TOUT EST DIT

TOUT EST DIT
ǝʇêʇ ɐן ɹns ǝɥɔɹɐɯ ǝɔuɐɹɟ ɐן ʇuǝɯɯoɔ ùO

samedi 30 août 2014

La femme indigène, fantasme colonial

« Bons baisers des colonies » expose les images stéréotypées des femmes indigènes produites par les colons pour assouvir leurs fantasmes ou leur curiosité. Visite guidée avec la commissaire de l'exposition présentée aux Rencontres d'Arles.
Elles posent, seins nus, droites ou docilement assises. Les femmes indigènes ont longtemps fait figure d'attraction sur les cartes postales que les colons envoyaient à leurs familles restées en France. Ces photographies pleines de grâce ont pourtant répandu des représentations erronées de ces femmes. Inventées pour répondre à la curiosité ou au fantasme d'une société occidentale centrée sur le désir de l'homme. Ainsi, le colon exhibe sa concubine d'Indochine, les seins des femmes du Maghreb et les corps noirs des femmes « sauvages » d'Afrique. C'est cette violence coloniale que montre l'exposition « Bons baisers des colonies », au programme des Rencontres d'Arles jusqu'au 21 septembre. Rencontre avec Safia Belmenouar, commissaire de l'exposition.
Lefigaro.fr/madame. Comment ont été construites ces images biaisées et stéréotypées des femmes des colonies dans les cartes postales ?
Safia Belmenouar.
 Les registres de représentation et de fantasme changent selon les aires géographiques. Pour l’Indochine, les colons considèrent qu’il y a une histoire, une civilisation plus proche d’eux. Le terrain du fantasme n’est pas le même puisque les Asiatiques vivaient souvent en ménage avec le colon, dont la femme était restée en métropole dans un premier temps. La congaï apportait sa connaissance du pays. Leur union était installée mais un peu cachée. Puis, quand les femmes des colons ont rejoint leurs maris en Indochine, ces congaïs ont été répudiées. En Afrique noire, les cartes postales présentent des plans serrés, de plein pied, on est dans un registre anthropologique qui suscite la curiosité, la fascination voire la répulsion à cause de la couleur de peau. Tout cela est trop différent pour susciter le fantasme des colons. Au Maghreb, où les femmes et les hommes sont séparés, l’union avec un colon était très mal vue. On est dans l’idée d’une société qui se refuse, qui se dérobe.

En images : les cartes postales stéréotypées des femmes dans les colonies

D’où le fantasme de pénétrer dans un lieu inaccessible : le harem…Oui. En toile de fond, la peinture orientaliste du XIXe siècle avait déjà offert un terreau fertile à cette représentation et à ce stéréotype. Ces cartes postales en sont la déclinaison photographique, en quelque sorte. La mise en scène de la femme « mauresque » joue des mêmes codes orientalistes, en les accentuant. On retrouve les tapis, les narguilés comme alibis ethnologiques, puis les poses d’odalisques. Pour le colon, il suffirait de passer la porte pour  retrouver ces femmes. En réalité, ce genre de harem n’existe pas.
D’autres éléments ont-ils été inventés pour répondre à ce fantasme ?Les seins nus sont l’élément le plus prégnant et visible de la femme mauresque inventée. Elle est représentée de deux façons : voilée et dénudée, l’une étant l’envers de l’autre. On montre ainsi un attribut érotique purement occidental, dont il n’est pas question dans la culture maghrébine. Ce dénudement est une forme de violence vis-à-vis d’une culture qui distingue fortement espaces public et privé.  

"Ces femmes nues qui nous attendent au Maghreb"

