TOUT EST DIT

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jeudi 15 mai 2014

La Grèce bientôt reine du pétrole?


Athènes a signé mercredi trois accords avec des sociétés helléniques et étrangères pour la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures dans l'ouest du pays, des investissements de 700 millions d'euros selon le ministère de l'Energie et de l'Environnement. Athènes espère 150 milliards d'euros de rentrées fiscales sur 30 ans.
La Grèce va-t-elle bientôt pouvoir faire rentrer 150 milliards de pétro-euros dans ses caisses grâce aux rentrées fiscales ? C'est en tout cas le montant que le Premier ministre grec, Antonis Samaras, a promis de faire engranger à son pays dans les trente prochaines années grâce à la recherche et à l'exploitation de gisements d'hydrocarbures en mer.

700 millions d'euros d'investissements

Mercredi, Athènes a signé trois accords en ce sens avec des sociétés helléniques et étrangères pour la recherche et l'exploitation d'hydrocarbures dans l'ouest du pays, avec à la clé des investissements de 700 millions d'euros selon le ministère de l'Energie et de l'Environnement, qui pourraient mener à la découverte d'environ 300 millions de barils de pétrole. Ces accords signés à Athènes concernent la cession de terrains pour des explorations en mer Ionienne et dans la région d'Epire, a indiqué l'Agence de presse grecque, Ana (semi-officielle).
Un premier accord entre la société hellénique Energean oil & gas et la canadienne Petra petroleum concerne la région d'Ioannina en Epire pour la production d'environ 100 millions de barils. Un autre accord, entre Energean et la Britannique Trajan Oil, concerne la région de Katakolo dans le Péloponnèse, pour 5 millions de barils environ.
L'exploration maritime qu'effectueront pour leur part Hellenic Petroleum, l'italienne Edison et l'irlandaise Petroceltic dans le golfe de Patras pourrait enfin permettre de mettre à jour 200 millions de barils.

18 milliards d'euros de recettes fiscales dans les quinze ans

Le ministère estime que dans les quinze prochaines années, les revenus pour l'État devraient s'élever à quelque 18 milliards d'euros, avant d'atteindre les 150 milliards d'euros promis par Antonis Samaras.
Depuis le début de la crise de la dette en 2010, la Grèce a commencé à explorer son potentiel en hydrocarbures. Au printemps 2013, la société norvégienne Petroleum Geo Services, avait indiqué avoir obtenu de "très bons" résultats préliminaires à l'issue d'une mission d'exploration de quatre mois dans l'ouest.
Des prospections préliminaires ont déjà permis de localiser des gisements d'hydrocarbures à Kavala et Epanomi (nord-est), et aussi à Katakolo, en Mer ionienne et dans une zone maritime au sud de la Crète. Un champ de pétrole près de Kavala couvrait 20% des besoins de la Grèce en pétrole dans les années 80, selon le ministère.

Réforme territoriale : les conditions incontournables pour qu’elle soit réussie (et ce qu'il ne faudra surtout pas que Hollande promette aux élus locaux)


La réforme territoriale est à l'ordre du Conseil des ministres de ce mercredi 14 mai. Le système territorial français fait actuellement face à de lourds problèmes, qui relèvent tant de l'ordre du "mille-feuille" à la française que d'une masse salariale bien trop conséquente. Il semble plus que nécessaire, aujourd'hui, de réformer l'organisation territoriale. Cependant, il est peu probable que cela mène effectivement aux économies promises par l'exécutif...

Ce mercredi 14 mai, le Conseil des ministres se penche sur la réforme territoriale, qui vise à réduire de moitié les 22 régions que compte la France aujourd'hui. Au-delà des discours qui dénoncent sans réellement entrer dans le détail le "mille-feuille" français, quelles sont les problématiques auxquelles cette réforme doit réellement faire face ?

