Faut-il manifester ou se taire ? Défiler ou baisser la tête ? C’est l’impossible dilemme auquel sont confrontés les patrons, en cette semaine de mobilisation des chefs d’entreprises. Tout, en réalité, devrait les conduire à descendre dans la rue. Ulcérés par la politique gouvernementale et son décalage avec le discours officiel néo-caressant, inquiets de voir leurs carnets de commandes et leurs perspectives immédiates désespérément gris, ils savent bien que leur métier devient de plus en plus difficile puisque chaque jour apparaît une nouvelle entrave, compte pénibilité, loi Hamon, contrôle des stagiaires, prélèvements et taxes à foison.
Pourtant, battre le pavé derrière des banderoles n’est pas leur genre, ni leur tradition. D’ailleurs chaque manif patronale soulève un concert de protestations faussement scandalisées de la part du pouvoir. Comme si les salariés avaient un droit fondamental, celui de faire grève et de manifester, et les patrons un devoir absolu, celui de tout avaler. Etrange conception de la démocratie.
Plutôt que de répéter dans le vide et sans craindre de provoquer un grand éclat de rire dépité, qu’ « aucun gouvernement n’a jamais fait autant pour les entreprises », la majorité ferait bien de prendre au sérieux cette tension qui exaspère le milieu des chefs d’entreprises. Et de ne pas trop jouer sur la gêne des organisations patronales, écartelées entre la volonté de garder le contrôle de leur base et la peur d’en subir la pression, divisées entre le respect du paritarisme et le sentiment de participer à un grand jeu de dupes.
Il y a, dans le monde de l’économie, deux populations qui ne font jamais grève : les chômeurs et les patrons. Oublier les uns ou mépriser les autres pour cette raison qu’ils n’occupent pas la rue serait une faute lourde.