TOUT EST DIT

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lundi 9 décembre 2013

Désir d’Europe

Désir d’Europe


Plusieurs centaines de milliers d'Ukrainiens pro-européens ont de nouveau manifesté, hier, à Kiev. Au fil des rassemblements, les slogans se radicalisent, et c'est la démission du président pro-russe Viktor Ianoukovitch qui est désormais réclamée. Sans doute le souvenir de la « Révolution orange » de 2004 entretient-il une forme de romantisme insurrectionnel propre à engendrer notre compréhension.
L'Ukraine détient le triste flambeau de pays le plus corrompu d'Europe et ses dirigeants, complices cupides des oligarques, y contribuent pour beaucoup. On devrait donc avoir toutes les raisons de se réjouir de ce « désir d'Europe » manifesté par les Ukrainiens de l'Ouest.
À ceci près que les choses sont beaucoup plus complexes qu'il n'y paraît. Ceux qui manifestent, aujourd'hui, en faveur de l'accord d'association avec l'Europe, le font davantage au nom d'un idéal de liberté que sur des considérations économiques. Ils ne veulent pas voir cette Europe « austéritaire » qui vilipende ses mauvais élèves du Sud et se montre peu généreuse avec les nécessiteux.
L'Europe désirée par ceux qui n'y sont pas, n'est pas l'Europe dénigrée par ceux qui y sont. L'accord d'association envisagé avec l'UE aurait contraint l'Ukraine à un investissement de 165 milliards d'euros en dix ans pour se conformer aux normes de productions européennes. En réponse, l'UE ne proposait qu'une aide d'un milliard d'euros sur sept ans. Vladimir Poutine a eu beau jeu, dans son partenariat stratégique signé le 17 décembre avec le président ukrainien, d'offrir 160 milliards d'aides diverses pour « acheter » Kiev.
Entre idéalisme et réalisme, voici donc l'Ukraine coupée en deux (Ouest et Est). La contestation « coup-de-poing » de l'ancien champion de boxe Vitali Klitschko suffira-t-elle à fédérer une opposition qui se bat plus, actuellement, pour une idée que pour un leader ?
Le soutien non déguisé des Européens aux manifestants suffira-t-il à mettre K.O. le pouvoir inféodé à Moscou ?
Pas si sûr, car si l'Europe suscite encore le désir, elle n'a plus vraiment les moyens de le satisfaire.

Plomberie en mauvais état

Plomberie en mauvais état


La législation européenne ressemble un peu à un champ de mines. Elles explosent quand on ne s’y attend pas et les dégâts sont terribles. Le dossier des travailleurs détachés appartient à cette catégorie des bombes à retardement. La directive n’est pas récente : elle date de 1996. Il aura donc fallu près de vingt ans pour s’apercevoir des dommages qu’elle pouvait occasionner. À l’époque, l’Union européenne était encore grisée par l’effondrement des pays de l’Est. Le souci d’intégrer ces nations, pour leur éviter de sombrer dans le chaos qui venait de ravager l’ex-Yougoslavie, explique que politiques et eurocrates aient confondu altruisme et réalisme.
Plusieurs crises sont passées par là et une majorité de pays européens s’aperçoivent que l’opération portes ouvertes tourne à la confusion. Comme il est impossible de faire marche arrière, on se remet à table pour corriger les effets pervers de cette directive. Sauf qu’une fois de plus, les Européens ne sont pas d’accord. Et pour cause ! Il y a ceux qui voient leur marché du travail souffrir des fraudes et les autres qui, eux, se réjouissent de voir leur chômage baisser et leurs salariés rapporter de l’argent.
La France est au premier rang des victimes avec 400 000 travailleurs détachés, légaux ou pas. D’autres pays la suivent dans sa volonté d’amender la directive. Face à eux, on trouve l’alliance des nations de l’Est et des libéraux forcenés menés par Londres. La Pologne sort bec et ongles pour défendre son trop célèbre plombier.
Les deux camps se retrouvent sur un point : faute d’accord, les prochaines élections européennes s’annoncent désastreuses. Les formations politiques traditionnelles craignent d’être sanctionnées par un vote en faveur de l’extrême droite ou de l’extrême gauche. Ces deux ailes se rejoignent dans une égale détestation d’une Europe brouillonne, incapable de se protéger des fraudes. La multiplication des sommets et des conciliabules pour réparer les gaffes fait effectivement désordre.
La tuyauterie européenne, que l’on nous promettait « nickel », est une passoire dans laquelle s’engouffrent tous ceux qui réduisent l’Europe à un libre-service que l’on braque impunément.