1. Réduire la masse salariale
Philippe Crevel : Ces dernières années, ce sont les collectivités locales qui ont les principales sources de créations d’emplois publics, voire d’emplois tout court.
Le nombre de fonctionnaires locaux est passé de 1,1 million en 1990 à 1,862 million fin 2012.
En 2000, la France comptait 1,4 million de fonctionnaires locaux. Les transferts de compétences et la montée en puissance des groupements de communes expliquent cette évolution. Les effectifs des structures intercommunales sont passés de 50 000 à 70 000 de 2000 à 2010 quand les effectifs des communes sont passés de 987 000 à 1,134 million. Sur la même période, les effectifs des conseils généraux sont passés de 167 000 à 290 000 (dont 80 000 étant liés directement à des emplois transférés de l’Etat). Les fonctionnaires employés par les régions atteignent 80 000 en 2010 contre 10 000 en 2000 (55 000 étant de l’emploi transféré).
La fusion en tant que telle n’arrêtera pas cette montée de l’emploi public local qui a été alimenté par la création d’un nouvel étage institutionnel mais aussi par le clientélisme électoral. C’est par la prise en compte de la rareté des ressources financières et donc fiscales qu’il pourra être mis fin à cette progression sans fin.
La création des communautés de communes a abouti à de nombreuses créations d’emploi car le personnel communal ne souhaite guère migrer pour des raisons de statuts et d’image vers ces nouvelles structures à la légitimité plus faible.
La fusion doit permettre de réaliser des transferts de personnel. Il faudrait pour éviter tout dérapage instituer le gel de la création des postes sauf impérieuse nécessité durant deux ou trois ans. Il faudrait prévoir que toute création de postes ne génère pas de surcoût et soit budgété à enveloppe constante…
2. Clarifier les compétences
Philippe Crevel : Plus il y a d’échelons, plus le risques de se marcher sur les pieds augmente. Communes, groupements de communes, départements, régions, Etat, Europe, cela fait beaucoup de monde pour un territoire de 552 000 km2. Les gouvernements n’ont eu de cesse au nom d’un jacobinisme de favoriser l’émiettement des compétences, que ce soit sous Deferre en 1982 ou sous Raffarin en 2004 ou sous Ayrault avec l’octroi de la clause générale de compétences qui signifie que personne n’a compétence pour décider de quoi ce soit. La meilleure illustration des imbrications des compétences est fournie par les panneaux signalant la construction d’une infrastructure publique. Ils doivent mesurer au moins deux mètres afin de pouvoir contenir tous les contributeurs. Est-il normal que la construction et l’entretien des collèges soient de la compétence des départements quand pour les lycées, ce sont les régions qui ont la main ? Il faut clarifier les compétences et prévoir une liste claire de compétences exclusives. Le nombre des compétences partagées doit être faible.
3. Décentraliser vraiment les compétences qui le nécessitent
Philippe Crevel : Décentraliser est un terme inadapté pour un Etat moderne. Décentraliser signifie que c’est l’Etat qui octroie à des collectivités locales des compétences tout en conservant le pouvoir normatif et les moyens financiers (via les concours aux collectivités). Il faudrait oser le système fédéral avec des régions dotées d’un pouvoir législatif et réglementaire applicable à leurs compétences exclusives. Il faudrait de ce fait que les domaines d’action des collectivités soient protégés par la Constitution comme cela est souvent le cas chez nos principaux partenaires.
Au niveau des compétences, il ne faut pas s’interdire l’ambition. L’Etat est-il le mieux placé pour conserver le dossier du logement ? Pas certain, les régions ou les groupements de communes pourraient être mieux placés. De même, l’enseignement ne pourrait-il pas également faire l’objet de transferts de compétence afin de donner plus de souplesse dans la gestion des effectifs. Est-il logique que les conseils généraux construisent mais n’est aucun pouvoir sur la gestion et l’enseignement ?
Au-delà des transferts des compétences, il conviendrait de revoir la carte administrative de l’Etat. Aujourd’hui, les services de l’Etat sont des interlocuteurs des collectivités locales et assurent, même si cela n’est pas prévu par la loi, un rôle de tutelle, un rôle de contrôleur et de censeur. L’Etat doit laisser vivre le terrain. Le sous-préfet, le préfet de département, le préfet de région en tant que représentants de l’Etat sur un territoire sont les expressions d’un pouvoir jacobin d’un autre temps. L’Etat doit intervenir sur ces compétences et ne doit pas être en dialogue permanent avec les collectivités locales. La suppression des sous-préfets et des préfets départementaux serait un symbole fort.
4. Transférer au privé les missions qu'il pourrait plus efficacement remplir
