TOUT EST DIT

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dimanche 29 mai 2011

Au radar

Il y avait bien l’affaire Tron, effet boomerang de l’affaire DSK. La baisse du chômage. La crise européenne qui dure. L’avancée de la coalition en Libye. Mais on a peine à le croire: le sujet principal dans les couloirs de la convention UMP, c’est l’affaire des radars.
Les parlementaires sont assaillis de courriers. Des électeurs déçus menacent de ne plus voter pour eux. Ils font pression contre l’enlèvement des panneaux de signalisation des radars fixes. Et pour la limitation de leur nombre. La bagarre est relayée par le nouveau lobby des routes départementales, la Droite populaire - celle dont certains membres assimilent homosexuels et animaux…

À un an des élections, le gouvernement a choisi de manière courageuse - intrépide? - d’accélérer le combat contre la mort au volant. Des pandores seront à tous les coins de rue pour traquer le chauffard. On parle, ce qui est plus critiquable, de limiter les réseaux communautaires d’alerte. Tout cela s’est décidé de manière technocratique, après avoir laissé entendre que les mesures précédentes (permis à points) seraient desserrées. La répression mise en avant accroît l’impression de surflicage de la vie privée et d’une police de moins en moins de proximité.

Ah, le beau temps où un président de la République roulait en Porsche et demandait qu’on "arrête d’emmerder les Français avec leurs bagnoles" (Pompidou). Aujourd’hui, la France ne fait que rattraper son retard pour limiter la vitesse et réprimer la consommation d’alcool des conducteurs. Elle avait toléré pendant des années des comportements meurtriers au nom des vertus du vin national et de la voiture reine. Après quelques couacs dans son gouvernement, le Premier ministre a maintenu le cap. Tant mieux. Quand les gouvernants prennent des mesures antidémagogiques, ils méritent d’être soutenus. La politique ne peut se conduire au radar

Invisibles

Elles sont cinq familles en France, entre l’Yonne et l’Ariège, qui ne touchent plus d’allocations familiales. Peu s’en soucient, dans le bruit des actualités que l’on sait. On ignore qui elles sont, on devine simplement le manque financier qui doit s’ajouter à tant de détresse.
On sait juste que ces familles sont coupables des absences scolaires de leurs enfants. On connaît aussi l’auteur de leur disgrâce : Éric Ciotti, député UMP et président du conseil général des Alpes-Maritimes, qui a réintroduit dans notre droit cette punition financière. Une loi efficace, jure-t-on en haut lieu, qui aurait ramené 7.000 enfants à l’école, par peur, et tant pis pour ces cinq familles – 20 personnes, 30 ? – chassées de la bénévolence nationale.

Éric Ciotti est un personnage de notre République, qui fait du bruit à la droite de la droite, et réalise le rêve de tous les politiques : changer la vie. Éric Ciotti n’est pas un réformateur social, qui rendra notre société un peu moins insupportable ; mais il change la vie des faibles, qu’il pourchasse et stigmatise avec une constance remarquée. L’été dernier, il proposait, dans ce journal, d’envoyer en prison les parents des jeunes délinquants. Ce joli mois de mai, il vient de lancer une « brigade antifraudeurs », financée par son conseil général, qui traquera ceux qui abuseraient du RSA.

Un département, en charge de l’aide sociale, qui se proclame policier et y consacre 16 fonctionnaires : véhémente gabegie ! Le soubassement idéologique et l’effet de propagande – les chômeurs sont des tricheurs en puissance – ne sont pas inédits ; Patrick Buisson et Laurent Wauquiez les avaient installés, mais avec moins de sens pratique. Les incorruptibles de Ciotti feront rendre gorge aux miséreux, c’est plus commode que de taxer les fortunes. Ainsi s’installe une République brutale au prétexte de l’équité, où les mêmes paient toujours et encore. Victimes absolues, cibles anonymes qui n’existent que pour être blessées.

Dans l’horreur de l’affaire DSK, on redécouvre – l’avait-on oublié ? – l’abîme social qui sépare un gouvernant du monde d’une immigrée africaine à New York. Certains en tirent des leçons de morale faciles et odieuses. Ce n’est pas la richesse d’Anne Sinclair qui devrait intriguer, qu’elle n’a volée à personne, et qui n’a jamais influé sur les positions publiques de l’homme de gauche Strauss-Kahn. Mais il est bon de se rappeler ce qu’est l’existence des oubliés de l’actualité, que réveillent les seules tragédies.

La vie des peuples invisibles, là-bas, et ici aussi. Immigrés de nos chambres d’hôtel ; femmes brutalisées que les bruits médiatiques, entre DSK et Tron, renvoient à ce malheur qu’elles n’osent exprimer ; naufragés de la vie, éperdus de chômage et qui ne tiennent plus leurs gosses, et que tous les Ciotti du monde ne rateront pas. Invisibles de tous les pays, pardonnez-nous.

