurent Bigorgne, de l'Institut Montaigne, le dit à sa manière, feutrée et lucide : "Ce qui m'intéresse en 2012, ce n'est pas le mois de mai et la campagne, mais le mois de septembre et l'action du futur gouvernement. C'est à ce moment-là que nous pourrons exercer notre influence." Bon résumé du rôle d'interface, encore expérimental, qu'entendent jouer ces boîtes à idées.

SeaFrance : un syndicalisme à la dérive

Chez SeaFrance, l'étiquette CFDT est devenue lourde à porter. Un véritable boulet, presque une marque d'infamie. Depuis le 6 janvier, les responsables de ce syndicat dans la compagnie de ferries sont accusés dans la presse des pires dérives, au moment même où ils défendent la reprise de l'entreprise par une société coopérative et participative (SCOP). Un symbole de plus dans ce dossier qui s'est invité dans la campagne présidentielle.

Les syndicalistes étaient déjà contestés, du fait de leur opposition à la solution de relance portée par Louis Dreyfus Armateur (LDA) et la société danoise DFDS. Mais la controverse a pris une tournure nouvelle avec le déballage, sur la scène nationale, de faits dénoncés naguère par des journaux régionaux et par d'autres syndicats : intimidations, violences, gestion opaque des instances représentatives du personnel, relations incestueuses avec l'ancienne équipe de direction, soupçons d'enrichissement personnel…
Dans ce déferlement d'accusations, un nom revient sans cesse : Didier Cappelle, responsable de la CFDT-Maritime Nord. Bien que cet ancien salarié de SeaFrance ait pris sa retraite en 2006, il continue de jouer un rôle de tout premier plan dans les manœuvres de sauvetage de la compagnie qui assure la liaison Calais-Douvres. Ses nombreux contradicteurs le décrivent comme le "cerveau", le "gourou" d'une organisation quasi "mafieuse". La CFDT, au niveau confédéral, a prévenu qu'elle l'exclurait, lui et les autres chefs de son syndicat, si les soupçons de "pratiques obscures et frauduleuses" se confirmaient. "On sera sans état d'âme, confie Laurent Berger, secrétaire national de la centrale cédétiste. Ces gens-là ne sont pas en phase avec les valeurs et l'éthique de la CFDT." Beaucoup moins sévère, un ex-cadre de haut niveau, employé dans la compagnie de 2001 à 2008, voit dans cet homme aux allures de papy ordinaire un "syndicaliste à l'ancienne", adepte certes "du coup de poing sur la table", mais "généreux".
Didier Cappelle commence à travailler en 1966 à l'âge de 15 ans, à l'issue de l'Ecole d'apprentissage maritime du Havre (Seine-Maritime). Mousse sur le paquebot France durant un an, il bourlingue ensuite sur "toutes sortes de bateaux" : porte-conteneurs, bananiers, etc. En 1973, il intègre l'Armement naval SNCF, l'ancien nom de SeaFrance, et gravit les échelons jusqu'au poste d'intendant, avant de passer permanent syndical en 1990. Au moment de son embauche, raconte-t-il, la CGT occupait une position dominante, tandis que la CFDT ne comptait que quelques dizaines d'adhérents. Le rapport de forces va peu à peu s'inverser. Didier Cappelle sait commander des troupes et se faire apprécier d'elles. En 1994, il est élu secrétaire du comité d'entreprise (CE).
Au cours des années 1990, les conflits sociaux s'enchaînent sur de multiples sujets : salaires, emplois, indemnisation des arrêts maladie… Nommé à la tête de SeaFrance en 2001, Eudes Riblier essaie de juguler le nombre de jours de grèves en travaillant "en étroite liaison avec la CFDT", explique un proche de l'actuelle direction, en poste à l'époque. "Petit à petit, poursuit-il, la CFDT a pris le pouvoir sur le recrutement des non-cadres." Didier Cappelle fournirait même des "listes" de personnes à engager dans la compagnie de ferries.
La Cour des comptes dresse un constat similaire dans un rapport remis en 2009 : pour les "agents de service général" à bord des navires, "le recrutement s'effectue largement par cooptation selon des critères peu transparents", écrit la haute juridiction, en ajoutant : "Les recommandations familiales et surtout l'appui de la formation syndicale majoritaire [la CFDT] entrent comme un facteur déterminant dans la sélection des candidats." Aux yeux de la Cour, cette politique entraîne des sureffectifs.
Didier Cappelle ne nie pas avoir eu "une certaine influence" en matière d'embauche, mais d'autres syndicats en avaient aussi et ces usages ne sont pas propres à SeaFrance, se défend-il.
La CFDT-Maritime Nord est également soupçonnée d'exercer son emprise sur les augmentations salariales et sur le déroulement de carrière des techniciens et des personnels d'exécution. A tel point qu'en février2007, l'intersyndicale CGT/CFE-CGC des officiers s'indigne des privilèges exorbitants qui seraient accordés à certains salariés : primes exceptionnelles sans justification, promotions aussi subites qu'inexpliquées… "Le président Riblier a acheté la paix sociale à la CFDT", fustigent les deux organisations.