Philippe Crevel : Aujourd’hui, les collectivités locales peuvent bloquer des initiatives économiques privées en faussant les règles de la concurrence. Il est très difficile à des acteurs privés de développer des activités dans les domaines du sport, de la culture ou de la formation mais aussi dans les domaines des transports. Les collectivités devraient favoriser l’accès aux services mais ne pas en être obligatoirement productrices. Il faut sans nul doute améliorer la transparence pour les concessions et faciliter les révocations pour dissuader leur reprise en régie directe. Il faudrait veiller à limiter l’interventionnisme économique des collectivités locales.
5. Mieux diffuser la croissance dans les territoires
Philippe Crevel : La fusion des régions, la suppression des départements fait craindre aux territoires enclavés d’être abandonnés. Pour éviter un tel risque, il faut revoir le mode de péréquation qui doit être plus horizontale et moins verticale. Ce sont les territoires les plus riches qui doivent aider ceux qui sont moins bien dotés. Il faut, à ce titre, s’inspirer de la méthode allemande.
Gérard-François Dumont : Cette réforme annoncée ne répond nullement aux problématiques des territoires français. En effet, la véritable question qui se pose est d’améliorer leur attractivité dans un contexte de globalisation pour développer l’emploi et concourir à mieux résoudre les problèmes sociaux. Or, la  réforme annoncée conduit à centraliser alors que l’avenir est au local.
La réforme peut-elle réduire la masse salariale des  collectivités territoriales ? Rappelons que ces dernières comptent 1 912 800 fonctionnaires (chiffres au 31 décembre 2012) y compris les contrats aidés. L’importance de ce nombre tient essentiellement au vaste champ des fonctions assurées, comme l’urbanisme, la construction et le fonctionnement matériel des écoles, des collèges, des lycées, l’aide sociale à l’enfance, l’aide personnalisée à l’autonomie, les transports publics locaux ou régionaux, la gestion des déchets, l’assainissement, les transports scolaires, la voirie...
Toutefois, ce nombre s’explique aussi par diverses décisions de l’État, comme l’imposition de normes contraignantes, l’empilement des législations ou les 35 heures.
En outre, ces dernières années ont vu une hausse anormale dans différents territoires chaque fois que la mise en place de l’intercommunalité, imposée directement ou indirectement par l’État, a été mal faite. Bien entendu, les différences de rapports de la masse salariale par habitant montrent qu’il y a des collectivités territoriales très bien gérées et d’autres moins. De son côté, l’État compte, contrats aidés compris, 2 441 800 fonctionnaires, soit un chiffre anormalement élevé compte tenu des multiples transferts de compétences effectués par l’État aux collectivités territoriales ces dernières années. Faute d’avoir diminué ses fonctionnaires, l’État maintien de nombreux doublons, c’est-à-dire des administrations d’État qui se trouvent redondantes par rapport aux collectivités territoriales responsables de telle ou telle fonction. Dernier exemple, l’État vient enfin de transférer aux régions la gestion des fonds européens depuis le 1er janvier 2014, mais on attend encore que tous les fonctionnaires d’État concernés soient également transférés aux régions.
La  réforme annoncée ne peut, en elle-même, réduire la masse salariale des collectivités territoriales. En voulant créer de grandes régions, on risque plutôt de confirmer la loi de Parkinson selon laquelle tout travail au sein d'une administration augmente jusqu’à occuper entièrement le temps qui lui est affecté. Or de vastes régions supposent des hiérarchies complexifiées, des services de coordination, voire le besoin de déployer d’autres administrations relais pour n’être quand même pas trop éloigné des réalités territoriales.
En même temps, l’intégration de plusieurs territoires en un seul fait perdre un outil essentiel d’amélioration de la gouvernance territoriale : l’émulation entre les collectivités territoriales. C’est bien pourquoi aucun pays au monde ne s’est lancé dans un tel projet. Les Etats-Unis conservent leurs 50 États, y compris ceux qui sont plus petits ou moins peuplés que la région française continentale la moins peuplée, le Limousin ; l’Allemagne conserve ses 16 Länder dont certains sont également  plus petits et moins peuplés que le Limousin ; l’Espagne ses communautés autonomes et la Suisse n’envisage nullement de fusionner ses cantons, et pas même ceux de Bâle-Ville et Bâle-Campagne. L’émulation entre les cantons donne en effet les meilleurs résultats en terme d’attractivité et d’emploi. Seule l’amélioration de la gouvernance territoriale peut permettre d’y parvenir, comme le montrent d’ailleurs les collectivités territoriales les mieux gouvernées.

