TOUT EST DIT

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jeudi 3 juin 2010

Ikea condamné à 30 000 euros d'amende pour destruction d'espèces protégées

e géant suédois de l'ameublement Ikea a été condamné jeudi 3 juin pour destruction d'espèces protégées à 30 000 euros d'amende, dont 10 000 avec sursis, par le tribunal correctionnel d'Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône). Le juge a suivi les réquisitions du parquet.

Plusieurs associations de défense de l'environnement avaient porté plainte contre la filiale française d'Ikea, poursuivie pour avoir détruit, sans dérogation préfectorale, plusieurs espèces animales et végétales protégées lors de la construction d'une importante plate-forme logistique sur un terrain du port de Marseille situé à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône).
Ikea avait obtenu pour le projet un avis favorable du Conseil national de la protection de la nature, mais il ne portait que sur des espèces d'orchidées, dont le groupe s'engageait à compenser la destruction par différentes mesures. Mais en 2008, alors que débutaient les travaux de défrichement pour bâtir l'entrepôt, un agent de l'Office national de la chasse et de la faune sauvage constatait sur procès-verbal la destruction d'autres espèces de fleurs, d'oiseaux et de reptiles sur le site. Une procédure était alors engagée contre Ikea pour destruction de ces espèces.

LA PROTECTION DE LA NATURE, "CE N'EST PAS QU'UN COUP DE TAMPON DE LA PRÉFECTURE"

L'avocat du groupe, Me Laurent Dolfi, avait plaidé à l'audience le 30 mai la nullité du procès-verbal, entaché d'irrégularités selon lui. Le patron d'Ikea Développement, Jean-Louis Baillot, avait reconnu à la barre avoir omis de solliciter une dérogation de la préfecture avant de commencer les travaux. "C'était à Ikea de démontrer qu'il n'y avait pas d'espèces protégées sur le site", avait rétorqué le procureur Ludovic Pilling, ajoutant que la protection de la nature, "ce n'est pas qu'un coup de tampon de la préfecture en plus ou en moins".

L'entrepôt d'Ikea (35 mètres de haut pour 65 000 mètres carrés) accueille les conteneurs de marchandises que le groupe achemine depuis l'Asie du Sud-Est pour ses magasins européens et qui étaient auparavant débarqués à Barcelone, en Espagne.

Touche pas à mes 60 ans !


Touche pas à mes 60 ans ! Changement radical de décor avec le sondage qui paraît, ce matin, et indique sans ambiguïté que seulement 14 % des Français acceptent que l’on touche à l’âge légal de départ en retraite. On est loin des sondages endort-corbeaux qui depuis des mois accréditaient l’idée que nous étions convaincus de la nécessité de bouger tous les curseurs pour sauver notre régime par répartition. Tout le monde sait qu’il faut trouver des solutions, tout le monde est disposé à faire un effort, mais pour ce qui est de reculer l’âge légal, la réponse est claire et ferme, c’est non ! Les pourcentages en disent d’ailleurs long sur la détermination des salariés à défendre leur droit à la retraite et celui de leurs enfants.

La détermination monte d’un cran comme l’indique cette enquête qui affirme que les Français craignent tellement pour le montant de leur pension qu’à une forte majorité (64 %) ils ne font pas confiance au gouvernement pour mettre en place les mesures de sauvegarde. Par ricochet le sondage confirme la perte de crédit du président de la République et lui associe cette fois le Premier ministre, souvent épargné jusque-là par les critiques. La réforme phare de Nicolas Sarkozy va être confrontée à la contestation populaire et pourrait le contraindre à un remaniement plus rapide qu’il ne le souhaitait.

L'inquiétude très forte des Français (78 %) montre également que même parmi les sympathisants de droite on pense que le pouvoir ne prend pas suffisamment en compte la préservation des grands acquis sociaux. Les personnes interrogées savent qu’il faudra trouver de nouvelles recettes, ils sont prêts à un allongement modéré et progressif des cotisations mais souhaitent qu’on ne les traumatise plus avec le report de l’âge légal.