Pour avoir relayé ces allégations, le quotidien Nord-Littoral sera condamné pour diffamation par la cour d'appel de Douai (Nord). Mais Pascal Dejean, le PDG du groupe propriétaire de ce journal, pense, aujourd'hui encore, que ces critiques étaient fondées : "Nous avons eu le tort d'avoir raison trop tôt", affirme-t-il. La preuve : la Cour des comptes a validé, dans son rapport de 2009, les observations faites deux ans plus tôt par l'intersyndicale des officiers.
Accusée d'être de mèche avec la direction, la CFDT-Maritime Nord est également montrée du doigt pour ses méthodes musclées. En mars 2002, un représentant de la CGT, Christophe Wadoux, est frappé au cours d'une "réunion paritaire" par Eric Vercoutre, l'actuel secrétaire du CE. Une agression commise sous les yeux d'un membre de la direction des ressources humaines. Un an plus tard, un groupe de salariés de SeaFrance emmené par Didier Cappelle envahit les locaux de Nord-Littoral à Calais. Un article leur avait déplu, raconte Pascal Dejean. Il n'y a ni coup ni casse – ou presque – mais par la suite, la CFDT-Maritime Nord distribuera des tracts menaçants contre des journalistes du quotidien, d'après le PDG du groupe de presse.
En avril 2005, une autre altercation éclate, entre Eric Vercoutre et Roger Lopez, un responsable de la CGT chez SeaFrance. Ce dernier s'écroule, après, dit-il, avoir été boxé par son contradicteur. La justice condamne le militant cédétiste à une peine d'amende, malgré ses dénégations. Enfin, quelques mois plus tard, un incident se produit lors d'une manifestation au Havre, mais cette fois la victime est une policière en civil qui photographie des manifestants. Plusieurs hommes tentent de s'emparer de son appareil, elle se retrouve au sol. Didier Cappelle, Eric Vercoutre et un de leurs collègues sont renvoyés en correctionnelle : le premier se voit infliger une amende, le second sept mois de prison avec sursis, le troisième cinq mois avec sursis.
Tous ces épisodes ont été grossis jusqu'à l'exagération, plaide Didier Cappelle. Il explique que la policière avait dissimulé sa véritable qualité aux manifestants – d'où la colère de certains d'entre eux. Il prétend même avoir cherché à la protéger avec ses deux collègues. Un recours devant la Cour européenne des droits de l'homme a été engagé contre la décision sanctionnant les trois hommes… Un changement important survient lorsque Eudes Riblier est remplacé en 2008 par Pierre Fa à la direction. Celui-ci "siffle la fin de la récréation" et enterre la politique de cogestion, relate un syndicaliste. D'après lui, la CFDT-Maritime Nord cesse d'avoir la main sur une partie des recrutements. Depuis, la guerre fait rage entre le syndicat et le président du directoire. Les belligérants croisent le fer au sujet des comptes du CE : Pierre Fa multiplie les requêtes pour y voir plus clair. N'obtenant pas les documents réclamés, il lance des actions judiciaires, si nombreuses et si touffues que les protagonistes ont eux-mêmes de la peine à s'y retrouver.
Didier Cappelle assimile cette cascade de procédures à une "cabale" visant à "jeter le discrédit" sur son organisation. "Le CE a toujours été très bien géré et au bénéfice de tous", assure-t-il, tout en prenant un malin plaisir à rappeler que Pierre Fa fut condamné dans l'affaire Elf.
Début 2010, suspectant des détournements de produits à bord des navires, les patrons de SeaFrance portent plainte pour "abus de confiance". Une information judiciaire est ouverte par le parquet de Boulogne-sur-Mer (Pas-de-Calais). Depuis, aucune mise en examen n'a été prononcée, mais les comptes bancaires de responsables de la CFDT-Maritime Nord auraient été épluchés.
Quelques semaines après le début de cette enquête, une autre affaire surgit : celle des biens immobiliers d'Eric Vercoutre. "Comment a-t-il pu se les offrir ?", s'interroge Nord-Littoral, le 4 juin 2010. Un sujet à nouveau abordé par Libération, dans son édition du 7-8 janvier. Au quotidien national, le secrétaire du CE indique qu'il a dû contracter de gros emprunts afin d'acheter ces logements qu'il met en location. Propriétaire, lui aussi, de plusieurs appartements à Calais, Didier Cappelle soutient qu'ils sont "hypothéqués" et qu'il s'est "surendetté" à cause de l'acquisition d'un immeuble.
"Sous prétexte de paix sociale, on a fait n'importe quoi", tempête Jacques Brouyer, secrétaire du syndicat CGT des officiers de SeaFrance. Des "calomnies" martelées depuis des années, rétorque Didier Cappelle. Selon lui, elles ressortent aujourd'hui pour torpiller le projet de SCOP.
Celui-ci était considéré comme voué à l'échec en raison d'un financement insuffisant et d'un business plan boiteux. Mais la société Eurotunnel vient de créer la surprise en proposant d'appuyer le schéma construit par la CFDT-Maritime Nord. Si cette solution prend tournure, le pavillon français continuera peut-être de flotter entre Calais et Douvres.

