TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

mercredi 13 avril 2011

Interdire la burqa, un mauvais calcul

Il est désormais interdit de porter la burqa dans les lieux publics en France. Pour The Independent, cette nouvelle loi est une manœuvre électorale de la part d’un Nicolas Sarkozy en difficulté, qui ne va qu’aggraver la situation des musulmans en Europe.
Quand Otto von Bismarck, le Chancelier de Fer, s’attaqua au pouvoir de l’Eglise catholique dans l’Allemagne unifiée depuis peu, dans les années 1870, l’affrontement fut baptisé le Kukturkampf — la lutte pour la culture. Se fondant sur l’idée qu’un bon Allemand ne pouvait être loyal envers une autorité religieuse étrangère puisque basée à Rome, il fut présenté comme la volonté de libérer les croyants plutôt que de les opprimer.
Sans résultat. Les catholiques, flairant le piège, se rallièrent autour de leur Souverain pontife, et quand on les contraignit à choisir entre leur foi et leur fidélité à l’Etat, penchèrent souvent en faveur de la première.
Ce sont des considérations de cet ordre que les gens devraient avoir à l’esprit en France, alors que leur propre Kulturkampf contre le port du voile intégral acquiert force de loi — et alors qu’un certain nombre de Françaises se sont dites, au contraire, plus décidées que jamais à porter la burqa, ou le niqab, en public maintenant qu’elles risquent d’être interpellées.
L’opinion publique britannique est passée à côté de l’importance que revêt ce débat en France, se contentant la plupart du temps de considérer que cette hostilité au voile n’est qu’un slogan des islamophobes de l’extrême droite. C’est un malentendu. La France connaît, bien mieux que la Grande-Bretagne, le sens terrible des guerres de religion.
Dans les années 1570, le sang des protestants massacrés avait littéralement ruisselé dans les rues de Paris, et le conflit qui s’en était suivi avait déchiré le pays pendant des générations. Cette conscience aiguë des souffrances infligées par la religion à la France est à la source du consensus gauche-droite sur la nécessité de défendre la laïcité dans la vie publique.
Il est malheureux que cette philosophie admirable sous bien des aspects se retrouve engluée dans les calculs douteux d’un président aux abois. Ce dernier espère être réélu en 2012 mais accuse une chute catastrophique dans les sondages, quelques-uns le plaçant en deuxième position derrière Marine Le Pen et l’extrême droite. Nicolas Sarkozy ne répugnerait peut-être même pas à quelques passes d’armes publiques avec des musulmans ultraconservateurs au sujet du voile, puisqu’il y verrait un moyen de récolter des voix.
Mais beaucoup de musulmans français désapprouvent ouvertement que leur communauté soit prise pour cible, et l’on court le risque que cette nouvelle interdiction soit contre-productive. Il est heureux qu’aucun des grands partis en Grande-Bretagne ne souhaite nous engager dans cette voie.

L’Europe, pour quoi faire ?

"Pour ou contre l'entrée dans l'UE ?" D'ici à la fin de l'année, les Croates devraient être appelés à répondre à cette question. Mais après de nombreux obstacles sur le chemin de l’adhésion, ils se désintéressent d’une Europe qu'ils associent à leurs élites discréditées. 

A première vue, à l’exception de l’actuel mouvement de contestation [depuis fin février, des manifestations ont eu lieu dans les grandes villes croates pour réclamer le départ du gouvernement de Jadranka Kosor, accusé de corruption et de mauvaise gestion], tout tourne autour de l’Union européenne. Tous les regards sont fixés sur Bruxelles et les messages qui parviennent de là-bas. A première vue seulement.
Car, abstraction faite des médias et des hauts responsables politiques, rares sont les gens qui pensent encore à l’adhésion à l’UE. Accablés par la crise et les problèmes de survie, la majorité des citoyens croates accordent aux messages de Bruxelles autant d’importance qu’aux neiges d’antan !
De leur point de vue, les négociations se déroulent dans une sphère qui leur est inaccessible, et ils ne veulent ni ne peuvent en savoir grand-chose. Sur le chemin des négociations, l’Union européenne a perdu les citoyens censés s’y intéresser.