Existent-ils des cartes postales mettant en scène des hommes ?Oui, mais elles représentent plutôt des paysans ou des petits métiers, des scènes typiques de la vie quotidienne.
Quels étaient les auteurs et les destinataires de ces cartes postales ?Tout le monde. Quand on lit les messages au dos, ils n’ont aucun rapport avec l’image. La carte postale est juste une missive parmi d’autres entre les gens des colonies qui envoient des nouvelles à la famille restée en métropole. Quelques-unes semblent dire tout de même : « regardez ces femmes nues qui nous attendent au Maghreb ».
Cette pratique va-t-elle perdurer jusqu’à la fin des colonies ?La circulation des cartes postales coloniales connaîit son apogée vers 1930. Certaines réalisées en 1910 sont rééditées, avec d’autres couleurs et figent ainsi la représentation que l’on a des colonies pendant vingt, trente ans. Puis la production diminue et à la fin de la seconde guerre mondiale, elles se font plus rares. Les colonies commencent à demander leur indépendance, on change de représentation.
Comment avez-vous trouvé et réuni ces cartes ?Le marché de la carte postale possède bien des sous-catégories… Les coloniales sont faciles d’accès : on en trouve encore au marché aux puces ou sur eBay. C’est ainsi que je les ai collectionnées. Ce qui est amusant, c’est que le prix diffère selon le type d’image. Et évidemment, les femmes mauresques dénudées sont les plus chères.

A La Rochelle, les socialistes en perte de repères

A peine remis de la crise politique qui a ébranlé le gouvernement, les socialistes ont fait leur rentrée vendredi à l’université d’été de La Rochelle. Certains dirigeants ne cachent pas leur désarroi.
Le constat vient d’un ponte de la majorité : "Tout part en vrille. En une semaine, il y a eu un enchaînement de conneries. Tout le monde en veut à l’exécutif." La rentrée des socialistes à La Rochelle est amère. Difficile de se remettre de la crise politique qui a secoué le gouvernement quatre jours plus tôt. Personne ne s’attendait à voir Arnaud Montebourg et Benoît Hamon quitter ainsi le gouvernement. "C’est un énorme gâchis", concède un proche du Premier ministre. "On se tire des balles dans le pied tous seuls", soupire un député. La parenthèse est désormais fermée et les leçons ont vite été tirées. Plus une tête ne doit dépasser. "Finies les tergiversations, on n’a plus le droit", prévient un proche de Manuel Valls. "Il faut qu’on revienne à la sérénité", plaide un ministre, sans avoir l’air de trop y croire.

"Valls a clairement une ligne sociale-libérale"

Sur la forme comme sur le fond, les départs de deux ministres de l’aile gauche du PS ont rebattu les cartes. L’arrivée d’Emmanuel Macron au ministère de l’Economie suivie de la déclaration d’amour de Manuel Valls aux entreprises devant le Medef a relancé le débat sur la ligne incarnée par le gouvernement. Sociale-démocrate ou sociale-libérale? "Manuel Valls a clairement une ligne sociale-libérale", tranche une ministre, qui a du mal à se reconnaître dedans. "C’est un faux débat, il est social démocrate", répond en écho un proche du Premier ministre. Le patron du parti, Jean-Christophe Cambadélis a choisi son camp : "Le social-libéralisme, ce n'est ni notre langage, ni notre culture, ni notre tradition. Nous pouvons moderniser le pays sans nous renier. C'est la ligne que je défendrai." Le congrès du Parti socialiste, qui pourrait avoir lieu courant 2015, permettra de trancher la question. Et de connaître les poids de chaque courant au sein du PS. Les frondeurs, les aubryistes, les hamonistes, les amis de Pierre Moscovici sont autant de sensibilités qui veulent peser dans le débat. Chaque courant se réunit de part et d’autres de La Rochelle.

"Sortir de l’entre soi"

Dans ces conditions, Jean-Christophe Cambadélis tente comme il le peut de tenir la boutique socialiste. "Il est temps que les socialistes sortent de l’entre soi, de leur bulle", a-t-il lancé vendredi lors d’une conférence de presse. Le premier secrétaire a annoncé des états généraux du parti, qui se tiendront jusqu’en décembre. "Nous allons changer l’organisation de fond en comble", a-t-il prévenu. "S'il faut surmonter nos difficultés, il ne faut pas tuer le débat. Le PS reste un lieu de débats", a assuré le patron de la rue de Solférino, à ceux qui en doutaient. "La vertu de ces états généraux, c’est qu’il n’y a pas de vote derrière, donc ça permettra d’aller au bout des discussions", espère un ministre.
Dimanche, dans son discours de clôture, Manuel Valls devrait appeler à l’unité et au rassemblement. Le Premier ministre pourrait annoncer des mesures pour le pouvoir d’achat. "Il va causer aux Français, redonner du sens et de la cohérence à une politique de gauche raisonnable", explique-t-on dans l’entourage du chef du gouvernement. Plusieurs ministres resteront pour l’écouter. Certains feront même l’aller-retour de Paris. "Je n’avais pas prévu de venir mais vu la période, il me semble utile que des membres du gouvernement soient là", explique une ministre. Un autre quittera la Rochelle dès le samedi soir : "Il y aura les fayots, ça suffit." 

