TOUT EST DIT

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mardi 17 août 2010

"Facebook, ça sert vraiment à rien"




Décollage allemand


Les discriminations se banalisent à l'école, selon un rapport confidentiel

A l'école, il ne fait pas bon être trop différent. Un rapport confidentiel, que Le Monde s'est procuré, montre en effet que les discriminations de toutes sortes ont tendance à se banaliser au sein de l'institution scolaire. Alors même que l'école est supposée intégrer chacun dans la communauté républicaine.
Le rapport doit être remis en septembre au ministre de l'éducation nationale, qui a fait de la lutte contre les discriminations une priorité. Son entourage annonce d'ores et déjà de "nouvelles mesures".

Il faut dire que le constat établi par le groupe de travail qui a rédigé le rapport est préoccupant, qu'il s'agisse du handicap, de sexisme, d'orientation sexuelle ou d'origine. L'enfant handicapé fait encore trop souvent "peur". Les stéréotypes sur les différences "naturelles" entre filles et garçons restent répandus. Cela a des conséquences scolaires, mais cela conduit aussi à des violences parfois justifiées par des "convictions culturelles ou politico-religieuses". L'homophobie se banalise et l'école se montre trop rétive à réagir. Les conséquences, pourtant, peuvent être dramatiques pour les victimes.

En matière de racisme, d'antisémitisme et de xénophobie, enfin, le groupe de travail constate "une prise de conscience progressive, mais une banalisation des injures et des actes". Et si les élèves en sont victimes, les enseignants ne sont évidemment pas épargnés.

Globalement, c'est le " vivre ensemble" qui se détériore, préviennent les auteurs du rapport. A l'adolescence, la quête identitaire est forte et celle-ci, selon le contexte, selon les réponses des adultes et de l'institution, peut mal se passer. D'où, comme le montre le rapport, le risque d'enclencher une dynamique pernicieuse qui entraîne exclusion, stigmatisation, harcèlement et violences envers ceux qui sont différents.

CE N'EST PAS UN PHÉNOMÈNE DE SOCIÉTÉ, LE RACISME DÉCOULE SIMPLEMENT D'UN RAS LE BOL PROGRESSIF: IL Y A TROP D'ÉTRANGERS EN FRANCE, MAL INTÉGRÉS OU REFUSANT CETTE INTÉGRATION.

La revanche de Jean-Louis Debré

Fidèle des fidèles de Jacques Chirac, ancien ministre de l'Intérieur, Jean-Louis Debré se pose aujourd'hui en garant des libertés et règle des comptes.
La question préoccupe déjà le gouvernement, et surtout ceux des ministres les plus réservés sur ces mesures. Les menaces de réforme, autour de la nationalité française, que Nicolas Sarkozy et Brice Hortefeux dégainent, ces temps-ci, comme l’inspecteur Harris ( Clint Eastwood) son Smith and Wesson 44 Magnum franchiront-elles l’obstacle du Conseil constitutionnel? La vénérable institution de la rue Montpensier semble devenue fort jalouse de son indépendance. Aspirée par le débat public, mieux connue, reconnue, même, par les Français, depuis l’introduction de la saisine directe, elle commence à se tailler une réputation de juridiction un peu rebelle, en tout cas, indocile. Sa récente condamnation de «la garde à vue à la française» a même été ressentie comme un rééquilibrage, tardif mais salvateur, au profit des justiciables placés aux mains de la police.

De tout cela, un homme profite. Et curieusement, un peu à contre-courant de sa carrière. Jean-Louis Debré, le président du Conseil constitutionnel. Il a été le président de l’Assemblée nationale de l’ère Chirac, mais c’est surtout comme ministre de l’Intérieur qu’on se souvient de lui –la fonction frappe peut-être davantage les esprits, et laisse des traces dans la chronique du pays. Il a été un membre du club, pas le pire, mais assez conforme tout de même au prototype forgé par la droite, sous la Ve République. Dur aux délinquants, et pas toujours regardant sur la manière. L’opinion de gauche lui avait notamment reproché l’évacuation des sans-papiers réfugiés dans l’église Saint-Bernard, à Paris, en août 1996.

Il avait dû quitter la place Beauvau, au moment de la dissolution de 1997, et par la suite, malgré sa proximité avec Jacques Chirac, il n’avait jamais retrouvé un poste ministériel. Le chef de l’Etat préférait savoir son plus fidèle compagnon au «perchoir» de l’Assemblée, où l’on peut conserver une plus grande liberté de parole. Ce dont Jean-Louis Debré avait usé contre les menées concurrentielles de Nicolas Sarkozy, à partir de 2002.

Pas un faucon, donc, mais pas une colombe non plus. Il est en tout cas assez savoureux de le retrouver aujourd’hui dans un rôle de garant des libertés publiques (garde à vue) ou de redresseur d’injustices passées (pensions aux anciens combattants étrangers), et plus généralement, au moins sur le chapitre de la constitutionnalité, comme le meilleur rempart national face aux outrances sécuritaires en cours du régime sarkozyste. Comme quoi, cela précisé pour Brice Hortefeux, il ne faudrait jamais désespérer tout à fait des ministres de l’intérieur, passés, présents et à venir. Il arrive qu’il leur vienne, même tard, des idées contraires aux traditions de la place Beauvau, et assez incongrues, au vu de leur parcours.