Une histoire qui traîne depuis trop longtemps

Pourquoi ? Sans doute cette histoire avec l’Europe traîne-t-elle depuis trop longtemps. La plupart des jeunes qui manifestent ces jours-ci dans les rues ne se souviennent plus ni du Sommet de Zagreb [qui a rassemblé les Etats des Balkans de l'Ouest et l'UE en 2000], ni des Accords de Stabilisation et d'Association, ni du moment où la Croatie a posé sa candidature à l’adhésion à l’UE [en février 2003].
Il y a eu tellement d’obstacles et d’humiliations sur ce long chemin, à commencer par la traque du général Gotovina [en mars 2005, l’UE a repoussé l’ouverture des négociations d’adhésion, réclamant que la Croatie arrête et remette au Tribunal pénal international ce général accusé de crimes de guerre], en passant par le différend avec la Slovénie au sujet de la Zone de protection écologique et de pêche (Zerp), jusqu’au blocage slovène des négociations d’adhésion [en 2008 et 2009, les deux pays se sont opposés sur le tracé de leur frontière maritime dans la zone de la baie de Piran], que l’on a un peu oublié d’où l’on est parti, mais également où l’on est censé arriver.
Après une décennie de réformes et de réajustements, nous sommes dans une crise profonde et douloureuse. D’autant plus que depuis un an ou deux ans, plus aucune bonne nouvelle n’arrive d’Europe. Il suffit de voir ce qui se passe en Grèce, en Irlande, au Portugal et en Espagne.
Mais, plus que ces facteurs extérieurs, c’est l’attitude des élites politiques croates qui a rebuté les citoyens. Dans la tentative de se faire plus européens que ceux de Bruxelles, nos hommes politiques ont montré qu’ils étaient prêts à payer n’importe quel prix pour atteindre l’"objectif stratégique".

Le mépris du pouvoir à l'égard des citoyens

Si l’on ajoute que de nombreuses décisions impopulaires prises par le gouvernement n’avaient pas grand-chose à voir, ni avec les négociations, ni avec les conditions imposées par l’Europe pour l’adhésion, il ne faut pas s’étonner d’avoir réussi à dégoûter de nombreux europhiles de l’idée même d’Union européenne.
Les médias ont également leur part de responsabilité. Cinq ans et demi après le début des négociations avec Bruxelles, on n’y trouve toujours pas de vrai débat argumenté sur les aspects positifs et négatifs de l’adhésion à l’UE.
Et nous voilà au bout de la route, fatigués du long chemin parcouru, épuisés par la crise et le manque de confiance, ignorants du but qui nous est présenté comme une réalité sans alternative.
Au moment où la clôture des négociations semble à portée de main [fin juin, si tout va bien, voir ci-dessous], et à quelques mois seulement du référendum sur l’Union européenne, nous voici confrontés à la question qui sera posée à cette occasion : "Etes-vous pour ou contre l’entrée de la Croatie dans l’UE ?"
Comment le gouvernement envisage-t-il ce référendum – le premier depuis l’indépendance de la Croatie ? Quel sera le taux de participation des citoyens ? Et s’il est important, ne sauteront-ils pas sur l’occasion pour dire ce qu’ils pensent du pouvoir en place et de l’opposition – qu’ils connaissent sans aucun doute mieux que la construction européenne !
Ceux qui ont arraché et brûlé sur les places publiques les drapeaux de la HDZ (Union démocratique croate, parti au pouvoir), du SDP (Parti social-démocrate, opposition) et de l’Union européenne seront-ils tentés de sanctionner ces partis et l’Union ? Le mépris persistant du pouvoir à l’égard des citoyens concernant la décision la plus importante à prendre depuis vingt ans montre bien l’état de la démocratie en Croatie.