HOLLANDE ET LE COUP DE J'ARNAQUE

Catch à quatre

«La campagne s’emballe» nous dit-on. Et pourtant, elle n’emballe personne, à l’exception des professionnels de la profession. Les Français, eux, ont la tête ailleurs. Et cette distance relativise d’autant les sondages qui se présentent volontiers comme une mesure des passions politiques quand ils ne sont que les anémomètres des vents changeants et des humeurs contradictoires du pays. Ils ont malgré tout une qualité irremplaçable : ils égaient les dimanches gris de l’hiver par des épisodes d’intensité. Hier ce fut le «resserrement». La belle affaire ! Quel tournant quand chacun pressent que la qualification pour le second tour ne se jouera pas seulement dans un duel Sarkozy-Hollande mais dans un match à quatre, entre 16 % et 22 % des voix, avec Marine Le Pen et… François Bayrou.

Qui aurait parié ne serait-ce qu’un drachme sur le Béarnais il y a encore deux mois ? Mais il est là et bien là entre 12 % et 14 % dans les intentions de vote, continuant de progresser régulièrement. Lui qui a traversé un long désert de cinq ans avec l’improbable véhicule du MoDem a réussi à tenir jusqu’à l’aube de cette année 2012. Luxe suprême, le survivant observe tranquillement le ralliement d’une partie de ceux qui l’ont trahi depuis la création de l’UMP il y a 10 ans. Le voilà qui peu à peu reconstitue le socle d’un centre-droit qu’il avait imprudemment dédaigné après le premier tour de 2007, ces déçus de l’aventure sarkozyste qui se reconnaissent à nouveau en lui. Tout l’enjeu, pour celui qui fut le dernier président de l’UDF, consiste désormais à faire la synthèse de ces revenants avec son nouvel électorat, plutôt de gauche, lui. S’il y parvient, il pourrait - à la tête d’un parti qui n’a que 3 députés et même pas de groupe parlementaire à l’Assemblée - faire mentir les fondamentaux de la V e République. Face à un candidat socialiste qui peine à trouver sa véritable dimension et à un candidat-président qui se bat mais ne convainc pas - ou plus, ou peu - il s’est ouvert, avec une présidentialité naturelle, un espace suffisant pour conquérir une chance sérieuse de l’emporter.

Tout est possible, décidément, dans cette compétition dont les règles du jeu volent en éclats jour après jour. En proposant tout à trac d’instaurer une taxe sur les transactions financières en solo - avant le 1er tour ! - après avoir misé sur la création d’une taxe sociale, Nicolas Sarkozy joue son va-tout au risque de s’exposer à la colère de ses pairs européens. Comment sa chère «Angela», qui voulait attendre 2014, va-t-elle accueillir aujourd’hui celui qui lui fait une infidélité pour jouer au joli cœur avec l’électorat français ?

