TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 27 avril 2011

Du bon usage de Jean-Louis Borloo

A quoi servirait la candidature de Jean-Louis Borloo à l'élection présidentielle ? A faire éliminer Nicolas Sarkozy au premier tour, disent les adversaires de cette candidature ; à donner une chance à l'actuel président d'être réélu au deuxième tour, disent les partisans de cette stratégie. A un an de l'échéance, il semble bien que les inconvénients d'une candidature Borloo l'emportent et qu'elle serait une véritable machine à faire perdre Nicolas Sarkozy. Tous les sondages récents donnent le président sortant éliminé par le candidat socialiste et par Mme Le Pen : par exemple, pour Harris Interactive, DSK obtient 30 %, le FN 21 % et Sarkozy 19 %, avec Jean-Louis Borloo à 7 %. La simple arithmétique montre que l'addition Sarkozy-Borloo permettrait au chef de l'Etat d'être au second tour. Sachant toutefois que la politique va bien au-delà de l'arithmétique et que rien ne prouve que les électeurs potentiels de Borloo, jeunes de 25-34 ans écolos, centristes, ouvriers, se rallieraient à Sarkozy, on peut même penser qu'ils trouveraient leur salut ailleurs.

D'où la seconde analyse faite à l'Elysée : rien ne sert de s'activer pour empêcher une candidature Borloo, mieux vaut s'efforcer au contraire de bétonner une candidature Sarkozy bien campée sur son socle de la droite pour dépasser le score de Mme Le Pen qui n'est pas fatalement de 20-21 %. Une fois celui-ci qualifié pour le second tour, les électeurs de Borloo, de 7 à 12 % selon les cas, pourraient revenir vers Nicolas Sarkozy et lui redonner une chance face au candidat socialiste. Ce choix stratégique décisif, seul le Président peut le faire mais le temps commence à être compté, ce devra être avant la mi-mai.

Mais que fait DSK à Paris ?

En visite dans la capitale, le directeur général du FMI rencontre, en toute discrétion, des élus socialistes qui soutiennent sa candidature à la primaire socialiste.
Il est à Paris, il tait ses intentions, mais Dominique Strauss-Kahn met à profit son séjour dans la capitale pour rencontrer les élus de terrain qui s'activent en coulisses pour combler le déficit "de proximité" du patron du FMI dans la perspective de sa candidature à la primaire socialiste. Sa venue discrète à Paris contraste étrangement avec celle hypermédiatisée de février, suivie mi-mars d'un documentaire sur Canal + montrant le quotidien de DSK à Washington.
Eviter les erreurs de Ségolène Royal en 2007

Pendant que François Hollande tisse patiemment son réseau sur le terrain et tient son premier meeting de campagne mercredi, plusieurs élus verront DSK lors de son passage parisien, notamment le député Pierre Moscovici et le député-maire de Grenoble Michel Destot, président du Conseil national du PS et du cercle "Inventer à gauche". Il faut consolider "la liaison entre le parti et DSK car ce sera l'équation gagnante --on doit éviter l'erreur de 2007 avec Ségolène Royal, d'un côté, la candidate et de l'autre, le parti-- et mettre une dimension politique et populaire", explique à l'AFP M. Destot. et ce dernier d'ajouter : "On voit bien les qualités politiques de l'homme d'Etat mais il est nécessaire pour la campagne présidentielle qu'il acquière une dimension de proximité, de terrain qu'il n'a pas encore, étant à l'extérieur. C'est ce qu'on veut amener, nous".
Leur champion ne peut rien dire, statuts du FMI obligent, mais n'a pas fait objection à leurs initiatives. Pour Michel Destot, il s'agit de "toujours privilégier terrain et élus sur la bureaucratie et la petite cuisine politique". Une pique visant deux autres strauss-kahniens, les députés Jean-Christophe Cambadélis et Jean-Marie Le Guen, spécialistes des petites phrases assassines?
Le réseau de grands élus est distinct du réseau "constitué de manière informelle avec Jean-Christophe Cambadélis, Pierre Moscovici, Claude Bartolone, Jean-Marie Le Guen, Vincent Peillon." précise le député-maire de Grenoble.
DSK peut compter sur le maire de Lyon et le Président de la Région Bourgogne
Le 3 mai, se tiendra à l'Assemblée nationale la première réunion du Conseil politique formé du "collège d'orientation politique d'élus" et du collège d'experts ou "plutôt de référents", poursuit Dominique de Combles de Nayves, un proche de Michel Destot, chargé de l'organiser. Cet ancien secrétaire général de la Cour des Comptes et ancien ambassadeur avait coordonné en 2006 la campagne interne de DSK.
Dans le collège d'experts figurent "une dizaine à une quinzaine" de "poids lourds" qui ont "occupé des fonctions" notamment dans le dernier gouvernement Jospin ou "qui en occupent dans des entreprises ou administrations". Et dans conseil d'orientation politique, on retrouve plusieurs maires de grandes villes. Le sénateur-maire de Lyon Gérard Collomb réunira avec Michel Destot le 2 mai "DSK 2012 Rhône-Alpes". Le Président du Conseil régional de Bourgogne François Patriat, et à Marseille Patrick Mennucci assurent eux aussi des relais, alors que dans les fédérations socialistes se montent des "DSK 2012".

Le commentaire politique de Christophe Barbier




Au théâtre italien

Pour une fois, il faut bien reconnaître que Marine Le Pen a raison sur un point: le sommet franco-italien d’hier «n’a été qu’une perte de temps». Ou plutôt, soyons justes, un aimable divertissement dont les deux comédiens ont orchestré le tempo et les répliques avec la maestria qu’on leur connaît pour enluminer le vide.