«C’est l’effet Becket», note le politologue Olivier Duhamel. Du nom du chancelier d’Henri II, Thomas Becket, qui après avoir fait appliquer l’interdiction des libertés cléricales, sur ordre de son roi, s’était mis à défendre ces mêmes libertés, une fois nommé archevêque de Canterbury… et à s’opposer au même monarque. Politiquement parlant, il ne peut plus rien arriver de fâcheux à un président du Conseil constitutionnel. Nommé généralement en fin de parcours professionnel, il est inamovible, installé, rue Montpensier, pour un mandat long (9 ans). Il renonce à toute autre fonction. Officiellement, il n’a plus de parti politique, et aucun compte hiérarchique à rendre. A la sagesse de l’âge vient s’ajouter la découverte, ou la confirmation, des délices de l’indépendance. En principe, il n’a plus pour maître que le droit constitutionnel.

A cet exercice de renversement de réputation, il y a eu des précédents. Comme celui de Roger Frey . Ministre de l’Intérieur, celui-ci avait réprimé la marche de protestation algérienne du 17 octobre 1961, laissant ses hommes jeter des manifestants à la Seine et se livrer à un véritable massacre; il avait dû endosser aussi la responsabilité, quelques mois plus tard, des événements tragiques du métro Charonne. Pourtant, devenu président du Conseil constitutionnel, il avait ensuite imposé la limitation des droits de fouille de la police, notamment dans les voitures particulières.

Quand il a été nommé, en février 2007, par Jacques Chirac, à la tête du Conseil, certains ont pensé, toutefois sans trop le dire, que Jean-Louis Debré était un peu étroit d’épaules, par rapport à quelques-uns de ses prestigieux prédécesseurs, Robert Badinter ou Pierre Mazeaud. Que le chef de l’Etat mettait à l’abri son vieux grognard avant de partir. Hors d’atteinte, déjà, de Nicolas Sarkozy et de son entourage, lesquels vouent une franche détestation à l’ancien président de l’Assemblée nationale, et à son persiflage incessant.

C’était oublier ce que la fonction de tuteur de la constitution peut pour l’homme auquel elle échoie. A quel point, soudain, elle le grandit. Oublier aussi que Jean-Louis Debré est d’abord un magistrat, et qu’il retrouve au Conseil constitutionnel sa culture de base. Celui qui a été souvent moqué, comme son père, Michel Debré, celui qu’on disait jaloux de son jumeau, Bernard Debré, grand médecin, lui aussi député, a pourtant eu le temps, avant d’être happé par la destinée politique de Jacques Chirac, d’être un juge d’instruction.

Pour des raisons encore floues, comme il fallait sans doute un idiot de la famille par génération, après son père, caricaturé avec un entonnoir sur la tête par les humoristes du début de la Ve République, il a été celui-là. Un peu benêt, Jean-Louis Debré. Toujours dans les jupes de Jacques Chirac. Fidèle comme l’est un toutou. Il est tout de même docteur en droit et ancien élève de l’Ecole de la magistrature; il a été le premier juge d’instruction des affaires Carlos, le terroriste. Mais dans son curriculum vitae, on a toujours préféré rappeler qu’après des échecs au bac, il avait dû en passer par la capacité en droit.

La suite a toujours été un peu trempée à la même sauce. Maire d’Evreux, député, ministre… un peu juste, Debré. Et toujours comme son père, qui avait fait sourire par sa candidature désespérée à l’élection présidentielle de 1981, alors que les moqueurs auraient dû trouver quelque valeur au co-rédacteur de la Constitution de 1958. Il n’est donc pas sans ironie que le fils maudit retrouve le père décrié autour du texte sacré de notre histoire politique récente.

Belle revanche, dira-t-on, pour le fils et pour le père. Contre le frère jumeau, et contre Paris, qui se goberge. Toutefois, le meilleur est sans doute à venir. Dans ces circonstances qui donnent désormais le droit à tout un chacun de saisir la Conseil constitutionnel par «les questions prioritaires de constitutionnalité». Beaucoup de gens, désormais, risquent de placer leur espoir en Jean-Louis Debré, sur le chapitre de l’égalité des droits devant la loi. Dans le contexte politique, c’est plus qu’il n’en faut pour une renommée.

Philippe Boggio

Concurrence : France Télécom et l'Etat de nouveau attaqués par l'UE

La Commission européenne, persuadée que l'Etat français a accordé une aide à France Télécom pour lui éviter la faillite en 2002, a déposé un recours auprès de la Cour européenne de justice, affirme, mardi 17 août, La Tribune.
Plombée par une dette de 63 milliards d'euros, contractée lors de l'acquisition de l'opérateur Orange deux ans plus tôt, France Télécom est alors au bord de la faillite. Son PDG, Michel Bon, est limogé. L'Etat français, premier actionnaire avec 56,45 % du capital, accorde à France Télécom une ligne de crédit de 9 milliards d'euros. Le groupe n'aura finalement pas besoin de cet argent.

Selon la Commission européenne, les interventions publiques du ministre de l'économie de l'époque, Francis Mer, constituaient un soutien voilé de l'Etat français à l'opérateur historique. M. Mer avait notamment déclaré "qu'en cas de problèmes de financement, l'Etat prendrait les décisions nécessaires pour qu'ils soient surmontés".

LONGUE PROCÉDURE D'APPEL

Sur la foi de ces déclarations, les agences de notation n'avaient pas dégradé davantage les notes de France Télécom, permettant ainsi à l'opérateur de se refinancer sans grande difficulté sur les marchés, sans avoir besoin d'utiliser le crédit accordé par l'Etat.

"Le crédit accordé constitue-t-il une aide publique, alors même qu'il n'a pas été utilisé ?" s'interroge le quotidien économique. L'Etat français et France Télécom ont toujours rejeté une quelconque aide voilée. Une position adoptée par le tribunal de première instance de l'Union européenne, qui avait débouté la Commission en mai.