Les doutes que révèle le sondage s’inscrivent dans un climat général. Les annonces en catimini, les polémiques secondaires et les reculades ne font que générer l’incertitude et le doute. Faute d’un discours fort sur une politique économique juste et sur la taxation des plus-values de la spéculation, le gouvernement s’expose à un repli stratégique qui ne ferait que creuser un peu plus le trou de la défiance.

Chat


Notre Premier ministre a raison, il faut appeler un chat un chat. Et définir sa politique sans détour : le libéralisme social. C'est d'ailleurs tout à l'honneur de François Fillon de mettre en œuvre à Matignon ce qu'il réclamait quand il était, avec Nicolas Sarkozy, dans l'opposition à Jacques Chirac. Et qu'est-ce que le libéralisme social selon notre Premier ministre ? C'est, pour son côté social, la sauvegarde du revenu de solidarité active, ou RSA, qui coûte moins de deux milliards à l'Etat. Et c'est, du côté libéral, le maintien des allégements de charges des entreprises, exigé le matin même par la présidente du Medef (une libérale libérale), soit plus de trente milliards. Evidemment, les mauvais esprits diront que l'équilibre n'y est pas. Ou alors selon des proportions rappelant la recette du pâté d'alouette : une alouette et un cheval. Et un chat ? Non, pas de chat.


Francis Brochet

Les impressionnistes retrouvent des couleurs

Plébiscité à l'étranger dès sa naissance, dans la seconde moitié du XIXe siècle, ce mouvement fut boudé par les institutions et les milieux intellectuels français. Aujourd'hui, il connaît un retour en grâce, comme en témoignent les diverses expositions organisées ces prochains mois à Paris et en province.

A chaque époque ses idoles. Matisse, Picasso, Gauguin, Cézanne ont, ces derniers temps, occupé le haut de l'affiche. Une fièvre impressionniste saisit à présent le pays. On n'avait jamais connu un tel déferlement. La dernière grande exposition parisienne, organisée à l'occasion du centenaire du mouvement, remonte à 1974. Quelques autres ont pris le relais, mais leur nombre apparaît au final bien modeste au regard des manifestations montées hors de nos frontières. Des Etats-Unis au Japon, elles sont des dizaines à célébrer chaque année Monet et ses amis, devenus de véritables stars. Et l'on ne compte plus les flots d'études publiées, notamment anglo-saxonnes. La France, elle, a délaissé ses impressionnistes.

Le constat était devenu tellement criant, qu'en 2008, à peine nommé à la tête du musée d'Orsay, Guy Cogeval annonçait sa volonté de "les remettre au centre de l'institution". "Plus que Racine ou Poussin, ils sont les ambassadeurs de notre culture, expliquait le tout nouveau directeur. Pour les visiteurs étrangers, 80 % de notre public, Monet est le plus grand peintre français." Significatif : lors du colloque consacré à l'impressionnisme, qui s'est déroulé à Paris en décembre 2009, 12 des 17 intervenants venaient de Grande-Bretagne. "Ce n'est pas le public qui boude ces artistes, mais les institutions et les milieux intellectuels, constate Laurent Salomé, directeur du musée des Beaux-Arts de Rouen. Beaucoup de conservateurs, d'historiens et d'universitaires français se sont désintéressés du sujet."

"La plupart des oeuvres se sont envolées vers l'étranger"

Ce désamour ne date en réalité pas d'aujourd'hui. La France a loupé le coche une première fois au xixe siècle. "L'Etat a tardivement pris conscience de l'importance du mouvement", poursuit Laurent Salomé. Cette peinture de l'instant, en rupture avec la tradition académique, s'est en effet heurtée à l'hostilité. Le terme "impressionnisme", inventé en 1874, au moment de la première exposition du groupe, est d'ailleurs né de la dérision. Sous la plume de Louis Leroy, le journal satirique Le Charivari publie un article virulent, attaquant la toile de Monet Impression, soleil levant.