Zapatero a un héritier contre son gré

"Voie libre pour Rubalcaba", annonce La Vanguardia. Le ministre de l'Intérieur sera le candidat à la succession du Premier ministre José Luís Rodríguez Zapatero, qui ne se représentera pas en 2012. Sa principale rivale, la ministre de la Défense Carmen Chacón "très blessée, jette l'éponge" et ne se présentera pas aux élections primaires du Parti socialiste (PSOE), alors qu'elle était soutenue par Zapatero, explique le quotidien. Après une semaine de crise au sein du PSOE, provoquée par la lourde défaite aux élections locales du 22 mai, Chacón est "la dernière victime politique" de Zapatero, estime José Antich, le directeur de La Vanguardia. Le premier ministre "risquait une épitaphe politique de dimensions colossales : son parti fracturé et une démission forcée de son poste de secrétaire général". Un prix trop élevé, "même pour un politicien qui a demontré avoir plus de vies qu'un chat". Alfredo Pérez Rubalcaba est désormais "le seul filet de sauvetage des socialistes" face à l'opposition conservatrice, conclut le journal.

Après Mladić, une chance à saisir

En arrêtant le responsable du massacre de Srebrenica et du siège de Sarajevo, les autorités de Belgrade tournent une page sombre de l'histoire de leur pays. Mais elle ne doivent pas gâcher l'occasion de normaliser sa situation, prévient un éditorialiste serbe. 

Les services de sécurité serbes ont arrêté Ratko Mladić dans la maison de son cousin, à Lazarevo, un village près de Zrenjanin, dans le nord de la Serbie. Plus exactement, ils ont arrêté un citoyen qui se présentait comme Milorad Komadic, ce qui n’est pas sans rappeler l’arrestation en 2008 d’un certain Dragan Dabić, plus connu sous le nom de Radovan Karadžić.
La Serbie a ainsi tourné une page importante de son histoire en se dégageant – bien que lentement – de son passé guerrier. Un passé qui n’a plus d’héritiers politiques légaux, mais qui a fait de nombreuses victimes et engendré bon nombre de bourreaux. La Serbie a aussi soldé ses comptes avec la justice internationale.
Tandis que ce feuilleton macabre arrive à son terme, de nombreuses questions restent sans réponse. Pourquoi toute cette histoire a-t-elle duré si longtemps ? Pourquoi Mladić n’est-il pas depuis plusieurs années déjà à La Haye ? Pourquoi les gouvernements précédents n’ont-ils pu l’arrêter, pourquoi la “traque”, si tant est qu’il y en ait eu une, avait-elle toujours deux ou trois jours de retard par rapport au fugitif ? Qui, au sommet de l’Etat, notamment dans l’armée, aidait Mladic pendant toutes ces années ? Les responsables seront-ils poursuivis ? Les institutions de l’Etat, certaines, du moins, savaient-elles où se cachait Mladic et ne se livraient-elles pas à des calculs et à des marchandages inavouables ?
On peut se demander aussi si, pendant le mandat des gouvernements précédents, surtout celui de Vojislav Kostunica, il existait une véritable volonté d’arrêter Mladić et de l’envoyer à la prison du Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) de La Haye. Et si l’absence de volonté politique dans ce sens ne représentait pas une violation grave de la loi passable de poursuites judiciaires.

Mladić n'est pas le seul problème de la Serbie

Ce sont des questions légitimes et importantes, auxquelles le pouvoir actuel doit donner des réponses crédibles. Toutefois, ce qui importe aujourd’hui, c’est l’acte qui a permis de mettre fin à cette longue traque, l’acte qui donne une grande occasion à la Serbie de sortir d’un cercle vicieux. Il serait trop facile de croire que Mladić et Hadžić [le dernier fugitif, accusé lui aussi de crimes de guerre] constituent le seul et le plus grave problème de la Serbie sur le chemin qui mène aux institutions euro-atlantiques.
Mais, sans la résolution de ce problème, il ne pouvait y avoir de progrès substantiel, d’autant plus que la politique du gouvernement concernant le Kosovo se trouve de nouveau dans l’impasse, et en contradiction avec sa volonté de rejoindre l’Union européenne.
Quoi qu’il en soit, la nature de l’homme fait que les erreurs du passé s’effacent des mémoires devant les réussites d’aujourd’hui. En mettant fin à la cavale de Mladić, le président Boris Tadić et sa coalition politique [conduite par le Parti démocrate] ont prouvé leur détermination à tourner la page de la manière le plus éclatante possible. Cette arrestation est un aussi un coup porté à la droite nationaliste, qui va certainement donner de la voix : quelques manifestations auront lieu.
Mais cela s’arrêtera sûrement là, car la Serbie n’a plus de forces politiques capables de rassembler des foules autour d’un “héros serbe” comme Mladić. Rappelons-nous que Karadzic a été arrêté la veille de la scission du Parti radical serbe (ultranationaliste), qui a donné naissance à une nouvelle formation nationaliste, le Parti serbe du progrès. Celui-ci flirte désormais avec des idées proeuropéennes, certes de façon contradictoire et brouillée, mais qui excluent une confrontation avec la justice internationale.

Pas de sortie du cauchemar sans solution au Kosovo

L’arrestation de Mladić va aussi renforcer la position de la Serbie dans la région, car l’incapacité du pays – ou son manque de la volonté – à respecter ses engagements à l’égard de la justice internationale était son talon d’Achille, et pour les pays voisins le prétexte idéal pour ne pas respecter les leurs.
Aujourd’hui cette histoire est finie, la Serbie est presque définitivement sortie des années 1990. Je dis presque, car il ne peut y avoir de sortie définitive de ce cauchemar sans une solution durable au problème du Kosovo. S’il renonçait à faire sortir définitivement la Serbie de l’ornière, le pouvoir actuel aurait raté une occasion historique. Encore une fois, sa chance est là.