Hollande-Sarkozy, quel "couple"!

Hollande-Sarkozy, quel "couple"!


François Hollande - qui n'aurait jamais été élu s'il n'était pas parvenu à regrouper sur son nom le 6 mai 2012 les anti-sarkozystes de tous bords- a donc convié celui que ses amis présentent, à longueur de semaines, comme un dangereux et infréquentable personnage à l'accompagner aux obsèques de Nelson Mandela.
Sans doute l'actuel président de la République, au-delà d'un joli geste simplement "républicain", a-t-il fini par considérer: 1. Que l'ensemble de la droite ne se résumait pas à l'excellent Jacques Chirac. 2. Qu'il valait mieux ne pas injurier l'avenir. Et si les mois qui viennent accouchaient d'une cohabitation ou -pourquoi pas- d'une "grande coalition" à l'allemande ? Va donc pour un aller-et-retour avec Nicolas Sarkozy.
Mais le manoeuvrier François Hollande ne lance pas une telle invitation sur un simple mouvement d'humeur. Ayant pris acte que "les juges" (qui ont pourtant tout fait pour ça) n'avaient pas réussi à "abattre" son prédécesseur, c'est-à-dire à le mettre hors-jeu, le président, à la faveur des circonstances, change bel et bien de stratégie vis-à-vis de la droite. Avec ses amis, depuis peu, il le répète: en 2017, que cela plaise ou non, il y a 9 "chances" sur 10 pour que le candidat de la droite, ce soit Sarkozy. Et voici l'intéressé, qui avançait jusqu'ici à couvert, soudain démasqué, intronisé, instrumentalisé. A l'Elysée, l'idée est qu'il n'est pas un fédérateur de son camp, mais plutôt un diviseur. Il serait même l'adversaire "idéal" tant il agace au centre, tant il exaspère une fraction de l'UMP, tant le FN l'éxècre. Plus on le verra, plus la droite sera en miettes. CQFD.
Pour l'heure, le battu du 6 mai, qui se souvient qu'on le tenait il y a peu pour "mort", a (au moins) une bonne raison de sourire: il est prévenu. 

Le billet de Michel Schifres

Des infos


Il est à peine croyable qu’à l’heure de l’hyper médiatisation, nous soyons aussi peu informés. Heureusement, des lumières viennent nous éclairer. Ainsi, une ministre nous a rappelé que François Hollande faisait partie de l’« école Nelson Mandela », lui qui a été éduqué, insufflé, nourri par la vision du combattant de l’Afrique du Sud. D’ailleurs, dans les cinquante pays qu’elle a visités, elle a constaté chaque fois le même dithyrambe à propos de notre chef. On ne remerciera jamais assez Mme Yamina Benguigui – c’est la ministre – pour toutes ces informations inédites. Elle confirme que la France est une vieille civilisation où la flatterie du monarque a été de tout temps. Elle illustre le fait que la cécité est, avec l’amnésie, une maladie très répandue en politique.

A quand le ras le bol social ?

A quand le ras le bol social ?