La procédure d'appel pourrait durer plusieurs mois, sinon plusieurs années, précise La Tribune.

La planète fait crédit à partir de samedi

À partir du 21 août et jusqu’à la fin de l’année 2010, les Terriens vivront à crédit sur les ressources de la planète.

C’est une étude de l’ONG Global Footprint Network (GFN) qui l’affirme. L’association calcule le jour où la consommation de l’humanité en ressources naturelles a épuisé ce que la planète est capable de fournir en une année, de la filtration de l’eau douce à la fourniture de matières premières, y compris alimentaires.
Les ressources de la planète épuisées en neuf mois

Le fait que la date fatidique tombe cette année le 21 août préoccupe les militants.

”Il aura fallu moins de neuf mois pour épuiser le budget écologique de l’année, relève le président de GFN, Mathis Wackernagel. L’an passé, la limite avait été atteinte le 25 septembre, mais ce n’est pas parce que la consommation s’est emballée. C’est juste que cette année, on a révisé toutes nos données et on s’est rendu compte que jusqu’ici, on avait surestimé la productivité des forêts et des pâturages : en clair, on avait exagéré la capacité de la Terre à se régénérer et à absorber nos excès.”

GFN calcule les fournitures de services et de ressources par la nature et les compare à la consommation humaine et à ses rejets : déchets mais aussi émissions polluantes comme le CO2. “À la fin des années 1980, notre empreinte écologique était globalement équivalente à la taille de la terre. Aujourd’hui, c’est 50 % de plus”, insiste l’ONG.

Pour inverser la tendance, l’ONG avance une proposition encore controversée. “Il faut arriver à ce que la population mondiale commence à décroître. Les gens pensent que ce serait terrible. Pour nous ce serait en fait un avantage économique. Mais c’est un choix. On n’en veut pas encore”, assure le président de GFN.

Abdul et tonton Georges

Voici un rude coup porté à la poésie française. Le jeune rappeur Abdul X va bientôt comparaître devant un tribunal. Ce qu’on lui reproche ? Une chanson dont le titre résume la portée : “Tirer sur les keufs”. Le texte, d’une fulgurante modernité, n’abuse pas de la métaphore. Il préfère le dépouillement lexical, très premier degré : “Si t’en vises un, tue-le, ne le rate pas/Mets-lui une balle dans sa race”.

Le procureur, critiquant le fond plutôt que la forme, dénonce “une apologie de crime”. Pourquoi durcir ainsi le ton ? L’artiste, au commissariat, a plaidé le malentendu. Les paroles du morceau “ne reflètent pas sa pensée”. Un trop plein de lyrisme vous emporte, parfois… Bon. Quant au revolver brandi dans le clip vidéo, “il s’agit d’une arme factice”.

On se disait, aussi, que l’œuvre sonnait faux. Mais les voyous des cités, eux, utilisent des balles réelles.

Pourtant, le prévenu ne risque pas grand-chose. Sauf à appliquer la jurisprudence Montherlant : “En prison pour médiocrité !”.

A relire la prose du rappeur, ce qui lui manque saute aux yeux : le talent, encore plus que la morale. S’agissant de “rosser les cognes”, jadis, tonton Georges s’y prenait autrement. Tiens, les juges devraient condamner Abdul à apprendre tout Brassens par cœur ! Une leçon de style, pour la peine.

L'Europe face aux nouvelles puissances

Pendant la guerre froide (1947-1990), les priorités des diplomaties européennes étaient simples. Il fallait maintenir la garantie de sécurité américaine face à la menace soviétique, tout en existant face à Washington (essentiellement pour la France). Les relations transatlantiques l'emportaient.

Tel n'est plus le cas aujourd'hui. Avec la disparition de l'URSS et la montée en puissance des pays émergents, dont la Russie, la relation Europe - États-Unis n'est plus aussi centrale. D'autres dossiers sont devenus tout aussi prioritaires. Mais les pays européens semblent découvrir de manière dispersée, sinon individualiste, les nouvelles priorités de leur politique étrangère. Face à la Chine, l'Inde, la Russie ou le Brésil, y a-t-il le début d'une action, sinon d'une réflexion commune européenne ?

Jusqu'ici, les pays européens n'ont fait que prendre conscience du phénomène. Et ils se sont contentés d'un chacun pour soi mercantile. « Comment puis-je m'attirer les faveurs des nouveaux riches de la croissance, et traiter avec eux avant et mieux que les autres ? ».

Les pays émergents ne sont pas dupes de ces « discours amoureux ». Ils y voient de la faiblesse, voire de la naïveté ou de l'amateurisme. Il serait facile d'établir une comparaison entre les débuts de la diplomatie de la France de Nicolas Sarkozy face à la Chine, et ceux de la diplomatie britannique de David Cameron face à l'Inde. La France avait envoyé un message contradictoire à Pékin, mélangeant référence aux droits de l'homme et considérations commerciales. La Chine, consciente de la faiblesse des positions de Paris, n'allait pas manquer de « cibler » notre pays pour faire passer un message de fermeté à l'ensemble du monde occidental : « Vous avez besoin de nous, laissez-nous traiter nos problèmes comme nous l'entendons. »

De la même manière, David Cameron, lors de sa première visite en Inde, en a trop fait, s'alignant, peut-être avec justesse sur le fond, sur les critiques de Delhi à l'encontre du Pakistan. Il a dû faire amende honorable en recevant, peu de temps après et avec égards, le président pakistanais à Londres.

Dans cette course individuelle aux faveurs des pays montants, les pays européens ont tout à perdre. Si nous ne faisons pas de démarche ensemble, nous risquons de perdre ensemble.