Les pendules à l’heure

Et revoici les combattants de la… 36 heure ! Ceux qui, après la bataille des 35 heures, remettent sur le tapis la question de la suppression de la loi Aubry. La mèche a été rallumée par Emmanuel Macron, le sémillant ministre de l'Économie, dans une interview publiée hier par Le Point. Notre « Mozart de la finance » aurait commis un couac monumental en menant la charge contre les 35 heures. Du moins est-ce ce que des commentateurs empressés ont retenu des propos d'Emmanuel Macron, pour mieux monter en épingle ce premier couac du gouvernement Valls 2.
En vérité, qu'a donc déclaré Emmanuel Macron dans cette interview antérieure à une nomination dont il prétend qu'il ne savait rien ? Il suggérait que nous puissions « autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d'accords majoritaires, à déroger aux règles sur le temps de travail et les rémunérations ». Pas de quoi pousser des cris d'orfraie, sauf à vouloir gonfler la bulle médiatique. C'est d'autant plus excessif que Matignon a démenti toute remise en cause… tout en disant à peu près la même chose.
Tout au plus peut-on considérer cette interview comme inopportune, même si elle est intervenue dans un timing que l'intéressé ne maîtrisait pas. Il est sûr qu'au lendemain de la « déclaration d'amour » de Manuel Valls à l'université du Medef, cette prise de position pouvait constituer la goutte d'eau faisant déborder le vase. Surtout chez ceux qui, dans ces périodes de révision des dogmes, assimilent le vocabulaire social-libéral à de l'hébreu.
Tout cela est d'autant plus dérisoire que le débat date d'un autre temps. Après les nombreux aménagements intervenus depuis l'an 2000, la loi Aubry n'est plus qu'un totem autour duquel se prosternent les nostalgiques d'une gauche chimérique. Mieux vaut éviter de réveiller les vieilles querelles puisque personne, à droite, n'a eu le courage de briser le tabou pour aborder dans un climat ouvert les lourds dossiers à venir sur l'assouplissement du marché du travail. Il est temps, pour s'en sortir, que tout le monde mette les pendules à l'heure.

Macron, dragon des 35 heures ?

Le gouvernement Valls 1 (137 jours) a terminé sa brève existence dans un formidable couac : celui de son ministre de l’Economie, dont la cuvée du redressement, après son cuvage à la Fête de la rose (un rose qui tâche) de Frangy-en-Bresse s’est transformée, en arrivant à Matignon puis à l’Elysée, en vin de la colère. Le sulfureux vigneron Montebourg entraînant dans sa disgrâce les ministres de l’Education et de la Culture. « On va faire péter les bouchons », s’était targué l’organisateur de la fête en s’enivrant de mots. Les bouchons ont effectivement sauté : Montebourg s’en est pris un en pleine figure, tout comme son invité Benoît Hamon et sa pourtant lointaine « supporteur » Aurélie Filippetti.
Le gouvernement Valls 2, après le couac fatal de Valls 1, commence, deux jours à peine après son avènement, par un autre couac. Son auteur en est le nouveau ministre de l’Economie, Emmanuel Macron, qui s’en prend, dans un entretien qu’il a accordé au Point (la veille de sa nomination à Bercy) aux sacro-saints 35 heures : « Nous pourrions autoriser les entreprises et les branches, dans le cadre d’accords majoritaires, à déroger aux règles de temps de travail et de rémunération. » Une suggestion marquée au coin du bon sens, partagée aujourd’hui par à peu près tous les économistes. Mais pas par la gauche de la gauche, dont le bon sens n’est pas le fort.
Dès l’intronisation d’Emmanuel Macron, la gauche marxisante a souligné avec aigreur le passage du nouveau ministre de l’Economie à la banque d’affaires Rothschild. En oubliant sans doute un peu vite que l’un de ses parangons, Henri Emmanuelli, venait lui aussi, tout comme Emmanuel Macron, de la même banque Rothschild. Le reproche n’est certes pas nouveau. En 1962, lorsque le général de Gaulle avait nommé Georges Pompidou, ex-fondé de pouvoir de la banque en question, à Matignon, Le Canard enchaîné avait publié une manchette assassine : « RF = Rothschild Frères ? » Le genre d’interrogation qui, formulée par Présent, nous vaudrait sans doute, 50 ans plus tard, d’être poursuivi pour antisémitisme…
D’autres retraités de la banque, d’un niveau certes plus modeste, ont milité ou continue de militer à l’extrême gauche. La plus célèbre étant bien sûr Arlette Laguiller, aujourd’hui également retraitée de la politique. Ou comme, actuellement, l’agitateur de la gauche radicale, Alain Pojolat, organisateur, entre autres faits d’armes, le 17 juillet dernier, de la manifestation pro-palestinienne interdite de Barbès. Les liens de la banque avec la politique, de droite et de gauche, voire d’extrême gauche, sont donc une vieille histoire. Macron comme bien d’autres…
Marche arrière