Adhésion

Nuages sur les négociations

"Un mauvais présage", estime Jutarnji List qui commente le silence du président de la Commission européenne, José Manuel Barroso, de passage en Croatie, sur la date exacte de clôture des négociations. Et si elle n'a pas été balayée, l'échéance initiale de fin juin a été qualifiée "d'ambitieuse". La présidence hongroise de l'UE considère pour sa part que le retard dans les négociations, qui butent toujours sur le chapitre de la justice, "remet en question la crédibilité de tout le processus de l'élargissement."
Le quotidien viennois Die Presse estime de son côté "plus probable" que la clôture des négociations d'adhésion — et la signature du traité afférent — soit reportée au mois d'octobre, pour une adhésion en 2013. En mars dernier, lors de son dernier bilan sur l'avancée des travaux, la Commission avait critiqué le peu de progrès en matière de lutte contre la corruption. Par ailleurs, 7 chapitres sur 33 posent encore problème, notamment celui sur la justice, note Die Presse. Selon un sondage publié par le Jutarnji List, "la majorité des Croates soutiennent l’adhésion de leur pays à l’Union européenne (56% contre 37% de contraires), malgré l’euroscepticisme affiché dans les manifestations" des dernières semaines. Ils sont par ailleurs 63% à considérer que l'UE a été "injuste" à l'égard de la Croatie dans le processus d'adhésion, contre 23% à trouver qu'il n'y a rien à reprocher aux conditions posées par Bruxelles.


Le “fardeau” n’est pas si lourd à porter

Face à l’arrivée de plusieurs milliers de migrants d’Afrique du Nord, l’Italie invoque la solidarité de ses partenaires. Mais le 11 avril, les ministres de l’Intérieur et de la Justice des Vingt-Sept ont rappelé à Rome qu'en matière d'immigration, la règle du chacun pour soi s’impose. 

L’Italie, si l’on en croit le gouvernement de Silvio Berlusconi, est confrontée à un véritable tsunami d’immigrés illégaux, essentiellement Tunisiens. Elle réclame à cor et à cris un partage du "fardeau" entre les Etats membres de l’Union européenne et menace de laisser ces clandestins passer librement chez ses partenaires en les dotant de "permis temporaires de séjour" valables trois mois ce qui, selon elle, les obligerait à les accueillir…
Lesdits partenaires, en particulier l’Allemagne, l’Autriche et la France, n’ont guère apprécié ce chantage et l’ont clairement exprimé le 11 avril, à Luxembourg, lors d’une réunion du Conseil des ministres de la Justice et de l’Intérieur, au représentant italien, Roberto Maroni – membre éminent de la Ligue du Nord, un parti régionaliste et xénophobe.
"Nous ne pouvons accepter que de nombreux migrants économiques viennent en Europe en passant par l’Italie. C’est pourquoi, nous attendons de l’Italie qu’elle respecte les règles juridiques existantes et fasse son devoir", a lancé le ministre allemand de l’Intérieur, Hans-Peter Friedrich, qui s’est dit prêt à rétablir des contrôles aux frontières intérieures de l’UE. Le Français Claude Guéant a annoncé dans la foulée qu’il allait renforcer les contrôles à la frontière franco-italienne afin de renvoyer de l’autre côté des Alpes les clandestins tunisiens. Pas question, donc, de céder au chantage italien. Maroni a laissé éclater sa colère et a franchi un pas de plus dans l’escalade verbale : "L’Italie est laissée seule. […] Je me demande si cela a vraiment un sens, dans cette position, de faire partie de l’UE."

"De la pure agitation électoraliste"

"Tout cela, c’est de la pure agitation électoraliste, en Italie, mais aussi en France", estime Patrick Weill, directeur de recherche au CNRS et spécialiste de l’immigration. "Car il n’y a pas d’arrivée massive, contrairement à ce qu’affirme le gouvernement italien et ce que laissent croire les images spectaculaires provenant de l’île de Lampedusa", porte d’entrée de la plupart des sans-papiers tunisiens.
De fait, depuis la révolution tunisienne, en janvier, 25 800 personnes ont débarqué sur les côtes italiennes, ce qui est très peu au regard de la situation économique en Tunisie et de la guerre en Libye. Ce chiffre est d’autant moins spectaculaire en ce qui concerne la Botte, que l’Italie – devenue terre d’immigration – a régularisé, en plusieurs vagues, plus d’un million de sans-papiers ces dernières années. La dernière opération de ce genre date de 2009. "Il n’y a en réalité aucun 'fardeau' à partager, ironise Patrick Weill, cet afflux est dans la norme et gérable."
Mais Rome veut faire de cette question un problème européen, en laissant croire que l’UE est une passoire. Elle fait ainsi coup double en flattant à la fois la xénophobie et l’euroscepticisme d’une partie de l’électorat italien. Or, contrairement à ce que le gouvernement Berlusconi affirme, la délivrance de titres de séjour temporaire ne permet pas de s’installer librement dans un autre pays de l’Union, comme l’a rappelé la Commission européenne, furieuse de ce détournement des règles.
En effet, si une directive de 2003 accorde un droit de séjour aux étrangers non communautaires dans l’ensemble de l’UE, c’est à condition qu’ils aient un titre de longue durée (et non de trois mois) et qu’ils aient les moyens de subvenir à leur besoin (travail ou économies). De même, si un étranger non communautaire en situation régulière a le droit de circuler librement dans l’UE, c’est aussi à condition qu’il en ait les moyens. Des étrangers munis de simples autorisations temporaires de séjour et n’ayant pas d’argent pourront donc être renvoyés dans le pays de premier accueil, en l’occurrence l’Italie…