Hollande et Sarkozy, l'eau et le feu

C'est une campagne où l'on retient ses idées, pas ses coups ! Il y a de l'électricité dans l'air. Pour les programmes et les chiffrages, on patientera. Exit les 110 propositions de Mitterrand, version 1981, ou la rupture de Sarkozy, modèle 2007. La faute à qui, à quoi ? À la crise ? Le fait est qu'elle plonge les Français dans un pessimisme noir. Ils ne croient plus à un projet clé en mains. Les prétendants à l'Élysée l'ont intégré, qui misent sur l'affaiblissement de son locataire. C'est la première caractéristique de cette campagne. Jamais un sortant n'aura engagé le sprint final nanti d'une telle impopularité. Pourtant, l'écart se resserre dans les sondages. Hollande fait la course en tête, Sarkozy se redresse. Son activisme paie. Il tente d'inverser les rôles : le réformateur, ce serait lui ; le conservateur, « l'autre ». La deuxième est plus classique : la bipolarisation. Les deux favoris s'efforcent d'imposer ce scénario, d'attirer à eux toute la lumière. Avec ce paradoxe : le sortant livre une course de vitesse ; le rival, de lenteur. Cherchez le challenger, l'erreur. Sarkozy remue, sinon s'agite ; Hollande marche à son pas. L'un est-il trop fonceur, l'autre trop prudent ? La suite le dira. Il n'est pas sûr, à ce stade, que cette guerre tactique passionne les Français. Ils attendent autre chose qu'une confrontation qui verrait Sarkozy moquer le vide des promesses et l'inexpérience de l'adversaire de gauche, et Hollande dénoncer le bilan creux et l'impuissance de celui de droite. Il reviendra pourtant au challenger - au vrai donc, Hollande - d'emballer la campagne. En visite hier sur la tombe de Mitterrand, à Jarnac, il semble plutôt la jouer « force tranquille ».

L'élection de tous les possibles

Et s'ils terminaient dans un mouchoir ? S'ils étaient quatre à pouvoir prétendre au second tour ?

La crise de la dette a révélé l'inconséquence des pouvoirs successifs. Son ampleur fait même douter des solutions de rechange. Elle complique l'écriture de projets qui ne seront dévoilés que tardivement. Elle nourrit le pessimisme des Français.

Comme si cela ne suffisait pas, la campagne déçoit. Au flou de François Hollande répondent les revirements de Nicolas Sarkozy sur la TVA sociale ou la taxation des flux financiers. Les invectives, les affaires du PS et les menaces judiciaires sur la majorité prennent le pas sur l'examen méthodique des vrais enjeux, au risque de renforcer la protestation et l'abstention.

Bref, loin d'éclairer et de mobiliser l'électorat, la campagne obscurcit l'horizon présidentiel, au point qu'il devient sage d'avoir à l'esprit des hypothèses inimaginables il y a seulement quelques semaines.

Scénario le plus probable aujourd'hui : l'opinion se fige, les écarts se réduisent un peu, mais François Hollande gagne. Scénario numéro deux : la cote du candidat socialiste s'érode. La crise atteint son paroxysme, et Nicolas Sarkozy, jour et nuit sur le pont, l'emporte à la force du poignet. Scénario numéro trois : le vainqueur n'est ni l'un ni l'autre.

Avant le second tour, il y a un premier tour. L'actualité nourrit les thèmes extrémistes. François Bayrou est poussé par un désir de plus en plus exprimé d'union nationale. François Hollande souffre d'une faible adhésion et Nicolas Sarkozy d'un fort rejet. Quand, en plus, les indécis représentent un électeur sur quatre, on se dit qu'un resserrement des scores est possible.

La responsabilitéde l'électeur

Dès lors, toutes les hypothèses acquièrent de la vraisemblance. À l'exception de Marine Le Pen, qui se heurterait à un front républicain, nous voici bien dans un possible jeu à trois entre François Hollande, Nicolas Sarkozy et François Bayrou.