Bien sûr, il faut tenir compte du poids des pays émergents. Près de 80 % de la croissance mondiale, entre 2010 et 2050, proviendra de leurs besoins et d'après un rapport de la Banque mondiale, la classe moyenne de ces mêmes pays représentera un milliard deux cents millions d'habitants en 2050 : une augmentation de 200 % par rapport à 2005. Cette classe moyenne sera plus importante que la population totale de l'Europe, des États-Unis, du Canada, en y incluant même le Japon !

Mais c'est précisément parce que le moteur de la croissance économique mondiale se trouve dans ces pays émergents que l'Union européenne, si elle veut être prise au sérieux, doit définir au plus vite une réflexion commune.

L'Union européenne est en train de se doter d'un service diplomatique commun. L'une de ses priorités doit être la définition d'une diplomatie commune à l'égard des pays émergents, avec des règles du jeu et une vision stratégique. Seule, en effet, l'Union en tant que telle a quelque chance d'être prise au sérieux par Pékin, Delhi, Moscou ou Brasilia...

(*) Conseiller spécial à l'Ifri (Institut des relations internationales).

Au miroir des solitudes

Un Français sur dix serait en situation de solitude objective et un sur quatre, faute de diversité suffisante dans ses relations sociales, pourrait le devenir. C'est ce que révèle l'enquête menée à la demande de la Fondation de France (zoom ci-contre), conduite auprès de plus de 4 000 personnes âgées de 18 ans et plus.
Selon cette étude, plus de quatre millions de Français, soit un adulte sur dix, n'accéderaient à aucun des quatre grands réseaux de sociabilité identifiés que sont la famille, les amis, la vie professionnelle et la vie associative. Dans la mesure où 25% des Français interrogés ne participeraient qu'à un seul de ces réseaux, le risque est patent : « Fragilisées, ces personnes se trouvent dans une situation d'exclusion potentielle sans en avoir conscience », commente la Fondation de France. Qui propose, avec son aide, de promouvoir de nouvelles formes d'habitat collectif, des gardes d'enfant 24 h sur 24 ou des cafés sociaux.
La tâche paraît immense face à un phénomène d'isolement qui certes n'est pas nouveau. La recomposition des familles, la précarisation des revenus et le sous-emploi chronique, le vieillissement de la population et même une forme de dénuement de l'urbanisme et des services collectifs concourent à alimenter la machine à produire des solitaires. Aussi efficace dans sa dureté à la campagne qu'en ville.
Les déchirures familiales sont citées comme étant à l'origine de l'isolement dans 56% des cas, loin devant les rupture à caractère professionnel. Souvent mésestimée par les politiques publiques, la famille française, on le sait, a considérablement contribué à adoucir les conséquences des crises économiques depuis près de quarante ans. Cet amortisseur, quasi invisible dans le budget de la Nation, montre désormais des signes d'essoufflement..
Paradoxe, à l'heure des réseaux sociaux électroniques ? Les bulletins de victoire des grands attrape-tout virtuels, qui alignent des millions d'adhérents, sont à côté de la plaque. Neuf solitaires sur dix ne fréquentent pas ces réseaux qui ne touchent que les meilleurs revenus. On peut d'ailleurs s'interroger sur le décrochement qui commence à se produire entre des tranches de populations gavées par un « hyperlien social » et les autres. « Les réseaux sociaux électroniques restent l'apanage de personnes disposant d'un capital social important », affirme la Fondation de France. Dans un pays collectivement convaincu par sa douceur de vivre, Internet n'est pas le grand rassembleur dont rêvent certains.

Antoine Latham

BIENFAITEUR DE L'HUMANITÉ

17 août 1737 ( En fait, Antoine Parmentier est né le 12 août 1737)
Naissance de Parmentier, qui réhabilita la pomme de terre en France. La première trace dont l'Histoire ait gardé le souvenir d'une consommation de pommes de terre dans notre pays (on l'appelait alors la cartoufle), serait d'avoir été servie à la table de Louis XIII en 1616, mais le roi dut les trouver immangeables car il n'y eut absolument aucune suite donnée à cette tentative. Turgot fit de nouveau un essai pour tenter de répandre l'emploi de la cartoufle en France. Il avait commencer à en lancer la culture dans certaines régions comme le Limousin ou l'Angoumois, mais les préventions de l'opinion publique étaient telles que, malgré un avis favorable et rassurant de l'Académie de médecine, il avait dû renoncer à son projet. Quand Parmentier reprit l'idée, il publia une analyse chimique de la pomme de terre, essayant ainsi de démontrer qu'elle ne présentait véritablement aucun danger. Mais les Français demeuraient toujours aussi réticents. Pour secourt leur routine, pour réussir à les convaincre, il fallait, pensait-il, un coup d'éclat et tout d'abord la protection d'un haut personnage. Il obtint celle de Louis XIV lui-même, à qui il demanda aussitôt cinquante arpents de la plaine des Sablons. Ce terrain était fait de sables qui semblaient à première vue assez stériles, mais Parmentier s'acharna : il laboura lui-même et planta les cinquante arpents. Les premières fleurs qui poussèrent furent aussitôt cueillies et portées au roi. Et l'on raconte que, malgré le sourire moqueur de nombreux courtisans, le 24 août 1786, veille de la Saint-Louis, le roi parut, une fleur de pomme de terre à la boutonnière. La vogue de la fleur entraîna celle du tubercule. Avant de devenir utile, la pomme de terre était devenue à la mode. Pour exciter encore la curiosité des Parisiens, Parmentier avait fait placer des gardes autour de ses champs. Pourtant, une nuit, une bonne partie des pommes de terre furent volées. En apprenant le larcin, Parmentier fut ravi et récompensa largement le porteur de la nouvelle : c'était pour lui la certitude « qu'il n'existait plus de préjugés contre la pomme de terre » disait-il. Quelque temps plus tard, il organisa un grand repas en invitant toutes les notabilités de l'époque, dont Franklin et Lavoisier. La pomme de terre avait été préparée sous toutes les formes possibles et imaginables : elle constituait absolument tous les services du repas, depuis le potage en allant même jusqu'à la liqueur, qui en avait été, elle aussi, extraite.