Les propositions jusqu'à présent avancées par le gouvernement permettent-elles de répondre à ces problématiques ?

Philippe Crevel : Pour le moment, le débat institutionnel l’emporte sur celui de l’indispensable rationalisation des compétences. L’objectif des économies budgétaires s’apparente avant tout à une incantation. Il faudra voir le contenu réel de la réforme et le mode réel d’organisation des pouvoirs. Il est regrettable que le Gouvernement n’ait pas osé aller vers le fédéralisme, vers des grandes régions dotées d’une réelle autonomie fiscale.
Pour responsabiliser les collectivités locales et pour en finir avec la spirale des concours financiers, l’Etat devrait accepter de transférer une partie des impôts nationaux perçus sur les territoires comme cela se pratique chez certains de nos partenaires.
L’autonomie fiscale permettrait de clarifier les pouvoirs.
Gérard-François Dumont : Le gouvernement pratique jusqu'à présent une fuite en avant. Il entreprend une réforme considérable sans dresser une évaluation des réformes antérieures et sans établir de diagnostic comparatif avec les pays étrangers[1].
La réforme annoncée apparaît comme une manœuvre de diversion d’un État engoncé qui n’a pas le courage de se réformer et d’avancer sur les vraies réformes territoriales dont la France a besoin. La première consisterait à supprimer au sein de la fonction publique de l’État des services qui auraient dû être supprimés au fur et à mesure de la décentralisation. Le deuxième nécessite d’entreprendre une réforme des finances et de la fiscalité locale. La réforme territoriale annoncée sert de paravent au refus de mettre en œuvre une telle réforme de la fiscalité locale. En effet, aujourd’hui, suite aux décisions de recentralisation fiscale de 1999-2000, l’État a supprimé des taxes affectées aux collectivités territoriales sans leur affecter d’autres impôts, et remplacé leur produit par des reversements du budget national. En conséquence, l’État est devenu le premier contribuable local, ne permettant pas aux citoyens de voir sur leur feuille d’impôt les vraies recettes des collectivités, comme l’avait justement noté le rapport Mauroy de 2000. Puisque le citoyen ne sait pas, la décentralisation est devenue un slogan.
Troisièmement, l’important est de clarifier les compétences des collectivités territoriales ; il est absurde que des régions, dont l’un des rôles majeurs concerne les aménagements structurants du territoire régional, se soient déployées dans le domaine social, souvent en abusant du mot "solidarité", alors que les départements et les communes sont beaucoup plus efficaces en raison de leur caractère de proximité.
Enfin, l’Etat doit faciliter une meilleure gouvernance des collectivités territoriales, ce qui suppose par exemple de supprimer le quasi monopole de la formation des personnels territoriaux.

Selon André Vallini, secrétaire d'Etat à la réforme territoriale, celle-ci devrait générer entre 12 et 25 milliards d'euros d'économie. Au vu des mesures annoncées, cette fourchette est-elle crédible ?