Après le second tour, il y en a un troisième, les législatives. Un président n'est pas grand-chose sans une majorité parlementaire pour voter son projet. On peut privilégier le choix de la cohérence, les Français donnant une majorité de gauche ou de droite à un président de gauche ou de droite. On peut aussi imaginer une cohabitation. Voire, configuration inédite, un président ¯ François Bayrou en l'occurrence ¯ sans majorité propre.

Il ne s'agit pas, ici, de se livrer à un pronostic, mais de montrer combien le contexte élargit le champ des possibles. L'UMP seule, le PS seul et, a fortiori le MoDem seul n'auront pas l'assise suffisante pour gouverner dans la stabilité. L'avenir le plus probable dépendra de l'entente ou de la mésentente des forces qui vont de la gauche progressiste à la droite humaniste en passant par les centristes, les radicaux et certains écologistes.

On ne peut pas prédire qui occupera l'Élysée, au soir du 6 mai. On ne peut pas affirmer qu'il aura une majorité pour gouverner. Réjouissons-nous que l'avenir ne soit pas écrit d'avance. Mais inquiétons-nous, alors que la France connaît la situation la plus délicate depuis la guerre, de l'hypothèse où l'issue serait l'instabilité. Retenons alors la très grande responsabilité de l'électeur à qui il reste cent jours pour réfléchir.

Hollande traite Sarkozy de "sale mec": la mort du "off" à la française ?

Un journaliste a rapporté que François Hollande avait traité Nicolas Sarkozy de "Sale mec". En 2012, tout ce que diront les candidats sera répété. Le rapport de force journalistes/politiques a-t-il basculé à cause de Twitter ? 

"Sale mec" aurait dit François Hollande à des journalistes au sujet de Nicolas Sarkozy lors d'une rencontre hier. Pas de doute, les réactions UMP ne vont pas manquer. Nadine Morano veut déjà des excuses. Jean-François Copé s'indigne, se déclarant "profondément choqué". Et les commentaires vont suivre. Est-ce que c'est un faux pas ? Est-ce que c'est le signe de la détermination de François Hollande à en découdre avec le Président sortant ? Sont-ce bien les propos tenus ? Quel était le contexte ? Le journaliste qui a rapporté ces propos en avait-il le droit ? Était-ce "off" ou pas "off" ? Bref, cela nous occupe...

Donc, Hollande a dit "sale mec". Et cela devient un événement, surtout que les conditions de cette sortie ne sont pas sans rappeler le fameux "Chirac est usé, fatigué, vieilli" qui, parait-il, coûta tant à Lionel Jospin dans la campagne présidentielle 2002.

De ce buzz du jour (fera-t-il "pschitt !" ou pas ?) on tirera matière à rédaction d'un futur faire part de décès.

Le "off" à la française est presque mort.

Le "off", cette vieille pratique journalistique en forme de tradition nationale, emblématique des relations antiques entre politiques et journalistes va s'éteindre dans les années qui viennent. Parce que le net, les réseaux sociaux, les blogs, le personnal branding journalistique et surtout Twitter...

Le journalisme de demain est condamné à être décentralisé, participatif, organisé et délivré en temps réel. Dans ce monde là, le "off" est condamné d'avance. Et le journalisme à l'ancienne, devenu aujourd'hui, au regard de ce nouveau monde, conservateur, corporatiste, frileux et replié, est condamné avec lui. j'entends déjà ceux qui s'exclameront : "Mais il est mort en 2002, dans l'avion de Jospin !" A ceux-là on répondra que du côté du Palais de l’Élysée, il se porte bien depuis 2007. Mais là aussi, il finira par s'éteindre...

Fini le temps où le journaliste, un brin reporter, deux brins courtisan, partageait les secrets du Prince le temps d'un déjeuner, d'une promenade, d'un voyage... Aujourd'hui, à l'heure du triomphe des réseaux sociaux, de l'instantané, de la transparence, pour le pire comme le meilleur, les petits secrets et les petites confidences vivront moins que ce que vivent les roses, l'espace d'un matin. Quelques heures, quelques minutes, quelques secondes, et puis c'est tout...

Fini le temps où le journaliste politique, dévoué à la presse papier, bichonnait son petit article à l'ancienne, entre sélection et hiérarchisation a minima, en mode "en dire un peu mais pas trop quand même, sinon je serais tricard". Aujourd'hui, il faut dire tout, et tout de suite. La vérité numérique, journalistique et politique est en marche, et comme il était dit dans l'un des articles les plus célèbres de l'histoire de la presse française, rien ne l'arrêtera.