Une nouvelle coopération des autorités tunisiennes

Le fait que les contrôles fixes aient été supprimés entre les Etats membres de l’espace Schengen ne signifie pas non plus que les Etats ont renoncé à tout contrôle : les contrôles mobiles sont parfaitement légaux et, en cas de menace à l’ordre public ou à la sécurité publique, les frontières peuvent être temporairement rétablies. Bref, Claude Guéant sait qu’il joue sur du velours en affirmant qu’il utilisera "tous les moyens de droit pour faire respecter la convention de Schengen".
L’Italie est d’autant plus mal venue de critiquer ses partenaires que Frontex peut l’aider à gérer ses frontières. Cette agence européenne permet, en effet, de mutualiser les moyens des différents Etats membres en cas de problème. C’est déjà largement le cas aux frontières orientales de l’UE.
D’ailleurs Guéant et Maroni ont convenu, vendredi à Rome, "d’organiser des patrouilles communes sur les côtes tunisiennes pour bloquer les départs", et ce, dans le cadre de Frontex. Enfin, l’UE, qui a promis d’aider financièrement la Tunisie à gérer sa transition, va exiger en contrepartie une coopération des nouvelles autorités dans la lutte contre l’émigration clandestine, ce qu’elles ont déjà commencé à faire. Beaucoup de bruit pour rien ?


Vu d'Italie

Les Européens sourds aux appels de Rome

Les Européens sourds aux appels de Rome
Sorti bredouille du Conseil des ministres de l'Intérieur et de la Justice de l'UE de Luxembourg, où il avait réclamé la solidarité des partenaires européens dans l'accueil des milliers de migrants débarqués en Italie ces dernières semaines, le ministre italien de l'Intérieur Roberto Maroni a affirmé qu'il valait mieux "quitter l'UE", rapporte La Stampa. Ses confrères ont également critiqué la décision italienne d'accorder des permis de séjour temporaires aux migrants pour soulager les camps de rétention italiens surchargés. "22 000 réfugiés indésirables sont-ils suffisants pour gâcher en l'espace de 48 heures des dizaines d'années de construction européenne ? " se demande le quotidien turinois. Pour La Stampa en effet, la proposition italienne "a mis en avant les nouvelles angoisses profondes de l'Europe des gouvernements. On a en effet l'impression que la perspective de devoir accueillir les migrants crée davantage d'inquiétudes que de payer le sauvetage financier de la Grèce ou du Portugal". Son confrère Il Sole 24 Ore estime toutefois qu'il ne faut pas parler d'"égoïsmes nationaux", car "cette fois, les Européens ne sont pas en ordre dispersé : les Français et les Allemands ont fait bloc, avec le soutien du Royaume-Uni. Plus que d'égoïsmes nationaux, il faudrait plutôt parler d'un pacte continental, ou mieux, nord-européen, dont l'Italie est restée exclue, trop faible sur le plan politique pour faire valoir ses raisons". L'humiliation de l'Italie s'explique également par l'absence de Silvio Berlusconi : le chef du gouvernement est occupé par son procès à Milan pour prostitution de mineure et abus de pouvoir. "Dans des conditions normales, l'Italie aurait négocié au niveau des chefs de gouvernement un compromis honorable. Cela n'a pas été le cas et nos représentants ont été laissés seuls".