Philippe Crevel : La fusion en tant que telle n’est pas une source d’économies. La suppression des départements et le regroupement des régions peuvent même aboutir à des augmentations de dépenses si nous n’y prenons pas garde. En effet, il faudra revoir les modes d’intervention des acteurs locaux, il faudra gérer du personnel à d’autres niveaux qu’actuellement… C’est le risque de toute réforme structurelle. Dans un premier temps, il faut surmonter des défis logistiques avant de pouvoir engranger dans un second temps des économies. C’est au nom de ce calendrier que bien des gouvernements renoncent à se lancer dans de telles opérations. Il est indispensable d’avoir une conduite de projet très stricte afin de réaliser en fin de course des économies pérennes.
Gérard-François Dumont : Cette fourchette est d’autant moins crédible que la réforme annoncée entraînera des dépenses supplémentaires et une efficacité moindre, donc coûteuse. D’une part, toute fusion décidée d’en haut engendre des coûts. La seule économie apparente peut provenir d’une baisse des dotations financières aux régions. Mais cette baisse ne sera qu’un effet d’affichage s’il n’y pas en contrepartie, et à ce titre, un engagement formel de baisse équivalente dans le budget de l’État. La proposition du gouvernement est d’ailleurs ubuesque : toutes les collectivités territoriales présentent chaque année des budgets équilibrés et elles ne participent nullement au surendettement de la France. Et l’État, qui est surendetté, veut donner des leçons de bonne gestion aux collectivités territoriales : mais c’est l’hôpital qui se moque de la charité !
Le pire est la perte d’efficacité qu’engendrerait la réforme annoncée. D’abord, le temps consacré à la mettre en œuvre distraira les élus et leurs collaborateurs de leur tâche essentielle dans le contexte actuel, qui doit consister à œuvrer au développement de l’attractivité de leur territoire. Et pendant ce temps, les autres régions de nos partenaires, non encombrées par des projets de meccanos institutionnels, peuvent se consacrer entièrement au développement local. Encore une fois, on refuse de voir les leçons du passé. Par exemple, faut-il rappeler que le département des Alpes-Maritimes s’est trouvé quasiment gelé dans ses projets d’aménagement du territoire pendant sept ans (1995-2002) par une décision de l’État, la fameuse "directive territoriale d’aménagement", sans effet concret hors d’avoir suspendu tout projet d’envergure pendant les sept années qu’il a fallu attendre avant qu’elle soit arrêtée.
Le risque de très vastes régions centralisatrices, voire centralisées, dans lesquelles les citoyens ne se reconnaîtront pas, n'est pas la réponse aux besoins de la France et témoigne d’un manque de culture géographique. D’ailleurs, notre histoire récente montre que l’avenir est dans le local, pas dans le centralisé. Les territoires qui marchent sont ceux qui inscrivent leur action dans le local[2], dans une identité ressentie par les populations prêtes à s’investir, souvent bénévolement, dans des projets : pensons à la réussite du modèle vitréen[3], en Ille-et-Vilaine, liée au fait que cette ville ne s’est pas laissée aller dans la stratégie prisée par les technocrates qui est de se contenter de s’adosser à la grande ville voisine, Rennes en l’espèce ; pensons au Futuroscope ; pensons à Carhaix-Plouguer, notamment avec la réussite du festival des Vieilles Charrues ; pensons à Guingamp, champion de France 2014, et son exceptionnelle réussite footballistique ; pensons à Puy-Guillaume dans le Puy-de-Dôme avec sa réussite commerciale exceptionnelle ; pensons au Puy-du-fou ; pensons encore à Loos-en-Gohelle dans le Pas-de-Calais, à Espelette dans les Pyrénées-Atlantiques, à Saint-Bonnet-le-froid en Haute-Loire ; pensons à Luzenac, commune de 550 habitants, dont l’équipe de  football monte en ligue 2... Aucune capitale régionale lointaine n’aurait pu imaginer, conduire, et tout simplement peut-être croire à ces projets qui ont réussi grâce à une mobilisation locale.

Tout au long de la semaine, de mercredi à vendredi, François Hollande doit rencontrer les différents chefs de groupes et de partis : quelles sont les promesses à éviter impérativement pour ne pas compromettre définitivement l'intérêt d'une modification du système territorial français ?