Conséquence : avant 1900, l'Etat ne s'est porté acquéreur que de trois oeuvres : un Sisley, un Renoir et un Morisot. Il venait heureusement d'accepter, mais non sans polémiques, une partie du legs de Gustave Caillebotte, peintre et ami des impressionnistes, soit une quarantaine de toiles, que conserve aujourd'hui le musée d'Orsay. Les Américains, eux, ne se sont pas perdus en atermoiements. Ils ont été les premiers à constituer des collections, par l'intermédiaire des marchands parisiens, tel Paul Durand-Ruel. "Aux Etats-Unis, alors un pays neuf, cette révolution picturale n'a pas suscité de querelles", commente Jacques-Sylvain Klein, commissaire du festival Normandie impressionniste. "Lorsque la France s'est réveillée, après la Seconde Guerre mondiale, il était trop tard, estime Laurent Salomé. Les tableaux, désormais universellement reconnus, avaient atteint des prix inabordables." Même si l'Hexagone détient aujourd'hui de belles collections (au musée d'Orsay, à Marmottan, à l'Orangerie ou à Rouen), la plupart des oeuvres se sont ainsi envolées vers l'étranger. A l'instar de la fameuse série sur la cathédrale de Rouen : sur les 28 toiles réalisées par Monet, seules 7 sont restées chez nous.

La France a failli louper le coche une deuxième fois, à cause de Marcel Duchamp. Sous l'effet de ses théories avant-gardistes, l'odeur de la térébenthine a pris des relents de soufre. L'homme des Ready-made, de l'urinoir et du porte-bouteilles a initié un courant hostile à la manipulation des pinceaux, qui a traversé tout le xxe siècle.

"Des regards sur la vie quotidienne et la société"

Les années 1990 se sont révélées particulièrement radicales. "L'impressionnisme n'était plus moderne", résume Jacques-Sylvain Klein. Pour ceux qui continuaient à apprécier les pigments, Renoir, Monet, Pissaro et les autres semblaient, de toute manière, passés de mode. "On a trop souvent résumé leur peinture aux champs de coquelicots, analyse Laurent Salomé. Dans les milieux intellectuels s'est ainsi développé un mépris à l'égard de leurs tableaux, qui ne se prêtaient pas aux discours savants." Cristallisant cet état d'esprit bien français, Serge Lemoine, prédécesseur de Guy Cogeval, à Orsay avouait sans détour son peu d'inclination. "Je fais partie de ceux qui pensent que l'impressionnisme est surestimé", déclarait-il en 2002, dès sa nomination à la tête du musée d'Orsay. Sur le marché international, le succès de ces artistes ne s'est pourtant jamais démenti. Le patriarche de Giverny n'a jamais cessé d'affoler les collectionneurs, et ceci malgré la crise. En juin 2008, Le Bassin aux nymphéas, toile de 1919, s'est arraché, à Londres, chez Christie's, pour 51 millions d'euros, deux fois le prix de son estimation.

Pourquoi l'impressionnisme connaît-il aujourd'hui un retour en grâce ? D'abord parce que la vision des spécialistes a évolué. "Avant, tout était figé, témoigne Jacques-Sylvain Klein. On étudiait les impressionnistes par monographies, comme si chaque artiste vivait dans un univers clos. Aujourd'hui, on analyse les influences, on remet en perspective. On raconte des histoires de copains, des histoires d'amour entre les peintres et les modèles. Du coup, tout redevient vivant." "On saisit mieux leurs tableaux, considérés comme des instants de vie fugaces, poursuit Laurent Salomé. On comprend qu'il peut y avoir une vraie mystique dans leurs paysages, que certaines toiles, tel Un bar aux Folies-Bergères, sont des regards sur la vie quotidienne et sur la société."

