Pour quiconque aime l’Europe et espère trouver en elle une partie de l’avenir de la France, l’installation d’une nouvelle Commission est un événement : succédant à une équipe Barroso accusée de tous les maux, la Commission Juncker réunit de solides qualités parmi lesquelles une naissance sous les meilleurs auspices : pour la première fois en effet, le président et ses vingt-sept membres ont reçu, directement ou indirectement, l’onction du suffrage universel. Leur légitimité initiale est donc forte.
D’où vient cependant cette impression de malaise, cette sensation que l’équipe ne part pas avec les meilleures chances ? De la personnalité de certains commissaires, bien sûr, au premier rang desquels se trouve Pierre Moscovici, sorte de Vidocq bruxellois, arnaqueur budgétaire lorsqu’il était ministre en France devenu flic communautaire une fois installé en Belgique. Mais comme il n’est pas le seul commissaire à se retrouver ainsi dans un étrange contre-emploi, on flaire la manœuvre. Et si l’habileté était ce qui manquait le plus au président Barroso, elle risque d’être la première faiblesse de Jean-Claude Juncker. Homme de compromis, spécialiste des combinaisons arrachées au bout de la nuit bruxelloise, le nouveau patron des Vingt-huit symbolise en effet tout ce que l’Europe est capable de produire comme petits arrangements entre pays. Ce n’est pourtant pas de demi-mesures, de plans de relance imaginaire ou d’armistices bancals sur les dossiers les plus conflictuels (la discipline budgétaire, la liberté de circulation et la politique migratoire) dont les Européens ont besoin pour retrouver le goût de l’Union, mais d’une vraie vision. Si la nouvelle équipe est là pour zigzaguer en cherchant à ne mécontenter personne sans parvenir à satisfaire quiconque, nous Français, aurons l’impression d’avoir déjà donné, avec les résultats que l’on sait.