Philippe Crevel : François Hollande peut être conduit à promettre le maintien en état des concours financiers de l’Etat qui s’élèvent à plus de 100 milliards d’euros afin de prouver l’implication de l’Etat. Il peut aussi promettre que la réforme ne supprimera aucun emploi. Il peut promettre que pour les territoires ruraux, rien ne changera ; il peut promettre que l’Etat ne changera rien de sa présence territoriale. La liste des promesses dangereuses est longue car il ne faut sous-estimer la force des oppositions aux changements. L’échec des référendums en Corse comme en Alsace a démontré qu’en la matière les opposants savaient se faire entendre. Les villes chefs lieu de département crieront à la fin du monde et exigeront des compensations, des aides… Le risque est grand, surtout, à un moment où le pouvoir est impopulaire de saupoudrer, de lâcher au point de perdre le fil rouge.
Gérard-François Dumont : La première promesse à éviter consisterait à dire que la France est pionnière et que les autres pays suivront son nouveau modèle territorial fondé sur d’immenses régions sans assises historiques et identitaires. En effet, ce type de discours a déjà été tenu lors du passage à la semaine de 35 heures et le résultat est connu. Et n’importe quel responsable de parti qui étudie la question territoriale dans les pays étrangers peut aisément constater que nulle part dans le monde, on croit à un soi-disant optimum régional[4]. Bref, chercher une taille de région qui engendrerait automatiquement du développement, c’est discuter du sexe des anges.
La deuxième promesse à éviter est de dire que la réforme permettrait une avancée démocratique alors que le scrutin de liste régional est mauvais. Déjà aujourd’hui, la superficie des régions éloigne l’élu de son électorat. Ce serait pire si les régions avaient une taille moyenne doublée. Ce scrutin de liste donne aux partis politiques le pouvoir de désignation et conduit à la multiplication des apparatchiks, ces militants politiques permanents, c'est-à-dire qui font carrière dans leur parti, et y prennent des responsabilités leur permettant d'obtenir des investitures et des mandats électoraux. Sans nier les bonnes intentions de ces apparatchiks, leur itinéraire les rend moins proche de l’électorat que des préoccupations de leur parti politique.
La troisième promesse serait de dire que la France va enfin avoir des régions de taille comparable à celles des pays étrangers. Il est en effet aisé de constater que les pays étrangers ont un découpage hérité de l’histoire qui les conduit à avoir des régions petites, des régions moyennes et d’autres plus grandes. D’ailleurs, la superficie moyenne actuelle des 21 régions de France continentale est déjà supérieure à la superficie moyenne des 16 Länder de l’Allemagne.
La réforme territoriale envisagée sera pour le développement des territoires français l’équivalent de ce qu’ont été les 35 heures pour la compétitivité de la France.
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[1] Dumont, Gérard-François, "Les régions d’Europe : une extrême diversité institutionnelle", Diploweb.com, 11 janvier 2014.
[2] "Les territoires au secours  de l’économie", Population & Avenir, n° 714, septembre-octobre 2013.
[3] Dumont, Gérard-François, Diagnostic et gouvernance des territoires, Paris, Armand Colin, collection "U", 2012.
[4] Dumont, Gérard-François, "L’optimum régional ou le sexe des anges", Pouvoirs locaux, n° 70, 2006.

Communication

Communication


Louis XIV qui était sans doute, et n’en déplaise à ses contempteurs obligatoires, l’une des têtes les mieux faites de son siècle, remarquait que « tout homme qui peut s’engager sans raison devient en peu de temps capable de se rétracter sans honte ». C’était tout dire, et prophétiquement, des lilliputiens qui sont aujourd’hui dans ses meubles. La raison leur manque, comme la honte, l’une étant le corollaire de l’autre — selon cette royale leçon de logique, qui est aussi une leçon de psychologie. On peut, même on doit tout attendre de pareilles gens, à qui les engagements ne coûtent pas plus que leurs rétractations futures. La “communication”, qui tient lieu désormais de parole et, c’est plus grave, de réflexion aux politiques (et à leurs exégètes), est très en deçà du vulgaire mensonge, qui garde quelque chose de la vérité qu’il déguise : les paroles que l’on prononce désormais n’ont plus de sens qu’instantané, n’engagent qu’à l’instant où elles sont dites, sont déjà rétractées l’instant suivant ou censées l’être. On parle pour parler, pour gagner du temps, et surtout pour déshonorer la commune parole : ce que les auditeurs, qui sont aussi des électeurs, entendent très bien, et qui constitue la fameuse “crise de confiance” qui les éloignerait des politiques, dont les commentateurs sont convenus de se lamenter. “Communication”, le mot en sa nouvelle acception est d’ailleurs un aveu : son intransitivité en fait un barbarisme ; il ne s’agit plus de communiquer quelque chose à quelqu’un, comme la logique — et la grammaire — l’exigerait, mais de “communiquer” tout court, de communiquer cet autisme de certitude où il s’agit moins de persuader que d’intimider. On a déserté la raison pour l’“émotion”, dont les “communicants” se flattent de connaître toutes les cordes — qu’ils confondent hélas un peu trop aisément avec des ficelles.

Attention, « poids lourd » !

Attention, « poids lourd » !