L’islam, une épine dans le pied de l’Europe

Tandis que la communauté musulmane française a perçu le débat sur la laïcité organisé par l'UMP comme une attaque contre l'islam, la gauche y a vu une manoeuvre électoraliste pour récupérer des voix au FN. Mais ne pas débattre de la laïcité revient à faire le lit des extrémistes en Europe, assure un éditorialiste polonais. 

Abderrahmane Dahmane, ancien conseiller du président Sarkozy pour la diversité, a déclaré que l’islam en France était devenu un “objet de stigmatisation”. En signe de protestation, il a entrepris de distribuer des étoiles vertes à ses coreligionnaires, en souvenir des symboles que les juifs d’Europe avaient dû porter pendant la Seconde Guerre mondiale.
La campagne de l’étoile verte n’est pas tant la preuve de la stupidité de son auteur que de son insolence crasse, d’autant plus que ce seraient plutôt les Français qui pourraient se sentir mal à l’aise dans certains quartiers de leurs villes, confrontés à des bandes de jeunes Algériens et Marocains.
Quant à la notion de “stigmatisation”, elle paraît grotesque, quand on voit comment les catholiques sont tournés en ridicule sur les bords de la Seine et dans bien d’autres pays d’Europe de l’Ouest. Ce n’est pas à la Grande mosquée de Paris, mais dans la cathédrale Notre-Dame qu’un groupe d’activistes gays a orchestré une "cérémonie de mariage" homosexuel il y a six ans, au cours de laquelle le pape Benoît XVI a été insulté.
Le débat sur la laïcité se concentre effectivement sur l’islam. Mais il porte aussi sur l’avenir de l’islam dans toute l’Europe. Le parti de Sarkozy s’interroge sur des questions concrètes qui concernent également l’Italie, les Pays-Bas et la Suède. Que faire des musulmans qui organisent des prières de masse dans les rues des villes ? Faut-il proposer des repas halal dans les cantines scolaires ? Que faire des élèves originaires d’Afrique du Nord qui protestent contre les leçons sur l’Holocauste, qui n’est selon eux qu’une invention des sionistes ? Les piscines publiques devraient-elles prévoir des horaires séparés pour les jeunes musulmanes ?
Pour la gauche européenne, toute tentative de débattre de ces problèmes n’est que l’expression du racisme, pour les musulmans radicaux, c’est de la stigmatisation. Mais si l’on n’en débat pas, voilà ce qu’il adviendra : d’ici une dizaine d’années, la majorité des pays du Vieux Continent seront gouvernés par les clones de Marine Le Pen et Geert Wilders.

 Le commentaire politique de Christophe Barbier




Pour saluer Jean-Louis Trintignant

La nouvelle était tombée comme une petite bombe d’indécence : l’annonce que Bertrand Cantat, la brutasse qui a tué Marie Trintignant, allait se produire au Festival d’Avignon, puis en 2012 à Montréal (1). Dans une pièce fagotée par le metteur en scène libano-québécois (sic) Wajdi Mouawad, Des Femmes (une compilation de trois pièces de Sophocle).

L’apprenant, le père de la victime de Cantat, Jean-Louis Trintignant, qui est lui-même programmé à Avignon, pour le spectacle Trois poètes libertaires du XXe siècle, avait immédiatement réagi :

— Je ne peux pas accepter de dire des poèmes dans le cadre du Festival alors que Bertrand Cantat va s’y produire. Je ne comprends pas cet homme. Je ne comprends pas qu’il puisse se présenter sur une scène cet été à Avignon (…). C’est un homme que je déteste. Il s’est conduit comme une merde et il est l’homme que je déteste le plus au monde.