Certains biographes se sont trompés sur la date de naissance de ce bienfaiteur de l'humanité. Afin de faire cesser toute polémique sur ce sujet, voici une reproduction de l'acte de naissance qui nous intéresse :



Antoine augustin fils de Jean baptiste Augustin Parmentier et de Marie Euphrosine Millon ses père et mère de légitime mariage nacquit le douze d'aoust mille sept cent trente sept et fut baptisé le même jour, son parrain Antoine Millon, sa marraine Marie Pillon de la Tour, lesquels ont signé ce present acte avec nous prètre curé du S. Sepulcre de Montdidier...

Réduire le coût de la transition vers une économie décarbonée

Les objectifs de réduction des émissions de CO2 et de la consommation d'énergie fixés par l'Union européenne pour 2020 paraissent plus difficiles à atteindre que jamais. Les contraintes réglementaires imposées au secteur de l'énergie agissent comme un frein sur les investissements à réaliser pour parvenir à une consommation maîtrisée et raisonnée de l'énergie. Autres facteurs aggravants : la faiblesse de la croissance économique européenne et la diminution des dépenses publiques partout en Europe, qui limitera le soutien des Etats.

Pour atteindre les objectifs fixés, l'Europe aura besoin de près de 890 milliards d'euros en plus des investissements habituels. Par exemple, les aides pour la filière solaire et éolienne atteindront respectivement 85 milliards et 67 milliards d'euros au cours de la prochaine décennie, tandis que les coûts en crédits carbone pour la production d'électricité seront supérieurs à 200 milliards d'euros. Les nouvelles capacités de production représenteront 40 % des 890 milliards d'euros estimés, dont les deux tiers consacrés à l'éolien, au solaire à la biomasse et à l'hydraulique - la part des énergies renouvelables sera ainsi portée à 30 % en 2020. Au total, le coût global des objectifs de l'Union européenne pour 2020 se traduira par une augmentation moyenne de 25 % de la facture d'électricité des ménages européens.

Dans ce contexte, comment l'Europe peut-elle arriver à résoudre la difficile équation d'accélérer sa transition vers une économie décarbonée tout en en réduisant le coût ?

Depuis des années, l'Europe concentre son action sur la production et soutient massivement l'éolien, le solaire et le captage-stockage du carbone. Mais d'ores et déjà, dans certains pays comme l'Allemagne, les tarifs de rachat garantis pour cette électricité ont été revus à la baisse. Indépendamment de la question financière, ces nouvelles technologies ne suffiront pas à répondre à la demande avant une quinzaine d'années. C'est pourquoi il est temps d'envisager de nouvelles solutions.

Avant tout, il faut mieux utiliser l'électricité que nous produisons aujourd'hui. Nous gaspillons beaucoup trop d'électricité en périodes creuses et devons faire monter les centrales en régime en périodes de pointe. S'il était possible de stocker cette énergie non utilisée, nous n'aurions pas besoin de produire davantage lors des pics de demande. Le stockage d'énergie par air comprimé (Seac) représente une solution nouvelle et réaliste. Le principe consiste à utiliser l'énergie excédentaire pour comprimer de l'air, qui sera libéré pour faire tourner les turbines aux heures de pointe. Cette technologie simple peut être mise en oeuvre rapidement et dans la plupart des pays. Elle permet de limiter l'augmentation de la production du parc de centrales actuel et s'avère surtout moins onéreuse. Les installations de stockage à air comprimé coûtent près de deux fois moins cher à la construction que les centrales conventionnelles. Pourtant, il n'existe qu'une seule installation de ce type à ce jour en Europe.

Face aux résultats mitigés enregistrés du côté de la production, les efforts doivent également porter sur la demande. Ainsi, les compteurs intelligents seront déployés en Europe au cours des prochaines années, mais ne suffiront pas à eux seuls à réduire la consommation. Les acteurs de l'énergie doivent investir dans des techniques dites de « gestion de charge » afin d'inciter les consommateurs à éviter les périodes de pointe. En complément des compteurs intelligents, le recours à une tarification par plages horaires pourrait constituer un bon point de départ et amener les familles à faire tourner le lave-vaisselle la nuit et non juste après le dîner. Selon nos estimations, si 50 % des foyers et PME en Europe disposaient de compteurs intelligents en 2020, on observerait une réduction de 7 % de la consommation en période de pointe et de 5 % de la consommation globale. Ainsi, le besoin en capacité de production supplémentaire serait réduit de 10 à 19 %.

Ces deux solutions ne sont pas exhaustives, mais constituent des exemples de ce qu'il est possible de faire. A elles deux, elles pourraient conduire à une réduction de 5 % des émissions de CO2 et limiter l'augmentation de la facture énergétique des consommateurs à 90 euros au lieu de 120 euros, soit une économie de 26 %. Ces solutions, ainsi que toutes les autres, impliquent la participation active des producteurs et distributeurs d'énergie et des politiques plus innovantes de la part des gouvernements. Elles montrent qu'en élargissant le débat européen, actuellement focalisé sur les énergies renouvelables particulièrement coûteuses, aux méthodes plus immédiates et plus abordables, efficaces tant du côté de la demande que de la production, les objectifs de 2020 pourront être atteints plus rapidement et à moindre coût pour les consommateurs et les contribuables.