Il ne vous aura pas échappé que le gouvernement Valls a des problèmes de poids lourds. Ceux qui devraient être soumis à l'écotaxe d'une part. Et ceux qu'il a fait rentrer dans son gouvernement d'autre part. Vous l'avez deviné, il en est une qui est tout particulièrement concernée : il s'agit de Ségolène Royal, en l'occurrence ministre d'une écologie qu'elle ne veut pas être punitive et l'a fait savoir hier à grands coups de klaxon. Alors que la mission parlementaire, chargée de trouver un compromis dans ce dossier inextricable, remettait hier un rapport où il préconise de « débaptiser » l'écotaxe en l'aménageant, Ségolène Royal a réaffirmé son hostilité de principe.
Après tout, qu'il existe un débat de fond sur un problème dans lequel est empêtré le gouvernement n'est pas illégitime. Encore doit-il obéir à un minimum de discipline, surtout quand elle est revendiquée comme une marque de fabrique par Manuel Valls, chef d'un gouvernement de « pros ». Sur ce plan, Ségolène Royal n'a pas franchement joué collectif, dénonçant de surcroît dans une interview à Paris Match, une classe politique « composée de machos sûrs de leur bon droit ».
Voici donc le retour de la « femme debout », sûre de sa compétence et capable, au nom de sa liberté de parole, de « moucher » Sapin et Montebourg, autres poids lourds condescendants ou méprisants de l'équipe Valls. Courage ou inconscience ? Les revers public et privé subis par Ségolène Royal, le camouflet du tweet de Valérie Trierweiler en 2012, son obstination dans le combat politique, lui avaient valu une forme de reconnaissance (ou d'indulgence) dans l'opinion.
Fière, elle ne voulait surtout pas que son retour au gouvernement apparaisse comme une prime compensatoire. Elle vient d'en administrer la preuve avec « bravitude ». Ce qui ne l'a pas empêchée de renouer avec sa détestable habitude d'accuser les médias de déformer ses propos pour la déstabiliser. En réalité, Ségolène Royal, beaucoup moins « flottante » que l'exécutif en matière environnementale n'a pas fini de se comporter en « poids lourd » incontrôlable.

Tweet again

Tweet again


   On s’y est habitué : le tweet politique est entré dans les mœurs. Mais il y a du nouveau : après le tweet des campagnes, voici le tweet des compagnes. Celle de Samir Nasri a clamé son indignation en constatant que son copain n’était pas sélectionné dans l’équipe de France de foot. Déjà, en son temps, Mme Trierweiler avait dit en cent quarante signes sa préférence, récusant la candidature de Mme Royal à une élection. Chaque fois les termes sont vifs, le jugement sans appel, la pensée sans détour. Pas question de mâcher ses mots. D’où une interrogation : pourquoi les femmes sont-elles plus tranchées que les hommes ? Ou elles sont plus courageuses ou  elles sont inconscientes. Pour moi, la réponse ne fait guère de doute : par lâcheté naturelle, je choisis la première hypothèse.

Les vicissitudes de Manuel Valls

Les vicissitudes de Manuel Valls


Dans le procès en amateurisme que les Français, à juste titre, faisaient à Jean-Marc Ayrault, figurait en bonne place son incapacité à empêcher les couacs de ses ministres. A l’inverse, parmi les qualités évidentes qu’avait montrées Manuel Valls dès son arrivée à Matignon se trouvaient l’autorité et la capacité à diriger un gouvernement parlant d’une même voix.
Les propos invraisemblables de Ségolène Royal portent un coup sévère à cette méticuleuse construction d’image. Agression caractérisée contre Arnaud Montebourg et sa croisade sur Alstom, suspicion aggravée contre Michel Sapin et son ministère des Finances, provocation délibérée envers les écolos et une partie des députés socialistes obsédés d’écotaxe, le tout agrémenté d’un superbe contentement de soi qui ravale toute cette piétaille gouvernementale au rang de minuscules politicards machistes : jamais depuis le début du quinquennat la foisonnante chronique des couacs ne s’était enrichie d’aussi grandes pages.
Manuel Valls sait donc à quoi s’en tenir : non seulement le lien direct de Ségolène Royal avec les Français lui donne, pense-t-elle, tous les droits, mais en outre, son lien ancien avec François Hollande la rend intouchable. Déjà incontrôlable, la voici donc inamovible : une rupture avec elle se transformerait immanquablement en un nouvel épisode du vaudeville politico-familial humiliant que le chef de l’Etat a déjà abondamment alimenté. Après l’avertissement du vote des 41 parlementaires hostiles à la trajectoire des finances publiques, une autre faille s’ouvre dans le dispositif du Premier ministre. La dégradation est certainement plus rapide qu’il ne l’avait rêvé.