Les journalistes vont en tirer une liberté nouvelle. Le rapport de forces va en effet s'inverser. Logiquement et naturellement. Notre exemple du jour, "le sale mec" proféré par François Hollande, le démontre. Un journaliste rapporte un propos tenu par le candidat socialiste, propos que d'autres n'ont pas rapporté. Dans quelques mois, quelques semaines, quelques jours, tous les journalistes témoins d'une scène d'une même genre la rapporteront. Et certains n'attendront peut-être pas de le mentionner dans leur édition papier, ils le feront sur Twitter, sans attendre une seconde... Quelle puissance quand on y songe...

Ce matin, un spécialiste du net s'interrogeait sur le point de savoir si les journalistes attachés à la couverture des activités de Nicolas Sarkozy rapporteraient ce genre de propos. La réponse s'impose d'elle même : au train où va la révolution numérique journalistique et ce qu'elle engendre, ils n'auront pas le choix. Du reste, comment a-t-on appris que le Président avait baptisé en privé François Hollande le "petit" ?

Certains journalistes en ont déjà tiré les leçons. Il y a quelques mois de cela, un éditorialiste d'une grande station de radio du service public m'avait confessé qu'il était peu en cour à l’Élysée parce que convié à une petite réunion "off" avec le président, il avait fait savoir que pour lui le "off" était une pratique périmée, et que par conséquent, il raconterait tout. L'invitation fut annulée. Anecdote instructive car emblématique du changement de rapport de forces qui s'opère. Depuis 1958, on connait peu de journalistes se payant le luxe de refuser un petit quart d'heure "off" à l’Élysée.

Les politiques vont eux-aussi devoir s'y plier. Tout change. Dans l'entourage de DSK, certains de ceux qui préparaient la campagne qui n'aura jamais lieu, avaient déjà intégré cette dimension engendrée par le net et l'ère de l'instantanéité de l'information transparente. Il était question d'ériger le "no off" en règle d'or du candidat. Tout ce qui aurait été dit aux journalistes aurait été rapportable. Transparence totale.

Les candidats 2012 devront intégrer cette nouvelle règle du jeu et en tirer toutes les conséquences. Oui, il va falloir se contrôler en permanence, en tous lieux et toutes occasions. On verra alors si ceux qui redoutent l'arrivée du règne de la transparence en clamant que la démocratie n'y gagnera pas auront eu raison de crier "au secours Internet arrive !" comme d'autres criaient "au loup !" autrefois.

Dans le feuilleton de cette drôle de campagne 2012, le petit épisode du Sarkozy "sale mec" lancé par François Hollande (pur produit des relations politiques/journalistes à la mode du "off" de papa) est un signal supplémentaire de ce que cette élection présidentielle ne sera pas seulement un affrontement droite vs gauche, Sarkozy vs Hollande. Ce sera aussi un combat journalisme papier vs journalisme numérique, "off" vsTwitter.

Les MLP proposent de distribuer les quotidiens

Les dirigeants des Messageries Lyonnaises de Presse (MLP), face aux difficultés de Presstalis, ont proposé d'assurer la distribution des quotidiens nationaux, dans une lettre adressée au Premierministre.
"MLP est en mesure d'étudier les conditions de distribution des quotidiens nationaux d'information politique et générale, dans le cadre d'un schéma global dont les contours seraient définis avec l'ensemble des éditeurs concernés", selon la lettre.
Cette proposition intervient alors que Presstalis (ex-NMPP) tente de dissuader certains éditeurs, principalement de magazines, de transférer la distribution de leurs titres aux MLP, sur fond de crise de la distribution et de restructuration de la principale entreprise de messagerie de presse. "MLP est une messagerie qui offre une alternative solide et efficiente à la société Presstalis", écrivent-ils à François Fillon.
ETANT DISTRIBUTEUR DE PRESSE, J'APPROUVE TOTALEMENT LA DÉMARCHE DES MLP . 
PRESSTALIS EST DE MOINS EN MOINS FIABLE, SON SYSTÈME DE GESTION DES INVENDUS TROP LOURD, TROP LENT ET NOUS COÛTE CHER.