Rien n'aura été épargné au traité de Lisbonne. Les électeurs irlandais se prononçaient, vendredi 2 octobre, pour la seconde fois en quinze mois, pour ou contre le document destiné, sur le papier, à améliorer le fonctionnement de l'Union européenne (UE). En cas de nouvelle victoire du non, le traité largement inspiré par la défunte Constitution rejetée en France et aux Pays-Bas sera définitivement enterré, dans une ambiance sans doute pesante. Mais un vote positif en Irlande ne lèvera pas pour autant les incertitudes entourant son entrée en vigueur.
Derrière les Irlandais se cache en effet un autre obstacle de taille : la signature du traité par les présidents eurosceptiques polonais, Lech Kaczynski, et surtout tchèque, Vaclav Klaus. Le premier s'est engagé à rentrer dans le rang si le oui l'emportait vendredi. Le second, qui se décrit comme un "dissident européen", espère un non irlandais et pourrait, dans le cas contraire, faire traîner les choses.
Le risque est pris très au sérieux par les capitales européennes, Paris et Berlin en tête : ces dernières espèrent clore les interminables débats institutionnels engagés depuis huit ans au sein de l'UE. Très remontées contre M. Klaus, elles promettent de faire feu de tout bois pour l'inciter à signer au plus vite. "Le problème, c'est que personne ne sait vraiment comment faire pression sur le président tchèque, qui pourrait tirer parti de son isolement en jouant sur la fibre nationaliste", dit un haut responsable européen. Certaines voix réclament la tenue d'un Conseil européen extraordinaire à Bruxelles le 8 octobre pour faire monter la pression, mais la présidence suédoise de l'Union renâcle, par crainte de braquer l'intéressé.
Dans cette partie de poker, M. Klaus dispose d'atouts. Trois jours avant le vote irlandais, un groupe de sénateurs proches de ses idées a déposé à Prague un nouveau recours contre le traité de Lisbonne et ses grands ancêtres, les traités de Rome et de Maastricht. Si la plainte est jugée recevable, M. Klaus se fera un plaisir de ne pas signer le texte avant la décision des gardiens de la Constitution. Le chef de l'Etat tchèque peut espérer gagner du temps dans l'espoir que les conservateurs britanniques arrivent au pouvoir à l'occasion des élections prévues au printemps 2010 et organisent un référendum sur le traité.
"Ne pas perdre une minute"
Son calcul n'est pas totalement irréaliste. Les tories britanniques, opposés au traité, sont favoris pour ces élections. "Si ce traité est encore en débat en Europe (dans huit mois), nous fixerons une date de référendum durant la campagne et nous l'organiserons immédiatement après l'élection. Et je défendrai le non", a répété David Cameron, mercredi. En revanche, a-t-il ajouté, "si les Polonais et les Tchèques l'avaient ratifié d'ici là, si les Irlandais lui avaient donné leur satisfecit, alors les circonstances seraient différentes. Et nous devrons reconsidérer le sujet".
Dans cette perspective, M. Klaus pourrait jouer son va-tout, en résistant, seul contre tous, aux pressions. Si le président tchèque s'obstine, certains envisagent de priver son pays de commissaire dans la Commission qui doit être formé d'ici à la fin de l'année. L'équipe de M. Barroso devra compter moins de 27 membres si elle devait être composée selon les règles du traité de Nice, actuellement en vigueur. D'autres suggèrent de suspendre certains financements européens dévolus à la République tchèque.
Autre contrainte pour M. Klaus : à peine saisi, le président de la Cour constitutionnelle, Pavel Rychetsky, un ancien dissident et ministre de la justice proeuropéen, a déclaré, jeudi, qu'il comptait examiner "dans le mois" le recours déposé par les proches du chef de l'Etat. Des copies de la plainte de plus de deux cents pages ont été remises à la présidence, au gouvernement et au Parlement qui devront transmettre sous quinze jours leurs commentaires. Arbitre des joutes politiques tchèques, la cour s'est d'ores et déjà mise au travail et "ne perdra pas une minute", a précisé M. Rychetsky. Ce dernier a déjà reçu la visite de l'ambassadeur allemand, qui voulait s'informer de la procédure et, surtout, du temps qu'elle prendra.