Le principe de réalité joue également. En période économique difficile, les musées ont besoin d'assurer leurs arrières. Leurs responsables savent que l'impressionnisme n'a jamais perdu les faveurs du public. L'idée du festival Normandie impressionniste a ainsi suscité un véritable engouement. Avant même son ouverture, des journalistes anglais, américains, japonais et même australiens ont prévenu de leur venue. Le musée des Beaux-Arts de Rouen attend au moins 150 000 visiteurs. La méga-rétrospective Monet, qui se tiendra à l'automne à Paris, entre les murs du Grand Palais, s'annonce déjà comme un succès. Les réservations, ouvertes dès le mois d'avril, ont été prises d'assaut : en un mois, près de 10 000 billets se sont vendus. L'objectif des 500 000 visiteurs devrait être atteint, et le record de 780 000 visiteurs, enregistré en 2008-2009 par la grande exposition Picasso et les maîtres est à portée de vue. L'événement sera, de toute manière, exceptionnel. Pour réunir les 200 oeuvres, Guy Cogeval, le commissaire général, a contacté 70 institutions, dont une cinquantaine à l'étranger. Aucune n'a refusé de prêt. Sauf le musée Marmottan, à Paris. Jacques Taddei, son directeur, n'a pas jugé opportun de se séparer de ses Monet, et notamment de l'emblématique Impression, soleil levant. Pour voir la toile, il faudra donc traverser la Seine. Monet, money.

L'appel de la droite parisienne à François Fillon

a majorité des huit maires d'arrondissement UMP de Paris, qui se surnomment eux-mêmes "le G8", s'est exprimée, mercredi 2 juin, en faveur d'une candidature de François Fillon à Paris aux élections municipales de 2014. Lors d'un déjeuner réunissant les maires d'arrondissement UMP (huit sur les vingt de la capitale) tous les présents — Jean-François Legaret (1er), Brigitte Kuster (17e), François Lebel (8e), Jean-Pierre Lecoq (6e), Jean Tiberi (5e), Philippe Goujon (15e) — ont ouvertement souhaité une candidature du premier ministre à Paris aux municipales de 2014. Etaient "excusés" à ce déjeuner, pour cause de déplacement, Rachida Dati, maire du 7e et Claude Goasguen (16e). "Si François Fillon veut s'intéresser à Paris, c'est une grande chance pour nous", a lancé M. Legaret, reconnaissant qu'il ne sait "absolument pas" si le premier ministre en a l'envie.
Selon le maire du 1er, M. Fillon "a la notoriété, la popularité" et il est "le plus à même de donner le coup de booster dont on a besoin". M. Fillon "pourrait mettre un pied à Paris dès les sénatoriales de 2011" dans l'hypothèse où il quitterait Matignon, a suggéré M. Lecoq.

Pour Brigitte Kuster, "si un candidat ne devait pas être un élu parisien, mis à part François Fillon je ne vois personne d'autre" pour 2014. Mme Kuster juge que "François Fillon est une chance pour Paris". "C'est un homme qui a les qualités intellectuelles, la solidité, la compétence, ça ferait une très bonne image, j'y suis très favorable", a ajouté Jean Tiberi, lui-même ex-maire de Paris. Patron de la fédération UMP de Paris et maire du 15e, Philippe Goujon a de son côté rappelé qu'il "avait proposé" sa candidature "il y a plus d'un an", et que M. Fillon lui paraissait incarner "la candidature qui nous permettrait de reconquérir la capitale", perdue par la droite aux municipales de 2001.

La droite parisienne avait été durement échaudée lors des municipales de 2001, alors qu'elle avait fait venir un poids lourd extérieur, Philippe Seguin. Puis elle avait opté lors des municipales de 2008 pour une élue locale, Françoise de Panafieu, un choix qui ne lui avait pas plus réussi.

Le commentaire politique de Christophe Barbier du 3 juin 2010



La coupure

Quand la France parle d’elle-même, il n’est pas sûr qu’elle dise toute la vérité. Il y existe une part cachée. Les gens qui vivent à la périphérie des grandes villes n’aiment pas beaucoup ce mot stigmatisant de « banlieues ». Ils aiment encore moins les discours qui se tiennent sur les « quartiers », nom poli pour nommer ces poches où le taux de chômage est le double, voire le triple d’ailleurs, où les familles vivant sous le seuil de pauvreté sont très majoritaires, où les violences prennent parfois le tour spectaculaire des caillassages de bus, de voitures de police ou de premiers secours… Mais surtout ils détestent cette distance qui s’installe entre eux et le reste de la République. Ils préfèrent témoigner, au quotidien, d’initiatives pour maintenir le lien social, d’engagements ou de dévouements constants pour éviter le pire. Ils ont raison. C’est une question de dignité.