Une prise de position confirmée par un communiqué de son agent, Olivier Gluzman : « Refusant d’être programmé à une manifestation où se produit également l’homme qui a tué sa fille, le comédien Jean-Louis Trintignant (…) a décidé d’annuler la représentation. »

Même levée de bouclier du côté canadien. Présidente du Conseil du statut de la femme, Christiane Pelchat déclare que la présence de Cantat sur scène reviendrait à « banaliser la violence faite aux femmes. » Même refus de la part de Gérard Detell, leader de l’Action démocratique du Québec : « Cantat n’est pas le bienvenu au Québec. Sous aucun prétexte. » Et de la directrice du Théâtre du Nouveau Monde où Wajdi Mouawad doit se produire, Lorraine Pintal : « Il est assuré que Bertrand Cantat ne jouera pas sur les scènes du Québec et du reste du Canada. Il va de soi que, s’il y avait une demande de sa part pour fouler le sol du Canada, ce permis ne serait pas accordé. » En effet : interdit de séjour au Canada en raison de sa condamnation, Cantat devrait obtenir une dérogation pour passer la frontière.

Cette mobilisation a payé. Cantat annonce qu’il renonce à se produire sur scène à Avignon. Bertrand Cantat fait cale. Bertrand Cantat fécal. On ne saurait mieux résumer le dégoût que nous inspire – et, a fortiori, au père de sa victime – ce tabasseur qui, au lieu de se faire oublier, prétendait s’afficher sur scène. Et, de surcroît, dans une pièce intitulée Des Femmes.

Inutile de dire que les mangiacagas du show-biz et des médias s’étaient mobilisés pour défendre la petite frappe : « Il a déjà été jugé. On ne va pas lui interdire de vivre. » Ah bon ? Sauf que, en d’autres temps, Cantat aurait pu être condamné à mort (alors qu’il n’a fait qu’un temps de prison très symbolique) pour ce qu’il a fait. Que c’est lui, et personne d’autre, qui a interdit de vivre à Marie Trintignant. Cantat sur les planches et Marie Trintignant entre quatre planches ? Il y avait là une indécence heureusement corrigée.

(1) Et aussi au Théâtre des Amandiers (qu’on devrait rebaptiser « des Maronniers » pour le coup…) à Nanterre, en novembre prochain.

Tirs nourris d’hypocrisies

Ce n’est pas une nouveauté ivoirienne: le mensonge fait partie intégrante de la diplomatie. Encore faut-il qu’il soit crédible dans la bouche de ceux qui le profèrent avec un talent d’arracheurs de dents, et que ceux qui le dénoncent ne fassent pas semblant d’y croire sur le grand air du secret d’État. Hier, cette délicate figure de style a été ridiculisée par les uns comme par les autres. Au regard de cette séquence, on ose espérer que la majorité comme l’opposition travailleront un peu leur art du camouflage sémantique car la prestation a été proche du risible, ce qui est toujours embarrassant quand la situation est grave. S’il faut mentir, autant le faire bien. C’est un devoir aux yeux de l’Histoire...

Mais qui pourra croire le Premier ministre sans sourire quand il affirme que les soldats français sont sagement restés sur le seuil de la demeure de Laurent Gbagbo? Alors, c’est ça, ils ont dit, comme dans un sketch des Inconnus: «Ça ne nous regarde pas», on n’y va pas, et ils ont détourné pudiquement les yeux? François Fillon joue sans doute sur le mot «soutien» tant il apparaît clair que l’appui des troupes françaises a été décisif pour faire tomber l’ancien président ivoirien.

Soyons clairs: la France n’avait pas le choix. Elle a pris ses responsabilités en mettant les mains dans le cambouis et elle a été logique avec sa stratégie en finissant le travail à Abidjan. Mais qui le chef du gouvernement pense-t-il abuser en tentant de faire croire que la France n’est pour rien dans l’arrestation finale de celui qui a empoisonné les relations franco-ivoiriennes depuis dix ans? Tout le monde a bien compris à Paris comme dans toute l’Afrique qu’il n’est dans l’intérêt ni de l’ancien colonisateur, ni du président Ouattara de voir la main de la France derrière la chute de Gbagbo. Mais était-ce nécessaire de jouer à ce point les innocents sous couvert de neutralité onusienne? Les chefs d’État africains ont dû sourire en entendant cette langue de bois en teck massif, tellement énorme, qu’elle cache forcément quelque chose.