Les Français sont des gens formidables. Ils ont une patience inouïe, à moins que ce ne soit une crédulité infinie. Il a ainsi fallu attendre que les feuilles d’impôt arrivent dans les foyers pour que s’exprime (enfin) le ras-le-bol fiscal. Jusque là, ils avaient cru que neuf Français sur dix seraient épargnés, que seuls les riches paieraient, et que la formule magique « tout-pour-la-justice-fiscale » signifiait : « Les-hausses-d’impôt-sont-pour-les-autres ». Ils ont depuis déchanté, et ils ne doivent plus être très nombreux, ceux qui se déclarent confiants dans la remise à plat de la fiscalité ou dans la pause fiscale. D’ailleurs, il y aura encore au moins une quinzaine de hausses, de nouveaux impôts et taxes en 2014.
Les Français étant des gens formidables, les voilà qui s’inquiètent de voir que des Européens peuvent venir travailler chez eux à des conditions sociales avantageuses pour l’entreprise qui les envoie. C’est la fameuse question des « travailleurs détachés », un de ces épouvantails à la sauce bruxelloise qui promet d’animer les campagnes électorales à venir. Il faut bien sûr lutter contre les abus et dérives que cette directive a pu engendrer, mais que la France prenne la tête de la croisade est une supercherie. C’est en effet parce que nos entreprises payent plus de charges que les travailleurs détachés sont si nombreux chez nous. Et au lieu de se concentrer sur la réduction du coût du travail et des prélèvements sur les salaires, la France préfère dresser des barrières aux frontières pour taxer, contrôler, réglementer le travail. Pour l’heure, les Français croient encore que leur modèle est le meilleur, qu’il faut le protéger contre la menace sociale étrangère. Viendra un jour où ils feront (enfin) le lien entre charges sociales et chômage, entre coût du travail et déclassement économique. Un jour où ils ressentiront une forme de ras-le-bol social.

Grèce: les niches fiscales intouchables


Émotion en Grèce, à la suite de la publication, vendredi dans Libération, de l’entretien que j’ai eu avec le ministre des Finances, Yannis Stournaras. Incident au Parlement, article mentionné dans les journaux télévisés du soir, publication d’un démenti par ledit ministre. Que s’est-il passé ?
Alors que je l’interrogeais sur le fait que beaucoup de personnes et d’entreprises échappaient encore à l’impôt en Grèce, Yannis Stournaras m’a répondu : « Ce faible niveau des recettes fiscales est dû à deux facteurs : d’une part, il y a beaucoup d’exemptions d’impôts, bien plus que dans le reste de l’Europe. Il faut donc supprimer ces niches fiscales, ce que nous allons faire par exemple pour la TVA pratiquée dans les îles qui est inférieure à celle du continent, ou encore pour les agriculteurs qui vont être imposés dès 2015. D’autre part, la Grèce est confrontée à une forte fraude fiscale : des économistes grecs de l’université de Chigago ont comparé, en prenant les chiffres d’une banque grecque, les remboursements d’emprunts payés par une catégorie d’indépendants et les revenus qu’ils déclarent au fisc. Ils ont découvert que leurs remboursements sont deux ou trois fois supérieurs aux revenus soi-disant perçus… Avec l’aide de l’Union et du FMI, nous nous sommes attaqués aux fraudeurs et certains sont même en prison ».
C’est la mention d’un alignement de la TVA applicable dans les îles sur celle du continent qui a mis le feu aux poudres, car il s’agit d’un sujet tabou en Grèce, comme ceux de l’imposition des biens de l’Église ou des armateurs. Embarrassé, le ministre, déjà contesté par une partie de la Nouvelle Démocratie, le parti du premier ministre Antonis Samaras, a publié ce communiqué : « l'interview du ministre des Finances au journal Libération a été donnée en grec et, il est évident que, dans son transfert vers le français, ces propos ont été mal interprétés et ses réponses déformées. Car, jamais Mr Stournaras n’a évoqué la possibilité de disparition des exemptions (fiscales). Il a juste évoqué des exemples concrets de certaines exemptions des règles générales qui allègent les charges fiscales » (1). 
Alors, aurais-je mal compris ? En réalité, non : Yannis Stournaras a bel et bien cité plusieurs exemples de niches fiscales, dont la TVA dans les îles et les terres agricoles, les secondes devant être taxées dès 2015. Il a aussi cité les armateurs, reconnaissant qu’une modification de la Constitution (qui prévoit cette exemption) serait trop compliquée à obtenir à court terme, une partie que je n’ai pas reprise dans l’entretien, parce que trop longue et trop complexe à expliquer. Il est évident pour moi, en réécoutant l’entretien, que l’exemple de la TVA n’a pas été cité au hasard : le ministre aurait pu en citer un autre. Dans le déroulé de la conversation, il était clair qu’il s’agissait pour lui d’un problème. Mais, comme il s’agissait d’une traduction du grec (en direct, puis, ensuite, avec réécoute par l’interprète), j’ai pris la précaution d’envoyer jeudi en fin de matinée (à deux reprises, par sécurité) l’entretien retranscrit à son secrétariat qui n’a pas réagi. Ce qui pour moi, vaut approbation. Si le ministère m’avait alors dit que j’avais mal interprété ses propos, j’aurais évidemment corrigé, mon but n’étant pas de trahir la pensée de mon interlocuteur.
Sans chercher à polémiquer, je dirais qu’il s’agissait d’un ballon d’essai de la part d’un professeur d’économie qui sait parfaitement ce que coûte à l’État grec cette niche fiscale. Il a pu ainsi constater qu’il y avait des vaches sacrées auxquels on ne pouvait pas encore toucher en Grèce en dépit de la crise…
(1) En grec : « Η  συνέντευξη του Υπουργού Οικονομικών στην εφημερίδα «Liberation» δόθηκε στην ελληνική γλώσσα και κατά τη μεταφορά στη γαλλική προφανώς παρερμηνεύτηκαν και αλλοιώθηκαν οι απαντήσεις του, αφού ο κ. Στουρνάρας ουδέποτε αναφέρθηκε στο ενδεχόμενο εξάλειψης εξαιρέσεων. Απλώς ανέφερε ως παραδείγματα συγκεκριμένες εξαιρέσεις από τους γενικούς κανόνες που μειώνουν το φορολογικό βάρος ».  