Jean-Marc Ollagnier

JEAN-MARC OLLAGNIER EST DIRECTEUR GÉNÉRAL DU SECTEUR ÉNERGIE ET RESSOURCES NATURELLES D'ACCENTURE EN EUROPE.

Une position juridique forte et logique

La décision du Conseil constitutionnel invalidant la procédure française de garde à vue appartient assurément aux jurisprudences destinées à faire date. Il en va ainsi non seulement en raison du sujet en cause - les droits de la défense -, qui est au coeur de la procédure pénale, mais aussi en raison de la portée de la décision. En exigeant la présence effective d'un avocat pendant toute la durée d'une garde à vue ordinaire (à l'exception des affaires de terrorisme ou de grand banditisme), le Conseil constitutionnel contraint à la révision d'un aspect essentiel de la pratique pénale.

Cette décision est-elle pour autant une surprise, voire le coup d'Etat juridique dénoncé par certains avocats de la souveraineté du Parlement ? Assurément non. Depuis qu'à la demande du président Sarkozy, le Parlement a voté la réforme du 23 juillet 2008 permettant aux citoyens de saisir les tribunaux d'une QPC (question prioritaire de constitutionnalité) à propos de tout litige, il était inéluctable que toutes les lois passent un jour ou l'autre sous le scanner juridique des onze juges du Palais-Royal.

Il est vrai qu'à l'origine, en 1958, la nouvelle Constitution avait confié comme première mission au Conseil constitutionnel de veiller au respect par le gouvernement et par le Parlement de leurs compétences réciproques. Mais il y a belle lurette que le Conseil, à la manière de toutes les cours suprêmes occidentales, s'est émancipé pour jouer le rôle d'ultime gardien des principes de valeur constitutionnelle. A ce titre, dès 1971 il a défini un « bloc de constitutionnalité » incluant non seulement la Constitution de 1958, mais la Déclaration de 1789 et des principes généraux du droit dégagés pendant près d'un siècle par le Conseil d'Etat et la grande tradition républicaine du droit public. Contrairement à ce qu'enseignait Jean-Jacques Rousseau, la loi n'est plus la norme suprême. Les principes constitutionnels sont au-dessus d'elle. C'est en leur nom que le Conseil vient de statuer sur la garde à vue, dans le strict respect de la hiérarchie des normes, c'est-à-dire de l'Etat de droit.

Des niches à ne pas épargner

C'est une véritable plongée au coeur du mal français. Dans son rapport consacré aux niches fiscales sur l'épargne, qui tient en 43 pages, l'Inspection générale des finances montre comment une volonté politique mal appliquée peut déboucher sur un formidable gâchis. Des objectifs mal définis au départ. Une absence d'évaluation au final. Entre les deux, une sédimentation de dispositifs concurrents -ou contradictoires. Des dispositifs inefficaces, comme la vingtaine de niches qui attirent des montants dérisoires vers les placements en actions. Des effets pervers. Une effroyable complexité, qui fait par exemple que des dizaines de milliers de contribuables se précipitent chaque année sur un prélèvement libératoire qui leur coûte in fine plus cher que le régime commun. Une industrie financière qui s'en met plein les poches au détriment des particuliers et de l'Etat. Et au final, une addition salée : les cinquante niches explorées par les hauts fonctionnaires de Bercy ont coûté 11 milliards d'euros aux finances publiques en 2008, un chiffre à rapprocher des 200 milliards d'euros épargnés par les Français cette année-là. Tout se passe comme si l'Etat devait dépenser un euro pour convaincre un Français de mettre 20 euros de côté. Ce rendement de l'incitation fiscale à épargner est pitoyable. Il l'est d'autant plus que les Français placeraient tout de même beaucoup d'argent sans cette longue rangée de niches, car beaucoup d'entre elles exercent leurs effets non sur les montants épargnés, mais sur leur affectation.

Si le gouvernement voulait vraiment lutter contre le mal français, s'il en avait les moyens, il tirerait les conséquences de ce rapport qu'il a lui-même commandé. Il définirait trois ou quatre objectifs -l'encouragement de l'épargne retraite, le financement des PME, les missions allouées au Livret A (seul dispositif trouvant grâce aux yeux des rapporteurs). Il supprimerait dans la foulée 8 ou 9 milliards d'euros d'allégements fiscaux, en passant outre aux aboiements des « teneurs de niches ». Et si d'aventure l'épargne baissait, il s'en réjouirait, car cela signifierait que les Français consomment davantage. Mais il n'est hélas pas impossible que ce document aille s'entasser dans l'immense bibliothèque des rapports qui auraient pu sauver la France. Sans que l'on sache si cette mise au rebut vient d'une équipe gouvernementale trop affaiblie pour lancer une réforme fiscale après trois ans au pouvoir, ou de la volonté de préserver les centaines de milliards placés par les Français dans leur dette publique.

La participation se substitue au salaire et pénalise les comptes publics

Les sommes versées au titre de l'intéressement et de la participation ont plus que doublé depuis 1999, alors que la masse salariale n'a crû que de 40 %.
Conçue comme un outil de motivation et de flexibilité, l'épargne salariale accroît la productivité des salariés, mais elle présente un inconvénient de taille : au fil des ans, elle a de plus en plus tendance à se substituer au salaire. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : les montants versés au titre de l'intéressement et de la participation sont cinq fois plus importants qu'en 1990. Ils ont plus que doublé en dix ans, alors que la masse salariale n'a crû que de 40 %. Ils représentent désormais 7,7 % du salaire.