Philippe Ricard avec Virginie Malingre (à Londres) et Martin Plichta (à Prague)
vendredi 2 octobre 2009
Derrière le référendum irlandais, l'obstacle tchèque
Ardi, la plus vieille femme du monde
Après plus de quinze ans d'analyses, les découvreurs d'Ardipithecus ramidus, un squelette d'hominidé datant de 4,4 millions d'années, sont convaincus d'avoir trouver le plus vieil ancêtre de l'humanité. La découverte dans les années 1990 en Ethiopie de ce squelette dévoile une nouvelle étape dans l'évolution de l'homme, qui nous rapproche de l'ancêtre commun des humains et des singes, selon des travaux parus jeudi 1er octobre.
La mise au jour entre 1992 et 1994 de ce squelette fossilisé, morceau par morceau, ainsi que de dizaines d'autres fossiles appartenant à cette même espèce d'hominidé baptisé Ardipithecus ramidus, a montré des caractéristiques biologiques jusqu'alors inconnues du premier jalon dans l'évolution de l'homme depuis ses origines, selon les résultats des analyses de ces chercheurs.
Ce fossile d'une femelle nommée Ardi, d'1,20m pour 50 kilos, est le plus ancien squelette connu de la branche humaine de la famille des primates, qui comprend les Homo sapiens ainsi que des espèces plus proches de l'homme que les chimpanzés et les bonobos, expliquent ces paléo-anthropologues, dont onze études sont publiées dans la revue américaine Science du 2 octobre.
VIEILLE BRANCHE
La mise au jour d'Ardi permet une nouvelle compréhension de la manière dont les hominidés – qui englobent la famille des grands singes, dont les humains, les chimpanzés, les gorilles et les orangs-outans –, descendraient d'un ancêtre commun, précise Giday WoldeGabriel, du Los Alamos National Laboratory (Nouveau Mexique, sud-ouest) qui a mené les études de datation géologique du site. Avant Ardi, le jalon le plus ancien connu dans l'évolution de l'homme était Lucy, découverte dans la région de l'Afar et ayant vécu il y a 3,2 millions d'année.
Après la découverte de Lucy, les paléo-anthropologues espéraient, en découvrant ultérieurement des fossiles d'hominidé plus ancien, trouver l'ancêtre commun de l'homme et du chimpanzé, en se fondant sur les très grandes similarités génétiques entre les deux. Ardi ne sera pas celle-là, note Tim White, professeur au Centre de recherche sur l'évolution humaine de l'université de Berkeley (Californie, ouest), l'un des principaux auteurs de cette vaste recherche.
Il n'empêche que, selon lui, "cette créature est une mosaïque intéressante, ni chimpanzé ni humain [...]. [En] nous rapprochant comme jamais auparavant de l'ancêtre commun des singes et de l'homme, [elle] nous permet vraiment d'imaginer ses traits […]. Le seul moyen de savoir à quoi ressemblait cet ancêtre sera de le trouver", a-t-il conclu, citant Charles Darwin, qui mettait en garde contre des extrapolations à partir des singes.
L'UMP loin devant au premier tour, les Verts talonnent le PS
À six mois des régionales, les présidents socialistes sortants (20 sur 22 régions) vont devoir batailler dur pour éloigner la menace électorale écologiste au premier tour. Et contenir les ambitions de l'UMP au second ! Avec seulement trois points d'écart, il n'est pas impossible que des têtes de listes vertes dépassent celles du PS dans une ou deux régions. Jean-Paul Huchon (Ile-de-France) et Jean-Jack Queyranne (Rhône-Alpes) sont de loin les plus menacés.
Si la percée écologiste se confirme dans l'enquête OpinionWay, le déclin du MoDem se poursuit. Les listes de François Bayrou ne seraient en mesure d'obtenir que 7 % des voix. Les Verts continuent donc de mordre, à belles dents, sur l'électorat centriste. Traditionnellement, les scrutins locaux ne sont jamais bons pour le Béarnais qui pourrait être tenté de se rapprocher des écologistes pour éviter un nouveau revers et maintenir intactes ses chances de compter lors de la présidentielle de 2012. Ce pas de deux entre centristes et écologistes a déjà été esquissé, à la fin du mois d'août et en septembre, par Marielle de Sarnez, la n° 2 du MoDem, qui s'est affichée à plusieurs reprises avec Daniel Cohn-Bendit.