L’opposition n’est pas en reste. Pour avoir exercé le pouvoir, la gauche sait parfaitement que M. Juppé ne pouvait pas dire la vérité et claironner partout que la France avait fait ce qu’il fallait jusqu’au bout pour arriver à déboulonner Gbagbo. Le quai d’Orsay n’allait tout de même pas tirer une balle dans le pied de son protégé Ouattara, qu’il avait eu tant de mal à porter jusqu’au pouvoir.

Les gesticulations auxquelles on a assisté à Paris ne sont que des postures d’amateurs. Sauf une: pourquoi le pouvoir exécutif persiste-t-il à mettre systématiquement le parlement hors-jeu sinon pour lui faire approuver le fait accompli? Un débat - un vrai celui-là - serait pourtant justifié pour faire réfléchir la représentation nationale sur la place de la France, qui reste à trouver, dans l’Afrique du XXI e siècle.

Des trublions dans la campagne

Quel jeu pratiquent Nicolas Hulot, l'écolo-social, et Jean-Louis Borloo, le social-écolo ? Personnages politiques atypiques, on a peine à les imaginer assez suicidaires pour se lancer dans une aventure sans lendemain, fût-ce au nom de vraies convictions.

En passant de témoin médiatique à acteur politique, le créateur d'Ushuaïa va vite découvrir qu'une cote d'amour ne se traduit pas mécaniquement en intentions de vote. Pour Nicolas Hulot, peu habitué à ce qu'on le critique et peu rompu à la dureté d'une campagne, les déboires pourraient commencer aujourd'hui, avec l'annonce de sa candidature.

À gauche, la concurrence qu'il représente au premier tour et ses amitiés de droite vont en indisposer plus d'un. À droite, son attelage avec Eva Joly lui vaudra quelques sarcasmes et des demandes d'explications de l'UMP qui considère avoir exaucé ses souhaits de 2007 à travers le Grenelle de l'environnement. Chez Europe-Écologie, il reste à démontrer que la greffe peut prendre entre un homme épris d'indépendance et une turbulente famille d'adoption, aux règles compliquées et à l'électorat volatile.

Bref, pour un bébé dauphin de la politique, l'océan de la présidentielle est immense. Pourtant, après avoir soldé ses contrats avec TF1 et organisé l'autonomie de sa fondation, Nicolas Hulot a franchi un point de non retour et forcément flairé toutes sortes d'abysses. S'il persiste à écrire le chapitre politique de sa vie, parions que son aura et sa quête d'efficacité le guideront vers un futur gouvernement écolo-compatible.

Le pari de Borloo

Pour Jean-Louis Borloo, l'aventure est plus incertaine encore. En fédérant les centres hors de l'UMP, il prend le risque de dévitaliser le parti présidentiel déjà concurrencé par Marine Le Pen et affaibli par la distance critique instaurée par Christine Boutin, Philippe de Villiers, Nicolas Dupont-Aignan, Dominique de Villepin, Hervé Morin, François Bayrou... La droite, qui ironise un peu facilement sur la primaire socialiste, semble tout faire pour transformer le premier tour de 2012 en finale éliminatoire.

Avec un Front national à un haut niveau, Jean-Louis Borloo, mais aussi Dominique de Villepin qui présente son programme demain, prendraient le triple risque de s'isoler - on comptera les députés UMP qui oseront les suivre avant les législatives - d'empêcher leur camp d'accéder au second tour et d'emmener droit dans le mur ceux que leur panache séduit.

Accélérateurs de défaite, bouées de sauvetage, mouches du coche ou simples guetteurs d'aubaines ? Jean-Louis Borloo et ses amis font le pari que Nicolas Sarkozy peut perdre et que le clivage idéologique entre une UMP droitisée et une large alliance républicaine, écologiste et sociale est tellement cristallisé que leur électorat, de toute façon, ne voterait pas pour le président sortant.

Sauf si Nicolas Sarkozy renonçait à se présenter - tabou levé depuis la semaine dernière - il sera intéressant de voir, à l'heure des choix, si « l'horloger de Valenciennes », constant allié de la droite et ministre pendant neuf ans, lève l'ambiguïté. On ne fait pas trébucher celui dont on souhaite la victoire. D'ailleurs, hier, on l'a vu applaudir l'appel à l'unité lancé par François Fillon. Comprenne qui pourra !



La chute de Gbagbo et l'increvable Françafrique