A quoi ressemblerait un nouveau parti de Nicolas Sarkozy ?


Selon Le Nouvel Observateur, Nicolas Sarkozy envisagerait comme "piste sérieuse" pour son retour en politique la création d'un nouveau parti. Si le délabrement de l'image de l'UMP crédibilise cette option, elle comporterait aussi de nombreux désavantages.

Le site internet du Nouvel Observateur a émis la rumeur que Nicolas Sarkozy envisagerait de créer un nouveau parti. A quoi pourrait ressembler un nouveau parti taillé sur mesure pour l'ancien chef de l'Etat ? Quels pourraient-être ses fondamentaux idéologiques ?

Guillaume Bernard : Alors que Charles de Gaulle avait espéré la Ve République comme un régime où le jeu des partis serait restreint par les institutions, l’élection du président de la République au suffrage universel direct leur a rendu un rôle déterminant : la sélection d’un candidat présidentiable et l’investiture des candidats aux législatives chargés de former la majorité parlementaire soutenant le gouvernement désigné par le chef de l’État. Les partis politiques sont donc devenus des écuries présidentielles. Il est donc assez probable que si Nicolas Sarkozy se lance dans la création d’un parti politique, ce sera pour porter sa candidature à la prochaine élection présidentielle.
Outre que cette information doit encore être confirmée, on ne sait pas dans quels délais cela est prévu. Car, à moins que le mandat de François Hollande soit écourté, il y aura, avant la prochaine présidentielle, pas mal d’autres élections : municipales, européennes, sénatoriales, régionales, territoriales (ex cantonales). Si le parti est créé alors qu’il ne présente pas de candidats à ces élections, cela risque de trop apparaître comme une stratégie purement personnelle.
Enfin, pour ce qui est de son idéologie, tout est possible. D’abord parce que Nicolas Sarkozy se veut un pragmatique : par refus de toute idéologie sclérosante, il développera un discours qui lui semblera le mieux correspondre à l’état de la société. Ensuite, parce que le marketing politique permet de segmenter le discours afin de s’adresser à un électorat le plus large possible : rassurer les électeurs « déterminés », capter le maximum d’électeurs « flottants ».