Ce dernier va-t-il être le dragon des 35 heures, crachant le feu sur elles jusqu’à les carboniser ? La fin des 35 heures, Manuel Valls l’envisageait aussi. Autrefois. En 2011, lors du débat de la primaire socialiste, il avait même fait de leur remise en question l’un des thèmes de sa campagne. Au grand dam de Martine Aubry et avec le résultat que l’on sait : 4,5 % des suffrages. C’est bien pourquoi aujourd’hui, pour ne pas mécontenter davantage un PS au bord de la crise de nerfs et toujours majoritairement opposé à l’augmentation du temps de travail, Manuel Valls s’est dépêché de désavouer son ministre de l’Economie : « Le gouvernement n’a pas l’intention de revenir sur la durée légale du travail à 35 heures. »
Surtout, pas de vagues avec les syndicats. Surtout ne pas défier davantage un PS dont le premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a rappelé dans Le Monde daté de vendredi, de manière assez comminatoire : « Arnaud Montebourg ne fixait pas la ligne économique du gouvernement. Il n’y a pas de raison qu’Emmanuel Macron la fixe davantage. Laissons-le travailler, mais je fais une remarque générale : le social libéralisme ne fait pas partie ni de notre vocabulaire, ni de notre tradition. » A bon entendeur, salut…
Cambadélis ajoute par ailleurs : « Nous sommes dans une conjoncture de décomposition politique. (…) Fallait-il y ajouter une crise de l’exécutif ? Je ne le pense pas. Faut-il pour autant que la fermeté soit synonyme de fermeture ? Je ne le pense pas non plus. (…) Le PS doit être le lieu du débat. Je ne serai jamais pour la discipline des consciences, pour un PS caserne. » Avis à l’adjudant-chef Manu… La ligne claire réclamée par Hollande risque de connaître encore, du côté de la rue Solferino, quelques brouillages.
Le premier secrétaire du PS désapprouve donc la façon dont les deux chefs de l’exécutif ont traité le cas Montebourg, en lui cassant un peu trop rudement sur la tête les bouteilles de sa cuvée du redressement. 

