Pourquoi adhérons-nous à la théorie du complot ?
Christian Delporte : « Ce sondage a été réalisé lundi, avant la comparution de Strauss-Kahn. On était alors sidérés face à cette nouvelle incroyable, sans précédent. On ne voit jamais d'homme politique menotté, encadré de policiers. DSK bénéficiait d'une charge affective importante, les sondages le donnaient quand même à 60% en cas de second tour ! Comme lors de catastrophes naturelles, lorsqu'on ne comprend pas, on cherche une explication, et celle-ci n'est pas forcément rationnelle. Les mots “tsunami” ou “chaos” ont d'ailleurs été employés pour décrire son arrestation. »
Jean-Pierre Bouchard : « J'ai suivi des centaines d'affaires d'agressions sexuelles. L'agresseur cache le plus souvent sa déviance derrière une vie sociale très ouverte. La défense classique suit cette règle : il commence par nier les faits, puis quand les preuves tombent, tente de s'en sortir avec des arguments du type “Elle est folle, elle était consentante, elle se venge, c'est un complot...” En face, les gens sont tellement surpris qu'ils ne croient pas à la culpabilité de ce “bon père de famille”. Il suffit qu'on leur fournisse une explication le disculpant pour qu'ils y adhèrent. »
Quels éléments nourrissent la thèse du coup monté ?
Christian Delporte : « On ne l'a pas entendu lui, ni ses avocats, on ne sait rien de sa défense. Moralement, c'est assez inacceptable de n'avoir qu'un son de cloche. Cela crée un phénomène d'empathie, qui mène à la thèse du complot, elle-même renforcée par un faisceau de raisons. La réputation de séducteur de DSK, c'était sa vulnérabilité. Or cet événement survient au moment où il apparaît déjà comme l'homme à abattre, après l'histoire de la Porsche et des costumes. Cela pousse à croire qu'il a été piégé. Et puis les faits se déroulent aux États-Unis. Cet éloignement nourrit l'imaginaire. Devant les images du tribunal, on se croit dans une mauvaise fiction, comme on en voit tous les soirs à la télé. Alors où est la réalité ? »
Jean-Pierre Bouchard : « On a aidé les gens à y croire. De nombreux leaders du PS ont argumenté à fond sur le déni. Ils ont dit que “ça ne collait pas”, et balancé cette thèse dans les médias. En réalité, les vrais complots sont rarissimes. »
Pourquoi cette empathie à son égard, et ce manque de compassion pour la victime présumée?
Christian Delporte : « On s'identifie toujours aux hommes politiques. En quelques heures, Strauss-Kahn est passé du statut d'homme providentiel, celui qui allait sortir le pays de la crise, à celui de criminel présumé. On n'a jamais vu une telle dégringolade pour une histoire de moeurs. Ce choc psychologique est si fort qu'il balaie tout. Comment s'avouer qu'on s'est trompé ? A qui faire confiance après cela ? Les gens de gauche sont d'autant plus incrédules qu'ils avaient placé une charge affective très forte sur ses épaules, après une série de déconvenues depuis 1995 : la sortie de Delors, la défaite de Jospin, l'éviction de Royal... On cherche toujours des raisons à ce qui sonne comme une fatalité. »
Jean-Pierre Bouchard : « Quand on est novice en matière de justice, on se fie à la tête du client. Le public s'étonne du décalage entre cette image qu'on lui vend, celle du super homme politique, économiste, socialiste, et celle du supposé prédateur. Quant aux sympathisants de gauche, ils continuent de soutenir celui qu'ils voulaient comme leader pour des raisons politiques, pour protéger leur mouvement. »


En interne, la Deutsche Bank a accepté de renoncer à ses créances à hauteur de 20 à 30% [...] et s’est préparée à des pertes. [...] Mais cette restructuration light – il n’y a pas de consensus entre Etats membres pour procéder de manière plus radicale – n’est qu’un pas intermédiaire vers des mesures plus dures. Il n’y presque plus d’économistes pour recommander l’effacement partiel de la dette.
La prolongation du délai de remboursement ne peut pas résoudre les problèmes du pays. Pour cela le soulagement [financier ] est trop faible. On ne peut pas attendre grand-chose des Grecs. Même si le gouvernement aime affirmer lors de ses visites à Berlin et Bruxelles qu’il veut économiser plus, il n’y réussira guère. Plus que sur les Grecs, il faudrait alors compter sur le reste des Européens – et surtout sur l’Allemagne. Ce n'est que si ces derniers affirment clairement qu’ils prennent au sérieux le sauvetage de la Grèce et qu’ils rejettent une 'restructuration dure’ que les investisseurs auront de nouveau confiance dans le débiteur grec sur les marchés financiers. Pour cela, il faut aussi de nouveaux prêts, mais surtout pas d’intérêts élevés.
Pour la première fois le président de l’Eurogroupe [Jean-Claude Juncker] parle d’un éventuel rééchelonnement de la dette, mais avant cela, il faut des mesures, plus de privatisations et surtout un consentement. Le consentement de l’opposition conservatrice. En accentuant la pression sur la nécessité d’un consentement de la classe politique, Bruxelles en fait une condition. Mais en cas d’échec, nous aurons des élections législatives anticipées.