Pour l'Etat, c'est autant de recettes en moins. « Cette substitution pénalise les finances publiques », dénonce l'Inspection générale des finances. Subventionnés à hauteur de 5 milliards d'euros par l'Etat, l'intéressement et la participation représentent ainsi près de la moitié des sommes publiques investies en faveur de l'épargne. Un coût d'autant plus discutable qu'il ne profite qu'à 57 % des salariés, employés la plupart du temps par de grandes entreprises.

L'Inspection générale des finances en vient donc à s'interroger sur l'efficience de ces exonérations d'impôt et de charges, qui constituent un « effet d'aubaine » aussi bien pour les entreprises que pour les salariés. A terme, ceux-ci sortent pourtant perdants, car faute de cotiser pour les retraites, ils ne bénéficient pas de droits à pension sur ces revenus.
Avantages réétudiés

Des propositions devraient être faites à l'automne pour réduire les avantages fiscaux liés à ces dispositifs. Gilles Carrez, rapporteur du budget à l'Assemblée nationale, préconise notamment de raboter le crédit d'impôt sur l'intéressement (400 millions d'euros annuels), permettant aux entreprises de déduire les sommes versées de l'impôt sur les sociétés. Mais son initiative risque d'être mal comprise des syndicats, qui y verront un coup porté à la rémunération des salariés. Et elle marquerait une véritable rupture par rapport aux dix années précédentes, durant lesquelles l'épargne salariale a été de plus en plus défiscalisée.

Autre effet pervers, note l'inspection : l'épargne salariale, lorsqu'elle est versée en actions, expose les salariés à de lourdes menaces. L'importance des sommes qui leur sont versées (en moyenne 25.000 euros sur 12 sociétés étudiées) les rend très vulnérables à la santé de leur entreprise.

Bâle III devrait coûter beaucoup moins cher aux grandes banques

Selon les estimations de JP Morgan, l'impact des nouvelles règles de Bâle III devrait être réduit de près de moitié pour les grandes banques, compte tenu des aménagements apportés fin juillet. Une réduction qui bénéficierait notamment aux établissements français et britanniques. La réforme Obama devrait avoir un effet sur la rentabilité des banques américaines.
L'horizon semble s'éclaircir pour les grandes banques mondiales. Selon les analystes de JP Morgan, la rentabilité des fonds propres des 18 grandes banques étudiées devrait baisser d'environ un quart en 2011 - pour revenir de 13,3 % à 9,7 % en moyenne -, alors qu'ils prévoyaient une chute de 60 % en février dernier sur la base du projet initial du Comité de Bâle. De fait, l'impact total des nouvelles réglementations, celles liées à Bâle III révisé le mois dernier et celles découlant de la réforme financière américaine promulguée également en juillet, devrait s'élever à 51 milliards de dollars sur les résultats, contre 110 milliards estimés en février dernier par JP Morgan. En outre, l'ensemble des nouvelles mesures réglementaires devrait finalement coûter beaucoup moins de capital aux banques, autour de 208 milliards de dollars, contre 377 milliards annoncés en février. Une réduction de près de moitié qui bénéficierait notamment aux banques françaises et britanniques.

Régulés sur deux fronts, les établissements américains vont évoluer dans un environnement désormais plus difficile que celui de leurs concurents européens. C'est la conséquence directe de l'adoption de la grande réforme financière promulguée par le président Obama le 26 juillet dernier. Selon JP Morgan, au total, les banques américaines pourraient voir la rentabilité de leurs fonds propres (RoE) descendre sous la barre des 10 % du fait des nouvelles mesures concernant notamment la séparation de leurs activités pour compte propre, la restructuration de leurs activités de marché (dérivés, etc.) et la protection du consommateur. Ainsi, le RoE 2011 estimé de Bank of America passerait de 10,4 % à 5,7 %, celui de Citi de 9,7 % à 5,5 %, celui de Goldman Sachs de 12,6 % à 9,3 %.

Pour les banques européennes, l'impact de l'évolution réglementaire sur leur rentabilité serait globalement moins douloureux. Les banques britanniques RBS (7,5 %), Lloyds (7,8 %) et Barclays (7,5 %) ainsi que Deutsche Bank (8,1 %), UniCredit (9,2 %) et la Société Générale (9,7 %) n'atteindraient cependant pas les 10 %. BNP Paribas pourrait perdre 3,7 points, à 10,4 %, d'autres comme Credit Suisse ou Santander resteraient à des niveaux de RoE très élevés (plus de 18 %).

A cela deux raisons. D'abord, elles sont moins touchées par la réforme financière américaine. Ensuite, les aménagements du projet Bâle III, annoncés fin juillet, en matière notamment de déduction des intérêts minoritaires et de prise en compte des participations financières ou bien encore de liquidité, les concernaient en premier lieu : le seul impact de Bâle III sur leurs fonds propres serait divisé quasiment par trois, selon JP Morgan, revenant de 263 milliards de dollars à 95 milliards.

Un passage en douceur

Il n'en reste pas moins que certaines banques européennes vont se retrouver face à des besoins en fonds propres, estimés au total à 49 milliards de dollars, toutes choses étant égales par ailleurs. C'est le cas de Deutsche Bank (19,3 milliards de dollars), des britanniques RBS, Barclays et Lloyds (respectivement 10,9 milliards, 8,1 milliards et 5,6 milliards) et de la Société Générale (5,3 milliards). « Nous pensons que d'ici à 2015 la plupart des banques auront pu se mettre en conformité avec les nouvelles règles », soulignent cependant les analystes de JP Morgan.