Mais il arrive que la résistance s’épuise, que l’indignation gagne, face à ce qu’ils voient comme une défausse collective : sentiment d’abandon qu’expriment fréquemment les élus, relais des préoccupations de leurs concitoyens. Peut-on tenir longtemps, sans colère, lorsque l’on est confronté à la dégradation de sa vie quotidienne, quand les immeubles n’ont plus de boîtes aux lettres, de personnel pour l’entretien, quand les trafiquants divers font régner leur loi dans des zones de non-droit ? Ce lâchage est comme une prime à la délinquance qui prospère et aux passions communautaristes qui trouvent, là, un terrain très favorable.

En France, la politique de la ville a été un des grands chantiers des décennies précédentes, elle a désormais cessé d’être une priorité. Fadela Amara, chargée du dossier, attend dans son ministère des arbitrages qui ne viennent pas. La politique de rigueur programmée n’annonce rien de bon.

Bien sûr, il n’est sans doute pas trop tard pour inverser ce cours désastreux. Les pouvoirs publics peuvent reprendre l’initiative. La question posée n’est pas seulement celle de la justice, de la péréquation entre communes riches et pauvres, de soutien au cas par cas à une école ou à un service public. Il s’agit d’abord de mettre un terme à une coupure qui exclut. Il ne saurait y avoir deux France. Il faut retrouver une unité.



François Ernenwein

Quand la Turquie s'éveille...

Rien d'étonnant si le raid sanglant de la marine israélienne contre la flottille en route vers Gaza a suscité les plus vives réactions en Turquie. Le navire Mavi Marmara battait pavillon turc, la plupart des victimes sont de nationalité turque ainsi que la grande majorité des personnes arrêtées. Leur libération, hier soir, serait due à un ultimatum lancé par Ankara au gouvernement israélien, le président Barack Obama ayant joué les bons offices.
Il n'empêche. Les relations turco-israéliennes ne seront plus comme avant, basées sur une coopération économique et militaire depuis 1996. Parce que la Turquie, depuis qu'elle est gouvernée par le parti conservateur AKP d'Erdogan, se rapproche à grands pas du monde arabe, voire de l'Iran ? Avec l'abordage de la flottille servant de prétexte à une rupture définitive ? Dans les sphères gouvernementales d'Ankara comme dans le parti d'opposition « kémaliste » CHP, ce raisonnement est vite balayé. Les politiques assurent que, confronté à des frontières difficiles (Irak, Iran, Syrie), en proie au terrorisme du PKK et face aux ébullitions du Caucase, leur pays voudrait surtout entretenir d'excellentes relations de voisinage... en maintenant aussi le « beau fixe » avec la Russie. Quitte à mettre cette diplomatie au service de l'UE le jour où Ankara sera membre de l'Union. Ou s'agit-il d'une alternative à l'UE, d'un moyen de pression sur les 27 qui lui ferment la porte de l'Europe ?
Le langage diplomatique, surtout oriental, est plein de sous-entendus avec de multiples partitions. La Turquie tire sur toutes les cordes mais n'en casse aucune. Ce réalisme repose aussi sur l'économie. Peu à peu, la Turquie se transforme en « petite Chine » avec une croissance sans doute de l'ordre de 6% cette année. Elle aussi est devenue une « manufacture » pour l'UE avec deux millions de véhicules produits par an, de vastes zones industrielles franches qui fabriquent de tout, haute technologie comprise. Le commerce avec les Etats arabes est particulièrement florissant. Cette année, les échanges avec la Syrie devraient dépasser en volume les échanges avec Israël. Enfin, les entreprises turques du BTP se classent parmi les trois premières du monde. Elles ont, par exemple, réalisé les rêves fous de Dubaï... et rénové Moscou.
Ce dynamisme, qui piétine aussi les plates-bandes chinoises en Afrique, s'accompagne forcément d'influences politiques. Pays constitutionnellement laïc et seul « Etat de droit » (bien qu'avec des lacunes) dans le monde musulman, la Turquie a retrouvé son influence dans ce qui fut l'Empire ottoman et au-delà. Elle n'est plus « l'homme malade de l'Europe », selon l'expression du XIXe siècle. Mais, sans renier ses alliances dont la vitale appartenance à l'OTAN, elle aspire à devenir une puissance régionale pesant de tout son poids en Méditerranée orientale. Aux Européens de le comprendre. Aux Israéliens aussi.

