« Si on cède sur les mots, on finit par céder sur les choses ». C'est Freud qui le disait. C'est la V e République qui en fait la malheureuse démonstration, à travers ses émissaires présidentiels.
Chercheur au CNRS, Damon Mayaffre a passé à la moulinette d'un logiciel 700 discours de présidents depuis la création, en 1958, de la V eRépublique. Soit environ 200 millions de mots. Conclusions : le langage présidentiel s'appauvrit en même temps qu'il s'éprend du je, au fil des années.
Il est loin le temps où le chef de l'État (Charles de Gaulle) parlait à la première personne du pluriel, nous, ou déclarait : la France. Le tournant s'est opéré avec François Mitterrand. Au hit-parade des mots distinctifs de ses allocutions, je, me, penser, moi, dire devancent nationalisation, Europe,socialiste.
Mais le champion inégalé reste Nicolas Sarkozy avec un choc des chiffres : 305 je veux en 5 ans contre 29 pour De Gaulle en une décennie. Hollande en était à 74 au 1 er janvier dernier, selon l'universitaire. Mais le président en exercice se donne de la peine. Lors de ses v'ux, il a cumulé 32 je en dix minutes et 22 secondes.
Si Hollande est meilleur en grammaire et richesse lexicale que son prédécesseur, il poursuit le travail de personnalisation de la fonction présidentielle, sa désacralisation, sa simplification.
Imprudences à scooter, propos off tenus cravate desserrée et exhumés par un mouchard… On relâche ses mots comme on relâche ses actes.