Quant aux banques américaines, « nous ne prévoyons pas de déficit en capital et nous estimons que moins de deux ans de résultat seront nécessaires pour compenser l'impact des changements réglementaires sur les fonds propres », estiment-ils. Les délais accordés par les régulateurs devraient aussi faciliter un passage plus en douceur.

Le soutien fiscal à l'épargne provoque « effets d'aubaine » et « incohérences »

« Les Echos » dévoilent le rapport de l'Inspection générale des finances sur « l'évaluation des niches fiscales et sociales relatives aux revenus d'épargne financière ». L'assurance-vie ne remplit pas totalement ses objectifs en matière de financement des entreprises. Les incitations à la détention d'actions ne compensent pas l'aversion au risque des Français.
Essentielle au financement des entreprises, l'épargne revient cher à l'Etat. Pas moins d'une cinquantaine de niches fiscales et sociales existent pour inciter les Français à placer leur argent (assurance-vie, Livret A, épargne salariale, épargne retraite, plan d'actions, épargne logement). Le coût pour l'Etat (11,5 milliards d'euros estimés pour 2009) peut sembler élevé au regard des sommes épargnées (200 milliards). Dans un contexte d'austérité, le gouvernement a donc voulu savoir si ces aides publiques étaient utilisées à bon escient. Resté confidentiel, car sensible, le rapport d'« évaluation des niches fiscales et sociales relatives aux revenus d'épargne financière » établi par l'Inspection générale des finances et que dévoilent « Les Echos » montre que l'Etat pourrait faire mieux, avec moins d'argent. « Aucun objectif prioritaire ne se dégage de cette profusion de dispositifs fiscaux, qui se sont accumulés au fil du temps, sans logique ni cohérence identifiables », estiment les six auteurs.

Au moment où le gouvernement recherche au moins 6 milliards d'euros d'économies sur les niches fiscales et sociales, voilà qui a de quoi inquiéter les assureurs et les banques, principaux dépositaires de ces revenus. Nicolas Sarkozy avait déjà donné le ton en mars : « Il faut repenser en profondeur la fiscalité de l'épargne, pour la concentrer vers les placements longs en actions. » Déplorant « l'absence de priorité stratégique claire », il s'était demandé « si cela [avait] du sens de soutenir de manière indiscriminée tous les types de placements ». De fait, les subventions de l'Etat portent autant sur l'épargne risquée (actions, etc.) que non risquée (livrets, assurance-vie en euros, etc.), bloquée (épargne retraite, etc.) que non bloquée (Livret A), excluant ainsi toute stratégie d'ensemble.
Critiques tous azimuts

Aucun dispositif, ou presque, n'échappe aux critiques de l'Inspection des finances. L'assurance-vie, de loin la plus populaire - elle concerne 14,5 millions de ménages et coûte 1,2 milliard d'euros à l'Etat -remplit de moins en moins ses objectifs, à savoir le renforcement des fonds propres des entreprises et le financement de l'Etat, estime le rapport.

La crise est passée par là : les épargnants, qui pariaient jusqu'alors sur la hausse des marchés, à l'abri d'un régime fiscal avantageux, recherchent désormais une épargne de précaution. Conséquence : les contrats en actions, délaissés au profit des contrats en euros (à taux garanti), ne représentent plus que 18 % des encours. La tendance risque de s'aggraver avec la directive Solvabilité II, applicable à compter de 2012 : celle-ci va imposer des contraintes de solvabilité (immobilisation de fonds propres) telles que la détention d'actions va devenir de moins en moins stratégique pour les assureurs.

Pour y remédier, le gouvernement est tenté de renforcer les avantages fiscaux de l'assurance-vie en actions. Deux possibilités s'offrent à lui : il peut créer un nouveau contrat spécifiquement investi en actions, à l'instar du contrat DSK fermé fin 2004, mais plus simple et moins contraignant. Ou il peut durcir la fiscalité de l'assurance-vie sur le court terme, en reportant à 12 ans, au lieu de 8 aujourd'hui, l'échéance donnant lieu à abattement.

La vingtaine d'incitations à la détention d'actions (exonérations des plus-values, abattement forfaitaire sur les dividendes, etc.) ne produisent pas, elles non plus, les effets escomptés, poursuit le rapport. Les Français ne sont que 15 % à détenir des actions. Cette faible participation « ne résulterait pas tant de motifs fiscaux que d'une aversion au risque élevé », indique l'inspection. Des travaux de la direction du Trésor ont montré que la part des actions dans le portefeuille des Français était assez stable (12 %), avec ou sans taxe. Un comble, lorsqu'on sait que l'Etat renonce à 6 milliards de recettes chaque année pour inciter à la détention d'actions ! Au final, ce montant profite, pour 80 %, à la moitié la plus riche de la population, qui détient des actions pour diversifier son patrimoine, et non pour réduire ses impôts. Mais le gouvernement, qui a déjà annoncé la suppression du crédit d'impôt sur les dividendes pour financer les retraites, ne souhaite pas aller plus loin dans la réduction de ces avantages fiscaux. De même, il est très réticent à toucher aux niches liées à l'épargne salariale, pourtant critiquées (lire ci-dessous).

Dans ce réquisitoire contre les dépenses inutiles, seuls les livrets d'épargne (Livret A, livret développement durable, etc.) semblent trouver grâce aux yeux des auteurs du rapport. Pour un coût de 1 milliard d'euros, ils permettent à l'Etat de financer sur le long terme sa politique du logement social, la rénovation des universités (Livret A) ou les infrastructures de transport (LDD).

LUCIE ROBEQUAIN