« L'Europe monétaire a besoin d'une Europe politique »

Très discret sur la scène médiatique, François Fillon a néanmoins donné hier une interview à plusieurs quotidiens régionaux*, à la veille d'un déplacement à Epinal pour honorer la mémoire de Philippe Séguin. Il insiste sur la nécessité de protéger l'euro, réformer les retraites, supprimer certaines niches fiscales. Et explique sa conception de la rigueur budgétaire.

- Vous inaugurez aujourd'hui à Épinal une rue Philippe Séguin. A la tête de la Cour des comptes, votre mentor s'inquiétait de l'envol de la dette. N'est-ce pas difficile d'être le Premier ministre de la crise des comptes publics ?
- François Fillon : Ce titre, je le partage avec tous mes prédécesseurs. Pas un Premier ministre n'a équilibré le budget de l'État depuis 1976. Mais jamais un gouvernement n'aura autant fait que le mien pour lutter à long terme contre les déficits. Et puis on ne peut résumer Philippe Séguin à la dette. Tout au long de sa vie politique, il s'est préoccupé de la cohésion sociale, de la souveraineté nationale et a refusé la dictature des marchés. Aujourd'hui, ce discours a une résonance particulière.
- Philippe Séguin, et donc vous puisque vous avez voté contre Maastricht, n'avait-il pas raison de souligner les insuffisances du traité ?
- De fait, l'avertissement de Philippe Séguin s'est révélé juste. L'Europe monétaire a besoin d'une Europe politique. Nous disions à l'époque que vouloir l'euro sans mettre en place les instruments politiques qui vont avec, c'était mettre la charrue avant les boeufs.

« Défendre la souveraineté
nationale, c'est redresser
nos finances publiques »