Le compromis qu’ils ont trouvé ne changera strictement rien à la réalité de l’afflux d’immigrés légaux et clandestins en provenance de Tunisie. La commission de Bruxelles l’a dit explicitement: le «renforcement» des accords de Schengen, demandé par Silvio Berlusconi et Nicolas Sarkozy ne sera, au mieux, qu’une clarification - allez, un petit ajustement - sur l’interprétation des règles de libre circulation dans l’espace européen.

De la pure communication. Le président français et le premier ministre italien ont voulu faire croire que le rétablissement des frontières intérieures était envisageable pour éviter le déferlement d’étrangers indésirables. Ils savent l’un et l’autre que c’est quasiment impossible techniquement, et politiquement dangereux: ce serait enclencher un engrenage de méfiance difficile à maîtriser. Mais l’essentiel ne tenait pas à la crédibilité de leur appel de Rome. Il s’agissait avant tout de faire passer un message de fermeté à leurs opinions respectives, et à un certain électorat qui souhaitait l’entendre.

C’est en vendant de cette façon le concept séduisant d’une Europe à la carte qu’on acclimate le citoyen à des illusions simplistes et qu’on l’habitue à des solutions qui semblaient inconcevables. C’est en gommant d’une phrase ses complexités, ses contradictions et ses exigences, qu’on tue l’idéal européen. Plus grave: sans même parler de morale - le pape Benoît XVI s’en est chargé ce week-end en rappelant les impératifs d’hospitalité d’un continent «riche» - c’est une démarche intellectuelle qui tente d’accréditer des fausses certitudes.

Toutes les études - toutes! - montrent que non seulement l’immigration n’explose pas en France - l’un des pays européens qui accueillent le moins d’étrangers - mais surtout qu’elle ne pèse pas sur les comptes sociaux (y compris la protection maladie et même en prenant en compte les prises en charge de la CMU). Mieux, elle bénéficie positivement - c’est un fait comptable - au financement de la protection sociale et des retraites. Si la proportion de la population étrangère au chômage est plus importante, c’est vrai, que celle des natifs, les immigrés, qui occupent les emplois les plus pénibles, «ne prennent pas le travail des chômeurs» pour autant. Le plus souvent très mal payés, ils contribuent à la compétitivité de nombreuses entreprises... et à la survie du made in France.

On a toujours le droit de trouver qu’il y a trop d’immigrés en France, mais la justification économique de ce sentiment n’est pas valable.

La tentation du repli

Que 25 000 réfugiés nord-africains ébranlent autant l'Europe en dit long sur l'apathie de sa politique migratoire. La demande de Nicolas Sarkozy et de Silvio Berlusconi, hier à Rome, est loin de consolider l'espace Schengen de libre circulation, symbole de liberté au sein de l'Union. Que l'on puisse rétablir les contrôles aux frontières nationales confirme que ce qu'il restait de dynamique est en train de se gripper.

Cet épisode met en lumière la cohabitation d'autant de politiques étrangères qu'il existe d'États. Sous la pression d'extrémismes nourris par les peurs, chaque régime surréagit selon sa proximité historique, géographique et économique avec les pays « menaçants » et selon ses enjeux de politique intérieure. Même un rapprochement propice à une Europe industrielle plus forte - Lactalis qui rachète Parmalat ou LVMH qui s'empare de Bulgari - devient un crime de lèse-souveraineté italienne !

Ces contradictions paralysent l'action et même la parole de Catherine Asthon, chef d'une non-diplomatie européenne depuis près de dix-huit mois. Cette absence de vision commune et dynamique pousse au chacun pour soi et encourage le recours, doublement vain, à la forteresse migratoire.

D'une part, construire des murs valide la thèse du repli - le Front National en France, la Ligue du Nord en Italie, le parti Jobbik en Hongrie, le Parti de la Liberté aux Pays-Bas... - et cautionne les accents populistes des droites traditionnelles, comme au Royaume-Uni. Mais, en vertu de la formule selon laquelle « les peuples préfèrent l'original à la copie », ces thématiques profitent surtout à ceux qui les initient.

Redonner de l'espoir

D'autre part, il n'existe pas de rempart étanche contre l'immigration. On s'effraie que quelques milliers de Tunisiens débarquent en Italie. Qu'opposerait la France comme ligne Maginot si l'Algérie et le Maroc s'effondraient ? Là, nous risquerions d'avoir et le populisme et l'immigration massive.

Réviser les règles de Schengen ne peut pas être une réponse convaincante et durable. À défaut de pouvoir endiguer l'afflux de migrants, on pourrait peut-être, suivant les voeux du pape, organiser juridiquement et financièrement leur accueil provisoire à l'échelle de l'Europe afin que ce ne soient pas les mêmes qui en supportent le poids. Et surtout aider à tarir la source.

Une chose est de saluer de loin les soulèvements populaires contre les dictatures. Une autre est d'aider de près la transition. Les révolutions désorganisent et appauvrissent, au moins provisoirement, les économies. Il faut vite redonner de l'espoir si l'on veut éviter une crise migratoire majeure.

Il est donc vital de pousser à la réconciliation, d'offrir notre expertise pour reconstruire les systèmes politiques, et de multiplier les incitations collectives et individuelles à reprendre les échanges. La fermeté en deçà de nos frontières, y compris par des moyens maritimes de dissuasion, serait d'autant mieux comprise que nous serions coopératifs au-delà.

Car si la chute des dictatures devait être synonyme, pour les peuples, de règlements de comptes, d'effondrement du niveau de vie et d'Europe barricadée, les fleurs du printemps arabe pourraient vite faner. Vue du nord de la Méditerranée, la démocratisation a peut-être un coût. Mais vue du Sud, elle n'a pas de prix.