S'agirait-il d'un parti réellement nouveau avec une offre politique différente ou d'un mouvement plus large essentiellement destiné à faire oublier l'image écornée de l'UMP ?

Étant donné que l’UMP ne semble pas profiter de la baisse de popularité de l’éxécutif socialiste, les deux objectifs ne sont pas contradictoires ; ils convergent : renouveler, à la fois, l’offre électorale et l’image personnelle de l’ancien président de la République.
Il est certain qu’il y a une aspiration dans l’opinion publique d’un renouvellement politique. Mais, s’il lance vraiment son parti politique, Nicolas Sarkozy sera confronté à un certain nombre d’embûches. L’une d’entre elles n’est pas mineure : il devra trouver le moyen de faire oublier à une partie de son électorat la déception qu’il a suscitée en raison du décalage entre son discours de 2007 (ou du moins la manière dont il a été perçu car il a, en fait, toujours défendu l’idée du multiculturalisme dans son positionnement sur l’identité nationale) et l’orientation de sa politique pendant son quinquennat. Une partie de ses électeurs sont partis au FN au premier tour de la dernière présidentielle et il n’est pas certain qu’ils reviennent pour la prochaine. S’ils l’ont fait au second tour de 2012, c’était moins par enthousiasme que par opposition à François Hollande.
De manière générale, c’est la question du positionnement de ce parti et de Nicolas Sarkozy sur l’échiquier politique qui est en jeu. Tout le monde l’attend sur des positions « droitistes », celles de ses campagnes présidentielles. Et il est tout à fait possible qu’il en soit ainsi ne serait-ce que pour assurer une certaine cohérence de son image. Mais, cela n’est pas totalement certain. Car, si la « droite forte » s’occupe effectivement de ratisser à droite pour lui, un positionnement plus central (au sein de la droite) permettrait deux choses : d’une part, ne pas aller directement à la confrontation avec le FN qui est en cours de renforcement (l’objectif d’à peu près tous les partis est d’affronter le candidat du FN au second tour et au non au premier) et, d’autre part, occuper un créneau empêchant d’autres candidatures qui pourraient parasiter la sienne (notamment celle de son ancien Premier ministre). Il ne s’agit naturellement, là, que d’une hypothèse. Cela dit, le fait que Nicolas Sarkozy apporte son soutien à Nathalie Kosciusko-Morizet qui, c’est un euphémisme, est peu appréciée par le clan le plus droitier de l’UMP, pourrait corroborer cette interprétation.

Ce nouveau parti pourrait-il aspirer plus facilement les mouvements qui se sont construits à l'extérieur de l'UMP comme celui de la Manif pour Tous ? 