L'euro est là, avec ses avantages en terme de stabilité, il faut maintenant mettre en oeuvre les moyens de la défendre. Notamment via un gouvernement économique. Il manque cruellement. Ce qui inquiète les marchés, c'est bien cette absence de gouvernance.
- Justement, l'Allemagne a décidé une hausse radicale des impôts. La France peut-elle y échapper ?
- D'abord, l'Allemagne a un niveau de fiscalité plus faible que nous. Elle dispose donc d'une marge de manoeuvre que nous avons perdue. Ensuite, dans les mesures annoncées pour rétablir l'équilibre des comptes publics, sont prévues des économies importantes, mais aussi des recettes supplémentaires dues au retour de la croissance.
- Donc, pas de hausse de taux, ni de création d'impôts...
- Au sein de la zone euro, nous sommes parmi ceux qui ont le taux de prélèvements obligatoires le plus élevé. Je le répète, nos marges sont limitées.
- Pour accroître les recettes, vous allez vous attaquer aux niches fiscales : par des suppressions ou par un « coup de rabot », c'est-à-dire une baisse générale ?
- Nous ferons les deux. J'ai fixé au gouvernement une obligation de résultat : 5 milliards d'euros d'avantages fiscaux en moins sur deux ans. Au cas par cas, certaines niches seront supprimées. Et il y aura un coup de rabot de 10 %. Avec des exceptions car il ne faut pas alourdir le coût du travail.
- Pas question donc de toucher aux allégements de charges ?
- Sur certains secteurs, l'écart de compétitivité avec l'Allemagne atteint jusqu'à 20 %. Nous ne pouvons pas décrocher par rapport à l'économie allemande.
- Est-il possible aussi de réduire de 10 % les dépenses d'intervention sociales ?
- Entendons-nous bien : toutes les dépenses d'intervention ne seront pas concernées. Par exemple, nous ne toucherons pas au RSA.
- Et le gel des dotations pour les collectivités locales ?
- C'est une mesure absolument nécessaire. Je note qu'elle intervient après des années de hausse des dotations plus rapide que l'inflation.
- Pourquoi refuser de parler de rigueur, dans ce contexte ?
- J'ai toujours appelé un chat un chat. Quand ailleurs en Europe des États baissent les rémunérations des fonctionnaires ou augmentent les impôts, c'est de la rigueur. Pour l'instant, en France, vu les perspectives économiques et les mesures prises, nous pouvons échapper à des mesures de ce type. A condition de ne pas tarder à agir. Et de le faire avec discipline. Sans sacrifier les investissements d'avenir.
- Graver dans la Constitution un retour à l'équilibre budgétaire, n'est-ce pas un gadget ou un coup politique puisque la gauche ne votera pas avec la majorité ?
- On disait déjà cela pour la précédente réforme... Franchement, qui pourrait être contre ? Et qui pourrait s'opposer à ce que toutes les décisions à caractère fiscal soient discutées au moment du budget ? Cette règle, je vous l'annonce, le gouvernement a décidé de l'appliquer dès aujourd'hui.
- Cela signifie-t-il que les ministres ne pourront plus créer d'avantages fiscaux en catimini ?
- Oui. Il faut mettre fin à cette mauvaise habitude. Défendre la souveraineté nationale, c'est redresser nos finances publiques. Les ministres doivent être fiers de dépenser moins.
- Vous avez rappelé la règle du non remplacement du départ en retraite d'un fonctionnaire sur deux. Pour l'Éducation nationale, une note préconise de regrouper des écoles rurales et d'accroître les effectifs des classes...
- Ce sont des pistes de réflexion. Je constate que le nombre d'élèves a beaucoup baissé depuis le début des années 1990 quand le nombre d'enseignants augmentait. Il existe donc une marge de réorganisation.
- Quitte à toucher aux effectifs des enseignants devant classe ?
- Peut-être a-t-on commencé par le plus facile, le plus criant, comme les enseignants sans affectations. Il faut aller plus loin sans toucher à la qualité de l'enseignement.
- Reporter l'âge légal de la retraite, n'est-ce pas pénaliser ceux qui ont commencé à travailler tôt ?
- Ce serait un très mauvais service à rendre aux Français, notamment les plus modestes, que de faire preuve de démagogie sur cette question. S'il n'y a pas allongement de la durée d'activité, il y aura baisse des pensions. Quant à ceux qui ont commencé à travailler tôt, j'ai fait voter, en 2003 et à la demande de la CFDT, des mesures en leur faveur. Il n'est pas question de revenir sur l'idée que ceux qui ont fait des carrières longues doivent pouvoir bénéficier d'un départ anticipé. Mais si on fait bouger l'âge légal, on fait tout bouger en même temps.
- Les Français ont du mal à comprendre ce report de l'âge légal, alors que les entreprises incitent les seniors à partir...
- Sur ce sujet, la France a fait des progrès ; elle se rapproche de la moyenne européenne. Repousser l'âge légal n'aggrave pas la situation, au contraire : c'est lorsque le salarié approche de l'âge de la retraite que la pression est la plus forte. Il faut aussi que les entreprises changent, en adaptant des postes de travail à l'âge des salariés. Elles y ont intérêt, sinon elles risquent de voir leurs cotisations augmenter.