Quatre régions pour l'UMP serait «un miracle»
À droite, l'UMP se maintient autour de 32 %. Un score très rassurant pour Nicolas Sarkozy plus de deux ans après son élection à l'Élysée. Mais cette bonne nouvelle en cache une mauvaise. «Si le PS a un problème politique au premier tour, l'UMP en a un au second», analyse Bruno Jeanbart, directeur politique d'OpinionWay. Ce problème, c'est celui des réserves de voix. Quand la gauche totalise 43 % des voix toutes listes confondues au premier tour, la droite n'en compte que 36 %. Or les régionales, à la différence des européennes, sont des élections à deux tours. Résultat : l'UMP n'est pas du tout certaine de remporter autant de conseils régionaux qu'elle l'espérait. Prudent, le patron de l'UMP Xavier Bertrand, qui a commandé de nombreux sondages région par région, explique par avance que «ce serait déjà un miracle si la majorité remportait quatre régions».
En Provence-Alpes-Côte d'Azur, l'UMP risque par exemple de devoir affronter en triangulaire le FN. Si l'extrême droite n'est créditée que de 6 % au niveau national, Jean-Marie Le Pen, qui conduira la liste en Paca, est en mesure de franchir le seuil qualificatif pour le second tour de 10 %. À l'autre bout de l'échiquier, le Front de gauche des communistes alliés à Jean-Luc Mélenchon et le Nouveau Parti anticapitaliste d'Olivier Besancenot se partagent les voix de la gauche de la gauche. Dans ce combat singulier, l'ancien socialiste devance toujours le facteur trotskiste. Dernier enseignement de l'enquête : les enjeux locaux (57 %) semblent le plus motiver les électeurs. Sans pour autant faire des régionales une «grande municipale».
L'Irlande s'apprête à voter à nouveau sur le traité de Lisbonne
Il y a quinze mois, les Irlandais avaient dit "non" au traité de Lisbonne. Ils devront se prononcer à nouvau vendredi 2 octobre et cette fois l'Union européenne espère bien un "oui" qui débloquerait la réforme des institutions européennes.
Le premier ministre irlandais Brian Cowen a sonné le rappel, jeudi, dans une déclaration appelant "tout le monde à voter". "Le soutien en faveur du oui est solide mais il ne faut rien considérer comme acquis", citant des sondages favorables à l'adoption du traité avec de 48 % à 68 % de "oui" contre 7 % à 33 % pour le "non".
Le secrétaire d'Etat aux affaires européennes, Dick Roche, a de son côté mis en garde contre "un excès de confiance", mais on voit bien que l'attitude de Bruxelles est bien loin de celle qui prévalait en juin 2008, avant le premier référendum. Les sondages étaient pessimistes et les 4,3 millions d'Irlandais, soit moins de 1 % des Européens, avaient finalement rejeté Lisbonne à 53,4 %.
"SPÉCIFICITÉS CELTIQUES"
L'Irlande, seul pays tenu par sa Constitution d'organiser un référendum, a accepté de faire revoter la population moyennant des contreparties. L'UE a assuré qu'elle ne toucherait pas aux "spécificités celtiques" : l'interdiction de l'avortement, la neutralité militaire et un faible taux d'imposition. De plus, si le traité est adopté, l'Irlande continuera à disposer de "son" commissaire européen. "Ces garanties sont irréfutables… et ont modifié de manière substantielle la dynamique du référendum", avait assuré mercredi 30 septembre le premier ministre Cowen.
Dans les pubs de Dublin, le traité de Lisbonne a suscité bien moins d'intérêt que le récent 250e anniversaire de la Guinness, d'où les précautions de Brian Cowen et Dick Roche. Conscientes de l'apathie d'une population à qui l'on demande de voter deux fois sur le même texte, les forces du "oui" ont fait jouer la corde sensible de l'économie et surtout des emplois.
"En votant oui, vous aiderez l'Irlande à rétablir son économie", a asséné le premier ministre Cowen, recevant l'appui marqué de certains des plus grands hommes d'affaires du pays. Le patron de Ryanair, Michael O'Leary, achète des pleines pages de journaux barrées d'un grand "oui à l'Europe".
Les "nonistes" dénoncent une campagne du "oui" alarmiste et estiment que les garanties ne changent "pas une seule virgule" au traité, selon le mot de Gerry Adams, leader du parti nationaliste Sinn Fein. D'autres parient sur un vote sanction contre un gouvernement impopulaire et qui a eu bien du mal à faire passer un plan de sauvetage des banques ayant coûté 54 millions d'euros.
"Oui, les gens sont très en colère… mais je pense qu'ils sont capables de faire la différence", a assuré M. Roche. Les maisons de paris, elles, ont déjà voté : elles prévoient la victoire du "oui" à 60-65 %. "Ça semble couru d'avance", déclare Leon Blanche de Boylesports, qui a déjà commencé à payer ceux qui ont misé sur le "oui".