La crédibilité de ce nouveau parti dépendra, effectivement, de sa capacité à renouveler les visages de la politique. Il sera difficile de faire croire à du neuf en reprenant uniquement les mêmes personnes. Il faudra que l’ancien chef de l’État trouve de nouvelles têtes capables de renouveler la forme et le fond du discours.
Sans doute pourra-t-il fédérer un certain nombre de groupes déjà existants qui se sont sentis écrasés dans l’UMP (le PCD ?) ou qui n’ont pas réussi à trouver une place claire dans l’alliance UDI-MoDem (le CNI ?). Sans doute essayera-t-il aussi de récupérer les scories du MPF qui, si Philippe de Villiers ne faisait pas de retour en politique, ne semble pas avoir vraiment d’avenir. Mais, sans offense, il faut bien le dire, cela ne représente pas grand chose. Ce sont des appoints intéressants pour gagner une grande bataille politique, mais ce n’est pas le gros des troupes militantes ni des électeurs. C’est surtout de la « droite forte » et, peut-être, de la « droite populaire », deux courants internes à l’UMP, que Nicolas Sarkozy peut sans doute attendre le plus fort soutien.
Pour d’autres organisations non partisanes, c’est plus compliqué. Vous évoquez le cas de « La Manif Pour Tous ». Or, si celle-ci devait se rallier à un parti (quel qu’il soit d’ailleurs), elle perdrait l’essentiel de sa crédibilité (il est vrai que, depuis la fin des grandes manifestations, ses objectifs et modes d’action ne sont pas très clairement définis). Ce qui a fait la force de « La Manif Pour Tous », c’est qu’elle a su rassembler des personnes aux appartenances partisanes diverses qui ont mis leurs différences de côté pour, ensemble, interpeler et agir sur l’ensemble de la classe politique. Etant une organisation monothématique, « La Manif Pour Tous » ne peut survivre (mais elle peut aussi grandir) qu’en devenant un authentique lobby : par exemple, en constituant des réseaux, faire élire (ou faire battre) des candidats de différents partis en fonction des engagements pris ou refusés voire reniés. Si elle devait se transformer en une officine fournissant des candidats (dont l’objectif sera d’être élus, puis réélus…) à un parti politique, ce serait le signe qu’elle a perdu son âme (et que les efforts en temps et en argent de milliers de familles n’aura servi qu’à faire la carrière de quelques uns) : au lieu de ne rien lâcher (selon son propre slogan), elle aurait tout gâché !

Ce nouveau parti peut aussi être vu comme un moyen d'éviter la question de la primaire UMP qui figure désormais dans les statuts du parti. Un ancien chef de l’État peut-il se plier à se type d'exercice ?

Il est certain que la stature d’un ancien président de la République (de la Ve !) se conjugue mal avec une compétition interne à un parti. Constituer une nouvelle organisation peut, effectivement, être un moyen pour essayer d’échapper à une telle contrainte. Encore que s’il apparaissait comme le seul candidat crédible, que la primaire soit sans grand risque, le fait d’être désigné par l’UMP lui permettrait d’imposer silence à ses concurrents et non moins amis… du même camp.
Mais surtout, ne pas se soumettre à la primaire de l’UMP, c’est se couper des financements qu’elle pourrait lui apporter. Or, une campagne, surtout présidentielle, coûte très cher. Et les partis n’obtiennent des subsides publics que sur la base des élections législatives qui devraient suivre la prochaine présidentielle. Ne pas avoir le soutien d’un parti représenté à l’Assemblée nationale, c’est un handicap de ce point de vue qui ne peut être négligé.
Cela dit, il est assez vraisemblable que Nicolas Sarkozy table (ou du moins pronostique) un important échec (un effondrement ?) des partis politiques modérés (à l’occasion des prochaines élections, en particulier européennes) tel que le soutien de l’une de ces organisations discréditées lui apparaisse plus comme handicap que comme un point positif. Face à l’incapacité des forces politiques actuelles à endiguer le FN, sa stratégie sera peut-être de se présenter comme le recours (en arguant du précédent de 2007).
Sa capacité à réussir dans cette stratégie dépendra de l’efficacité de son discours, efficacité tant d’un point de vue philosophique que sociologique : il faudra qu’il apparaisse cohérent avec les mouvements idéologiques de fond et qu’il parle à la société française. Si j’ai raison sur ce que j’ai appelé le « mouvement dextrogyre » (qui pousse idées et organisations partisanes de la droite vers la gauche), tenter de discréditer le FN en l’accusant de ne pas être libéral (ou en expliquant, à l’inverse, qu’il serait socialiste, notion qui ne doit pas être confondue, comme l’explique très bien Jean-Pierre Deschodt, avec le collectivisme), ne sera vraisemblablement pas efficace. Il me semble qu’il faudra trouver un autre angle.