« Il ne faut pas déstabiliser
les salariés qui sont
très proches de la retraite »

- La présidente du Medef propose d'augmenter l'âge légal de la retraite d'un semestre par an. Qu'en pensez-vous ?
- La question du rythme est en débat. Mais si nous voulons sécuriser le régime sur une durée la plus longue possible, il faut aussi ne pas déstabiliser les salariés qui sont très proches de la retraite. Il faut trouver un compromis. L'acceptabilité de la réforme passe par sa progressivité.
- Avant cela, tout le monde ne devra-t-il pas payer pour combler le trou de la Sécu ?
- Il y a plusieurs solutions possibles, mais rien n'est décidé.
- Un rapport du Sénat propose d'augmenter la CSG pour les retraités imposables...
- Cela ne fait pas partie des propositions du gouvernement.

Propos recueillis par Chantal Didier, Rémi Godeau et Hélène Pilichowski

Cumul des mandats et avenir du Sénat

Un véritable bras de fer semble s'être engagé entre la première secrétaire du PS et nombre de sénateurs de ce parti sur la question du cumul des mandats.

Cette vieille idée porte aujourd'hui le label de la rénovation. L'opinion publique, plus nuancée sur le sujet, valide l'exigence pour les députés d'être plus présents dans leurs circonscriptions et plus présents au Parlement. Elle réclame plus de diversité, plus de parité, de féminisation, plus de renouvellement, plus de travail, de technicité, plus de passion aussi.

Mais faut-il pour autant diminuer le Sénat ? La règle du non-cumul d'un siège de sénateur et d'un président d'exécutif revient à cela. L'Assemblée nationale et le Sénat n'ont pas la même mission.

Les députés, détenteurs d'un seul mandat, consacrés exclusivement à celui-ci, tiendraient une session permanente annuelle, gage d'efficacité pour la fabrication des lois. Le contrôle de l'exécutif, celui des bureaux ou des cabinets, les véritables concepteurs des lois, serait plus rigoureux, et moins de lois laissées en jachère.

Le non-cumul des mandats de députés n'est pas une punition. Il renforce leur pouvoir. Celui des sénateurs serait un signe de relégation du Sénat.

Aux termes de l'article 24 de la Constitution, le Sénat assure « la représentation des collectivités territoriales de la République ». Interdire le cumul avec la représentation des exécutifs des collectivités territoriales, impose un détachement contraire à l'esprit de la Constitution.

Quelle légitimité aura le sénateur représentant les territoires, sans ancrage local, ni onction du suffrage universel direct ? Comment être élu indirectement si on est inconnu des grands électeurs locaux ? Ensuite, entre des députés élus au suffrage universel et des sénateurs au suffrage indirect, il y a rupture d'égalité. Les ministres, comme les députés, doivent savoir que, derrière tel sénateur, il y a parfois le ou la représentant(e) d'un exécutif local, départemental ou régional.

Si le Sénat doit devenir une assemblée réservée aux seuls conseillers municipaux, ou des territoires, élus au suffrage indirect, et qu'y seront bannies les fonctions de maires, de présidences de collectivités, autant renoncer aux deux Chambres et concéder que le nouveau Sénat aura le statut du Conseil économique et social. Comment justifier la dépense publique de l'entretien d'une Chambre qui ne sera plus qu'une antichambre ? Entre le tout et le rien, il y a nécessairement une place pour un bon usage d'un cumul limité des mandats.

La règle stricte du non-cumul des mandats pour les sénateurs serait, de plus, pour la gauche, un but contre son camp, alors que, pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le Sénat peut connaître une alternance. Il s'agit d'une diminution furtive de la deuxième Assemblée de la République, même au nom de bons sentiments. Le général de Gaulle avait, en 1969, soumis par voie de référendum la réforme du Sénat. Il avait échoué mais au moins, n'avait-il pas voulu faire les poches de cette assemblée durant son sommeil.

Au lieu de se livrer à cet exercice de décapitation, les forces politiques décentralisatrices, de gauche comme de droite, devraient réfléchir à un nouveau Sénat, un véritable parlement des collectivités territoriales, un Bundesrat français. Le reste n'est que communication.


Jean-Pierre Mignard
(*) Maître de conférences à l'IEP de Paris. Avocat à la Cour d'appel de Paris.