Èloge des vieux

La jeunesse est à la mode. La France vit une crise sans précédent, crise économique, crise morale, crise politique enfin, quand le premier ministre est obligé de remanier son gouvernement en pleine rentrée pour cause de contentieux idéologique non soldé, mais ce qui frappe avant tout les commentateurs, c'est la jeunesse de la nouvelle équipe gouvernementale. À l'Économie, à la Culture, à l'Éducation, à la Ville, des ministres encore trentenaires ou tout juste quadras. Sur les écrans, l'image est belle. Et les mots qui l'accompagnent le sont plus encore: «dynamisme», «renouveau» Mais derrière l'affichage, il y a surtout l'aboutissement d'un processus idéologique qui caractérise l'époque contemporaine.
La nouvelle ministre de l'Éducation nationale n'a pas la moindre idée des problématiques qui font de ce ministère le cœur même du projet républicain. Et pourtant, l'on se souvient des paroles de Michel Rocard déclarant en 1991 que ce ministère est à ce point fondamental qu'un futur premier ministre devrait prendre en charge lui-même ce portefeuille. Mais peu importe qu'elle incarne l'air du temps dans ce qu'il a de plus convenu, Najat Vallaud-Belkacem est souriante, elle est jolie, l'image est belle. Et que dire de Fleur Pellerin, bonne technicienne sur les dossiers du numérique, mais dont les références culturelles se résument au karaoké et à quelques séries à la mode. Le patrimoine se portera bien.
Hors de question, bien sûr, de nier que «la valeur n'attend pas le nombre des années» et que l'on peut être parfaitement compétent à 40 ans (même si, en l'occurrence, ce n'est visiblement pas ce qui saute aux yeux quand on détaille le casting gouvernemental). Mais la compétence technique est une chose. Une autre est de savoir répondre à des enjeux qui sont ceux d'un pays au bord de la rupture.
Dans l'histoire politique récente, celle du XXe siècle (et les «jeunocrates» nous pardonnerons d'évoquer sous le vocable «récent» des temps qui renvoient à l'époque préhistorique d'avant leur naissance), les grandes crises ont été gérées par des vieux: Georges Clemenceau a 76 ans en 1917, Charles de Gaulle en a 50 en 1940 et 67 en 1958. Pourquoi? Parce qu'ils portaient une vision, une capacité à incarner la Nation, et que cette force est celle que donne d'abord la connaissance de l'Histoire et des Hommes.
Mais comment des esprits contemporains, pétris d'idéologie progressiste, pourraient effleurer un tel raisonnement? Par-delà même cette opposition entre compétences et vision, l'unique justification au fait de nommer des jeunes à la tête des ministères - à la tête de Radio France, à la tête de n'importe quelle autre entreprise, peu importe - repose sur le fait qu'ils sont jeunes. Sublime tautologie!
Dans un monde où le progrès est un  absolu, la jeunesse est une vertu. Elle n'est pas un âge transitoire dont on sort mécaniquement, et si possible en ayant acquis ce qui confère à tout homme un peu d'épaisseur, l'expérience. Non, la jeunesse est une valeur. Elle est l'instrument du règne généralisé du Bien, c'est-à-dire du moderne. Car l'un et l'autre se confondent. Un exemple? Ce quinquennat dont tout le monde comprend aujourd'hui qu'il a tué les institutions de la Ve République, pourquoi fallait-il l'adopter? Parce que c'était «moderne». Et que dire de l'argument lancé par une «professeur des écoles» à qui l'on demandait pourquoi ne pas adopter des méthodes d'apprentissage, comme la lecture syllabique, qui on fait leurs preuves, notamment auprès des enfants défavorisés: «Vous ne voudriez pas qu'on enseigne comme il y a cinquante ans!» L'individu raisonnable, à ce stade de la conversation, sent que toute tentative de dialogue devient superflue. On ne dialogue pas avec un mystique. On s'incline devant sa croyance.
Mais l'avantage de ces jeunes biberonnés à l'idée qu'ils sont l'avenir du monde et le rouleau compresseur qui renverra le monde ancien aux oubliettes de l'histoire, c'est que leur jeunesse implique avant tout qu'on s'est gardé de polluer leur esprit conquérant avec les vieilleries que sont la culture et les références anciennes. Karaoké et Game of Thrones, c'est quand même autre chose que ces vieilles carnes qui prétendaient avoir lu Montaigne, Stendhal ou La Princesse de Clèves. Ça évite, surtout, de freiner le mouvement naturel du monde, l'ordre des choses, par un scepticisme de mauvais aloi. Le jeune aime le monde tel qu'il est, il s'y adapte. Et pour cause, il n'a rien qui lui permette de penser qu'il pourrait être autre. Des mauvaises langues rappelleront que c'est pour cette raison que les régimes totalitaires se sont toujours appuyés sur la jeunesse pour faire advenir l'Homme nouveau. Mais ce sont de méchantes langues. Vieilles, sans doute.
Alors, réjouissons-nous de cette «nouvelle génération» qui accède au pouvoir et va mener le monde, elle qui a la chance d'être dénuée de cette affreuse faculté qui fait vieillir: la mémoire. Et oublions ainsi dans la célébration du «dynamisme» que la jeunesse aussi peut parfois être un naufrage.